Chapitre 29 : La démission
Le jeudi 6 juin arriva, amenant avec lui la bonne humeur des élèves. Ceux-ci se sentaient déjà en vacances et préféraient planifier les activités auxquelles ils allaient s'adonner durant les deux mois à venir, plutôt que de réviser pour la fin de leurs examens. Certains cinquième année avaient déjà jeté l'éponge, comme si « Il ne nous reste plus que deux épreuves à passer » rimait avec « Les B.U.S.E. sont terminées » (effectivement, ça rimait), considérant que deux B.U.S.E. de plus ou deux B.U.S.E. de moins n'allaient pas changer l'ordre du monde. L'atmosphère dans la Grande Salle, au petit déjeuner, était donc beaucoup plus détendue que lors des jours précédents, presque festive.
- Eh, les filles ! s'écria Axelle, brandissant une fourchette sur laquelle elle avait embroché une série impressionnante d'oeufs sur le plat et de tranches de lard. Il paraît que Dumbledore fa sacrifier un hippogriffe, ce soir, au milieu du parc, et le faire rôtir pour célébrer la fin des examens ! Ca fous intéresse d'aller participer au festin ?
- Axelle, tu es au courant que, pour nous, les examens ne se terminent pas ce soir, mais demain, à midi ? l'informa Anna. Ce soir, à onze heures, on a l'épreuve pratique d'Astronomie, alors je doute qu'on puisse assister au banquet...
- Ah bon..., répondit l'Allemande, un peu déçue. Bah, sûrement qu'on pourra foir le spectacle, du haut de la tour : il paraît qu'ils font installer un grand bûcher ! Enfin, c'est ce que ch'ai entendu dire...
- Bon, alors, où en étais-je restée ? réfléchit Cerise, vers qui se retournait Anna, pour l'écouter poursuivre la litanie de tout ce qu'elle allait visiter en Espagne, lors de son voyage de cet été avec ses parents. Ah oui ! Donc, après Cordoue, nous irons à Séville, où il y a soi-disant une immense cathédrale de style gothique, dans laquelle est enfermé le tombeau d'un Moldu célèbre : Christopher Colombe...
Et Cat, qu'allait-elle faire de ses vacances ? Instinctivement, elle tourna la tête vers la table des profs - comme elle l'avait fait tant de fois, cette année ! Remus était là. Il buvait un verre de jus d'orange. C'était rare de le voir prendre son petit déjeuner dans la Grande Salle. Mais notre amie n'allait pas se plaindre : c'était un réel plaisir ! Il avait néanmoins les traits tirés, le dos voûté au-dessus de son assiette. Cat ne savait que trop bien pourquoi : aujourd'hui, c'était la pleine lune. « Courage, Remus ! ».
Alors ? Que faisait-elle de ses vacances, durant lesquelles elle allait être séparée de l'homme qu'elle aimait ? Ses projets ne concernaient que lui. Elle voulait découvrir son adresse, savoir où il habitait. Passait-il son été au château ? Non... Il avait bien une résidence quelque part, quand même ! Où ça ? Dans quelle ville ? Vivait-il en Ecosse ? En Angleterre ? Ailleurs ? Cat voulait se lancer dans des recherches : elle parviendrait sans doute à se procurer l'annuaire magique des sorciers, et à y trouver le nom de Remus Lupin - par la même occasion, ses coordonnées, et le numéro de sa cheminée.
Elle espérait beaucoup le croiser à Londres ; elle irait souvent là-bas, et c'était la capitale : là où affluaient tous les sorciers ! Aucun doute que Remus Lupin irait, lui aussi ! Ses chances étaient infimes, pourtant : la ville était grande, le temps était vaste, tomber sur son chéri ne relèverait certainement que du coup de bol. Il aurait fallu un grand rassemblement de sorciers, en une date et en un lieu précis...
Mais oui ! Bien sûr ! Le concert de Avada Kedavra, le 23 juillet, à Dublin ! Cat était de la partie ! Elle y allait ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, ses parents avaient été d'accord pour la laisser assister au concert le plus grandiose que l'Irlande allait connaître ! La petite groupie allait voir pour la première fois de sa vie ses trois musiciens préférés, pour de vrai, le chanteur (oooooh !), en chair et en os ! Elle allait hurler d'hystérie en le voyant ! Jouir de leur musique puissante et surnaturelle, pendant une nuit entière ! Réaliser son rêve le plus cher ! Mais Mr Lupin avait dit qu'il ne connaissait pas ce groupe... Il ne serait sûrement pas au concert.
Dans ce cas, il y avait toujours la Coupe de monde de Quidditch, en août, pour se rattraper ! Un événement international, là aussi ! Cat, Axelle et surtout Anna projetaient d'y aller ensemble. Avec un peu (beaucoup ?) de chance, la brunette allait y apercevoir son prof adoré ! Et puis, il restait toujours l'achat des fournitures scolaires, au Chemin de Traverse. Encore une fois, une concentration de sorciers, qui accroissait la probabilité que notre amie rencontre Mr Lupin durant les vacances ! Car celui-ci n'irait-il pas, lui aussi, chercher son matériel d'enseignant pour la rentrée ? De nouveaux carnets de notes, de nouvelles plumes, de nouveaux rouleaux de parchemin, de nouveaux livres... De toute manière, même si Cat passait deux longs mois sans avoir de ses nouvelles, elle pouvait être sûre de le revoir à la rentrée de septembre prochain, il ne fallait pas s'en faire. Peut-être même qu'elle le retrouverait dès le premier jour, dans le Poudlard Express !
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L'épreuve théorique d'Astronomie fut un cadeau. Une bonne partie des questions était consacrée à la lune. Notre spécialiste en la matière n'eut donc aucun mal à en décrire en détails les différentes phases, et insista tout particulièrement sur le pouvoir phénoménal que cet astre possédait lorsqu'il était pleinement éclairé par le soleil. Le reste consista surtout à mentionner les caractéristiques des planètes du système solaire et de leurs satellites (quelle chaleur faisait-il là-bas ? Y avait-il des cratères de météorites ?), et la brunette trouva cela plutôt facile.
