Chapitre 28 : Le gâteau d'anniversaire




Cat descendit dans la Grande Salle pour le petit déjeuner, avec une tête grosse comme une citrouille, prête à éclater, et une enclume à la place de l'estomac. Elle se força à avaler son café, mais fut incapable de toucher au reste. Un mets de plus dans sa bouche, et elle sentait qu'elle allait vomir... Aujourd'hui, c'était l'épreuve de Défense contre les forces du mal : il ne fallait pas qu'elle la rate ! La tâche qui incombait à la jeune fille et qui pesait sur ses épaules était incommensurable. Elle devait réussir. « Pour Mr Lupin ! ». Pour elle, aussi...

Et dire qu'elle n'allait même pas pouvoir offrir quelque chose à son professeur... Son anniversaire tombait pile le jour de l'épreuve de la matière qu'il enseignait. Ce simple fait le réjouissait peut-être déjà ? L'après-midi, il allait certainement jeter un oeil à la pratique, dans la Grande Salle : si Cat réalisait sous ses yeux et avec succès tous les exercices qui allaient lui être demandés, montrant ainsi à son prof que tous ses cours avaient été dûment retenus, cela n'allait-il pas constituer un merveilleux cadeau pour l'enseignant ? Mais la brunette aurait aimé lui faire plaisir autrement... De la même manière que la fois où elle avait déposé une pomme sur son bureau, elle aurait voulu lui remettre un cadeau anonyme, pour qu'il sache qu'une admiratrice secrète, à Poudlard, connaissait sa date d'anniversaire. Mais Cat se lamentait de ne plus avoir le temps d'accomplir ce projet ; et comme, en plus, elle avait mal au ventre à force d'appréhender, non, ce n'était vraiment pas le moment de lui demander quoi que ce soit.

- Cat, tu peux venir, cinq minutes ? J'ai quelque chose d'important à te dire !

La nommée leva des yeux à peine ouverts vers Vince. Elle n'eut même pas assez de force pour l'empêcher de la saisir par le bras et de l'entraîner hors du réfectoire, dans un endroit tranquille, à l'abri des regards. Lorsque son ami la lâcha, la Serdaigle s'effondra contre une armure, et Coincoin se précipita pour les rattraper toutes les deux.

- Et ben ! s'exclama-t-il, en reposant sa camarade contre un mur, et en mordant à pleines dents dans une généreuse part de tarte à la rhubarbe. Le châtain paraissait au meilleur de sa forme. Il s'élança dans son récit, d'un air satisfait.

- Oui, donc, j'ai dit à Mr Lupin que tu étais amoureuse de lui. Je pense que c'est mieux qu'il le sache.

Il y eut un silence, durant lequel seuls les mâchonnements de Vince se firent entendre, durant lequel Cat tenta de se réveiller pour comprendre le sens des propos du garçon.

- Tu... as fait quoi ???

- J'ai dit... AAARG !!! NON ! NON, J'AI RIEN DIT DU TOUT, C'ETAIT POUR PLAISANTER !!!

La brunette semblait avoir repris du poil de la bête, car elle s'était jetée sur son ami pour lui resserrer le cou avec une fureur inouïe. Lorsque le garçon fut au bord de l'asphyxie et lui répéta dans son ultime souffle que c'était une blague, l'acharnée daigna lui épargner la vie.

- N'empêche, reprit-il, en massant les deux marques rouges qui tatouaient désormais sa gorge, il serait peut-être temps que tu le lui avoues... Pourquoi pas aujourd'hui ? Tu sais quel jour on est ?

- Vince, si je suis crevée, stressée et maintenant énervée, c'est justement parce que je sais quel jour on est !

- Je vois... Tu n'as pas réussi à lui trouver de cadeau ?

- Non.

- Eh bien...

Le Serdaigle pivota sur lui-même, pour scruter les lieux, à la recherche d'un objet. Il finit par reporter son regard sur l'armure qui se dressait à côté de Cat, eut une idée lumineuse, et arracha une des plumes flottantes du panache rougeoyant du chevalier.

- Que veux-tu que je fasse avec cette babiole ? s'inquiéta la jeune fille, en observant la plume que lui avait remise son ami.

- Il peut écrire avec ! suggéra celui-ci.

Vince croqua dans sa tarte, tandis que Cat restitua son bien au soldat métallique.

- Non, il n'y a plus rien à faire..., désespéra-t-elle. Aujourd'hui, je ne peux que m'employer à réussir l'épreuve de Défense contre les forces du mal, et c'est déjà bien assez comme ça...

Le châtain continuait de mastiquer tranquillement, et ceci avait le pouvoir d'exaspérer notre amie, qui se sentait au bord de la nausée.

- Comment peux-tu te goinfrer ainsi ? Tu as conscience de ce qui nous attend dans une heure ?

- Tu en veux un morceau ?

Coincoin lui tendit son bout de gâteau, et Cat eut alors une illumination. Elle ouvrit de grands yeux, comme si ceux-ci s'apprêtaient à avaler la pâtisserie.

- Mais oui ! s'écria-t-elle, en repoussant la tarte de Vince d'un revers de la main. Je sais ! L'idéal aurait été de lui offrir un gâteau !

- Trop tard, dit le garçon, qui s'était empressé d'engloutir le sien.

Mais Cat n'y prêta aucune attention. Non, ce n'était pas un gâteau à la rhubarbe, qu'elle aurait souhaité lui offrir, c'était... un gâteau au chocolat ! Au chocolat, oui ! Car sa première rencontre avec le sorcier qu'elle aimait n'avait-elle pas eu une douce saveur chocolatée ? Remus Lupin était l'homme qui lui avait fait goûter le meilleur chocolat du monde ! Et pas qu'une fois ! Elle y avait eu droit dans le Poudlard Express, et aussi en cours particuliers ! C'était un fin connaisseur ! Un gourmand de chocolat ! Il l'avait séduite, grâce au chocolat ! Il avait rendu sa cinquième année si... chocolatée ! Il était donc logique que son gâteau d'anniversaire, remis à l'issue de cette merveilleuse année, soit un bon gros gâteau au chocolat !

- Je ne sais pas s'il y en a encore dans la Grande Salle..., se soucia Vince, lorsque son amie lui eut fait part de sa soudaine inspiration, qui restait pour elle de l'ordre du fantasme. Mais tu peux toujours le lui fabriquer toi-même ! Ce sera bien plus personnel !

- Oh oui ! s'enthousiasma la brunette, pour qui c'était un nouveau trait de génie. Ce serait encore plus chouette ! Malheureusement, je vais devoir attendre un an avant de pouvoir le faire... Un an, et Mr Lupin aura attrapé quelques cheveux blancs de plus...

- Pourquoi un an ? Tu peux le faire tout de suite ! s'étonna Coincoin.

- Ah oui ? Et comment ? L'épreuve de Défense contre les forces du mal va m'absorber toute la journée ! Et quand bien même j'aurais du temps libre, comment veux-tu que je me procure les ingrédients et les ustensiles de cuisine ? Il faudrait que j'aille à Pré-au-lard, pour me les acheter !

- Oh, je connais un endroit bien plus proche où tu pourrais trouver ton bonheur ! assura le châtain. Ne t'inquiète pas pour ça ! Le seul problème, c'est effectivement le manque de temps... A midi, tu ne pourrais pas ? Ce serait le moment parfait : le professeur Lupin serait dans la Grande Salle, assis à la table des profs, en train de déjeuner, ton gâteau lui servirait de dessert ! D'autant plus que tu ne reprendrais l'épreuve pratique qu'à deux heures de l'après-midi, ce qui te laisserait du temps pour accomplir ta mission...

- Dis-moi, tu sais combien de temps ça prend, de préparer un gâteau ? signala Cat.

- Excuse-moi, mais ça ne doit certainement pas prendre plus de deux heures !

- Très bien. Je reformule : tu sais combien de temps ça me prend, de préparer un gâteau ?

- Ah, c'est sûr que, de ce point de vue-là, les choses sont différentes...

- Mais je veux bien essayer ! s'engagea subitement la brunette.

