Chapitre 26 : Pansement et révisions




Cinq heures quarante-cinq du matin. Remus Lupin et Cathie Mist montaient les marches de l'escalier de marbre en tentant de rester les plus silencieux possible. La clarté du jour ne s'étant pas encore introduite dans le château, les lieux étaient toujours plongés dans la pénombre ; aussi l'enseignant avait-il pris congé du soutien de son élève (« Ca va aller, maintenant. Je pense pouvoir monter les marches sans trop de problèmes ! ») et s'était-il muni de sa baguette, grâce à laquelle il éclairait le chemin, à l'aide d'un Lumos.

- Vous devriez peut-être remettre votre cape d'invisibilité, chuchota-t-il. Si jamais quelqu'un nous voit...

Cat comprit qu'en effet, si un autre professeur - ou même Rusard - surprenait Mr Lupin en compagnie d'une élève, à une heure où tous les étudiants devaient être au lit, l'adulte risquerait d'avoir de gros soucis... Il pourrait encore inventer une excuse (« C'est une élève qui traînait dans les couloirs. Je la raccompagne à son dortoir, mais je lui ai donné une retenue »), mais serait-il cru ?

- D'accord, répondit la brunette, en commençant à enfiler le vêtement magique sur son dos.

Puis, après quelques microsecondes d'hésitation...

- Vous voulez venir sous la cape, vous aussi ?

- Non, non ! s'amusa le châtain.

« Bien essayé, Cat... »

Ainsi, la jeune fille disparut des yeux de Mr Lupin, et celui-ci sembla n'être plus que le seul à gravir les marches à pas feutrés. Ils s'engagèrent bientôt dans un long corridor, et une fois parvenu au bout, l'adulte demanda :

- Vous êtes toujours là ?

- Oui, oui ! Je vous suis ! assura notre amie.

Elle ne savait pas trop où il l'emmenait... Chez lui, d'accord, mais pourquoi n'étaient-ils pas passés par les petits escaliers étroits qui servaient de raccourcis entre troisième et cinquième étages, puis entre cinquième et septième étages ? Elle avait du mal à reconnaître les lieux... Il faisait noir, aussi ; elle venait de passer une nuit blanche dehors, elle avait un peu la tête qui tournait... Sans doute était-il en train d'emprunter un autre chemin pour se rendre à ses appartements... Cat lui faisait confiance. Même si c'était la première fois qu'il l'invitait chez lui, que cette invitation s'était faite dans des circonstances assez particulières, elle savait qu'il ne lui ferait aucun mal. Et même s'il souhaitait abuser d'elle, elle se laisserait faire...

Ils traversèrent de nombreux couloirs, à en avoir le tournis, si bien que Cat se dit que jamais elle ne parviendrait à se souvenir de ce trajet, et qu'heureusement elle connaissait les raccourcis. Enfin, elle reconnut le tableau d'un gros éléphant ronfleur, et se rendit compte qu'ils étaient arrivés dans le couloir aux animaux. Ils dépassèrent des peintures de renards, de libellules, et s'arrêtèrent devant celle des cigognes, paisiblement endormies. La brunette observa Mr Lupin, et s'apprêta à le voir remuer les lèvres pour prononcer :

- Docere quies.

Elle sourit. Le tableau, comme la dernière fois, s'agrandit vers le haut et vers le bas, prenant les dimensions d'une porte que l'enseignant poussa, avant de pénétrer le premier dans le couloir secret, éclairé de chandelles. Il stationna à côté de l'entrée, pour la maintenir ouverte et permettre à son élève invisible de passer à son tour. Puis il éteignit sa baguette, et s'avança dans le corridor, talonné par Cat.