L'épreuve d'Astronomie ne reprenait qu'à onze heures du soir, sous forme pratique. Aussi les cinquième année disposaient-ils de leur après-midi entier de libre pour se consacrer à leurs révisions... Du moins, pour les plus courageux ! Les vacanciers précoces préféraient discuter de la sortie à Pré-au-lard qui était exceptionnellement organisée le lendemain, et envisageaient de sécher l'examen d'Histoire de la magie du matin, pour pouvoir aller à Honeydukes plus tôt. Cerise et Anna - qui naturellement n'avaient pas du tout besoin d'un après-midi de repos pour réviser, et qui auraient mieux aimé plancher directement sur l'Histoire de la magie pour que les B.U.S.E. soient plus vite terminées - avaient décidé d'aller tremper un orteil dans l'eau du grand lac pour en goûter la température. Cat et Axelle, quant à elles, faisaient partie des groupes d'étudiants éparpillés dans la cour, qui se prélassaient au soleil et bavardaient en petits comités. L'Allemande attendait avec impatience l'installation du bûcher destiné à faire griller l'hippogriffe, mais il était déjà quinze heures, et rien ne s'était encore passé... La brunette, calée en Astronomie depuis quatre heures du matin, revoyait à la place son Histoire de la magie, et demandait à sa camarade blonde de lui soumettre une date historique, pour qu'elle y attribue l'événement correspondant.
- 1515...
- Quoi ? Mais il ne s'est rien passé, cette année ! Donne-m'en une vraie !
- Très bien. 1804 ?
- Axelle, arrête de me sortir des dates au hasard !
Enfin, à vingt-deux heures cinquante, alors que la majorité des Serdaigle festoyaient dans la salle commune, entrechoquant leurs verres de jus de citrouille pour célébrer la fin des examens, ou bien, trop crevés par ceux-ci, montaient aux dortoirs pour pioncer, les cinquième et les septième années, eux, quittaient les lieux en regrettant de ne pouvoir ni faire la fête, ni faire un somme. Ils étaient attendus tout en haut de la tour d'Astronomie, par les examinateurs de l'Académie (« Par les étoiles » disait Anna, et c'était vrai que cela faisait plus poétique). Durant leur traversée des couloirs déserts, et à mesure que le bruit des festivités de leurs compagnons s'estompait derrière eux, certains se mettaient à s'exciter.
- C'est la première fois que je me balade entre les murs du château après l'heure du couvre-feu ! s'anima Cerise, en regardant tous les tableaux éclairés de chandelles, comme s'ils avaient revêtu un aspect différent de celui qu'ils arboraient d'habitude dans la journée.
D'autres marchaient, aussi tranquilles que s'ils se rendaient dans un pub avec terrasse à ciel ouvert. D'autres encore se lançaient dans un concours de bâillements, et n'avaient qu'une idée en tête : en finir au plus vite avec cette épreuve pratique et rejoindre leur cher lit. C'était le cas de Cat.
- Dodo..., gémit-elle, avec une main devant la bouche et des yeux aux quatre cinquièmes fermés.
A vingt-trois heures, les candidats arrivèrent au sommet de la tour, et furent accueillis par les professeurs Marchebank et Tofty, ainsi que par une bonne centaine de télescopes, installés sur leur trépied. Au-dessus d'eux, le royaume des nuages. Terrifiants de par leur noirceur et leur opacité. La pleine lune ne se distinguait même pas. L'absence de vent laissait présager que ces nuées obscures resteraient longtemps à masquer les cieux. Comment faire, pour observer les étoiles ?
- Ne vous inquiétez pas, dit Marchebank, tandis que les élèves prenaient place derrière leur télescope, mais jetaient des coups d'oeil inquiets aux nuages qui les surplombaient (Cat priait secrètement pour que l'épreuve soit annulée et qu'elle puisse retourner au dortoir). Une éclaircie va apparaître dans quelques secondes. En attendant, réglez bien vos télescopes, et vérifiez que vous avez tous une carte vierge.
La brunette plaça son oeil derrière l'oculaire et bougea à tâtons l'objectif, pour une mise au point hasardeuse. Elle fit pivoter son télescope dans toutes les directions, dans des grincements sinistres, comme si elle tentait de suivre les déplacements d'une mouche. Ce qui devait arriver arriva : elle finit par cogner son appareil contre la tête de son voisin de droite, et celui-ci cria un grand :
- AÏE !
- Oups ! Désolée !
Enfin, elle repéra un halo blanc, dans le ciel, filtrant évasivement à travers les nuages. La pleine lune ? Son coeur fit un bond. La vieille pomme fripée avait eu raison : les nappes ténébreuses commençaient à se mouvoir, autour de ce disque à la lumière floue. Cela ressemblait aux rideaux noirs d'une scène de théâtre, qui s'écartaient progressivement, pour révéler le protagoniste de la pièce. La pleine lune fut soudain dévoilée. Cat ne sut pourquoi, mais cette apparition lui glaça le sang. Aussitôt, le professeur Tofty s'écria :
- L'épreuve est commencée ! Vous avez jusqu'à une heure du matin pour remplir votre carte. Bonne chance !
Et les candidats se lancèrent dans leurs observations du ciel. Celui-ci, obstrué quelques instants plus tôt, se dégageait rapidement, découvrant la beauté de ses étoiles. Cat inscrivit d'abord la lune sur sa carte, puis trouva une planète qui ressemblait à Mars... Mais au moment même, un hurlement de loup emplit les airs, et fut immédiatement suivi d'un cri humain, beaucoup plus proche.
- Mademoiselle, voyons ! Qu'est-ce qui vous prend ? Vous êtes en examen ! se scandalisa Tofty, en retenant Axelle par le bras, alors que la jeune fille, les larmes aux yeux, s'était précipitée vers la porte de sortie, pour s'enfuir au plus vite.
L'examinateur essayait de la tirer en arrière, mais l'Allemande restait agrippée à l'anneau de fer, en pleurnichant :
- Non ! Non ! Pas le loup-garou ! Pas le loup-garou !
Cat aussi était paniquée. Son coeur frappait sa poitrine au rythme des deux syllabes du prénom qui affolait ses pensées : Re-mus ! Re-mus ! Où était-il ? Avait-il mal ? Elle se penchait par-dessus le rempart crénelé devant lequel elle était assise, et scrutait le parc, légèrement éclairé par les rayons de la lune. Du haut de ce mirador, la vue était imprenable. Elle apercevait l'étendue sombre de la Forêt Interdite ; la Cabane hurlante était cependant introuvable. Elle chercha le grand lac, pour se repérer, mais Marchebank la rappela à l'ordre, et elle dut diriger à nouveau son attention sur son télescope, et poursuivre son étude de Mars. « Ca va aller, il ne faut pas s'en faire » se dit-elle, pour se rassurer. « Mr Lupin va s'en sortir, il a sûrement pris sa potion Tue-loup... Mais sera-t-il en état de rentrer jusqu'au château ? A cinq heures, si je suis toujours éveillée, j'irai le chercher ».
