Chapitre 6 : Le chocolat donne le tournis
C'était le soir, et il n'y avait personne dans le dortoir des Serdaigle. Personne, à part... une jeune fille brune et une jeune fille blonde, assises l'une en face de l'autre, sur le matelas d'un lit qu'elles avaient placé contre un mur, juste sous une fenêtre. La fenêtre était grande ouverte, et laissait passer l'air frais qui régnait au-dehors, ainsi que la douce lumière blanche qu'offrait la pleine lune. L'astre de la nuit éclairait ainsi, avec une efficacité surprenante, les deux jeunes sorcières et les devoirs qu'elles faisaient. Toutes deux avaient la tête plongée dans leur cahier, et un regard étonnamment sérieux, qui parcourait au fur et à mesure les lignes qu'elles écrivaient. Le silence des lieux n'était interrompu que par le grattement des plumes sur le papier. Aucune des deux ne parlait, évidemment trop concentrée dans ses devoirs.
C'était un mardi soir, et tous les Serdaigle étaient descendus dans la Grande Salle pour dîner. Il ne restait plus qu'elles dans le dortoir... Encore une fois, elles s'y étaient prises au dernier moment. Il fallait dire que c'était sur de la Divination qu'elles travaillaient... Pas très intéressant... Ce qui expliquait pourquoi elles s'attardaient dessus en tout dernier lieu. Mais, généralement, ne gardait-on pas le meilleur pour la fin ?
- On sera quel chour, demain ? demanda Axelle, en rompant enfin le silence.
- Mercredi 30 septembre, répondit Cat, d'une voix monocorde, et sans lever la tête de son cahier.
- Ahrr ! Merci ! Afec tout ce trafail, ch'ai fini par perdre la notion du temps ! Demain, c'est donc le chour où le professeur Lupin nous rend nos contrôles, c'est ça ?
- Oh ! Je t'en prie, Axelle ! s'exclama alors celle aux yeux marrons, avec un léger ton de frustration. Ne me parle pas de ce contrôle ! Tu sais très bien que je l'ai foiré.
- Tu dis touchours ça, et puis, finalement, tu les réussis quand même !
Cat ne répliqua que par un grognement de mauvaise humeur, qui semblait dire que ce contrôle-ci allait, pour cette fois, échapper à la règle, et être sévèrement noté.
- Oh ! Et puis ch'en ai marre ! s'écria finalement la blonde, en balançant sa plume sur le lit, d'une façon inattendue qui fit sursauter Cat. Ch'y comprends rien à son histoire d'interprétation des rêfes ! Che ne fais que des rêfes bizarres, qui n'ont aucune signification !
Cat renifla d'un air moqueur, et posa elle aussi sa plume, un peu moins tendue.
- Comme celui où tu as rêvé que tu jouais au Quidditch en volant sur un poireau et en lançant à tes coéquipiers une tomate à la place d'un Souafle ?
- Oui ! C'est ça ! Alors comment feux-tu que che troufe ce que tout cela feut dire ? Et la nuit dernière, ch'en ai encore fait un plus étranche. Ch'ai rêfé que ch'étais en cours de Potions, et que che faisais michoter de la confiture d'apricot dans mon chaudron. Et, à un moment, le professeur Rogue s'est ramené, a goûté ma confiture, et a dit qu'elle était très maufaise. Et, pour me le faire comprendre, il a pris mon chaudron, et me l'a renversé...
- Sur la tête... Logique..., termina Cat, en repensant à la mésaventure qui leur était arrivée lors du premier jour d'école.
- Et toi, à quoi as-tu rêfé, dernièrement ?
- Moi ? répéta la brunette, d'un air pensif, observant par la fenêtre ouverte la lune ronde et blanche, comme si cela allait l'aider à mieux réfléchir.
Elle resta ainsi quelques secondes, silencieuse et immobile, essayant de se remémorer les derniers rêves qu'elle avait faits. L'image type de la jeune fille romantique, qui regarde la lune d'un air mélancolique...
- Euh... Cat ? risqua Axelle, cassant un peu le tableau. Si tu as correctement fait le trafail que Trelawney nous a donné, normalement, tu defrais troufer, dans le chournal que tu tiens dans les mains, le résumé de tes rêfes les plus récents...
- Ah... Ben oui, c'est vrai, je suis bête ! rigola la brunette, en tournant, toute honteuse, les pages de son cahier.
Elle se pencha dessus et scruta attentivement les lignes qu'elle avait écrites ces derniers jours.
- Oh ! Tu le devineras jamais ! s'écria-t-elle, d'une voix hystérique, en relevant brusquement la tête de son cahier et en arborant un grand sourire. Pour la énième fois consécutive, j'ai encore rêvé que j'étais à un concert de Avada Kedavra !
Avada Kedavra, bien sûr... Qui côtoyait Cat était forcé de l'entendre parler plus d'une fois de ce fameux groupe de hard rock métal industriel qu'elle vénérait tant. Un groupe qui n'avait strictement rien à envier aux Bizarr'Sisters, ou à d'autres formations populaires de ce genre. Rien du tout ! Avada Kedavra faisait dans la démesure, dans la grandeur et dans le choc. Déjà, rien que le nom du groupe interpellait. C'était, en effet, dans l'intention de heurter la sensibilité que les musiciens avaient choisi comme nom de groupe la formule du sortilège de mort, et ce, juste après que Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ait assassiné les parents du célèbre Harry Potter, et ait été vaincu par ce dernier. Inutile de préciser que l'opinion publique en fut grandement interloquée. Voir un groupe de métal se former, en prenant inspiration de tels événements dramatiques, pour crier sur scène des furieux « Avadaaa Kedavraaa ! Un éclair vient vers moi ! » ne pouvait que bouleverser.
Et pourtant, les sorciers musiciens ne s'arrêtèrent pas là. Sur scène, leur style faisait peur et attisait la controverse. La guitariste, âgé d'une trentaine d'années, faisait sortir de son instrument magiquement amplifié (et donc non branché) des riffs aussi puissants que violents, d'une lourdeur parfois prenante, ou bien des solos entêtants. Il était également très charismatique : ses cheveux étaient rouge vif, ses yeux bleu délavé, et il était d'une carrure absolument impressionnante : il mesurait au moins un mètre quatre-vingt dix, et jouait la plupart du temps torse nu, révélant ainsi d'énormes muscles, parsemés de cicatrices et de morsures inquiétantes, parfois suintantes de sang. Les rumeurs disaient qu'il était un loup-garou, et que les balafres qu'il arborait sur son corps étaient le résultat de ses bagarres nocturnes. Et les rumeurs avaient probablement raison, bien que le mystérieux guitariste perdurait à nier le fait.