Après tout, l'occasion était trop belle ! Si Vince lui affirmait qu'il existait un lieu où elle pourrait s'approvisionner en ingrédients et en matériel, et si elle s'estimait capable de se dépêcher dans la fabrication de son gâteau, alors autant saisir sa chance sur le coup - même si c'était un peu un coup de tête - plutôt que de se morfondre durant trois cent soixante-cinq jours pour réaliser son rêve.

- Par contre, je ne garantis pas que je serai à l'heure pour l'épreuve pratique de Défense..., ajouta-t-elle à mi-voix, en songeant sérieusement à cette éventualité.

- Quelle idée, aussi, de fêter son anniversaire un jour d'examen...

Cat commençait à connaître la Grande Salle par coeur. Cela faisait quatre jours qu'elle y passait ses matinées et ses après-midi entières, aussi bien pour les repas que pour les épreuves des B.U.S.E. Sa table individuelle, elle aussi, lui était devenue familière ; certes, elle avait encore un peu de mal à la retrouver, lorsqu'elle pénétrait dans la salle d'examen - aucun signe particulier ne l'aidait à la distinguer des autres -, mais lorsqu'elle y était installée, elle considérait avec délice son nom gravé sur le bois et se remémorait les quantités de feuilles qu'elle avait noircies sur cette table depuis le début des examens. Maintenant, ses rouleaux de parchemin allaient être consacrés à la Défense contre les forces du mal !

Loin devant, le professeur Flitwick s'apprêtait à surveiller l'épreuve - encore une fois, Cat avait eu la chance que ce ne soit pas Mr Lupin qui s'y colle. Elle se dit avec un sourire qu'il lui aurait fallu des jumelles pour apercevoir son directeur de maison, tellement la distance entre elle et lui le rendait minuscule. Et dire qu'à midi, le bureau qui s'affaissait sous le poids du sablier géant allait se transformer en une vaste table, recouverte d'assiettes et de nourriture, animée par les discussions des profs, et bientôt par leurs rires, lorsque Remus Lupin découvrirait son gâteau au chocolat ! Cat ne pouvait toutefois pas le lui apporter en mains propres : cela signifierait beaucoup trop, aussi bien pour le principal concerné - qui finirait par comprendre la nature des sentiments de son élève à son égard - que pour les autres professeurs - qui suspecteraient à tort leur collègue, et se moqueraient de l'étudiante. Celle-ci songeait plutôt à envoyer un émissaire (Vince, par exemple ?), ou bien à utiliser un sortilège de Lévitation, pour déposer le gâteau sur la table des profs, dans l'anonymat le plus complet.

A dix heures, la jeune fille mit fin à ses rêveries : dès que le sujet de Défense contre les forces du mal lui fut remis, elle sentit une puissante montée d'adrénaline la submerger, s'exalta, et prit connaissance des questions avec une excitation qui faisait trembler ses doigts. Certaines étaient si faciles, qu'elle avait envie d'en rire aux éclats ; d'autres, plus complexes, l'intéressaient à tel point qu'elle arrivait toujours à en trouver la solution. Elle manifestait une aisance incroyable, lors de la rédaction de ses réponses. Elle écrivait pour Mr Lupin, pour qu'il la lise, pour qu'il la corrige et pour que, impressionné, il lui mette une note exceptionnelle - comme il l'avait déjà fait tant de fois au cours de l'année. Bien sûr, ce n'était pas lui qui allait noter sa copie - c'était sans doute le rôle des examinateurs de l'Académie -, mais Cat s'en donnait l'illusion, et c'était cela qui lui conférait une telle ardeur. Elle prenait un réel plaisir à relater sur ce parchemin toutes les connaissances qu'elle possédait ; elle n'en négligeait aucune, elle marquait tout, elle mettait le paquet ! Un flot de gratitude l'envahissait. Reconnaissance extrême envers le professeur Lupin, qui lui avait tout appris. Ces savoirs, qu'elle inscrivait sur sa feuille, à s'en tordre le poignet, c'était lui qui les lui avait transmis, de sa générosité la plus totale - bon, d'accord, il avait été payé pour enseigner, mais rien ne l'avait obligé à le faire avec joie et bonne humeur ! C'était grâce à lui si Cat s'était passionnée pour sa matière : il lui avait vraiment donné envie de s'y investir. Au final, c'était bel et bien en Défense contre les forces du mal qu'elle avait appris le plus, cette année : des dragons jusqu'aux Patronus, en passant par... l'amour. Jamais elle ne trouverait aussi merveilleux professeur ! Jamais elle ne le remercierait assez !

Ses yeux parcouraient les questions avec avidité, sa plume frétillait dans sa main.

Question 14 : Décrivez cinq particularités des Sombrals, et précisez quels sont les sorciers qui peuvent les voir.

« Quel dommage qu'on ne nous demande pas d'énumérer toutes les particularités ! » se peina Cat, qui répondit tout de même en une vingtaine de lignes, terminant ainsi son premier rouleau de parchemin. Dans un froissement de papier comme il s'en entendait en permanence dans la Grande Salle, elle s'empara d'une nouvelle copie, et s'attaqua à la question 15 :

Décrivez une tactique qui vous semble idéale pour neutraliser un sorcier malfaisant.

La brunette inventa avec fougue une stratégie de combat, débutant par un sortilège d'Entrave, agrémenté d'un maléfice de Chauve Furie, le tout suivi de quelques feintes et d'un Désarmement, concluant par une Stupéfixion. Elle éprouva une satisfaction plus vive encore lorsqu'elle découvrit la question 16 :

Donnez cinq signes distinctifs du loup-garou.

« J'imagine pas la tête d'Axelle, quand elle va lire la question ! » pouffa-t-elle.

C'était l'accomplissement des longues heures d'efforts qu'elle avait passées à la bibliothèque, à réaliser son exposé sur les loups-garous pour le professeur Rogue. C'était l'épanouissement. Sans doute était-elle la seule cinquième année à avoir fait le travail de Rogue, en novembre ; sans doute était-elle à présent la seule à savoir répondre avec une facilité jubilatoire à la question 16 ! Cette question était une récompense. Cette question, c'était la sienne, c'était celle de Mr Lupin ! Quoi de plus fantastique que de pouvoir parler de l'homme qu'elle aimait dans une copie de B.U.S.E. ?

La victoire était entêtante. Cat se voyait déjà, recevant ses cinq rouleaux de parchemin entièrement corrigés des mains de Remus Lupin, rougissant au son de sa voix qui ne cesserait de la féliciter pour sa mention « Optimale » : « Bravo, Cathie ! Vous avez su répondre à toutes les questions, avec une virtuosité et une perspicacité sans faille ! En parcourant votre travail, j'ai cru lire une de mes corrections, mais écrite en mieux ! ». Après quoi, il ne la quitterait pas d'une semelle, lui accorderait ses journées entières pour partager avec elle sa passion de la Défense contre les forces du mal. Ils discuteraient dans la nature, se baladeraient main dans la main, dans le parc, au milieu des cerisiers en fleurs. La chaude brise de l'été ramènerait dans les cheveux châtains de l'homme quelques pétales rosés, que Cat se retiendrait de lui retirer, préférant se délecter de ce chef-d'oeuvre. Chef-d'oeuvre d'autant plus beau que Remus serait heureux - et donc Cat aussi -, ses yeux d'ambre scintilleraient et sa fine moustache se soulèverait au rythme de ses sourires. Il s'arrêterait pour refaire le lacet de sa chaussure en cuir marron, et la jeune fille s'empêcherait à nouveau de s'agenouiller à ses pieds, pour nouer ce bout de ficelle à sa place : car une trop grande dévotion risquerait de ressembler à de la soumission, à laquelle l'homme finirait par prendre goût, et parce qu'il était assez grand pour faire ses lacets tout seul !