Ils stoppèrent à nouveau leur marche à la deuxième porte à droite. C'était là. Cat reconnut l'écriteau doré : « R. J. Lupin ». Elle n'en croyait pas ses yeux ! « Oh mon Dieu, c'est pas possible ! C'est un rêve ! Je rêve ! Je rêve !!! ». Elle frétillait sur place, les yeux plissés d'une joie indescriptible, les poings serrés, signe de la victoire. Elle allait entrer dans l'appartement de Mr Lupin ! Là, maintenant, tout de suite ! Elle qui n'avait rien fait pour que ça arrive ! Qui n'avait même pas forcé le destin ! « Tout vient à point à qui sait attendre ». Tandis que le coeur de la Serdaigle tambourinait à tout rompre, Remus Lupin pointa sa baguette sur le trou de la serrure, et un joli déclic se fit entendre. Il résonna comme une musique aux oreilles de Cat : la musique des anges qui l'accueillaient au paradis ! L'adulte ouvrit la porte, entra, et attendit à nouveau que la jeune fille ait franchi le seuil, avant de refermer la planche de bois derrière eux.

- C'est bon, maintenant, je pense que vous pouvez retirer votre cape ! annonça-t-il. Cathie ? ... Cathie ?

- Hihihi ! rigola la brunette, en se découvrant enfin.

« Alors ? On joue avec le professeur Lupin ? ». Celui-ci mit les poings sur ses hanches et secoua lentement la tête de gauche à droite, comme pour dire : « Non mais vraiment ! ». Il n'empêchait qu'il était tombé dans le panneau ! Cat rit de plus belle en le voyant ainsi. Le sourire qu'il conservait sur ses lèvres trahissait son amusement. Il ôta alors sa veste en disant :

- Ne faites pas attention au désordre !

- Je ne regarde pas ! promit Cat, en plaquant ses mains devant ses yeux et en avançant de quelques pas dans ce qui lui avait semblé être un salon.

Naturellement, sa curiosité fut bien trop pressante, et elle ne put s'empêcher d'écarter ses doigts pour zieuter subrepticement le bazar dont parlait Mr Lupin. « Le désordre ? » répéta-t-elle. « Quel désordre ? ». Elle retira ses mains et regarda autour d'elle avec émerveillement. Cette salle de séjour était ravissante. Elle était propre et bien rangée. Une petite table ronde, en bois, occupait le milieu de la pièce, et était garnie de ses deux chaises, placée l'une en face de l'autre. Sur le mur de gauche s'alignaient deux vieilles étagères, entièrement remplies de bouquins. Sur le mur de droite était accroché un tableau de taille modeste, représentant un épisode de la Révolte des gobelins de 1612, en dessous duquel se tenait un buffet. En face, c'était la fenêtre du salon, dont les volets étaient fermés.

L'enseignant s'approcha de la brunette pour poser sa veste sur le dossier d'une chaise. C'était la première fois que notre amie le voyait en simple chemise-cravate. Elle n'osa le dévorer des yeux avec trop d'insistance - cela aurait pu paraître inconvenant, d'autant plus qu'elle se trouvait chez lui - mais remarqua tout de même la présence de muscles pectoraux intéressants, qui se laissaient deviner de part et d'autre de sa cravate noire.

- Je vais chercher un pansement et de quoi désinfecter votre blessure, dit-il, avant de disparaître dans une autre pièce (sa chambre ?).

Cat resta dans le salon, pour continuer son admiration des lieux. Elle n'en revenait toujours pas de se trouver ici ! C'était un rêve éveillé ! Elle était tellement émue - et tellement intimidée -, qu'elle étendit ses mains devant elle, et sourit de les voir trembler de la sorte. Elle se pencha sur le tableau des gobelins qui défilaient, triomphants, dans une rue à feu et à sang, brandissant au bout d'une pique la tête d'un sorcier. Puis elle se retourna vers la bibliothèque de Mr Lupin, et parcourut la tranche de quelques livres, pour connaître les goûts littéraires de son professeur. Elle tenta de retenir le maximum de titres, et au final n'en retint aucun.

- Voilà, j'ai trouvé ce qu'il fallait, déclara le châtain, en revenant dans la salle.

Il déposa sur la table un paquet de pansements, un flacon transparent et un peu de coton. La Serdaigle lui sourit et s'approcha de lui sans crainte. Elle lui présenta sa plaie. L'homme l'examina avec attention, les sourcils légèrement froncés, preuve de sa concentration. Cat lorgna ses mèches de cheveux qui lui tombaient sur le front et observa timidement ses yeux. Elle finit par plonger dans leur splendeur et par s'y perdre. Le mot « splendeur » ne suffisait même pas pour décrire cette beauté - le mot « beauté » non plus, d'ailleurs. C'était... au-delà des mots. C'était...