Ensuite, il y avait la bassiste. La bassiste, oui, c'était une fille. Elle devait être âgée d'une vingtaine d'années, et restait toujours camouflée sous une épaisse capuche noire et un long manteau de la même couleur.
Il ne fallait pas non plus oublier la batterie. La batterie, qui n'avait pas de batteur, et qui jouait toute seule. Deux baguettes magiques avaient été ensorcelées et frappaient ainsi sur caisse claire, toms, cymbales et charleston de manière autonome.
Et enfin, il y avait le chanteur. Ah ! Le chanteur ! Un peu comme le guitariste, il était l'idole de toutes les filles (d'ailleurs, parmi elles, s'étaient formés le clan des « folles du guitariste » et celui des « folles du chanteur », et toutes ces malades se battaient souvent dans des duels pour revendiquer lequel était le plus beau). Et le chanteur, oh oui, il était beau ! La trentaine, lui aussi, des yeux bleu clair, soulignés au crayon noir, des cheveux bruns décoiffés, qui lui donnaient un air ténébreux. Lui devait bien mesurer dans les deux mètres, et il était tout aussi costaud que le guitariste, voire même plus. Le mieux était qu'il se baladait sur scène toujours torse nu, et il n'avait pas besoin de micro pour chanter. Au début de chaque concert, il se lançait un simple sortilège de Sonorus sur la gorge. Il pouvait alors emplir les airs d'un chant aux intonations martiales, mélangeant des paroles crues et choquantes avec des paroles plus douces et plus poétiques, et toujours avec le même souci d'utiliser des mots très recherchés. Pour finir en apothéose, il revêtait parfois - comme la bassiste - un immense et long manteau noir à capuche, laissé entrouvert sur les muscles saillants de son torse, ce qui lui donnait un air si... Hmmm !
Oui, seulement voilà : leur style musical faisant clairement référence à une forme de violence extrême ou de romantisme horrifique, leur style vestimentaire ne rappelant que trop bien la tenue des Mangemorts, les membres de Avada Kedavra furent immédiatement saisis par la critique : celle-ci les catalogua comme des néo-Mangemorts. Les calomnies allèrent bon train : non contente que le guitariste soit déjà accusé d'être un loup-garou, la presse laissa sous-entendre que le chanteur avait jadis été l'un des plus fidèles partisans du Seigneur des Ténèbres. Pire que tout, la bassiste elle-même fut montrée du doigt comme étant la fille cachée de Lord Voldemort. Absurde ! Certes, la moitié des sorciers qui écoutaient du Avada Kedavra étaient des adeptes de la Magie Noire, mais l'autre moitié alors ? Celle-ci vénérait Avada Kedavra pour sa musique surprenante et riche en émotions. Pour faire taire ces rumeurs, les musiciens montrèrent à qui voulut le voir que leur avant-bras gauche n'était aucunement tatoué de la Marque Sombre. Mais ceci n'eut pas d'effet très convaincant, et cette étiquette de néo-Mangemorts leur colla encore à la peau. Avada Kedavra, c'était simple : soit on aimait à la folie, soit on détestait. Il n'y avait pas de juste milieu. Cat, en l'occurrence, était une véritable droguée de ce groupe !
- Et alors le concert avait lieu dans une toute petite salle ! racontait la brunette, avec une animation retrouvée. Et cette salle était pratiquement vide ! Il n'y avait que quatre ou cinq personnes, et puis moi !
- Ah oui, acquiesça Axelle. Ca proufe que le groupe n'est pas très connu !
- Très drôle ! ironisa Cat, avant de poursuivre avec entrain. Et donc les lumières s'éteignaient, plongeant la salle dans le noir, et les premières notes de la chanson Avada Kedavra retentissaient. Et alors moi, je commençais à hurler le prénom du chanteur, de toutes mes forces, comme une malade. Et lorsqu'il chantait, je criais avec lui le refrain : « Avadaaa Kedavraaa ! Ton nom me fige d'effroi ! Avadaaa Kedavraaa ! Tout devient blanc et froid ! ». Au bout d'un moment, les spectateurs qui étaient derrière moi me disent alors : « Vous pouvez pas parler moins fort, s'il vous plaît ? ». Inutile de te dire que j'étais plutôt contrariée ! Alors j'ai changé de place, et devine où je suis allée ? Ben j'ai descendu les gradins, et je suis allée me mettre juste devant la scène, tout contre les barrières ! Comme il n'y avait personne, c'était impeccable : je pouvais suivre les déplacements du chanteur en marchant avec lui le long de la scène !
- Il defait troufer ça louche, que tu le suifes comme ça...
- Tu m'étonnes ! Mais ce n'est pas tout ! Après, j'étais tellement prise dans la musique, tellement excitée par le chanteur...
- Tellement quoi ?
- Euh... Oui, enfin bon, tu m'as comprise, hein ! Bref, j'ai littéralement grimpé par-dessus les barrières de sécurité, et je suis carrément montée sur scène ! Et j'étais là, parmi les trois musiciens, à bouger la tête d'avant en arrière, et à sauter sur place comme une hystérique ! Et j'étais tellement ivre de bonheur, que, au final, je me suis couchée au beau milieu de la scène !
- Couchée ? répéta Axelle, visiblement surprise.
- Oui !
- Mais dis-moi, qu'est-ce que tu attendais que le chanteur te fasse, ainsi couchée ?
- Mais... Euh... Rien... Rien du tout, voyons ! bredouilla Cat, légèrement rougissante.
- Et qu'est-ce qu'il t'a fait, finalement ?
- Ben, à vrai dire, j'ai pas eu l'occasion de le voir. C'est à ce moment-là que je me suis réveillée !
- Ah..., fit l'Allemande, en regardant à son tour par la fenêtre le ciel étoilé. En tout cas, ce rêfe est prémonitoire, che te le dis !
- Tu crois ? bondit Cat, avec de gros yeux ronds brillant d'espoir.
- Oui ! Che suis sûre qu'un chour, tout ce que tu as rêfé t'arrifera !
- Oooh..., s'enthousiasma la brunette, d'une voix tremblante d'émotion.
Elle aussi tourna sa tête vers la fenêtre ouverte, et contempla la nuit d'un air rêveur. Ses yeux couleur chocolat scintillaient toujours de bonheur, et un sourire de contentement flottait éternellement sur ses lèvres, sans qu'elle ne s'en rende compte.