Axelle avait regagné sa place, aidée par le sortilège de Sourdinam que lui avait lancé Tofty, pour ne plus qu'elle entende les bruits de la nuit. Ainsi fut-elle la seule à ne pas percevoir les nouveaux hurlements de loup qui retentirent au loin, accompagnés cette fois de violents aboiements de chien. Cat s'alarma. Là, ce n'était pas normal. Quelque chose clochait. Pourquoi y avait-il un chien qui criait ? Les jappements ne désemplissaient pas. C'était une bagarre, il ne pouvait plus faire de doute. Le professeur Lupin avait de sérieux problèmes. Mais pourquoi se faisait-il attaquer par un chien ? Etait-ce un chasseur de loups-garous qui s'en prenait à lui ?
La jeune fille n'arrivait plus à se concentrer sur Mars, son coeur battait à tout rompre, elle voulait descendre de la tour d'Astronomie sur-le-champ, pour partir sauver son amour. Mais c'était de la folie. Remus avait quitté sa cabane... Pourquoi ? Etait-il devenu incontrôlable ? Avait-il agressé le chien en premier ? C'était impossible ! La potion Tue-loup le rendait inoffensif ! A moins que... A moins qu'il ait oublié de prendre sa potion, ce soir...
La brunette regarda autour d'elle, bouleversée. C'était horrible : un combat canin, d'une rage féroce, avait lieu à quelques mètres de là, mettant aux prises l'homme qu'elle aimait et qui risquait d'y laisser la vie, et personne ne levait le nez de son télescope, indifférent à ce tapage diurne, l'interprétant comme une simple querelle d'animaux.
Axelle, sourde comme un pot, mouvait tranquillement son télescope et griffonnait sa carte en chantonnant. L'examinatrice eut beau lui dire que sa chanson mettait certes de la gaieté à l'examen, elle perturbait néanmoins les élèves, l'Allemande ne comprit rien du tout et se contenta de sourire à la grand-mère.
Deux hurlements distincts résonnèrent dans le parc, et le tumulte cessa alors. Le silence se réinstalla, aussi inattendu qu'avait été son interruption. Seuls le grattement des plumes sur le papier et le couinement des instruments d'optique continuaient d'agrémenter la tranquillité retrouvée. Cat était perdue. Elle ne savait plus que penser. Que s'était-il passé ? Ce duel entre chien et loup-garou s'était-il soldé par la mort d'un des deux ? Ciel ! Remus ! Non, ses deux dernières plaintes n'avaient pas été des plaintes d'agonie... Alors avait-il tué le chien ? C'était affreux, mais il valait mieux qu'il en soit ainsi - que ferait Cat, sans Mr Lupin ? Elle savait qu'il ne l'avait pas fait exprès, qu'il répugnait à verser la moindre goutte de sang.
La jeune fille, un peu apaisée, fit le point sur Saturne. L'atmosphère était baignée par la fraîcheur nocturne et par le chant des grillons. Cat entendit Cerise appeler un examinateur pour lui chuchoter :
- Il y a une luciole, collée sur mon objectif, je n'arrive pas à l'enlever...
Des ronflements s'élevèrent également : des élèves étaient avachis sur leur télescope et dormaient à poings fermés. D'autres, véritables petits astronomes, gardaient la tête dans les étoiles - l'un d'eux avait dressé son télescope perpendiculairement au sol, et Cat se demandait bien ce qu'il pouvait observer, car tous les autres ne dépassaient pas l'angle des soixante degrés.
Vers vingt-trois heures trente, une nouvelle animation vint alors distraire les candidats : les portes géantes du château s'ouvrirent, projetant sur la cour une immense lumière jaune, qui ne pouvait passer inaperçue. Curieux, quelques élèves se levèrent pour voir qui sortait du château à une heure aussi tardive. Un homme, que personne ne reconnut, courut sur l'herbe illuminée, habillé de noir et couvert d'un capuchon. Les portes se refermèrent, et l'individu disparut dans l'obscurité, seulement repérable par l'objet qui brillait à sa ceinture.
- Mesdemoiselles, messieurs, un peu de concentration, s'il vous plaît. Il vous reste encore une heure et demi, prévint Tofty.
Cat reposa les yeux sur sa carte, mais eut une certaine difficulté à indiquer la position de Saturne. Elle s'apprêtait à regarder pour la dixième fois la planète à anneaux à travers son télescope, lorsque soudain, une énorme créature ailée jaillit de sa droite et passa comme une flèche au-dessus de sa tête, dans un souffle si puissant qu'il lui fit décoller les cheveux.
- KYAAAAAAAAAAAHHH !!! UN HIPPOGRIFFE !!! hurla Axelle, dont la surdité ne l'avait en rien empêchée de voir la bête.
Les professeurs Marchebank et Tofty se retournèrent d'un seul mouvement vers la blonde, qui poussait là son deuxième cri en à peine trente minutes d'examen. Evidemment, eux n'avaient rien vu du tout, car tournés dans la mauvaise direction, au mauvais moment. La plupart des élèves non plus, n'avaient rien remarqué du drame, puisqu'ils avaient gardé la tête baissée sur leur carte ou les yeux rivés sur leur constellation. Cat et Axelle semblaient être les deux seules témoins.
- Mademoiselle, bon sang ! Voulez-vous être exclue de l'épreuve ? rugit Marchebank, à l'adresse de la blonde.
- Mais madame ! Che fous chure que ch'ai fu passer un hippogriffe !
L'Allemande n'avait pas une once de crédibilité, mais Cat se dit que si elle prenait sa défense, elle n'allait pas en déborder non plus. Finalement, les examinateurs se résolurent à mettre les élucubrations d'Axelle sur le compte de son manque de sommeil, et l'examen reprit son cours.
¤~
Il était sept heures du matin. Cat patientait seule, sur l'une des marches de l'escalier de marbre, dans le hall, face aux portes géantes. Les lieux étaient déserts, silencieux. Elle avait posé sur ses genoux son livre d'Histoire de la magie, et révisait pour sa toute dernière épreuve de B.U.S.E. qui avait lieu dans trois heures.
Après l'incident de l'hippogriffe, la pratique d'Astronomie s'était poursuivie sans interruption. La Serdaigle n'avait cependant pas cessé de s'inquiéter pour le professeur Lupin, réalisant qu'une bagarre équivalait à des coups et blessures... Son chéri allait certainement rentrer au château dans un fort mauvais état.
C'était pourquoi elle se trouvait là, avec des boîtes de pansements, de bandages et de sparadraps, du coton et une petite bouteille d'alcool à 90° disposés à côté d'elle. Elle l'attendait, depuis cinq heures du matin - ne sachant où le trouver dans la nature, elle s'était postée ici, devant les portes par lesquelles elle était sûre de le voir entrer - et dès qu'il arriverait, elle se jetterait sur lui pour le soigner, comme il l'avait aimablement fait pour elle, à la pleine lune du mois dernier.
Pendant ce temps, elle récitait ses dates : « 1749 : violation du code du secret... 1793 : les licornes sont classées parmi les créatures magiques protégées... ».