Remus Lupin releva les yeux vers elle, et Cat rougit.

- Il vaut mieux nettoyer ça à l'aide d'un Tergeo, et après je désinfecterai pour que ça cicatrise. D'accord ? demanda-t-il avec un sourire rassurant, qui laissait présumer que la blessure n'était pas si grave.

La jeune fille hocha vigoureusement la tête.

Le sorcier dirigea sa baguette sur l'éraflure et prononça le nom du sortilège qui lui permit de se débarrasser du sang coagulé. Puis il s'empara du flacon, qu'il déboucha dans un PLOP ! divertissant, et imbiba le coton du liquide que la bouteille contenait.

- Par contre, ça risque de piquer un peu..., prévint-il, attendant de savoir si Cat acceptait toujours qu'il poursuive ses soins.

- Allez-y, ne vous en faites pas ! assura celle-ci.

Mr Lupin s'exécuta. En temps normal, Cat aurait hurlé, sauté au plafond, braillé : « Purée, mais t'es malade ou quoi ??? », tant la douleur était forte. Mais là, elle n'en fit rien. Pas une plainte, pas même un tressaillement. Etrange, non ? C'était peut-être parce que son guérisseur s'appelait Remus Lupin... L'élancement qu'elle ressentait en haut de son bras était comme une brûlure dont elle savourait l'intensité. Chaque parcelle de peau criant de souffrance sous l'effet de l'alcool à quatre-vingt dix degrés était une extase, pour elle. Ca faisait mal, oh oui, ça faisait mal, mais c'était lui... Elle absorbait la douleur qu'il lui procurait, elle en redemandait presque. « Aaah... Petite masochiste ! Tu n'as pas honte ? ».

- Ca va aller ? s'enquit-il, en retirant le coton rougeâtre qu'il reposa sur la table.

- Oui, oui ! acquiesça la brunette, malgré les petites larmes qui baignaient le coin de ses yeux.

Mr Lupin déplia un pansement.

- Le plus dur est fait ! dit-il en souriant.

Il effleura alors le haut du bras de Cat avec sa main gauche...

« Oh mon Dieu ! Il me touche ! » exulta Cat, en sentant son coeur se gonfler d'euphorie.

... appliqua le pansement sur sa plaie, avec sa main droite...

« Ses doigts sur ma peau sont comme une caresse... Ca me chatouille ! »

... avec délicatesse...

« Il fait ça si bien ! »

... en prenant soin de ne pas lui faire mal, en passant doucement son pouce sur le pansement, pour bien le coller.

- Voilà ! s'exclama-t-il enfin, en retirant ses mains et en regardant Cat avec un tendre sourire. Vous n'avez pas d'autres blessures ?

- Non, c'est la seule ! Merci beaucoup !

Son bras était désormais orné d'un gros pansement beige, de forme carrée, percé par de multiples petits trous pour laisser la peau respirer. Enchantée par ce cadeau que Mr Lupin laissait sur elle, elle fut à deux doigts de se jeter dans ses bras pour se serrer contre lui et le remercier plus explicitement.

- Vous voulez boire quelque chose ?

Le comble de la galanterie ! Il lui proposait de se désaltérer ! Il était tellement charmant !

- Non, non, merci ! C'est gentil ! refusa-t-elle poliment, désireuse de ne pas abuser de lui plus longtemps - même si elle aurait rêvé de boire dans un de ses verres.

- Vous êtes sûre ? Je vais me prendre un lait de poule...

« Faites comme chez vous ! »

Le châtain se baissa vers son buffet et l'ouvrit pour en sortir un pot à lait. Il versa la boisson blanche, un peu grumeleuse, dans un verre, qu'il porta à ses lèvres. Cela lui fit du bien. A Cat aussi. Une fine trace de lait se dessinait sur sa moustache. Il s'en rendit compte et sourit en même temps que son élève, avant de passer le bord de sa main sur sa bouche, pour s'essuyer.

- Bon..., fit-il, en reposant son verre pas tout à fait vide sur la table et en se grattant le cou avec son index. Je crois que je vais aller me coucher...

- Oui, moi aussi ! approuva notre amie. Je vais vous léch... euh... vous laisser !