Dehors, tout était si calme. La cime des sapins, au loin, ne s'agitait que très légèrement, sous la douce brise nocturne. Il n'y avait aucun mouvement, aucun bruit. Le silence total et apaisant d'une nuit d'automne... Jusqu'à ce qu'un long et lointain hurlement parvienne aux oreilles de Cat et la fasse sortir de sa contemplation.
- Tiens ? s'inquiéta-t-elle, en se redressant un peu, comme si elle était en alerte. Tu n'as pas entendu quelque chose ?
- Entendu quoi ? demanda Axelle, avec un regard sceptique.
- Bah, je sais pas... On aurait dit un hurlement de loup...
- Cat, arrête tes conneries ! s'offusqua alors l'Allemande. C'est pas drôle, tu sais ?
- Non mais je t'assure... J'ai cru entendre un loup-garou...
- Tu fas te taire, oui ???!!! s'énerva finalement Axelle, en attrapant sa camarade par la cravate et en la secouant comme une folle.
- Aaaaah !!! Arrête !!! supplia la martyre. J'ai peut-être mal entendu !
- Oui ! Sûrement ! aboya la blonde, en la lâchant enfin. Et maintenant, ferme cette fenêtre, ou che fais attraper froid.
La brunette roula des yeux, et, tandis qu'elle faisait ce que sa copine lui avait ordonné, elle jeta un furtif coup d'oeil à la pleine lune, et son coeur se glaça sans raison. Pas qu'elle soit, elle aussi, terrifiée à l'évocation d'un loup-garou, mais car elle venait de se souvenir que, le lendemain, le professeur Lupin allait lui rendre son contrôle raté.
¤~
La pluie d'automne martelait les grands carreaux de la salle de Défense contre les forces du mal. Celle-ci était un peu plus sombre que d'habitude, cela du au fait que d'épais nuages gris régnaient dehors. Le doux tintement des gouttelettes contre le verre composait le bruit de fond. Tous les élèves attendaient dans un silence tendu que le professeur Lupin leur touche un mot du devoir qu'il avait corrigé. Le coeur de Cat, lui, battait la chamade.
- Je..., commença alors Lupin, d'une voix anormalement faible, si fragile qu'elle donnait l'impression qu'elle allait s'éteindre. Je suis vraiment désolé, parvint-il finalement à terminer, et tout le monde le regarda avec des yeux interrogateurs. Je n'ai pas eu le temps de corriger vos contrôles...
Ce fut alors comme si toute la pression et tout le stress que Cat avait accumulés depuis le début de la matinée se libéraient d'un seul coup. Un poids venait de tomber, et la jeune fille se sentait tout de suite plus légère. Elle qui n'avait pas décroché un seul sourire depuis son réveil, elle avait maintenant la folle envie de rigoler, oui, de rire aux éclats : « Ah ah ah ah ! ». Finalement, Lupin avait beau être un prof extrêmement doué, il avait quand même ses faiblesses : dans le cas présent, il oubliait de corriger les devoirs (sauf qu'il n'avait pas dit qu'il avait oublié, il avait dit qu'il n'avait pas eu le temps, nuance). Et, de toute manière, si Cat n'avait pas son contrôle aujourd'hui, elle l'aurait forcément un jour. C'était reculer pour mieux sauter.
- Je pensais pourtant pouvoir les corriger hier après-midi, reprit le sorcier, avec un regard navré, mais je n'avais pas prévu de tomber malade...
C'était vrai qu'il n'avait pas l'air en forme. Cat, qui n'avait pas vraiment bien fait attention à lui depuis qu'elle était rentrée dans la salle - tout simplement parce qu'elle avait été trop préoccupée par la remise de sa feuille morte -, le regarda alors plus attentivement. Son visage était plus blanc que jamais, faisant mieux ressortir la couleur foncée de sa très fine moustache. Quelques mèches de ses cheveux châtains retombaient sur le côté gauche de son front, de manière désordonnée. Ses paupières semblaient avoir du mal à rester ouvertes, et cachaient de moitié ses yeux, qui avaient légèrement perdu leur éclat doré, et qui étaient cernés de noir. Le pauvre... Il avait sincèrement l'air d'avoir passé un affreux mardi après-midi. Et, bien qu'un peu déçus de ne pas avoir eu leur note, les Serdaigle le pardonnèrent rapidement, et participèrent à son cours avec une bonne humeur et une vivacité coutumières.
- Faudra qu'on se cotise tous, à la fin de l'année, pour lui offrir de noufeaux fêtements, pour Noël, souffla Axelle à Cat, alors que les élèves débattaient entre eux et le professeur Lupin pour savoir quelle était la créature la plus effrayante que le monde pouvait compter.
- Axelle, tu es méchante, se fâcha la brune, en observant la veste et le pantalon grisâtres et rapiécés de l'enseignant.
- Böse, ich bin so böse...
- Hm ?
- Non, rien.
Pendant le cours, Cat remarqua que la fatigue de Lupin ne se lisait pas seulement sur son visage. Dans ses gestes et dans sa tenue, aussi. Les seuls déplacements qu'il faisait se résumaient à de petites allées et venues entre son bureau et le premier rang. A peine quelques pas, c'était tout. Et, lorsqu'il marchait, il semblait à la jeune fille qu'il boitillait légèrement. Du reste, il se tenait debout en s'appuyant d'une main sur le rebord de son bureau, ou bien s'asseyait finalement derrière. Ses épaules paraissaient un petit peu moins larges qu'avant. Sûrement croulaient-elles sous le poids de l'épuisement... Ainsi affaissées, elles laissaient littéralement pendre sa vieille robe de sorcier - robe qui semblait presque trop lourde pour lui.
A la fin de l'heure, la Serdaigle rangea ses affaires et se dirigea vers la porte de la salle, non sans adresser un dernier regard inquiet au professeur. Demain, même si elle n'avait pas Défense contre les forces du mal, elle s'arrangerait pour voir s'il avait meilleure mine. Elle espérait vraiment le voir retrouver sa santé.
~¤
- Alors, alors... Où fa-t-on ? s'exclama joyeusement Axelle, tandis qu'en ce début d'après-midi du jeudi, elle et les trois autres filles marchaient dans un couloir, d'un pas décidé.
- Il serait peut-être temps que tu apprennes ton emploi du temps par coeur, signala Cerise, qui était en tête de groupe. Cela fait maintenant un mois que nous avons repris l'école, et tu ne sais toujours pas que, le jeudi, à une heure de l'après-midi, nous avons cours de Métamorphose...