Un claquement se fit entendre, face à elle. Elle releva instantanément la tête : Remus venait d'entrer et de refermer la porte derrière lui. Il ne semblait pas encore l'avoir vue : il baissait la tête et s'appuyait de sa main gauche contre la planche de bois. Quand il eut repris son souffle et amorça un pas vers l'avant, il la remarqua enfin et s'arrêta.
- Ah, Cathie..., fit-il, en se massant le front, d'un air embarrassé.
- Monsieur ! s'exclama la jeune fille, qui se leva de sa marche.
L'homme porta son index gauche sur ses lèvres pour lui signifier de parler moins fort, quelqu'un pouvait les surprendre. L'adolescente le rejoignit en silence, et murmura :
- Monsieur, je vous ai entendu, cette nuit... J'étais morte d'inquiétude ! Que s'est-il passé ? Vous vous êtes battu ? Mon Dieu ! Vous êtes blessé !
Bien sûr, elle s'était attendue à le guérir ; mais elle ne s'était pas attendue à découvrir avec un tel choc ses blessures, aux endroits qu'elle aurait le plus aimé embrasser : trois encoches tailladaient sa joue gauche, et trois griffures rayaient son cou, juste au-dessous. Ces écorchures répandaient leur sang qui salissait la peau de Remus Lupin.
- Ce n'est rien, dit celui-ci, en soulevant sa main droite, et en retroussant la manche de sa veste grise et celle de sa chemise, pour révéler un poignet lui aussi endolori - des marques rouges, comme laissées par des menottes, le mutilaient. Je me suis juste foulé le poignet, rien de grave !
Il disait cela en fermant les yeux et en souriant, comme pour rassurer Cat. De toute évidence, il ne s'était pas aperçu des plaies qui ensanglantaient son visage.
- J'ai amené ma trousse de premier secours ! déclara la brunette, en courant chercher ses pansements et ses sparadraps. Je vais vous soigner !
- Oh, ce n'est pas la peine, Cathie. Je comptais aller à l'infirmerie, affirma l'enseignant, en commençant à s'y diriger.
Cat revint vers lui et se rendit compte que sa veste avait été déchirée puis recousue à la hâte.
- C'est vrai que je ne suis pas aussi douée que Madame Pomfresh, mais j'aurais au moins aimé faire un bandage à votre poignet...
Mr Lupin stoppa à nouveau sa marche, presque forcé.
- Bon, soupira-t-il. Si vous y tenez...
Notre amie rayonna. Elle se pressa vers son chéri, posa tout son petit matériel à ses pieds, ne garda que sa lanière de gaze - de largeur dix centimètres - et se mit à la dérouler.
- Ca vous fera toujours quelques secondes de moins à souffrir, le temps de vous rendre à l'infirmerie ! expliqua-t-elle, tandis que le châtain lui présentait son poignet.
- L'infirmerie n'est pas très loin...
- Je sais, répondit Cat, en le regardant dans les yeux avec un sourire.
Sa blessure était plus qu'une entorse. Une foulure ne justifiait pas les traces rouges qui enserraient son poignet. La brunette n'osait lui demander ce qui avait provoqué de telles marques : cela pouvait paraître indiscret, impoli. De plus, il n'était pas certain que Remus s'en souvienne lui-même (s'il avait été inconscient durant toute la nuit). Il n'empêchait que ces contusions meurtrissaient le coeur de Cat. Elle aurait préféré les subir, plutôt que de les voir sur le corps de l'être qu'elle aimait. Elle appliqua le début de la bande sur le poignet de l'adulte, en profita pour effleurer sa peau avec son petit doigt, et avant d'opérer un tour, lui demanda, soucieuse :
- Je ne vous fais pas trop mal ?
- Non, assura l'homme, en plissant les yeux de contentement.
Cat enroula alors l'étoffe blanche autour de son poignet, une première fois, une deuxième fois, toujours le plus délicatement possible, sans trop appuyer sur sa chair, mais en serrant tout de même, pour que le bandage élastique s'accroche bien ; faisant varier les directions, un tour droit, un tour oblique, un tour droit, pour ne pas que la bande s'épaississe excessivement sur son articulation mais pour qu'elle maintienne également la fin de son avant-bras et le début de sa main. Ces soins offrirent à Cat l'opportunité de le toucher à nouveau, de remarquer qu'il avait deux grains de beauté, comme elle, sur l'avant-bras.
La Serdaigle utilisa sa bande tout entière. Au final, les deux sorciers observèrent le résultat : le tissu montait jusqu'aux premières phalanges du professeur et était assemblé de manière un peu comique : c'était une série d'entrecroisements, d'enchevêtrements, qui laissait presque penser que le bandage avait été fait n'importe comment. Pourtant, Cat y avait mis toute son application !
- Du moment que ça tient ! s'accommoda le châtain.
- Ca va mieux ? Vous ressentez une différence ?
- Oui, ça me réchauffe. Et j'ai moins mal.
C'était le principal. Maintenant, restaient ces égratignures, à désinfecter... La brunette s'accroupit et ouvrit son flacon d'alcool, qu'elle renversa sur un bout de coton pour l'imbiber. Puis elle se redressa et dévisagea Mr Lupin, les sourcils froncés.
- Vous êtes griffé à la figure..., expliqua-t-elle, en levant son coton. Je...
Mais elle hésita. Pouvait-elle lui appliquer ce morceau de coton contre la joue et contre son cou ? Cela serait aller trop loin : elle ne lui avait encore jamais touché le visage, elle doutait qu'elle en ait le droit. Il était trop tôt pour franchir cette étape. De surcroît, elle allait le faire souffrir, c'était indéniable : ces plaies sanguinolentes, administrées par Dieu seul savait qui, devaient être infestées de microbes.
- Je ne veux pas vous faire mal, renonça-t-elle finalement. Il vaut mieux que vous alliez voir Madame Pomfresh, elle vous arrangera ça sûrement mieux que moi !
L'enseignant sourit. Son regard s'attarda par hasard sur le bouquin d'Histoire de la magie que l'étudiante avait laissé sur une des marches de l'escalier.
- Vous révisez encore, à cette heure-là ? s'étonna-t-il. Les examens ne sont donc pas terminés ?
- Non, pour nous, ils se terminent tout à l'heure, à midi, après l'épreuve d'Histoire de la magie !
- Ah ! Eh bien, bonne chance ! souhaita-t-il de bon coeur, en prenant la direction de l'infirmerie.
Cat s'abstint de le remercier (il paraissait que ça portait malheur !), mais le regarda s'éloigner, se trémoussant intérieurement de plaisir : elle lui avait bandé la main !