La marche se poursuivrait. La tiédeur des airs enflammeraient leurs sens, les invitant à toutes les libertés. Ils se coucheraient dans l'herbe, allongés sur le dos, côte à côte, se rempliraient la vue de l'immensité bleue du ciel. Les parfums estivaux leur chatouilleraient les lèvres. Cat déplacerait discrètement sa main jusqu'à venir rencontrer celle de Remus. Tous les deux pivoteraient leur tête pour se regarder en souriant. Puis le châtain fermerait les yeux, et la brunette s'installerait sur le flanc, pour admirer son amour plus commodément. Elle verrait les mèches de sa frange se balader sur son front, transportées par la légèreté du vent. Ses paupières closes, confiantes. Son visage, si paisible, ouvert aux bienfaits de la nature. Son visage, tellement doux, que c'en était un véritable pincement au coeur que de s'apercevoir qu'il était balafré, que de se demander qui donc avait osé faire du mal à un être aussi bon, à un être aussi pur. Cat ne perturberait la sieste de son chéri que pour promener sa main sur son torse. Elle écarterait légèrement sa veste épinard, rangerait sa cravate sur le côté, et caresserait sa chemise, de haut en bas, suivant sous sa paume les reliefs de sa poitrine, du bas de son ventre. Elle ferait glisser son index sur chacun des boutons de son vêtement, en détacherait un au niveau du nombril - ce qui accentuerait le sourire de l'adulte -, et insinuerait le bout de ses doigts dans cet interstice...

- KYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHH !!!

Cat se réveilla en sursaut, brutalement rappelée à la réalité par le cri suraigu d'Axelle. De toute évidence, la blonde venait de découvrir la question 16.

¤~

- Alors, cette épreuve de Défense contre les forces du mal, comment tu l'as trouvée ? s'enquit la brunette, qui rejoignit Vince à la sortie de la Grande Salle.

- Bahh ! fit le garçon, en tirant la langue, d'un air de grimace. C'était pas de la tarte !

- Tu rigoles ? C'était du gâteau !

Après l'épreuve de Défense contre les forces du mal, il leur fallait maintenant enchaîner avec la mission « gâteau d'anniversaire ». Il était déjà midi cinq, les deux Serdaigle n'avaient pas de temps à perdre. Vince prit Cat par la main, et se faufila avec elle parmi le flot des élèves qui occupaient le hall d'entrée, pour gagner une petite porte discrète, située à droite des escaliers de marbre. Contre toute attente, leur entrée les fit dévaler une série de marches abruptes, et la jeune fille se demanda soudain si son ami ne la conduisait pas jusqu'aux cachots de Rogue. Elle était à deux doigts de lui rappeler que c'était un gâteau qu'elle souhaitait préparer, et non pas une potion, lorsqu'elle déboula avec lui dans un large corridor, éclairé par une multitude de flambeaux, et décoré par autant de tableaux. Les lieux lui firent immédiatement penser au fameux couloir aux animaux qui menait à l'appartement de Mr Lupin. Sauf qu'ici, les peintures ne représentaient pas des animaux, mais de la nourriture à foison, aux couleurs criardes, de quoi se régaler les yeux. Il y avait de tout : un poulet rôti, un oeuf sur le plat, un plateau de fruits de mer, une assiette de carottes râpées. Vince s'arrêta au milieu du couloir, devant une grosse coupe en argent pleine de fruits.

- Vas-y, dit-il à Cat. Chatouille la poire !

- Quoi ? s'interloqua la jeune fille.

Mais elle se prêta au jeu et titilla du bout de son index la peau verte et éclatante de la poire. Celle-ci trépida alors pendant quelques secondes, comme démangée par une irrésistible envie de rire, puis finit par n'en plus pouvoir.

- Hihihihihiii ! s'esclaffa-t-elle, avant de se transformer en une grosse poignée verte, qui émergea du tableau.

Cat se tourna vers Vince, éberluée.

- Elle est mignonne, cette poire ! s'exclama le châtain, en regardant la poignée avec un sourire bienveillant, comme si la poire et lui se connaissaient depuis toujours. Parfois, elle me rappelle un peu quelqu'un... Surtout sa façon de rigoler ! Après toi, je t'en prie !

Tout en dévisageant son camarade d'un oeil douteux (venait-il de la traiter implicitement de poire ?), la brunette posa une main sur la poignée et l'actionna.

Elle crut alors se retrouver dans la Grande Salle : les mêmes dimensions exubérantes, les mêmes grandes tables - quatre au centre, identiques à celles des quatre maisons, et une cinquième au bout, réplique exacte de la table des profs -, disposées de la même façon que dans le réfectoire. Les seules différences résidaient dans le fait qu'une immense cheminée en briques rousses chauffait juste derrière la table des profs, que les fenêtres étaient absentes des murs - ceux-ci étaient, au contraire, recouverts de poêles, de casseroles, de marmites en cuivre, en acier, de toutes tailles -, et qu'une centaine d'elfes de maison s'activaient autour des tables, pour garnir des plats de mets délicieux.

- Bienvenue dans la cuisine de Poudlard ! souhaita Vince. Le réfectoire est juste au-dessus ! précisa-t-il, en dressant son index vers le plafond.

Notre amie était ébahie. A peine eut-elle fait deux pas dans ce lieu totalement inconnu pour elle, qu'un elfe se précipita pour accueillir les deux visiteurs.

- Bienvenue, miss, monsieur ! glapit la créature, qui se prosterna devant eux pour les saluer. Désirez-vous quelque chose ?

Lorsque l'elfe se releva, Cat s'aperçut qu'il ne dépassait pas la hauteur de ses cuisses, et qu'il était obligé de cambrer sa tête pour pouvoir la fixer de ses gros yeux jaunes exorbités. Ses oreilles étaient aussi larges que celles d'un éléphant, et la brunette ne doutait pas que s'il se mettait à les agiter, il décollerait allègrement du sol. Il avait un nez en trompette, et un sourire qui déformait presque sa bouche, tant il était prononcé. Du reste, ses membres étaient décharnés, et sur son maigre corps était drapé un torchon à vaisselle, portant les armoiries de Poudlard : le lion, le serpent, le blaireau et l'aigle, représentés sur un bouclier.

- A vrai dire, nous désirerions quelque chose d'un peu spécial..., répondit Vince. Cat, à toi de lui expliquer plus en détails ce que tu veux !

La jeune fille fut prise de court - elle commençait tout juste à deviner pourquoi son ami l'avait emmenée ici.

- Euh... En fait... Je voudrais offrir un gâteau...

- Un gâteau ? reprit l'elfe, dans un couinement ravi. Tout de suite, miss !

Et une dizaine de ses semblables se présentèrent à la Serdaigle, chargés de tartes à la crème, d'éclairs au chocolat, de galettes à la confiture, de gâteaux au yaourt, de brioches, de soufflés au fromage, de puddings aux amandes ; l'un des elfes soulevait même une véritable pièce montée au-dessus de sa tête.

- Euh... Non, balbutia la jeune fille. C'est un gâteau au chocolat, que je voudrais...

- Un gâteau au chocolat ? Oh oui, bien sûr, miss !

Les elfes se dispersèrent et revinrent aussitôt à la charge en lui apportant un florilège de gâteaux au chocolat, certains plats, d'autres s'élevant sur plusieurs étages, tous d'un brun profond, décorés avec des fleurs en sucre, tellement beaux, que jamais Cat ne pourrait en fabriquer de pareils.

- Autant en profiter et en choisir un maintenant, lança Vince, en jetant un coup d'oeil à sa montre. Ca t'évitera de le préparer toi-même, et ça nous fera gagner du temps.

Mais notre amie, bien qu'émerveillée par la quantité et la qualité des pâtisseries qui lui étaient proposées, se refusait à l'idée d'abandonner sa mission première en sélectionnant paresseusement un gâteau déjà fait.

- Non, répéta-t-elle. Ce gâteau doit être... personnel ! En fait, j'aimerais le fabriquer moi-même !

Cette phrase eut l'effet d'une claque chez les elfes : la plupart s'indignèrent et retournèrent, outrés, travailler à leurs fourneaux, ne prêtant plus attention à cette élève qui formulait des voeux insensés. L'elfe aux oreilles d'éléphant était le seul à être resté avec les deux Serdaigle. Il entrouvrait la bouche de stupéfaction.