Cat, elle au moins, le savait, eh eh eh... Elle savait même quel chemin emprunter, pour se rendre en Métamorphose. Un peu normal, pour une élève dont c'était la cinquième année à Poudlard. Oui, mais, d'une manière ou d'une autre, il fallait se l'accorder : cette année-là s'annonçait bien plus étrange que les quatre précédentes. Déjà, il y avait ces cours de Défense contre les forces du mal, qui se montraient bien plus intéressants que tous ceux auxquels notre amie avait pu assister autrefois. Ensuite, il y avait ce prof, qui se révélait être, lui aussi, bien plus intéressant que tous les autres de l'école... Et c'étaient ces deux facteurs-ci qui rendaient le couloir que traversaient à présent les quatre Serdaigle bien plus intéressant que Cat l'eut jadis imaginé possible. Oui, car ce grand couloir, vaste et éclairé par de nombreuses torches, donnait accès à une multitude de salles. En l'occurrence, celle de Métamorphose, qui se situait sur le côté gauche, et tout au fond du corridor. Un peu avant elle, en pièce avoisinante, se trouvait la classe de Sortilèges. Et enfin, au même niveau que cette salle, seulement de l'autre côté du couloir, c'est-à-dire à droite, était la fameuse salle de Défense contre les forces du mal. Qu'elle le veuille ou non, pour se rendre en Métamorphose ou en Sortilèges, Cat devait obligatoirement passer devant la porte de la salle de Mr Lupin...
- Ahrr ! Mais oui ! fit alors Axelle, en rejoignant Cerise en tête de file, si bien que Cat était désormais toute seule derrière les autres. Che me soufiens, maintenant ! Le cours de Métamorphose d'auchourd'hui, c'est celui qu'on a en commun avec les Gryffondor cinquième année ! Oh ! Il y aura Cheorches, il y aura Cheorches, il y aura Cheorches Weasley ! répéta-t-elle, en sautillant sur elle-même comme une hystérique, ce qui fit apprécier à Cat la distance qui la séparait de l'énergumène aux cheveux blonds ondulés.
- Ah, pour ça, tu t'en souviens, remarqua Anna, d'un air blasé. Tu n'as pas perdu le nord...
Le nord... Cat non plus, il ne fallait pas qu'elle le perde, le nord... Ou, du moins, l'est, car la porte de la salle était à sa droite. Il ne fallait pas qu'elle la rate. Plus que quelques mètres...
- C'est vrai que c'est une des raisons qui me fait encore plus aimer le cours du professeur McGonagall, ajouta Cerise. Que Fred Weasley soit dans la même salle, ça me met tout de suite de bonne humeur !
- A la rigueur, Fred, on s'en fout, lança Axelle, d'un ton catégorique. C'est Cheorches le plus beau !
- Cat ? Tu suis ? s'inquiéta Anna, en se retournant finalement pour voir si la brunette était toujours derrière.
- Oui, oui, j'arrive ! assura celle-ci, en souriant.
Et elle passa enfin devant. Alors, elle tourna instinctivement sa tête vers la droite. La porte était ouverte. Et, même si cela ne dura qu'une fraction de seconde, elle le vit - ou, du moins, elle l'aperçut. L'entrée donnait pile sur le bureau du professeur Lupin, et il était là, assis seul devant sa table en bois, en train de rédiger un bout de parchemin. L'intention de la brunette était uniquement et simplement de prendre de ses nouvelles, de voir s'il allait mieux. Elle regarda donc son visage aussi longtemps que cette fraction de seconde le lui permit, et constata avec un petit soulagement que sa peau était moins pâle, et que ses yeux, un peu plus ouverts, avaient repris un certain éclat. Tant mieux, alors. Elle pouvait dès à présent se rendre en cours de Métamorphose avec une légère satisfaction.
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Le furtif coup d'oeil que Cat avait lancé au professeur Lupin, en ce jeudi après-midi, pouvait donc s'expliquer par le fait qu'elle avait tenu à savoir s'il avait retrouvé un peu de forces, suite à sa maladie. D'accord. Mais le coup d'oeil qu'elle lui jeta le jour suivant (alors qu'elle se rendait en cours de Sortilèges, et qu'elle avait déjà eu Défense contre les forces du mal à peine deux heures plus tôt) ne s'expliquait pas. Ni même le coup d'oeil qu'elle lui lança à nouveau, en sortant de la salle du professeur Flitwick, une heure plus tard.
Le week-end arriva, et la brunette se demanda finalement pourquoi elle avait sans arrêt regardé le professeur Lupin, à chaque fois qu'elle était passée devant sa classe. Cela ne lui suffisait-il pas de le voir pendant ses cours de Défense contre les forces du mal ? Devait-elle encore l'observer, même furtivement, durant les inter-cours ? Certes, une des justifications était qu'elle tenait à noter l'amélioration de la santé de Lupin. Mais quand bien même elle avait cours avec lui à huit heures du matin, pourquoi trouvait-elle le besoin de le regarder à nouveau à dix heures, puis à onze heures ? Même si l'enseignant guérissait progressivement, quelques heures ne suffisaient pas à ce qu'il y ait une grande différence dans l'état de ses cernes.
Alors pourquoi ? Pourquoi Cat tournait-elle la tête vers sa salle, dès qu'elle passait devant ? Elle avait sincèrement du mal à se l'expliquer. C'était instinctif. C'était naturel. Cela répondait plus de l'inconscient que d'autre chose. Pour elle, si elle se trouvait à côté d'une porte ouverte, il était normal qu'elle regarde ce qu'il y avait à l'intérieur. Simple curiosité, rien de plus. Qu'il s'agisse de la salle de Défense contre les forces du mal ou de la salle d'Histoire de la magie ne faisait aucune différence. Que le professeur Lupin s'y trouve ou non importait peu. Le fait restait toujours le même : une porte ouverte attirait beaucoup plus son attention qu'une porte fermée.
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Le dimanche soir du premier week-end d'octobre, Cat, Axelle, Cerise et Anna étaient assises autour du feu de la salle commune, dans laquelle beaucoup d'autres Serdaigle discutaient. L'ambiance était très conviviale, et les quatre jeunes filles parlaient ensemble, avec animation. Ou, du moins, trois d'entre elles causaient, et la dernière écoutait en silence, car la conversation avait réussi à retomber sur le seul thème qui ne la concernait pas, et qui l'intéressait encore moins.
- Tu as fu comment il m'a regardée, pendant le cours de Métamorphose de cheudi dernier ? s'exclama Axelle, avec un grand sourire joyeux, presque bête.