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Certes, Cat aurait pu continuer à attendre, dans l'escalier de marbre, qu'il soit huit heures et que les portes de la Grande Salle s'ouvrent : cela ne lui aurait pas fait très loin pour aller prendre son petit déjeuner. Mais elle choisit de remonter jusqu'à la tour des Serdaigle, sur la pointe des pieds, pour se remettre au lit et y revoir son Histoire de la magie plus confortablement installée que si elle restait durement assise sur une marche de pierre. Maintenant qu'elle avait eu ce qu'elle voulait : voir Mr Lupin ! Plus rien ne la retenait ici. Evidemment, le risque, lorsqu'elle relisait ses cours sous sa couette, c'était qu'elle s'endorme. Mais elle tint bon, et assista même au réveil de ses trois copines, qui s'habillèrent pour descendre manger. Axelle lui balança une bouteille de Bièraubeurre, qu'elle attrapa de justesse en plein vol, lui évitant de fracasser l'une des vitres du dortoir, au-dessus de sa tête.
- Pour tout à l'heure ! précisa l'Allemande. A midi, on fa toutes à Pré-au-lard, fêter la fin des B.U.S.E. aux Trois Balais !
- Je croyais qu'ils avaient de la Bièraubeurre, aux Trois Balais...
- Oui. Celle-là, c'est pour la boire en chemin ! Tu fiens afec nous ?
- Euh... Je ne sais pas, hésita Cat, en se grattant la tête. Tout dépend de si l'épreuve d'Histoire de la magie s'est bien passée ou pas... Si je l'ai ratée, je ne pense pas que je serai capable d'aller me divertir...
- Ok, donc tu fiens afec nous ! en déduisit Axelle.
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La brunette n'émergea de son lit qu'à dix heures moins le quart, et eut tout juste le temps de rejoindre la Grande Salle, aménagée en salle d'examen pour l'ultime épreuve des cinquième année. Il y régnait un brouhaha inhabituel. Pas un élève ne parlait pas avec son voisin. Cat interpréta cette cacophonie comme le fait que, pour tout le monde, c'étaient déjà les vacances, et que le soleil qui resplendissait dans la pièce, faisant scintiller les poussières qui frétillaient dans les airs, faisant briller les têtes brunes, châtaines, rousses, blondes, avait un effet excitant.
Mais en passant entre les rangs pour gagner sa place, la jeune fille perçut des : « C'est affreux », « Jamais je n'aurais cru ça ! », « Comment va-t-il faire ? », et devint perplexe. Que s'était-il passé, encore ? Les candidats se rendaient-ils soudain compte que la fin, toute proche, des examens signifiait aussi la fin des révisions ? Et que cette disparition brutale de travail à faire pour le lendemain constituait quelque chose d'effroyable, pour eux qui avaient pris goût à bosser jour et nuit depuis plus d'une semaine ? Non, Cat savait que cette épreuve d'Histoire de la magie revêtait pour eux autant d'importance que les cours du professeur Binns (c'est-à-dire aucune) et qu'il leur tardait d'en être débarrassés, pour être enfin libérés. Non, il y avait autre chose...
Tous discutaient avec une certaine gravité. En allant poser ses affaires près du bureau de McGonagall (qui surveillait pour la deuxième fois une épreuve de B.U.S.E.), notre amie remarqua qu'Axelle avait perdu l'entrain qui l'avait animée quelques minutes plus tôt dans le dortoir : elle paraissait bouleversée, les yeux hagards, aux contours rougis (elle avait pleuré ?), fixés sur un point invisible devant elle.
A peine Cat fut-elle de retour à sa table, que la directrice des Gryffondor imposa le silence et distribua les sujets. La brunette se dépêcha de remplir l'en-tête de sa copie, avec un grand soulagement en pensant que c'était la dernière fois qu'elle se tuait à cette tâche - car qu'est-ce qu'elle en avait eu marre, de remplir les en-têtes ! Puis elle se jeta sur son questionnaire. L'Histoire de la magie, en soi, n'était pas inintéressante : c'était seulement le professeur Binns qui avait le pouvoir inégalable de rendre ses cours aussi ennuyeux que des Véracrasses. Il ne faisait aucun doute que si Mr Lupin avait été prof d'Histoire de la magie, Cat aurait adoré cette matière, autant (voire même plus) que la Défense contre les forces du mal ! Elle aimait connaître tous les événements importants qui s'étaient déroulés avant elle. Aussi sanglants pouvaient être certains épisodes du passé, aussi grandioses certaines épopées, ce n'était pas de la fiction : c'était la réalité ! Et c'était justement cela qui la fascinait.
- L'article 2 du règlement de l'Académie des examinateurs magiques stipule qu'en cas d'abandon, les candidats sont autorisés à quitter la salle d'examen au bout d'une heure, annonça le professeur McGonagall.
Une vague d'enthousiasme submergea la Grande Salle (« Aaaaaaaaah ! »), et tandis que Cat pouffait de rire en s'imaginant très bien des élèves abandonner l'épreuve rien qu'à la lecture de la première question (Que pensez-vous de la réduction à l'esclavage des elfes de maison apparue dès l'Antiquité ?), des Gryffondor chiffonnaient leur questionnaire et attendaient avec impatience le moment pour eux de goûter à la liberté.
A onze heures, la partie inférieure du gros sablier de McGonagall fut remplie de moitié : une dizaine d'élèves se levèrent alors de leur chaise, et parmi eux, Cat reconnut Fred Weasley, qui se dirigea vers sa directrice de maison pour lui remettre son rouleau de parchemin vierge.
- Lamentable, commenta l'enseignante.
Fred disparut dans le hall, avec un sourire qui découvrait toutes ses dents : il était en vacances !
Vingt minutes plus tard, Cat en était toujours à la question 25 (et il y en avait 50) : En quelle année et dans quelles circonstances le port de la baguette magique fut-il autorisé pour les vampires ? « Ah ! Je le sais ! » se réjouit-elle, et sa plume se remit à courir sur son papier, pour une nouvelle réponse interminable.
- DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING !!!
La brunette sursauta. Tout le monde se retourna vers elle. Elle fixa son réveille-matin avec de gros yeux horrifiés, se dit : « Nooonnn ! », puis le saisit et chercha comment arrêter l'alarme. Pendant ce temps, il continuait de sonner, attirant sur sa propriétaire les foudres de McGonagall. Cat, dont la panique l'empêchait de faire taire l'appareil, rougissait jusqu'à la racine des cheveux - elle ne possédait ce réveil que depuis à peine plus d'une semaine, et elle ne savait pas comment il fonctionnait. Pour une dernière épreuve de B.U.S.E., c'était réussi. Il ne lui restait plus qu'à exploser le réveil par terre, si elle voulait restaurer le silence... Par chance, elle trouva un bouton, appuya dessus au hasard, et l'alarme cessa. « Ouf ! » expira la brunette, alors que les étudiants se détournaient enfin d'elle, et que McGonagall secouait la tête d'un air consterné.