- Une sorcière ne doit pas faire la cuisine, miss, quand des elfes sont là pour la faire à sa place ! s'exclama-t-il d'un air surpris. Sinon, à quoi servent les elfes ? Cependant, si telle est la volonté de miss, alors... Globby pourra toujours lui apporter les ingrédients et les ustensiles dont elle aura besoin !

- Bien sûr ! certifia Cat, avec un sourire retrouvé (allait-elle vraiment pouvoir le faire, son gâteau ? Ca en avait tout l'air !).

- Venez, miss ! s'écria Globby, en s'élançant joyeusement parmi les rangées de tables.

L'admiration humectait ses gros yeux jaunes. Mais c'était sans compter l'émerveillement que Cat éprouvait elle-même, face à ces dizaines d'elfes qui fourmillaient autour d'eux, empilant des boules de glace à la vanille dans des coupelles en cristal, disposant gracieusement des fruits exotiques dans des plateaux en argent, accommodant des entremets et d'autres pâtisseries, avec méticulosité. La brunette comprit que, un étage au-dessus, les élèves étaient en train de dévorer le plat principal, et que ce qu'elle avait sous les yeux était le dessert qui les attendait.

- Alors c'est vous qui nous faites à manger tous les jours ? demanda-t-elle, fascinée.

- Oui, miss ! Tous les matins, tous les midis, et tous les soirs !

- Ca alors...

- A ce propos, si je puis me permettre, dit Vince, qui suivait derrière, j'aurais quelques suggestions à vous faire. Voilà, si vous pouviez rajouter un tout petit peu plus de beurre dans votre riz, ça lui éviterait d'être trop collant, et...

Mais Cat lui adressa un méchant froncement de sourcils pour le faire taire. Elle avait toujours trouvé la nourriture de Poudlard délicieuse, mais jamais elle ne s'était demandée d'où elle provenait. Pour elle, des festins aussi parfaits ne pouvaient que sortir de nulle part, relevant d'un simple coup de baguette magique et en aucun cas d'une préparation manuelle. A présent, elle découvrait que des cuisiniers existaient bel et bien, que c'étaient des elfes de maison, dociles et serviables, qui les régalaient par leur savoir-faire. Elle ne pouvait dès lors que les féliciter pour leur travail exemplaire.

- Votre chocolat chaud est excellent ! complimenta-t-elle avec sincérité.

- Merci, miss ! Si vous voulez bien choisir la place où vous souhaitez fabriquer votre gâteau, annonça Globby, en indiquant d'un geste de la main les tables des quatre maisons.

- Euh...

Naturellement, le regard de la brunette convergea vers la seule table que l'elfe ne présentait pas : la cinquième, devant la cheminée, et qui était également couverte de desserts.

- La table qui est au bout, dit-elle, c'est bien la table des profs ?

- Oui, miss ! A eux aussi, nous leur faisons à manger !

« Encore heureux » pensa Cat, en ouvrant de gros yeux médusés.

- Pourrais-je aller y préparer mon gâteau ? Car c'est à un prof que je compte l'offrir..., avoua-t-elle.

- Oooh !

A l'étonnement de l'elfe succéda à nouveau l'engouement.

- Bien sûr, miss, bien sûr ! Vous pourrez le lui offrir au moment où nous enverrons les desserts à travers le plafond !

L'idée était formidable. Jamais Cat n'aurait cru voir rassemblées en un seul lieu les conditions les plus optimales pour réaliser sa mission. Tout était là : les aliments, les instruments de cuisine, l'assistance, le four, et même le moyen de remettre son gâteau à Mr Lupin de manière anonyme ! Une chance inouïe ! Le seul inconvénient, c'était le temps : il lui fallait se dépêcher de terminer son gâteau avant son épreuve pratique de Défense contre les forces du mal ; pire encore : avant que les elfes n'expédient les desserts !

- Tu connais la recette, au moins ? s'inquiéta Vince, tandis que Cat retroussait les manches de sa chemise blanche, comme si elle se préparait à des heures de pétrissage de pâte dans des saladiers d'un mètre de fond.

- C'est-à-dire que..., s'arrêta momentanément la jeune fille, en se grattant la tête. Je comptais improviser !

Heureusement que Globby était là.

- Gâteau au chocolat : cent cinquante grammes de beurre mou, cent cinquante grammes de sucre, quatre oeufs, cinquante grammes de farine, deux pincées de sel, deux cents grammes de chocolat fondu, récita-t-il fièrement.

Cat l'interrompit avant qu'il n'entame la description détaillée de la préparation.

- Très bien. Si tu pouvais aller me chercher tout ça...

- A votre service, miss !

La créature s'éclipsa et revint presque aussitôt avec un sachet de farine et un sachet de sucre posés en équilibre instable sur sa tête, les oeufs empilés dangereusement dans sa main gauche, la plaquette de beurre, la tablette de chocolat et la salière dans sa main droite. Globby déposa tous ces ingrédients sur la table des profs et attendit les nouvelles instructions. Cat semblait pourtant être dans le même état d'expectative.

- Et maintenant, qu'est-ce que je dois faire ? s'enquit-elle, provoquant l'effarement de Coincoin, qui se demanda qui de la sorcière ou de l'elfe était finalement le maître.

- Il suffit à miss de mélanger le beurre mou avec le sucre, et d'y ajouter une pincée de sel ! répondit Globby, heureux de partager son savoir.

- D'accord, fit Cat, en fixant le beurre, le sucre et la salière avec détermination. Il me faudrait alors un grand saladier, et une cuillère en bois.

L'elfe les lui apporta en deux secondes chrono. L'avantage, avec lui, c'était qu'il s'intéressait à fond au projet de la Serdaigle. C'était certainement la première fois qu'une élève venait frapper à la porte de la cuisine de Poudlard, dans l'intention d'y préparer elle-même un gâteau, à offrir à un professeur qui déjeunait juste au-dessus dans la Grande Salle. Ce plan, si inédit et si original pour la créature, attisait sa curiosité, et son efficacité n'en était que décuplée. Vince, en revanche, constatait son inutilité. Pour faire passer le temps, il décida de tester les limites des elfes, en abusant de leur serviabilité et en commandant toute une série de plats invraisemblables.

- Est-ce que vous pourriez m'apporter une glace aux coquelicots ? demanda-t-il gentiment à une elfe, tandis que Cat mêlait le beurre aux cristaux de sucre qu'elle avait saupoudrés par-dessus, à l'aide de sa grosse cuillère en bois.

Elle obtint une pâte grenue, jaune claire, et Globby l'informa qu'il lui fallait maintenant faire fondre le chocolat. Le plus intéressant ! L'essence même du gâteau ! La jeune fille déchira avidement le papier qui recouvrait la tablette de chocolat, et réclama à son elfe admirateur une casserole. Vince, portant à ses lèvres un cornet de glace écarlate, rejoignit son amie au moment où celle-ci cassait la tablette en petits carrés - il y en avait vingt-huit en tout.

- Et ben, t'as pas fini..., lança-t-il. Il est déjà midi et demi... Pourquoi ne mets-tu pas directement la tablette dans la casserole ?

- Parce que le chocolat fondra beaucoup plus vite, si je le coupe en petits morceaux !

Mais c'était aussi pour le plaisir de toucher à pleines mains du chocolat, et d'entendre ces léger « Toc ! », « Toc ! », « Toc ! », accompagnés d'infimes éclats de cacao, à mesure qu'elle sectionnait ses carrés. Enfin, elle se dirigea avec Globby près de la cheminée, et brandit sa casserole au-dessus des flammes.

- Miss, vous avez oublié d'ajouter de l'eau, pour faciliter la fusion !

La créature déversa la moitié d'une carafe d'eau dans la casserole, et une épaisse vapeur jaillit aussitôt pour enfumer le couple de cuisiniers.

- Kof kof kof ! s'étouffa Cat, qui tenait toujours la casserole d'une main, mais utilisait l'autre pour dissiper la fumée.