« Ciel ! Qu'est-ce que t'as encore failli dire ? ». Par chance, le professeur Lupin ne semblait pas avoir entendu ce lapsus révélateur.

- Merci pour le soutien jusqu'au château !

- De rien ! dit Cat. C'est moi qui vous remercie pour le pansement !

- Ce n'est rien !

- Et vous... Vous... (la jeune fille chercha ses mots). Je vous promets que je ne répéterai à personne votre secret !

- Je vous crois !

L'enseignant posa sa main sur la poignée de la porte.

- N'oubliez pas de remettre votre cape ! Je ne voudrais pas que vous vous fassiez prendre à cause de moi...

- Non, ne vous inquiétez pas ! le rassura Cat, en ne laissant plus apparaître que sa tête. Je me ferai discrète !

- Vous êtes sûre que vous arriverez à retrouver le chemin jusqu'à votre dortoir ? demanda Mr Lupin, perplexe, tandis qu'il jetait quelques coups d'oeil dans le couloir, par la porte qu'il venait d'ouvrir, pour s'assurer qu'il était désert.

- Oui, oui ! Aucun problème !

- Bon, eh bien... A lundi !

Cat rigola. C'était vrai qu'elle le revoyait lundi, en cours de Défense ! Cela allait lui faire tout drôle, non ? De le retrouver en classe, après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble, cette nuit !

- Reposez-vous bien ! souhaita-t-elle, en franchissant le seuil de son appartement.

- Merci ! Bonne nuit à vous aussi !

La jeune fille se remplit une dernière fois la vue de la douceur des traits du visage de Mr Lupin, de sa chemise si séduisante et qui laissait entrevoir ses formes masculines, saisit au passage quelques bribes des éléments qui décoraient son salon, puis s'élança dans le corridor et disparut par la porte des cigognes.

Cat mit une heure à retrouver la tour ouest des Serdaigle. Soixante minutes d'errance dans les couloirs du château, à ne faire que penser au professeur Lupin et à tout ce qui lui était arrivé depuis hier au soir - ces événements paraissaient si irréels ! -, à regretter amèrement de ne pas s'être munie d'une boussole, et à songer plus d'une fois à s'étaler sur le sol, au beau milieu d'un couloir, pour avoir droit à un sommeil bien mérité. A sept heures, enfin, elle reconnut l'entrée de l'escalier à spirales qui menait jusqu'à la porte de la salle commune. Elle s'y précipita - songeant déjà à plonger dans son lit bien douillet et à dormir toute la journée en rêvant de Remus Lupin -, mais elle stoppa net sa course lorsqu'elle vit la porte au heurtoir en forme d'aigle s'ouvrir toute seule. Vince émergea.

- Coincoin ? Mais qu'est-ce que tu fais là ? sursauta la jeune sorcière, en ôtant sa cape pour se montrer à son ami.

- Cat ? fit celui-ci, tout aussi surpris qu'elle. J'allais me promener dans le château, comme tous les matins, sous ma forme de canard... Mais toi, qu'est-ce que tu fais là ?

- Aaah..., soupira la brunette, avec un sourire d'extase flottant sur ses lèvres. J'ai passé une folle nuit d'amour avec Mr Lupin ! Maintenant, excuse-moi, mais je suis un peu fatiguée, il faut que j'aille me coucher !

Et sur ce, elle contourna Vince pour s'introduire par l'entrée de la salle commune, laissant derrière elle le garçon, complètement bouche bée.

¤~

- Fous croyez qu'elle dort fraiment ?

- Je sais pas... Secoue-la, pour voir !

- Non, arrêtez ! Vous avez vu comment elle dort ?

- Ouais... On dirait qu'elle enlace son oreiller...

- Peut-être qu'elle rêfe que...

- Bon. C'est pas nos oignons.

- Je me demande où elle a bien pu passer la nuit... Quelqu'un l'a vue rentrer ?

- Non. Che me suis couchée à une heure du matin, et elle n'était touchours pas dans son lit...

- Elle bave...

- C'est parce qu'elle sourit !

- Elle a un truc bizarre sur le bras...

- Oooh !