La fin de l'épreuve d'Histoire de la magie fut comme un lâcher de taureaux : les candidats désertèrent la Grande Salle aussi vite que si un incendie s'y était déclaré. En deux minutes, à peine, Cat se retrouva toute seule dans la salle d'examen. Elle prit son temps pour ranger ses affaires, admira une dernière fois toutes ces rangées de tables, soigneusement alignées, qui avaient accueilli les B.U.S.E. durant près de deux semaines, puis quitta les lieux, le sourire jusqu'aux oreilles. Elle n'en revenait pas d'avoir enfin fini les B.U.S.E. ! Elle y avait survécu ! Et c'étaient les vacances ! Les grandes vacances ! Bon, d'accord, il restait encore une petite semaine à passer à Poudlard, mais elle ne pouvait pas vraiment appeler cela des cours !
Quelques élèves discutaient joyeusement dans la fraîcheur du hall, en s'échangeant leurs impressions : « Pas mal, le coup du réveil ! », « T'as mis quoi, à la question 1 ? », « Moi, j'ai marqué que c'était très bien ! ».
Cat sortit dans la cour, pour retrouver Axelle, Cerise et Anna. Le parc baignait dans une chaleur étouffante. L'horizon était trouble, tant l'air était chaud. Des cinquième année se précipitaient vers le pont de Pré-au-lard en criant des « Hourra ! Hourra ! ». Cat vit même un septième année courir tout nu et faire la roue sur la pelouse.
- Ne regarde pas ! s'exclama une voix faussement choquée derrière elle, qui lui masqua les yeux avec ses mains.
La brunette se retourna et Vince lui dégagea la vue.
- Un hurluberlu de la classe des Poufsouffle, expliqua-t-il, en indiquant le libertin d'un signe de tête.
- Ah ! Pendant un instant j'ai cru que c'était toi ! rigola Cat. Tu n'aurais pas vu Axelle, Cerise et Anna ?
- Nullement !
- A tous les coups, elles ne m'ont pas attendue pour aller à Pré-au-lard... Tu viens avec moi ?
- Je ne peux pas ! Je n'ai eu aucune épreuve ce matin, mais j'ai Etude des Moldus cet après-midi, à deux heures. Tu ne veux pas plutôt venir manger avec moi au réfectoire ? J'aurais quelque chose à te dire...
La jeune fille tressaillit. Généralement, quand quelqu'un lui annonçait qu'il avait « quelque chose à lui dire », cela ne présageait jamais rien de bon.
Perturbée, Cat prit congé de la fournaise de la cour, et refit son chemin en sens inverse, accompagnant Vince jusqu'à la Grande Salle. Il était midi et quart, et celle-ci avait déjà récupéré ses cinq grandes tables, croulant sous l'abondance des entrées. Pourtant, la cantine était quasi déserte : seule une dizaine de petits groupes épars étaient attablés, et il semblait que la plupart des élèves étaient partis déjeuner à Pré-au-lard. Cat et Vince eurent tout l'embarras du choix pour s'asseoir.
- On se met là-bas ? proposa le châtain, en pointant de son index l'extrémité de la table des Serdaigle, au plus près de la table des profs.
La brunette exulta : son ami voulait lui faire plaisir, c'était certain, car jamais elle n'avait eu l'occasion de manger aussi près de Mr Lupin ! Hélas, elle découvrit bientôt que la place de ce dernier était vide ; que c'était d'ailleurs la seule place de la table des profs à être inoccupée... « Ca doit être à cause de la pleine lune d'hier soir » en conclut Cat, qui s'installa en tête-à-tête avec Vince. « Il doit être trop fatigué pour venir déjeuner dans la Grande Salle ». Souriant à l'idée réconfortante que Remus Lupin était sûrement en train de reprendre des forces, tendrement endormi sur le matelas de son lit, la jeune fille se servit en salade de maïs.
- Excuse-moi, je reviens, dit alors son camarade, en se levant de table. Continue de manger, je n'en ai pas pour longtemps !
Cat le regarda s'éloigner, avec perplexité. Cela ne lui ressemblait pas de l'abandonner de la sorte... Encore moins d'aller aborder un groupe de Serpentard, à la table voisine, pour leur demander un renseignement... Quelque chose ne tournait pas rond... Quelque chose lui échappait... Quoi ? La Serdaigle picora dans son assiette, mais ne cessa de se retourner pour voir ce que fabriquait Vince : il parlait avec les Serpentard et ceux-ci riaient. Le garçon quitta leur tablée ; Cat crut qu'il allait la rejoindre, mais il se dirigea au contraire vers la table des Poufsouffle, et leur posa à eux aussi des questions. Cat aurait donné son dessert pour entendre une bribe de la conversation. Quelque chose se tramait, elle en était sûre. Et le fait de rester dans l'ignorance lui était insupportable : elle était prête à se lever et à aller retrouver Vince pour lui demander une bonne fois pour toutes ce qui se passait. Heureusement, la patience était son fort. Ce fut ainsi qu'elle passa vingt minutes à dévorer toute seule son entrée, tandis que son ami continuait à faire sa tournée des tables du réfectoire, sans revenir vers elle.
A midi quarante, enfin, le plat principal apparut, ramenant avec lui le châtain.
- Ah ben c'est pas trop tôt ! s'irrita Cat, qui s'apprêtait à découper une cuisse de poulet. Tu m'avais dit que tu n'en aurais pas pour longtemps ! Ca fait une demi-heure que je t'attends ! Si j'avais su que j'allais manger toute seule, je serais partie à Pré-au-lard !
- Ecoute, Cat..., commença Vince, sans s'asseoir.
Le coeur de la jeune fille se figea. Quelque chose de grave était arrivé.
- Je me suis informé, poursuivit-il, d'un ton navré, et tout le monde s'accorde à dire la même chose... Ce n'est plus une rumeur, maintenant, c'est la vérité... Le professeur Lupin... Le professeur Lupin est un loup-garou.
Notre amie resta pétrifiée. La tête levée vers Vince, elle le regardait sans y croire. Il savait... Non, pire que cela : Ils savaient. Qui ? Qui le leur avait dit ? Sans s'en rendre compte, elle entrouvrit la bouche. Elle sentit sa gorge se serrer, et ses yeux s'humidifier. Non ! Non ! C'était impossible !
- Je comprends que ça te fasse un choc... Comme tu... Comme tu éprouvais pour lui des sentiments particuliers... Mais je tenais à te le dire... Car tu ne semblais pas être au courant...