Elle attendit que le mélange sombre qui crépitait dans le récipient parvienne à ébullition, mais patienta en fait un peu trop longtemps, car de grosses bulles se formèrent et éclatèrent, faisant gicler du chocolat sur la chemise blanche de la Serdaigle. Coincoin se masqua les yeux pour ne pas voir la catastrophe. La brunette réussit tant bien que mal à verser la substance foncée dans son saladier, tout en la mélangeant avec la pâte. Une fois la casserole vidée de son contenu, elle la reposa sur la table, se munit d'une deuxième cuillère, et touilla le liquide marron avec cette fois-ci un ustensile dans chaque main, pour aller plus vite. Vint ensuite le tour des oeufs...

- Attention ! s'alarma Vince. Les oeufs ! Il va y avoir de la casse...

- Détrompe-toi ! Je me débrouille généralement très bien avec les oeufs ! signala Cat.

L'objectif était pour elle de recueillir les blancs dans un bol, et d'ajouter les jaunes, un par un, dans le saladier. La jeune fille tapota avec une prudence assurée le premier oeuf contre le bord du bol, l'ouvrit, laissa s'écouler la glaire transparente, tout en gardant le jaune dans la coquille, puis inclut celui-ci dans son mélange chocolaté. Rond orange au milieu d'une mer brune. Drôle de tableau. Cat récidiva l'expérience deux fois sans problème. Arrivée au quatrième et dernier oeuf, un drame se produisit.

- Meeerde ! Le jaune m'a échappé et il est tombé avec les blancs dans le bol !

Vite ! Opération rescousse ! Il fallait sauver le jaune en le repêchant !

- Une cuillère ! Une cuillère ! s'écria la brunette, en agitant des bras paniqués en l'air.

Les secondes étaient comptées : le jaune commençait à s'étendre parmi les blancs, sa fine enveloppe étant percée. Par chance, Cat arriva à temps : elle plongea sa troisième cuillère dans le bol, souleva le jaune, et le transvasa promptement dans le saladier, sans une goutte sur la table. Pendant que Vince faisait part aux elfes de son désir de déguster un oeuf d'autruche, Cat lécha une de ses trois cuillères pour goûter sa préparation.

- Hmmm ! Délicieux !

Elle s'empressa d'ajouter la farine, puis remua à nouveau le mélange. Celui-ci était doux, lisse, très agréable à touiller. La brunette s'amusait à former des spirales, au fond du saladier, et pensait avec bonheur à la tête de Remus Lupin, lorsque le gâteau apparaîtrait dans son assiette. Vince, qui était occupé à plonger une baguette de pain entière dans son oeuf d'autruche à la coque, ne paraissait pas rassasié - il était surtout fort contrarié de voir que les elfes parvenaient toujours à lui fournir les aliments les plus extravagants qu'il leur demandait.

- Tu crois que si je leur commande un Lupin en brochette, ils iront me le chercher ? questionna-t-il à l'adresse de Cat.

- Purée, alors là, Vince, t'as même pas intérêt d'essayer !!! vociféra la brune, en menaçant le garçon avec son fouet de cuisine, car elle était convaincue que les elfes satisferaient sa demande, s'il la leur formulait.

L'épreuve la plus dure était sans nul doute celle qui consistait à battre les blancs en neige. Comme par hasard, Coincoin voulut assister au spectacle, friand de se payer une bonne tranche de rire. Cat ne manquait pas de volonté : elle agita le fouet à la vitesse de la lumière. Mais elle s'arrêta au bout de dix secondes. Vince la charria : « Ah ah ah ! C'est tout ? ». Evidemment, c'était la force dans le poignet qui lui faisait défaut - et comme en plus elle venait de passer deux heures d'écriture acharnée... Elle reprit son courage à deux mains et s'exclama, brandissant son fouet vers le plafond :

- Pour Mr Lupin !

Elle battit les oeufs sans discontinuer, pendant une minute au moins. Elle trouva la technique : déchaîner toute sa violence en pensant qu'elle frappait quelqu'un qui aurait fait du mal à son chéri. Ceci marcha plutôt bien : les blancs s'élevèrent en une mousse d'une consistance raisonnable, qu'elle introduisit en trois fois dans le saladier, n'oubliant pas de mélanger entre chaque.

- Voilà ! s'exclama la jeune fille, avec un sourire radieux, sentant que la fin de sa préparation était proche. Maintenant, il ne me reste plus qu'à verser le tout dans un moule !

- Lequel préférez-vous, miss ?

Globby venait de lui apporter des moules carré, rectangulaire, rond, ovale, triangulaire.

- Hmmm, je crois qu'elle préférerait plutôt un moule en forme de coeur ! N'est-ce pas, Cat ? s'immisça Vince, en faisant un clin d'oeil à son amie.

- T'es fou ? se récria cette dernière. Ce serait avouer clairement à Mr Lupin que je l'aime !

La brunette se plaqua aussitôt la main sur la bouche, horrifiée par sa bourde. Tous les elfes avaient entendu ! Ils avaient tous tourné la tête vers elle en même temps, avant de reprendre comme si de rien n'était leurs derniers préparatifs pour les desserts.

- Ne vous inquiétez pas, miss ! la rassura Globby, en déposant sur la table le moule en forme de coeur. Nous, les elfes de maison, nous gardons les secrets de nos maîtres ! Nous ne répéterons à personne que vous êtes amoureuse du professeur Lupin !

Encore une fois, tous les elfes se retournèrent. Cat aurait juré en avoir vu certains esquisser un sourire. Finalement, elle choisit le moule à tarte - repoussant catégoriquement celui en forme de coeur -, et inclina soigneusement le saladier au-dessus. La pâte coula lentement dans le récipient et épousa sa forme. Il était treize heures lorsque la Serdaigle sortit sa baguette magique et prononça le sortilège de Lévitation, pour diriger le plat vers la cheminée qui allait lui servir de four, et le maintenir au-dessus du feu. Dans la salle, les elfes en avaient terminé avec leur préparation des mets ; ceux-ci s'étendaient sur toute la longueur des tables, bien centrés pour être accessibles aux élèves. Les créatures, maintenant inactives, levaient la tête et semblaient attendre quelque chose... La jeune fille - qui surveillait de temps à autre la cuisson de son gâteau - vit alors des centaines de plateaux, d'assiettes et de couverts sortir du plafond et descendre doucement, tels des flocons de neige. Avec des claquements de leurs petits doigts, les elfes firent disparaître les plateaux, nettoyèrent les assiettes et les couverts qui se posaient de part et d'autre des desserts, puis échangèrent fourchettes et couteaux par des cuillères.

- Miss devrait peut-être se dépêcher, risqua Globby, en jetant autour de lui des regards inquiets, les elfes ne vont pas tarder à envoyer les desserts...

Le coeur de Cat s'emballa. La surface de son gâteau brillait toujours à la lueur des flammes, il frémissait à peine ! La pâte était encore liquide, il lui fallait au moins compter une demi-heure avant qu'elle se solidifie...

- Ah oui ? s'échauffa la jeune fille. Et comment je fais, moi, pour que ça cuise plus vite ?

- Globby peut intensifier la chaleur du feu ! expliqua l'elfe, en s'approchant de la cheminée.

Cat l'observa d'un oeil sceptique. Elle ne voulait pas non plus qu'il lui carbonise son gâteau... La créature claqua des doigts, et les flammes orangées gagnèrent aussitôt en hauteur. Les crépitements se firent plus forts et plus fréquents.

- Cinq minutes devraient suffire, maintenant, présuma Globby. Le dessus du gâteau doit craqueler, mais l'intérieur doit rester fondant !

Tandis que le front de notre amie suait à grosses gouttes tant elle restait près des flammes, à suivre l'évolution de sa préparation, Vince en profitait pour passer son doigt dans le fond du saladier et lécher comme un goinfre ce qui restait de pâte chocolatée. Globby ramena, quant à lui, quelques ingrédients supplémentaires pour décorer le gâteau : un pot de sucre glace, une poche à douille cannelée remplie de crème au beurre, et un flacon de sucre rose fondu.