La cour était ensoleillée. Quelques élèves revenaient, jovials, du grand lac, les cheveux mouillés - ils avaient passé leur dimanche après-midi à se baigner -, et se hâtaient de rejoindre la Grande Salle pour dîner. L'astre du jour commençait en effet à redescendre vers l'horizon : il était sept heures du soir. Car, qui venait de se réveiller à peine une heure plus tôt, mangeait dehors avec Vince, tous les deux assis sur les marches de pierre menant aux portes géantes, ouvertes derrière eux, et regardant le parc. La jeune fille était heureuse de se retrouver ici et de goûter au même panorama qui avait rythmé son aventure d'hier soir, lorsqu'elle s'était élancée à la poursuite de Mr Lupin, de se remémorer ce qui s'était passé sur ces marches, vers cinq heures et demi du matin, lorsque l'enseignant et elle-même avaient tenté de rentrer à l'intérieur du château sans se faire remarquer.

La brunette mordait à pleines dents dans son croque-monsieur, tant elle avait faim ; cela faisait tout de même vingt-quatre heures qu'elle n'avait pas mangé ! En passant dans la Grande Salle pour s'approvisionner, elle était tombée sur Axelle, Cerise et Anna, qui lui avaient sauté dessus pour l'assaillir de questions (« Alors ? », « T'étais où ? », « T'as vu l'heure ? », « C'était comment ?»), et dont elle avait réussi à se débarrasser en prétextant qu'elle s'était fait surprendre par le professeur Rogue, hier soir, en train d'errer dans les couloirs après l'heure du couvre-feu, et que le maître des Potions lui avait donné une retenue pour toute la nuit.

A présent, elle continuait de sourire, inlassablement. En fait, son sourire ne l'avait pas quittée depuis ce matin. Elle revoyait encore la bibliothèque de Mr Lupin, sa table de salon, son buffet et son verre de lait de poule, sa peinture révolutionnaire. A bien y repenser, elle n'avait détecté aucune trace de présence féminine dans son appartement... Aucun pot de fleurs, aucune tapisserie rose, aucune photo ni aucun sous-vêtement de demoiselle - bon, elle n'avait vu que la salle de séjour, aussi... C'était plutôt bon signe ! Cela voulait dire que Remus Lupin était bel et bien célibataire !

Vince ne disait mot, il se contentait d'observer le lointain devant lui, et de jeter parfois quelques coups d'oeil à son amie, en esquissant un faible sourire, mais sans prononcer la moindre parole. Cat ne comprenait pas...

- Ce pansement, dit le garçon, en rompant enfin le silence et en regardant le bras droit de sa camarade. C'est lui qui t'a griffée ?

La brunette explosa de rire. Vince semblait sérieux et attendre une réponse, mais son amie ne paraissait pas disposée à la lui donner, tant elle était d'humeur joyeuse.

- Mais voyons ! Qu'est-ce que tu crois ? s'exclama-t-elle, entre deux étouffements d'hilarité.

- Moi ? Je ne crois rien du tout. Je constate. J'espère qu'il ne t'a pas fait mal, au moins, et que tu t'es protégée.

- Hihihi ! Attends ! Tu n'as pas compris !

- Non, non, je ne tiens pas à en parler davantage. C'est suffisamment gênant comme ça, merci.

- Idiot ! se fâcha gentiment Cat. Je plaisantais, ce matin, quand je t'ai dit que je revenais d'avoir passé une nuit d'amour avec lui ! C'était une blague !

- Alors d'où sortais-tu ?

- Ca, je ne peux pas te le dire... C'est un secret qui concerne Mr Lupin, et je lui ai fait la promesse de ne pas le répéter.

- Et ce pansement ?

- C'est lui qui me l'a offert, mais ce n'est pas lui qui m'a causé la blessure qu'il y a en dessous. Il m'a simplement soignée ; il a été adorable !

¤~

Le lundi après-midi, Cat retrouva avec un plaisir indescriptible son cher professeur Lupin. Celui-ci l'accueillit à l'entrée de sa classe en la saluant d'un grand bonjour, mêlé à une profonde inclination de la tête, une quasi-révérence pleine de respect, que quelques élèves remarquèrent et qui suscita chez eux des interrogations. Cat sentit ses joues s'embraser, et lui rendit son bonjour, avant de passer à côté de lui tandis qu'il retenait la porte - comme cela ressemblait à la veille, au petit matin !