L'adolescente mordit sa lèvre inférieure, pour l'empêcher de trembler.
- Je suis désolé de devoir t'apprendre ça..., avoua le garçon. Mais à l'heure qu'il est, le professeur Lupin doit être en train de faire ses bagages... Il a donné sa démission.
Une lame transperça alors le coeur de Cat, de part en part. A l'instant même où Vince se rassit, Cat se leva.
- NON ! s'écria-t-elle, en éclatant en sanglots.
Quelques élèves et professeurs se retournèrent vers elle. Vince, surpris, se remit debout.
- Où est-il ? Je veux le voir !
- Cat, je ne sais pas si tu pourras faire grand-chose..., raisonna le châtain. Il est peut-être déjà parti...
- Non ! répéta Cat, en secouant désespérément sa tête par la négative, tandis que ses larmes dégouttaient sur sa chemise. Non !
Elle enjamba le banc et courut dans la Grande Salle pour regagner le hall.
- Cat, attends ! cria Vince, en partant à ses trousses.
« Il doit être dans son bureau ! Il est forcément dans son bureau ! ». Elle atteignit l'escalier de marbre, prête à grimper jusqu'au troisième étage, mais son poursuivant déboucha à son tour dans le hall et s'exclama :
- Cat ! Il est là-bas ! Au portail !
Vive comme l'éclair, la brunette fit demi-tour, et dévala toutes les marches qu'elle avait montées, pour rejoindre Vince qui se tenait dans l'encadrement des portes géantes du château. Face à eux, à cinq cent mètres d'herbe sèche, les grilles de l'école étaient exceptionnellement ouvertes, et un fiacre noir, sans cheval, patientait à côté. Elle le reconnut tout de suite, même malgré la distance : ses cheveux châtains, son costume gris, sa carrure, si singulière, sa valise marron, sa canne, contre laquelle il s'appuyait...
- Mr Lupin ! s'écria Cat, en s'élançant dans la cour.
Mais l'homme n'était plus qu'à trois mètres de la voiture qui l'attendait, et notre amie en avait cinq cent à parcourir pour le rattraper.
Elle courut à grandes enjambées, à en perdre haleine, elle cria à nouveau : « Mr Lupin ! Mr Lupin ! », pour le retenir, mais l'enseignant ouvrit la portière du fiacre et y monta, après y avoir introduit sa valise. Cat accéléra l'allure : l'herbe craquait sous ses pas. Elle entendait Vince courir derrière elle. Les arbres, les élèves de la cour défilaient sur ses côtés. Et au-dessus, le ciel bleu, son immensité... Un moineau survolait Cat en planant, même lui allait plus vite qu'elle ! C'était une journée radieuse, le temps était splendide, pourquoi fallait-il que ça lui arrive ? Elle n'avait rien vu venir ! « Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il ne m'a rien dit ? Je l'ai vu, ce matin ! Pourquoi est-ce qu'il ne m'a pas dit au revoir, s'il savait qu'il allait démissionner ? ».
Devant elle, le fiacre s'agrandissait. Les deux piliers surmontés des sangliers ailés aussi. Il faisait trop chaud. Ses poumons, sa gorge étaient en flammes. Ses cheveux bruns, ses vêtements se collaient sur sa peau ruisselante de sueur. « Qui a révélé aux autres qu'il est un loup-garou ? Qui a trahi son secret ? Ce n'est pas moi ! Je lui avais promis que je ne le divulguerais jamais ! Il doit le savoir, que ce n'est pas moi ! Il doit me croire ! ». La portière du véhicule éblouit une fraction de seconde la brunette : Mr Lupin venait de la claquer.
Notre amie sentit son coeur chavirer lorsqu'elle vit le portail commencer à se refermer lentement. Il lui restait la moitié de la cour à traverser, arriverait-elle à temps ? Tout était possible ! Son coeur était essoufflé, mais elle continuait, elle continuait de courir. Car au-delà de sa force physique, sa force mentale prenait le dessus. Ce n'était plus son corps qui gouvernait sa course, mais son âme : sa volonté !
Les grilles se refermèrent dans un fracas métallique, et les chaînes qui protégeaient leur cadenas se mirent à se tortiller comme des serpents.
- NON ! NON !!! hurla Cat, en dépassant ses limites au sprint.
Le fiacre s'ébranla. La jeune fille se déchira la gorge :
- REMUUUUUUUS !!!
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Enfin, ses mains heurtèrent les grilles brûlantes du portail. Le fiacre était à dix malheureux mètres d'elle, elle aurait pu le rattraper ! Mais cette barrière de fer, si cruelle, l'en empêchait, la retenait prisonnière. « Faites qu'il me voie ! Il y a une vitre à l'arrière de son fiacre ! Faites qu'il me voie ! ». Mais Mr Lupin ne la voyait pas, et sa voiture continuait de s'éloigner.
- REMUUUUUUUS !!! s'égosilla la brunette, en secouant les grilles du portail comme une hystérique.
Pourquoi ? Pourquoi partait-il ? Pourquoi l'abandonnait-il ? Après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble... Non : après tout ce qu'il avait vécu à Poudlard cette année ! Pourquoi démissionnait-il ? Elle l'aimait ! Tout le monde l'aimait ! Avait-il peur de devenir dangereux pour l'école, après ce qui s'était passé la nuit dernière ? Avait-il peur que les élèves confient à leurs parents que leur professeur était un loup-garou, et que ces derniers signent une pétition pour le faire renvoyer ? Oui, ça ne pouvait qu'être cela... Mais c'était trop bête ! Trop bête ! Il était le bienvenu à Poudlard ! C'était le meilleur enseignant de l'école ! Il était exceptionnel, il était adorable, il avait ensoleillé la cinquième année de Cat, il ne pouvait pas la laisser comme ça !
La jeune fille, accrochée au portail, déversa toutes les larmes de son corps. Qui l'aurait cru qu'elle tomberait amoureuse d'un inconnu au mois de septembre, et qu'elle serait brutalement séparée de lui au mois de juin ? Elle continua à s'en prendre à la grille, la cahota avec ses bras, tapa dedans à grands coups de pieds, criant, gémissant à chaque coup : « Non ! Non ! », la frappa encore et encore, jusqu'à s'effondrer à genoux, à ses pieds, se couvrir le visage de ses mains et se noyer dans ses pleurs.
Le fiacre avait disparu, désormais. Il n'y avait plus d'espoir. Vince arriva, à bout de souffle. Il aida son amie à se relever mais celle-ci ne fit aucun effort. Malgré tout remise sur pieds, elle regarda à nouveau les grilles, les yeux rouges et embués, et sortit sa baguette avant de s'en approcher avec menace.