Dans la cuisine, les elfes s'impatientaient : apparemment, cela faisait déjà quatre minutes qu'ils auraient dû faire monter les desserts dans la Grande Salle, et ils menaçaient à tout moment de ne pas prolonger leur retard. Cat, soutenue par Globby, s'obstinait alors à les persuader d'attendre un peu plus longtemps : « Encore une minute ! Juste une minute, s'il vous plaît ! », quitte à les implorer en se jetant par terre et en pleurnichant : « Nooonnn ! Par pitié ! Nooonnn ! Pas la table des profs ! Expédiez tous les desserts, mais pas ceux de la table des profs ! ». Cela aurait été trop bête de voir sa mission échouer, arrivée si près du but. Après une heure d'efforts - les éclaboussures brunes sur sa chemise en témoignaient -, perdre l'opportunité de souhaiter un joyeux anniversaire à Remus Lupin, à cause de cinq malheureuses minutes de plus à attendre...

Par miracle, le gâteau présenta une croûte qui commençait à se fendre en quelques endroits : il était prêt ! La brunette poussa un cri de joie et sautilla sur place en battant des mains.

- Ca y est, c'est bon ! exulta-t-elle, en sortant le moule de la cheminée et en s'empressant de le poser sur la table.

Elle s'empara d'un couteau, l'enfonça au milieu du gâteau qui continuait à bruire, le retira, constata avec délice qu'il n'était pas tâché de chocolat liquide - le gâteau était bel et bien cuit -, puis l'utilisa pour extraire ce dernier de son moule, et le transférer délicatement dans l'une des assiettes à dessert de la table des profs.

- Tu es sûre qu'il s'agit de l'assiette de Mr Lupin ? s'enquit Vince, qui faisait face à l'apprentie cuisinière. D'habitude, il n'est pas un peu plus à droite ?

- Tu veux dire plus à gauche ?

- Oui, enfin, tout dépend de la façon dont tu te places, par rapport à la table !

Cat contourna rapidement le meuble pour venir se mettre du même côté que son ami, et se pencha légèrement en arrière, comme pour observer la table de loin.

- Oui, tu as raison, il est un peu plus à droite... D'ailleurs, je crois qu'il est assis là ! dit-elle, en pointant la quatrième assiette en partant de la droite.

Un échange d'assiettes fut effectué, et le gâteau se retrouva à l'emplacement présumé où mangeait Mr Lupin.

- Bon, fit Coincoin. Tu plantes les bougies ?

- J'aimerais bien... Mais je ne sais pas quel âge il a !

- Tu aurais dû le demander à Trelawney, en même temps que pour la date d'anniversaire...

- En espérant qu'elle ne se soit pas trompée sur celle-ci...

- Bah ! Tant pis ! T'as qu'à en mettre quarante, je pense que ça suffira !

- T'es malade ? Il est quand même pas aussi vieux !

- Je t'assure qu'il les fait vraiment.

- Je devine généralement très bien les âges, et je lui donne au maximum trente-six ans ! Vingt ans de plus que moi !

Mais Cat et Vince n'avaient pas le temps de délibérer. Les elfes se rongeaient à présent les doigts à l'idée d'être renvoyés par Dumbledore pour leur retard impardonnable dans la distribution des desserts. Leurs yeux étaient exorbités de frayeur. Aidée par les conseils de Globby, la brunette parsema énergiquement son gâteau de sucre glace, ce qui le rendit moucheté, et en souligna le contour grâce à la crème au beurre qu'elle fit sortir en pressant la poche. Le brun du chocolat s'égayait maintenant du blanc éclatant de la poudre et de la crème, qui contrastait fabuleusement. Il ne restait plus qu'à ajouter de la couleur... Du rose !

- Avec ça, vous pouvez tracer des petits dessins, ou écrire un message personnel, miss ! indiqua Globby, en tendant le flacon de sirop à la jeune fille.

Celle-ci réfléchit alors à ce qu'elle allait inventer. Dessiner des petits coeurs ? Non ! Quoi, alors ? Lui souhaiter un joyeux anniversaire par écrit ? Trop banal... Ce qu'il lui fallait, c'était... rendre ce gâteau le plus particulier possible. Une origine spéciale, pour une destination spéciale. Faire clairement comprendre à Remus Lupin que ce gâteau n'était fait que pour lui. Parce qu'il était au chocolat... Doux, savoureux, irrésistible... Alors Cat déboucha le flacon et fit dégouliner un fin liseré rose, en tâchant d'être la plus adroite possible, pour former de jolies lettres. Elle prit un plaisir singulier à réaliser cette touche finale, le bout de sa langue dépassant discrètement du coin de sa bouche, signe de sa concentration. Curieux, Vince se pencha par-dessus son épaule, et parvint à lire les deux mots rédigés au sucre rose : « Chocolated Lupin ».

- Ca veut dire quoi ? se troubla-t-il.

- T'occupe !

La jeune fille acheva son travail calligraphique, qui révélait à la fois quelque gaucherie et quelque raffinement - en tout cas beaucoup de sensibilité.

- Voilà ! s'exclama-t-elle, d'un air de triomphe et de fierté. Fini !

- Il était temps ! Je crois que ça fait dix minutes que ceux d'en haut attendent la suite du repas...

- Eh bien ils vont être rassasiés, dès à présent ! Mr Lupin va avoir une belle surprise ! se trémoussa Cat, les yeux plissés de contentement.

Elle vit avec bonheur son dessert décoller avec les autres, et monter imperceptiblement jusqu'au plafond, haut, haut comme le soleil, à en attraper un torticolis. Les gâteaux qui flottaient dans les airs étaient nombreux, mais Cat ne contemplait que le sien. Il était unique. Même si un peu raté, il ne pouvait qu'être réussi, tout simplement parce qu'il avait été préparé avec amour, et que cela seul lui conférait une valeur exceptionnelle.

- Bon, eh bien, Globby, j'ai été ravie de travailler en équipe avec toi ! remercia la brunette, qui se tenait sur le seuil de la porte de la cuisine, prête à repartir avec Vince.

- A votre service, miss !

- Et merci aussi aux autres elfes, pour leur patience...

- N'hésitez pas à revenir nous voir ! Je serais heureux de vous aider à nouveau à cuisiner un plat !

Enchantée par cette expérience incroyable et enivrée par le succès inespéré de sa mission, Cat courut dans le couloir aux victuailles pour rejoindre Coincoin en riant.

- Je crois que t'as un ticket avec Globby ! plaisanta le châtain.

Quelques mètres plus haut, le professeur Rogue voyait apparaître dans son assiette un énorme gâteau au chocolat, recouvert de sucre glace. Ses yeux se rétrécirent d'incompréhension - jamais il n'avait commandé une telle pâtisserie écoeurante ! -, ses sourcils se froncèrent, puis tout prit son sens lorsqu'il lut le message. Un rictus sardonique déforma alors le coin de sa bouche, il regarda devant lui les tablées d'élèves qui dévoraient les desserts qu'ils avaient attendus pendant dix minutes, et sans tourner la tête, sans même prêter un regard à son voisin de gauche, il lui tendit le gâteau en disant d'une voix glaciale :

- Tenez, Lupin. Je crois que c'est pour vous, il y a votre nom marqué dessus.

Et Remus Lupin saisit le gâteau d'anniversaire, avec des yeux ronds de surprise.

Pendant ce temps, Cat remontait tranquillement les escaliers pour regagner le rez-de-chaussée et sortir dans la cour (« Tu ne veux pas aller grignoter quelque chose dans la Grande Salle ? » lui avait demandé Vince ; « Oh non ! Avec les taches de chocolat que j'ai sur la chemise, il saurait tout de suite que c'est moi ! »), heureuse, le sourire jusqu'aux oreilles, ne se doutant de rien.