- Non, désolée, répondit Cerise, avec à peu près le même rictus ridicule. Moi je regardais plutôt Fred...
- Et comment il m'a souri, à la fin du cours ! Oooh, il est trop chou !
- Axelle, sincèrement, je crois que tu te fais des films... Et puis, n'oublie pas que tu as déjà Olivier...
- Olifier ? s'étonna la blonde, en écarquillant ses yeux bleus. C'est qui, ça ?
- Celui avec qui tu es censée sortir, en ce moment..., rappela Anna, avec une lueur d'inquiétude dans son regard.
Le canapé sur lequel était avachie Cat était vraiment très confortable... Il ne fallait pas qu'elle s'endorme dessus... Sinon, qui allait la réveiller ? Mais c'était plus fort qu'elle... Il faisait chaud dans cette salle (normal, puisque la jeune sorcière était assise à côté du feu de cheminée), ce canapé était si douillet, et cette discussion la saoulait tellement... Tout invitait vraiment à l'assoupissement... Mais il ne fallait pas ! La brunette se redressa brusquement, et ses copines la remarquèrent enfin, en lui lançant un drôle de regard surpris, comme si elle n'avait jamais été là.
- Et toi, alors, Cat ? fit Anna, avec un sourire bienveillant. On ne t'entend pas beaucoup...
La nommée reçut comme une claque dans la figure. Pas que cette remarque était infestée de méchanceté, et qu'Anna avait fait exprès de la prononcer avec de mauvaises intentions, non, c'était une simple remarque, mais cela lui faisait mal. Cat se sentait comme rabaissée, comme si son redressement dans ce canapé avait été inutile, et qu'elle y était enfoncée à nouveau. Car c'était vrai : on ne l'entendait pas beaucoup, elle ne prenait presque jamais la parole, mais la faute à qui, aussi ? Ces trois filles avaient lancé une conversation qui ne l'intéressait en aucun point, et qui l'ennuyait encore plus que les leçons du professeur Binns.
Et maintenant, toutes observaient la brunette avec des yeux curieux, et la pauvre Serdaigle se sentait de plus en plus gênée. Pourquoi diable avaient-elles tout d'un coup reporté leur attention sur elle ? Ne pouvaient-elles pas la laisser tranquille, quitte à ce qu'elle s'endorme, plutôt que de la fatiguer encore plus en lui posant des questions ? Car elles allaient lui en poser, des questions ! Et la première qui allait venir - et ce serait sûrement la énième fois qu'elle l'entendrait - serait : « Et toi, Cat, tu as quelqu'un en vue ? ». Or, ne savaient-elles pas que c'était inutile que de lui demander ça ? Ne savaient-elles pas que l'interrogatoire allait, encore une fois, tourner court, simplement parce que Cat allait, encore une fois, répondre négativement ?
- Il y a quelqu'un qui t'intéresse, à Poudlard ? Quelqu'un que tu trouves mignon ? questionna Anna.
- Non, non..., répondit Cat, d'une manière aussi évasive et détachée que possible. A vrai dire, je ne cherche pas tellement...
- Ah ? s'étonna Cerise. Pourtant, il y en a qui sont pas mal, ici... Il faut que tu regardes autour de toi, je suis sûre que tu en trouveras un à ton goût...
- Oui, je vais essayer de chercher un peu plus..., promit Cat, avec un sourire.
- Hmmm... Cat est aussi difficile que moi..., remarqua Axelle, d'un air pensif.
La concernée observa l'Allemande d'un regard sceptique. Aussi difficile ? Cela l'étonnait... Si Axelle était réellement sortie avec une dizaine de garçons, alors elle n'était pas très difficile, au contraire. Cat, elle, oui, elle était difficile, car elle ne s'était jamais intéressée à quelqu'un...
Alors que la discussion reprit, comme prévu, entre Cerise, Axelle et Anna, et que Cat sentit qu'elle allait à nouveau sombrer dans l'ennui, elle jeta un coup d'oeil désespéré autour d'elle. De son regard chocolaté et perdu, elle fit le tour de la salle commune, mais n'y trouva aucun Coincoin... Pourquoi n'était-il donc pas là, alors qu'elle avait vraiment besoin de lui ? Deçue et presque frustrée, elle reporta son attention sur le feu qui crépitait à côté d'elle.
Les flammes étaient si belles, chaudes et fascinantes... Elle aurait pu les contempler ainsi pendant de longues minutes, car cela ne cessait de l'émerveiller. Ces couleurs orangées qui vacillaient vivement, qui se reflétaient dans ses yeux, et qui illuminaient son coeur... Un peu comme... Non... Ca n'avait rien à voir... Il l'intriguait, c'était tout. Et ça n'allait pas plus loin que ça.
Mais tant qu'elle repensait au professeur Lupin, la jeune fille se dit qu'il serait peut-être plus attrayant de lire un peu son bouquin de Défense contre les forces du mal, plutôt que de rester là, à ne rien faire d'autre que contempler les flammes. La Défense contre les forces du mal était rapidement devenue sa matière préférée. L'idée de parcourir quelques lignes des Forces du mal surpassées lui semblait bonne. Il y avait tant de choses qui la captivaient dans cette matière : les créatures maléfiques, leurs caractéristiques et les différentes méthodes pour en venir à bout, les Sortilèges Impardonnables et les moyens de les contrer... Cat allait non seulement pouvoir revoir tout ce que le professeur Lupin leur avait appris, mais aussi avoir un aperçu de ce qu'il allait bientôt leur enseigner, si jamais elle tournait un peu les pages. En somme, elle n'allait pas perdre son temps, comme elle le faisait maintenant. C'était décidé ! Notre amie se leva brutalement de son canapé. Elle allait chercher son livre !
- Où vas-tu ? s'inquiéta Cerise, en voyant la brunette se diriger vers les escaliers qui menaient au dortoir des filles.
- Je... Je vais chercher quelque chose au dortoir ! Je reviens tout de suite !
Quelques secondes plus tard, la jeune sorcière fut de retour dans la salle commune, avec les Forces de mal surpassées dans les mains, et un sourire de contentement sur le visage. Plutôt satisfaite de son idée, elle revint s'asseoir parmi les autres, au coin du feu, et posa son livre sur ses genoux. Sûrement qu'Axelle, Cerise et Anna allaient remarquer que leur camarade préférait se plonger dans un bouquin plutôt que d'écouter leurs histoires. Qu'elles le prennent bien ou mal ne lui importait pas vraiment. Après tout, elle avait le droit de faire ce qu'elle voulait... Et leur discussion était d'une lourdeur... Sans remords, Cat ouvrit son livre de Défense contre les forces du mal, et commença à le feuilleter avec curiosité. Elle y trouva une page intéressante et récapitulative sur les Kappas, créatures qu'elle avait étudiées en troisième année avec le professeur Quirrell... Sans nul doute qu'il aurait été beaucoup mieux de les étudier avec le professeur Lupin...