- Non, arrête ! la retint Vince. Je sais ce que tu vas faire, mais ça ne marche pas ! Dumbledore a ensorcelé le cadenas pour qu'il résiste à un Alohomora.
- Alors rien ne m'empêchera d'escalader le muret !
Un muret qui ressemblait plutôt à une muraille de quinze mètres de haut...
- Lui aussi est protégé par un maléfice Anti-intrusion... Toutes ces mesures de sécurité ont été prises à cause de Sirius Black.
- BON SANG, MAIS QU'EST-CE QUE TU VEUX, A LA FIN ? SI TU AVAIS VRAIMENT VOULU QUE JE LE RETROUVE, TU TE SERAIS TRANSFORME EN CANARD ET TU L'AURAIS RATTRAPE BIEN AVANT MOI ! SI TU M'AVAIS PREVENUE PLUS TÔT, A MIDI J'AURAIS ETE DANS SON BUREAU POUR LUI DIRE AU REVOIR ! A ONZE HEURES VINGT, J'AURAIS ECOUTE MON REVEIL, ET J'AURAIS LAISSE TOMBER MON EXAMEN POUR ALLER LE DISSUADER DE QUITTER L'ECOLE ! ET MAINTENANT JE L'AI PERDU ! PERDU !
Cat s'agrippa encore une fois au portail et plaqua son visage contre les barreaux de fer, fermant les yeux et sanglotant si fort que son dos en était saccadé. Vince tenta un mouvement de réconfort en posant une main sur son épaule, et regarda le lointain à travers les grilles.
- Dommage qu'il soit parti si vite..., dit-il. Tu n'as pas eu le temps de relever le numéro de sa plaque d'immatriculation...
¤~
La semaine qui suivit compta parmi les plus noires de la vie de Cathie. Remus Lupin n'était plus là. Elle l'avait perdu. Les élèves étaient nombreux à regretter le départ de leur professeur de Défense contre les forces du mal, mais aucun d'eux ne manifestait une tristesse aussi grande que celle de Cat. Elle était atterrée. Anéantie. Le soleil avait beau être au rendez-vous, les devoirs inexistants, elle sombrait dans un tel abattement, que ses amis se peinaient de la voir rester enfermée au dortoir et ne pas profiter du beau temps. Elle accroissait son désespoir à gorgées de Bièraubeurre alcoolisée, se rendant ivre et se roulant par terre, tapant ses poings sur le plancher, les genoux écorchés. Ce n'était pas beau à voir, elle le savait. Elle se soulageait simplement à l'idée que les B.U.S.E. étaient passées, car sinon, comment aurait-elle pu les réussir ? Du reste, elle pleurait, elle pleurait, à tel point que ça en devenait effrayant. Ce n'étaient plus des pleurs, qu'elle versait, mais des spasmes qui la convulsaient. Elle se détruisait.
Le dernier jour, elle eut cependant l'occasion de retrouver le sourire : tous les résultats des examens furent affichés dans le hall d'entrée. Celui-ci fut plongé dans une effervescence incroyable, il y eut beaucoup de bousculades. Les étudiants sautillaient sur place ou bien se tordaient le cou pour arriver à voir si leur nom figurait parmi la liste des candidats admis aux B.U.S.E. et aux A.S.P.I.C. Les panneaux étaient grands, mais les noms inscrits dessus minuscules. « Eh, che troufe pas mon nom, c'est pas normal ! ». Parmi les cris de joie, les pleurs, Axelle découvrit finalement son nombre exemplaire de deux B.U.S.E. obtenues en Soins aux créatures magiques et en Botanique, et Cerise et Anna se félicitèrent mutuellement d'avoir battu leur camarade blonde, avec un score de six B.U.S.E. chacune. Les A.S.P.I.C. de Vince avaient également été un succès, et le garçon pouvait désormais songer à des études supérieures, en vue de rentrer chez Gringotts, la banque des sorciers. Cat, quant à elle... Son coeur fit un saut périlleux, lorsqu'elle vit qu'elle avait réussi à décrocher sept B.U.S.E. ! Sept ! C'était un chiffre inespéré ! Sept, comme le septième étage de Mr Lupin...
Le lendemain matin, elle fit ses adieux au château, et monta à bord du Poudlard Express, chargée de son chaudron et de sa panière à chat - encore plus lourde qu'à la rentrée. Se déplaçant péniblement dans le couloir de la locomotive, qui prenait de la vitesse, elle gagna le dernier wagon et découvrit avec soulagement que la cabine du bout était libre. Elle ne tenait pas à faire le voyage avec ses copines : depuis une semaine, Axelle n'avait cessé de discréditer Mr Lupin, s'horrifiant à la pensée qu'elle avait passé une année entière dans la classe d'un loup-garou. Cat savait que l'Allemande n'hésiterait pas à utiliser la durée du trajet pour continuer à exprimer son dégoût, et elle savait surtout qu'elle ne le supporterait pas. Ainsi referma-t-elle derrière elle la porte coulissante du compartiment, et s'installa-t-elle sur la banquette de gauche.
Elle relut avec un triste sourire les notes qu'elle avait obtenues aux B.U.S.E. et que lui avait remises le professeur Flitwick, la veille au soir.
Astronomie : O
Soins aux créatures magiques : P
Sortilèges : O
Défense contre les forces du mal : O
Divination : D
Botanique : O
Histoire de la magie : O
Potions : O
Métamorphose : O
C'était excellent. Mais il lui manquait quelque chose, pour être totalement heureuse. Il lui manquait quelqu'un. Ce n'était pas pour rien si, pour son retour jusqu'à King's Cross, Cathie avait choisi la cabine dans laquelle elle avait rencontré Remus Lupin. Elle désirait se donner l'illusion qu'elle voyageait en sa compagnie, que, le jour où elle avait eu la chance de faire sa connaissance dans le train, elle n'était jamais sortie de sa cabine pour rejoindre ses copines, qu'elle était toujours restée avec lui, qu'elle ne l'avait jamais quitté. Mais la banquette au cuir vert, face à elle, était vide. Terriblement vide. Pas de bouteille d'eau sur le rebord de la fenêtre, pas de vieille valise cabossée dans le filet à bagages.
Les larmes aux yeux, la brunette repensa à tous les merveilleux moments qu'elle avait vécus grâce à lui. Il y en avait tant ! Sa cinquième année à Poudlard avait été la plus belle de sa vie. Si rythmée, si imprévue ! Elle l'avait passée à aimer un homme que jamais elle ne se serait attendue à croiser un jour ; un être unique, qui s'appelait Remus Lupin... et qu'elle ferait tout pour retrouver.
...
Car elle avait passé sa cinquième année à l'adorer secrètement, sans avoir pu lui dire :
« Je vous aime ».
Fin
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