¤~

Cat avait finalement réussi à nettoyer sa chemise à l'aide d'un simple Récurvite. Débarrassée de ses taches de chocolat, elle s'était présentée à quatorze heures dans la petite pièce voisine à la Grande Salle, se mêlant aux autres candidats, mais n'en restant pas moins peureuse. Elle avait l'impression que les traces chocolatées étaient toujours présentes sur elle, et qu'elles indiquaient, en lettres grossières : « C'est moi qui vous ai offert le gâteau ». Le professeur Lupin était là, à l'entrée de la Grande Salle, c'était lui qui appelait les élèves à passer, par ordre alphabétique. Il paraissait jovial, décontracté. Dès qu'un élève franchissait la porte, à côté de lui, il lui adressait un sourire encourageant, lui souhaitait bonne chance, ou bien le rassurait en lui disant de ne pas s'inquiéter. Cat aurait aimé le regarder, pour s'égayer la vue des traits joyeux de son visage (était-ce dû au fait qu'il avait reçu son gâteau d'anniversaire ?), pour se remplir les yeux de son image et se constituer une motivation pour réussir son épreuve pratique de Défense contre les forces du mal. Mais elle craignait qu'au moindre regard, il ne la découvre. Elle s'efforçait donc de baisser la tête sur son bouquin des Forces du mal surpassées, et de se tenir le plus loin possible de lui, pour être dissimulée par la masse des élèves.

Le moment qu'elle appréhendait le plus arriva enfin : l'appel de son nom.

- Marckle, Thomas - Mervin, Cedric - Mill, Susan - Mist, Cathie.

« Bon, très bien » se dit la brunette, en se frayant un chemin parmi la foule, « Je passe devant lui et je fais mine de ne pas le voir ».

La tâche allait pourtant se révéler particulièrement difficile, car, naturellement, elle ne voyait que lui. Elle sentait ses joues s'embraser, à mesure qu'elle s'approchait de lui. Elle sentait son sourire grimper jusqu'à des hauteurs vertigineuses. Elle ne savait pas pourquoi, il la faisait rire ! Sans doute le côté extravagant de la situation. Lui était certainement en train de chercher l'origine du gâteau qu'il avait mangé, et elle, cette mystérieuse origine, allait lui passer sous le nez, l'air de rien. Le tout dans une atmosphère d'épreuve de B.U.S.E. ! Il ne pouvait faire aucun doute que Cat portait sur elle les symptômes de la culpabilité probante : sa figure cramoisie, ses joues gonflées comme celles d'un hamster - tant son sourire était fort - ne pouvaient passer inaperçues aux yeux de Remus Lupin.

Lorsqu'elle l'eut atteint, celui-ci se pencha vers elle, elle aperçut un bref gros plan de sa moustache, puis s'apprêta avec un battement de coeur effrayé à l'entendre murmurer : « Merci pour le gâteau de ce midi ! ». Mais ce qu'il lui chuchota dans l'oreille fut tout autre.

- Alors, la théorie de Défense de ce matin, ça a marché ?

La jeune fille tourna vers lui une tête un peu étourdie. Il souriait, aussi charmant que d'habitude.

- Ouais..., dit-elle, n'osant pas trop se prononcer (après tout, peut-être avait-elle foiré son épreuve ? Il y avait toujours un risque). On verra bien...

- On verra bien ! répéta Mr Lupin, les yeux plissés d'un contentement rassuré et rassurant.

Cat pénétra dans la Grande Salle, non sans se retourner encore une fois vers son professeur. Son coeur battait la chamade. Cette fois-ci, c'était pire que tout : non seulement elle devait réussir son épreuve pratique de Défense contre les forces du mal, mais en plus elle devait la réussir sous ses yeux ! Ces deux objectifs semblaient cruellement contradictoires...

- Pourriez-vous lancer sur moi un sortilège d'Entrave ? lui demanda tout d'abord l'examinateur.

- Euh... Oui..., répondit la Serdaigle, en pointant vers le vieillard une baguette tremblante, qui démentait ses mots et jurait qu'elle en était incapable.

Son premier sort vrilla à gauche du sorcier et faillit toucher un élève. Son deuxième sort partit directement au plafond. L'examen tournait à la catastrophe. Cat n'arrivait pas à se concentrer. Elle sentait le regard de Mr Lupin lui brûler le dos, elle savait qu'elle le décevait déjà. Elle qui s'était montrée particulièrement brillante, au cours de l'année, en pratique de Défense, la voilà qui faisait tout capoter, le jour précis où elle n'avait pas le droit à l'erreur. Si elle continuait comme ça, elle n'allait pas obtenir une note suffisante pour pouvoir poursuivre la matière l'année prochaine... Elle n'allait plus pouvoir assister aux cours de Mr Lupin !

- Impedimenta ! s'écria-t-elle alors, dans une soudaine et intense détermination à entraver l'individu qui risquait de la séparer de son chéri pour l'année suivante.

Les membres de l'examinateur s'immobilisèrent. Le visage de la brunette rayonna. Elle se tourna aussitôt vers le professeur Lupin, pour s'enquérir de sa réaction. Celui-ci l'observait avec un tendre sourire, convaincu de la réussite de son élève et du fait que ses hésitations du début n'étaient dues qu'à un simple stress, ne se faisant pas de souci pour elle. La jeune fille capta son regard encourageant pendant la minute qui fut nécessaire à l'examinateur pour retrouver sa mobilité. Puis, lorsque le centenaire fut de nouveau apte à lui poser des questions, elle se retourna vers lui, le coeur enhardi. La suite de l'épreuve ne fut plus qu'une accumulation de succès et de victoires.

Le lendemain, mardi, la théorie de Potions se passa plutôt bien. Finalement, le devoir que Rogue avait donné aux Serdaigle cinquième année lors du dernier jour de cours avait eu ceci de positif, c'était qu'il les avait obligés à réviser à fond, peu avant les B.U.S.E. Par ailleurs, Cat se souvenait fraîchement des erreurs qu'elle avait faites dans ce contrôle. Elle s'employa donc à ne pas les reproduire, et trouva au final des résultats qui tenaient la route (pas comme la fois où ses calculs l'avaient conduite à la conclusion que le chaudron devait être porté à moins mille cinq cent trente-sept degrés pour que la potion de Polynectar puisse être prête en un mois).

L'épreuve pratique, en revanche... Inutile de compter sur Rogue pour adresser le moindre signe d'encouragement à ses élèves qui passaient à côté de lui pour pénétrer dans la Grande Salle. Les candidats étaient répartis sur des tables individuelles, un peu plus longues que celles des épreuves théoriques, et sur lesquelles étaient installés des tubes à essais, des fioles, des bocaux, vides ou remplis de substances colorées, des ingrédients divers, variant selon les postes, allant de la patte de corbeau grillée au bol de bave de chat, sans oublier bien sûr un rouleau de parchemin dressant la liste du matériel et expliquant le protocole expérimental à suivre.

Cat posa son chaudron sur sa table, et s'attacha les cheveux (elle répugnait à le faire, mais elle n'avait pas le choix, si elle ne voulait pas qu'une mèche trempe dans sa potion et qu'elle perde un point). Son erreur fut de remarquer à peine le pince-nez et la paire de gants en cuir de dragon posés sur sa droite, à côté des flacons. Elle se précipita sur la méthode de préparation, survola le titre (« Antidote au venin de mygale »), ne fit pas vraiment cas de la concentration hautement dangereuse de l'empestine qu'elle devait utiliser et qui était pourtant mentionnée dans le protocole. Tout ce qu'elle comprit, c'était que la première étape consistait pour elle à diluer l'empestine dans quelques centilitres d'eau. Elle saisit le bocal contenant le liquide vert foncé et épais, l'ouvrit à mains nues et en déversa la quantité demandée au fond de son chaudron. De fins filets de fumée s'en échappèrent, et une odeur de fumier assiégea ses narines. Pensant que cette pestilence faisait partie de la difficulté de l'épreuve, et qu'elle pourrait aisément y survivre, la jeune fille poursuivit l'expérience et ajouta trois grosses fioles d'eau, tout en mélangeant avec sa baguette, puis appela l'examinatrice, comme il était indiqué sur le parchemin.

- Mettez les gants et le pince-nez, malheureuse ! s'écria alors le professeur Marchebank, choquée par une telle inconscience.