- Qu'est-ce que tu lis ? demanda enfin Anna, qui venait tout juste de remarquer que la brunette tenait un bouquin dans ses mains.
- Mon livre de Défense contre les forces du mal..., répondit celle-ci, en relevant la tête.
- Quoi ? sursauta Axelle, soudain affolée. Parce que... Parce que... Parce qu'on defait le lire pour demain ?
- Mais non, idiote ! répliqua Cat, d'un ton un peu plus brusque qu'elle ne l'aurait voulu. On n'a pas de devoirs de Défense contre les forces du mal à faire, pour demain.
- Alors pourquoi tu lis ton bouquin ? voulut savoir la fille aux cheveux argentés.
- Eh bien comme ça ! Pour m'instruire ! expliqua la brune, qui commençait à être exaspérée par la surprise de ses copines.
« C'est toujours plus intéressant que de faire semblant d'écouter vos sornettes » eut-elle envie de rajouter, mais elle n'osa pas.
- Tu vas finir par devenir comme cette Hermione Granger, de chez les Gryffondor ! plaisanta Cerise.
- Hermione qui ? s'étonna Cat, à qui ce nom ne disait pas grand chose.
- Hermione Granger ! La copine de Harry Potter ! Celle qui a lu Une histoire de Poudlard en entier !
- Ah ! Mais oui ! s'exclama alors la brune, qui retrouvait enfin un peu de sa mémoire. Et celle qui possède presque le même chat que moi ! Oui, je me souviens d'elle ! Il y a quelques jours, nous avons failli confondre nos chats !
- Heureusement, Hermione a dû remarquer que son chat était le moins gros des deux ! se moqua Cerise.
- Oh, je t'en prie ! riposta Cat. J'ai pourtant essayé de faire faire un régime à Pattemplomb, mais rien n'y a fait...
- En tout cas, reprit Cerise, sur un ton un peu plus sérieux, j'espère que tu sais que ce n'est pas en lisant ton livre de Défense contre les forces du mal que cela changera la note que le professeur Lupin va te rendre, demain...
Cela, pensa Cat, avait été une remarque très maladroite, et encore une fois très blessante. Elle le fit comprendre à Cerise, en lui lançant un regard noir, avant de reporter son attention sur les lignes de son bouquin. De quel droit osait-elle lui rappeler ainsi qu'elle était impuissante face à la note qu'elle allait avoir ? De quel droit osait-elle même lui rappeler que la remise des devoirs avait lieu le lendemain, alors qu'elle avait presque réussi à l'oublier ?
¤~
Contrairement au mercredi de la semaine dernière, aujourd'hui, lundi, il ne pleuvait pas. Il régnait même un temps radieux, dehors, et la salle de Défense contre les forces du mal baignait dans les rayons du soleil. Et, contrairement au mercredi de la semaine dernière, le professeur Lupin avait bonne mine. Cathie Mist aurait pu convenablement s'en réjouir, si seulement elle n'avait pas été plongée dans l'inquiétude. Cela semblait être le jour J : Lupin semblait vraiment avoir corrigé les contrôles, cette fois-ci. Aucun miracle ne pouvait plus intervenir pour épargner une nouvelle fois à Cat cette fatalité. Cette fois, c'était la bonne ! Il n'y avait plus d'issue. Elle allait recevoir sa note, et elle allait certainement recevoir un choc. Alors mieux valait s'y préparer...
Le sorcier aux cheveux châtains parsemés de petites mèches grises, au costume rapiécé, tenait dans ses mains la fameuse pile de parchemins, et observait ses élèves soucieux et silencieux, avec un regard à mi-chemin entre la surprise et l'amusement. Si cela l'amusait de voir que tout le monde était stressé à cause de cette remise de notes, pensait Cat, franchement, il n'y avait pas de quoi rire. Ou bien devenait-il aussi sadique que Rogue ?
- J'ai enfin corrigé vos devoirs..., commença l'enseignant, d'un air bienveillant.
« Bah c'est pas trop tôt » ironisa Cat, pour essayer de se détendre.
- Et, comme promis, je vais pouvoir vous les rendre...
- Vous êtes totalement guéri, professeur ? demanda alors Cerise, avec un grand sourire et une voix qui semblait sincèrement intéressée.
Comme beaucoup de monde dans la classe, Cat se retourna instantanément sur sa chaise, pour dévisager la Serdaigle aux cheveux longs à reflets rouges. Mais celle-ci ne se préoccupait pas le moins du monde de tous ceux qui s'étaient tournés vers elle. Ses yeux bruns rieurs étaient uniquement posés sur le professeur Lupin, et elle gardait un éternel sourire amical sur ses lèvres. Cat aurait juré qu'il était faux.
Ignoble ! Ignoble lèche-bottes ! Pourquoi s'inquiétait-elle tout d'un coup à la santé du professeur Lupin ? N'était-ce pas Cat qui s'en était préoccupée le plus ? Qui n'avait cessé de jeter ses coups d'oeil pour voir si Lupin allait un peu mieux chaque jour ? Cela aurait plutôt été à elle de poser cette question. Seulement elle n'osait pas, car elle était timide, et car elle avait peur de se faire passer pour une flatteuse de profs. Ce qu'elle n'était pas, et ce qu'était justement Cerise. Cela ne lui suffisait-il donc pas d'être la première de la classe ? Il fallait aussi qu'elle soit la préférée du prof ? Car derrière sa question, en l'apparence gentille, il n'y avait pratiquement aucune sincérité, Cat en était sûre. Juste des intentions. Et cela l'écoeurait.
Lupin répondit cependant avec un beau sourire touché, qui réchauffa le coeur de Cat, et l'apaisa de sa révolte.
- Oui, je vais mieux, merci, Cerise, dit-il. Et maintenant, je pense qu'il est grand temps que je vous rende vos copies.
« Oh, vous pouvez garder la mienne, si vous voulez. Ca ne me dérange pas ! » pensa Cat, avec un sourire en coin.