« Ah, c'est vrai que l'empestine était assez concentrée » se souvint Cat, qui ne réalisa qu'à moitié qu'elle avait failli se faire ronger les doigts par l'acide cyanhydrique que contenait la substance. Elle enfila les épais gants - durs comme du métal, mais aussi malléables que s'ils avaient été fabriqués en soie -, et épingla son nez avec l'objet destiné à cet effet et qui n'était autre qu'une vulgaire pince à linge. Elle avait l'air maligne, comme ça ! Ah, vraiment, elle était tombée sur le bon sujet : celui qui la ridiculisait en public. La bouche entrouverte, pour pouvoir respirer, les narines flambantes, tant cette pince les serrait fort, la brunette regarda autour d'elle, pour voir si d'autres élèves avaient le même exercice et paraissaient aussi grotesques qu'elle. Naturellement, elle était la seule crétine à avoir écopé du sujet le plus humiliant du programme, et dut subir les coups d'oeil moqueurs de ses camarades.

Le comble fut qu'elle persista à vouloir travailler sans protection. Pour pouvoir rédiger les réponses aux quatre petites questions qui figuraient sur le protocole, elle trouva logique de se débarrasser de ses gants et de son pince-nez, qui l'incommodaient plus qu'autre chose. Aussi refusa-t-elle délibérément de les remettre, jugeant que le reste de la préparation ne comportait plus aucun risque.

- Vos gants et votre pince-nez, jeune fille ! cria la vieille sorcière, en s'approchant de la table de Cat.

- Mais maintenant que l'empestine est diluée, il n'y a plus rien à craindre ! se justifia cette dernière, qui de toute manière s'était habituée à l'odeur rance.

Marchebank insista, la Serdaigle céda.

Au fond, cette préparation d'une potion (c'était quoi qu'elle préparait, au juste ? Un antidote ?), c'était comme la préparation d'un gâteau : il y avait des ingrédients, à introduire dans un grand récipient, dans un ordre précis, à mélanger, en respectant les doses, à faire chauffer, et à la fin, cela donnait un produit comestible. Si Cat aimait particulièrement les Potions, c'était parce qu'elle aimait particulièrement faire la cuisine. Et si Cat était douée en cuisine, si elle avait réussi le gâteau au chocolat qu'elle avait offert à Remus Lupin, alors cela voulait dire qu'elle allait également réussir son antidote !

Après avoir identifié l'essence de bélladone dans l'un des nombreux tubes à essais à sa disposition, elle en versa cinq gouttes dans son chaudron, puis s'employa à réduire en poudre des racines de gingembre dans un mortier. Elle pensa brièvement aux titrons au gingembre qu'elle avait fait goûter à Mr Lupin, et ceci la fit sourire. A bien y réfléchir, elle ne lui avait offert que de la nourriture, jusqu'à présent ! Des tritons au gingembre, une pomme, un gâteau au chocolat... Elle voulait donc faire grossir son chéri ? Peut-être un jour lui offrirait-elle une potion... Non, pas un filtre d'amour, pour le forcer à tomber amoureux d'elle. Mais une potion particulière : la potion Tue-loup. Très difficile à préparer, paraissait-il, donc très difficile à se procurer. Si Cat devenait une brillante préparatrice de Potions, alors elle pourrait fournir gratuitement à celui qu'elle aimait de quoi ne pas souffrir durant ses transformations. Mais ce n'était pas gagné : lorsqu'elle remplit un flacon de sa potion, le boucha et s'apprêta à nettoyer les ustensiles, le professeur Marchebank surgit de nulle part et hurla pour la troisième fois :

- VOS GANTS ET VOTRE PINCE-NEZ !

Cat prit conscience que, niveau sécurité, elle était une calamité (ses instincts suicidaires y étaient sans doute pour quelque chose...).

¤~

Le jour de l'examen de Botanique, Cat se leva à quatre heures du matin. Pour elle, les épreuves les plus dures étaient passées : Sortilèges, Métamorphose, et surtout (surtout !) Défense contre les forces du mal et Potions. Aussi ne lui restait-il plus que trois examens : Botanique, Astronomie et Histoire de la magie. Quel bonheur de voir se réduire progressivement le nombre de matières à réviser ! Au départ, il y en avait neuf, maintenant, plus que trois ! L'étudiante pouvait accorder plus de temps à chacune. Enfin... Façon de parler. Car il allait sans dire que notre amie était bien plus crevée qu'au début des B.U.S.E., et que son énergie et sa motivation tendaient à diminuer, elles aussi. Tout de même, le sentiment que la fin était proche l'incitait à puiser dans ses dernières réserves, à utiliser ses dernières forces, pour le sprint final. C'était pourquoi elle avait décidé de se réveiller avant l'aurore, pour les trois ultimes jours de B.U.S.E.

Elle se félicita de ce choix, lorsqu'à l'épreuve théorique de ce mercredi, elle retranscrivit toutes les notions de Botanique qu'elle avait relues quelques heures plus tôt (et bien sûr apprises tout au long de l'année), sans en oublier une seule, sans aucun trou de mémoire. Elle mit le paquet. Un peu trop... Car elle n'eut pas le temps de terminer l'épreuve.

- Il ne vous reste plus que... cinq minutes ! s'était exclamée le professeur Sinistra.

« Quoi ? Mais c'est pas possible ! Je n'ai fait que les deux tiers du sujet ! »

Le troisième tiers étant griffonné sur sa feuille de brouillon, Cat s'était précipitée pour tout recopier sur son parchemin propre, mais bien entendu la panique lui avait fait gaspiller une bonne minute pour trouver comment formuler sa première phrase, et les quatre minutes restantes n'avaient pas été suffisantes.

- Terminé ! Veuillez poser vos plumes, s'il vous plaît !

Mais Cat avait continué d'écrire (« Juste une phrase, juste une phrase de plus ! »), indifférente aux instructions de la prof (après tout, celle-ci n'allait certainement pas la voir).

- Miss Mist ! Qu'est-ce que je viens de dire ?

La jeune fille n'avait même pas relevé la tête (« Laissez-moi au moins finir ma phrase, pitié ! »). Elle ne l'avait levée qu'au bout de quelques fractions de seconde, pour prétexter :

- Je remplis l'en-tête de ma copie ! J'ai oublié de le faire, au début de l'épreuve !

- Je l'ai pourtant répété : remplissez toujours l'en-tête des copies avant de commencer l'épreuve ! avait rugi Sinistra. Dépêchez-vous, sinon je brûle votre parchemin et il ne sera pas noté !

- Oui, oui !

« Avec un peu de chance, je peux encore rajouter une notion ! » s'était dit Cat, en rédigeant à toutes vitesses la suite de ses réponses. Mais l'enseignante s'était rapprochée de sa table, et avait découvert la supercherie.

- Ah non, alors ça, c'est INTERDIT ! avait-elle vociféré, et la brunette, tétanisée, avait recouvert sa tête avec ses mains, comme pour se protéger d'un coup.

Elle avait bien cru voir son travail de deux heures et deux minutes flamber devant ses yeux. Heureusement, le professeur Sinistra s'était contentée de lui arracher sa copie de sa table, et d'y adjoindre toutes les autres, en les ramassant à l'aide d'un Accio. Tremblante, Cat se rendit compte qu'elle avait frisé le zéro pointé. Une chance faramineuse, qu'elle avait.

L'après-midi, elle n'en demeura pourtant pas moins en colère, en repensant que la théorie de Botanique était la seule épreuve qu'elle n'avait pas eu le temps de finir. « Ils devraient nous laisser plus de temps ! » s'excéda-t-elle, sur le chemin des serres, longeant le mur extérieur du château pour profiter de la fraîcheur de son ombre. « Deux heures, ce n'est pas assez ! ». Elle eut cependant l'occasion d'atténuer son énervement grâce à l'épreuve pratique. Outre le fait qu'elle sua à grosses gouttes dans la serre, tant la chaleur qui y régnait était torride (et pourtant, Mr Lupin n'était même pas là !), elle se débrouilla très bien avec les Géraniums dentus (elle songea vaguement à en kidnapper un pour le donner à Cerise, en remplacement de celui qu'elle avait perdu il y avait maintenant assez longtemps), la culture de branchiflores et des sisymbres.
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Hey ! Voila l'autre chapitre comme promis, je dois uste vous prévenir que c'est le dernier chapitre avant le dernier

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