- Comme je m'y attendais, le contrôle a, dans l'ensemble, été très bien réussi. Il y a de très bonnes notes - mises à part deux ou trois notes un peu plus basses, mais elles ne sont pas catastrophiques.
Le coeur de la brunette fit un bond. Et si jamais sa note faisait partie de ces deux ou trois exceptions ? Avec sa chance, oui, elle en faisait sûrement partie.
- Je tâcherai de revenir sur les quelques questions qui ont été les moins bien réussies, promit l'enseignant. Bien, alors...
L'homme pencha sa tête sur la première copie de la pile.
- Kraft Axelle ? nomma-t-il, avant de s'approcher de la table de Cat et de remettre sa copie à sa voisine allemande.
Cat était trop nerveuse pour s'intéresser à la note qu'avait eue sa copine. Elle baissait la tête et fixait la table d'un regard vide, rongeait ses ongles en même temps, puis relevait la tête de temps en temps, pour voir où en était Lupin dans sa distribution des parchemins. Pourvu que le sien ne soit pas le prochain, pourvu que le sien ne soit pas le prochain...
- Petipois Anna...
Plus le temps passait, et plus la tension de la Serdaigle augmentait. La pile de feuilles, elle, commençait à s'amoindrir. Cela faisait vraiment durer le suspense... Mais il ne fallait pas non plus qu'il dure trop longtemps, sinon le coeur de Cat allait finir par lâcher, à force d'avoir battu à tout rompre. La jeune fille se demanda même s'il ne valait mieux pas qu'elle souhaite maintenant que la prochaine copie soit la sienne...
- Nom Prénom...
La brunette écarquilla alors les yeux et se tourna avec surprise vers le professeur. Avait-elle bien entendu ? Avait-il vraiment appelé Nom Prénom ?
- Cela peut vous surprendre, en effet, commenta Lupin, avec un sourire amusé face aux regards intrigués des Serdaigle, mais il y a parmi vous un élève qui a recopié textuellement l'exemple de présentation que j'avais fait figurer au tableau, sans rien y changer, et qui a donc marqué « Nom Prénom » au lieu de remplacer ces deux mots par ses propres nom et prénom.
L'éclatement de rire fut général, dans la classe. Axelle était pliée en deux, littéralement couchée sur sa table, pleurant de rire sur son 8/20 au contrôle. Cat, elle aussi, riait de plein coeur, se demandant qui était l'idiot qui avait bien pu faire ça.
- Heureusement, reprit le prof, et les rires se calmèrent un peu, il n'y avait que cette feuille qui était anonyme. J'ai donc regardé sur la liste des élèves, et j'ai pu retrouver le nom manquant...
Sur ce, l'enseignant, qui gardait toujours une esquisse d'amusement sur le visage, s'avança une nouvelle fois vers la table de Cat. Celle-ci le regarda alors d'un oeil inquiet. Que venait-il faire par ici ?
- Voilà..., dit-il, en posant devant la brunette la fameuse copie sans nom. Cathie Mist !
Il lui adressa un regard joyeux, avant de s'en retourner distribuer les derniers parchemins, laissant ainsi derrière lui une Cat rouge pivoine de honte. Abasourdie et n'en croyant pas ses yeux, elle se penchait sur sa copie, pour s'assurer que c'était bel et bien son écriture, et qu'elle avait bel et bien marqué « Nom Prénom » en haut à gauche... Et oui, c'était inscrit, noir sur blanc, ou plutôt bleu marine sur beige. C'était donc elle la crétine qui avait recopié à l'identique l'exemple de présentation du tableau ! C'était elle...
Plus elle y pensait, plus elle rougissait de honte... Mais comment avait-elle pu faire une chose aussi stupide ? La jeune sorcière fouilla dans sa mémoire, et se souvint alors du jour du contrôle : elle avait été tellement pressée de le commencer, qu'elle y avait foncé tête baissée, s'emparant immédiatement de sa plume et s'empressant de recopier ce qui figurait au tableau, sans penser à faire les changements nécessaires... C'était donc ça... Ce qu'elle pouvait être bête, parfois ! Que devaient penser les autres d'elle ? Cat jeta un bref coup d'oeil sur les côtés. Heureusement, plus trop de monde la regardait. A sa droite, en revanche, il y en avait une qui était morte de rire. Une masse de cheveux blonds ondulés, qui gigotait sans cesse sous les tremblements de ce fou rire, toujours écroulée sur la table. Une Axelle Kraft que Cat aurait bien voulu étrangler !
Elle s'apprêtait d'ailleurs à le faire, lorsque le professeur Lupin reprit la parole, interrompant ainsi ses pulsions sadiques.
- Bien ! Nous allons donc pouvoir corriger ce contrôle ensemble. Je rappelle que les questions étaient celles-ci...
De la même manière qu'il l'avait fait le jour du devoir, le sorcier fit apparaître les vingt questions au tableau, et tout le monde releva son nez de sa copie pour les regarder.
- Avec la note que tu as eue, tu ne vas pas avoir grand chose à corriger..., remarqua Axelle (qui venait de récupérer de son fou rire, mais qui gardait, dans le coin de ses yeux, des restants de larmes hilares), en se penchant vers Cat.
- Ah bon ? sursauta alors celle-ci. Parce que j'ai eu combien ?
C'était vrai ! Ce ridicule « Nom Prénom » avait tellement retenu son attention, qu'elle en avait oublié de regarder sa note, pourtant écrite juste en-dessous ! Sans qu'elle ne s'en rende compte, son coeur venait à l'instant de recommencer à battre la chamade. La brunette regarda alors sa feuille, ne cherchant plus à faire durer le suspense, et... Attention... Roulements de tambours... (oui, que Cat le veuille ou non, il y avait quand même un peu de suspense)... 17/20...
La Serdaigle releva instantanément la tête et fixa un point devant elle (un point qui se trouvait être, comme par hasard, le professeur Lupin). 17/20 ! Non ! Ce n'était pas possible ! Ce n'était pas sa feuille ! Lupin s'était trompé : ce n'était réellement pas elle qui avait marqué « Nom Prénom » ! Et pourtant, si elle y réfléchissait bien, si elle actionnait correctement les rouages de sa petite cervelle, il ne pouvait y en avoir qu'une, dans la classe, pour faire une telle bêtise. Et il ne fallait pas aller la chercher très loin : c'était elle ! Cathie Mist ! Cathie Mist avait eu un 17/20 ! Mais, Seigneur, comment ? Comment s'était-elle débrouillée pour avoir une aussi bonne note ? Elle qui pensait que ce devoir avait été une catastrophe ! Sa copie, une véritable feuille morte !
Quand le professeur Lupin passa à la correction, elle se rendit cependant compte que l'obtention de ces dix-sept points trouvait une justification, et ne résultait pas que d'un miracle inexplicable. La totalité des réponses qu'elle avait marquées était bonne. Pour elle, elles ne lui convenaient pas, car elle les trouvait trop courtes, et pas assez détaillées, car écrites dans la précipitation et sans approfondissement. Mais pour le correcteur, au contraire, elles étaient totalement satisfaisantes, comportant les connaissances essentielles, résumant les idées principales de manière précise, et sans faire dans l'excès.
Les trois seules fautes que Cat avait eues résidaient donc dans les trois dernières questions du devoir, celles auxquelles elle n'avait pas eu le temps de répondre. C'était tout ? Mais non ! Elle se rappelait aussi avoir passé une question... La question 7, si ses souvenirs étaient exacts... Pourquoi, alors, n'avait-elle pas eu 16/20 au lieu de 17/20 ? Le professeur Lupin avait-il fait une erreur de calcul en totalisant le nombre de points qu'elle avait obtenus ? Car elle se souvenait clairement avoir marqué « Je passe » sur sa copie, à la place de la question 7... Et la question était...
La brunette releva la tête et scruta le tableau en plissant les yeux.
Question 7 : Si vous vous retrouvez en face d'un couloir obscur, rempli de limaces translucides, rebroussez-vous chemin ou pouvez-vous passer ?
- Il fallait, en effet, répondre que vous pouviez passer, commenta Lupin, à l'adresse de tous les élèves, alors que Cat fixait toujours le tableau, les yeux cette fois-ci écarquillés, et la bouche grande ouverte, tant elle n'en revenait pas. Il n'était pas nécessaire de justifier votre réponse, car il va de soi que les limaces sont inoffensives lorsqu'elles restent translucides. Elles ne sont en colère que quand elles deviennent phosphorescentes.
Il fallut de nombreuses secondes pour que Cat se remette de son choc et se connecte à nouveau à la réalité. Après coup, elle fut dans un état de stupéfaction hilare, les sourcils haussés, et un sourire béat qui lui montait jusqu'aux oreilles. Au fur et à mesure de la correction, elle cédait à des petits rires soudains, qui témoignaient de sa bonne humeur. Le coeur soudain plus léger, elle se permettait à présent de s'asseoir plus nonchalamment sur sa chaise, et de faire un tour d'horizon distrait de l'ensemble de la classe, l'air de dire à chaque élève qui écoutait le professeur Lupin : « Eh ! Regarde comment j'ai assuré ! 17/20 ! Pas mal, non ? Et est-ce que j'ai stressé, moi ? Jamais ! ».
En tout cas, si elle devait remercier quelqu'un pour lui avoir ainsi enlevé un poids du coeur et redonné confiance en elle, c'était Mr Lupin ! C'était en partie grâce à lui qu'elle avait maintenant le sourire et l'humeur joyeuse. Certes, c'était elle qui s'était débrouillée pour écrire les bonnes réponses qui lui avaient rapporté des points, mais c'était tout de même Lupin qui les avait notées ! Et il l'avait fait si gentiment, avec tant de tolérance, d'indulgence et de délicatesse ! Cette fois-ci, il n'y avait plus de doute : Lupin était le professeur le plus sympathique que Poudlard ait jamais compté ! Il était le meilleur professeur de la Terre ! Et Cat le portait désormais à la plus haute place dans son estime. Elle lui réservait même une véritable vénération secrète.
~¤
Ainsi pouvaient s'expliquer (ou pas) les nombreux coups d'oeil qu'elle lui jetait sans cesse, à chaque fois qu'elle passait devant sa classe. Ils étaient maintenant devenus une habitude. C'était instinctif : dès que la porte ouverte de la salle de Défense contre les forces du mal se présentait à côté d'elle, elle tournait automatiquement la tête vers l'entrée, apercevait Mr Lupin l'espace d'une fraction seconde, puis retournait la tête et continuait son chemin tout droit. Et cette manoeuvre, aussi furtive que discrète, Cat n'en trouvait toujours pas l'explication. Et, à vrai dire, elle ne se posait même pas la question de savoir pourquoi elle faisait cela. C'était un geste, tout ce qu'il y avait de plus naturel, un geste qu'elle répétait malgré tout plusieurs fois dans la journée. Minimum deux fois : à l'aller, lorsqu'elle se rendait en cours de Métamorphose (dans ce cas, elle devait tourner la tête à droite), et au retour, quand elle ressortait du cours de McGonagall (elle devait alors tourner la tête à gauche). Ce qu'il y avait de bien, également, c'était le fait que ses copines ne se préoccupaient pas vraiment d'elle. Elles ne remarquaient donc absolument rien du manège qu'opérait Cat. Jusqu'au jour où ce fut le professeur qui le remarqua !
Elle avait pourtant répété cette conduite sans problème durant le mardi (le lendemain de la remise des contrôles), durant le mercredi et durant le jeudi. Mais le vendredi... Il arriva ce qui devait arriver !
Le couloir qu'elle traversait était rempli d'élèves Gryffondor (probablement des quatrième année), proprement rangés contre un mur, et qui attendaient à côté de la salle de Défense contre les forces du mal. En passant devant eux, Cat en conclut que le professeur Lupin devait déjà être dans sa classe, assis à son bureau, en train de rédiger quelques notes avant de dire à ses élèves d'entrer. Quand elle atteignit le niveau de la porte d'entrée, elle tourna donc la tête, pour lancer son habituel coup d'oeil... Mais... Oh, déception ! La porte était ouverte, mais il n'y était pas ! La salle était vide, et la chaise derrière le bureau était inoccupée. Bon, tant pis ! Ce n'était pas grave ! Elle ne pouvait pas gagner à tous les coups ! Elle réorienta sa tête correctement, de manière à poursuivre son chemin devant elle, et alors...
Oh, surprise ! Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Il était là ! Juste devant ! A trois mètres d'elle, il lui faisait face, et marchait dans sa direction, pour se rendre dans sa salle. Et il la fixait, d'un regard suspicieux. Il ne souriait pas. Non, il était sérieux. Et il la regardait de cette façon qui traduisait le fait qu'il se posait des questions. Car il l'avait vue ! Cat en était sûre ! En arrivant face à elle, il avait certainement dû la voir tourner la tête vers sa classe. Il avait remarqué sa manoeuvre ! Il l'avait démasquée ! Et Cat était désormais grillée... Grillée, grillée...
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