- Ca va ? chuchota-t-il, tout près de son oreille.

La jeune fille se tourna vers lui, le visage plus cramoisi que jamais. Elle aurait voulu s'arrêter pour lui répondre : « Oui, et vous ? », mais les élèves de sa classe qui entraient à sa suite l'obligeaient à avancer, et elle n'avait pas envie qu'ils entendent leur conversation. Elle ne put que hocher énergiquement la tête par l'affirmative, avec un grand sourire, ce qui conforta Mr Lupin dans son idée qu'elle allait bien.

Depuis le cours d'Histoire de la magie de huit heures, Axelle avait manifesté un intérêt et une curiosité sans pareils pour le gros pansement que Cat arborait sur le haut du bras. Il fallait dire qu'elle le faisait un peu exprès, de se mettre en débardeur, et de rendre ainsi le pansement bien visible. Mais c'était surtout pour qu'elle puisse l'admirer personnellement, à chaque minute de la journée, tant il était joli. Et puis, l'Allemande était toujours assise à sa droite, ce qui n'arrangeait pas les choses. Cat, têtue, refusait toutefois de lui dire d'où provenaient sa blessure et son pansement, pour conserver le mystère.

Au beau milieu du cours de Défense contre les forces du mal, alors que Remus Lupin faisait des révisions sur un chapitre qui risquait fort de tomber aux B.U.S.E. et que la brunette l'écoutait avec passion, Axelle saisit sa plume et en piqua la pointe dans le pansement de sa voisine, pour commencer à gribouiller dessus.

- Aïe ! hurla la martyre, en éloignant son bras de la folle. Arrête ! Ca fait mal ! C'est pas un plâtre !

Confuse d'avoir perturbé le cours de son chéri, la Serdaigle s'apprêta à lui faire des excuses, mais elle vit qu'il la regardait en rigolant, et ils s'échangèrent tous les deux un sourire amusé.

Les Serdaigle cinquième année prirent clairement conscience de la gravité de la situation lorsqu'enfin leur directeur de maison, le professeur Flitwick, leur fit connaître les dates et les horaires des B.U.S.E.

- Ah oui, c'est frai ! Ch'afais oublié qu'on afait les B.U.S.E., cette année ! s'exclama Axelle avec bonhomie, tandis que sa camarade brune recopiait avidement le planning qui figurait sur le tableau noir.

Elle était mêlée de crainte et de fascination, en découvrant toutes ces épreuves qui se succédaient sans relâche. Elle avait commencé ses révisions depuis la rentrée des vacances de Pâques, c'est-à-dire depuis début mai, mais elle avait l'impression de n'avoir encore rien revu, à peine un dixième du programme, à côté de Cerise et d'Anna, qui prétendaient repasser celui-ci en entier pour la deuxième fois.

- Fous afez refu quelque chose, fous, pour les B.U.S.E. ? questionna Axelle, en se retournant vers ses deux autres copines, assises derrière elle.

Et évidemment, il y avait Axelle, qui venait à l'instant de se remémorer l'existence des examens...

Les épreuves s'étalaient sur près de deux semaines, allant de fin mai jusqu'à début juin. Les élèves (ou peut-être fallait-il maintenant dire les « candidats ») attaquaient le mercredi 26 mai avec les Sortilèges, et terminaient le premier vendredi de juin par Histoire de la magie.

- Le matin vous passerez la théorie, et l'après-midi ce sera la pratique, expliqua le professeur Flitwick de sa voix flûtée. Les cours des cinquième année se terminent vendredi ; vous pourrez ainsi profiter d'un week-end de quatre jours pour vos dernières révisions.

- Un week-end de quatre jours ? C'est tout ? sursauta Cat.

- Ben oui. Tu vois bien qu'on commence les examens mercredi prochain. C'est dans une semaine, signala Cerise.

- Quoi ? Dans une semaine ? s'écria la brunette, affolée, en regardant tour à tour son cahier et le tableau noir, pour vérifier si elle n'avait pas commis de faute dans sa retranscription des horaires.

En effet ! La date de l'épreuve de Sortilèges lui avait paru si loin, lorsqu'elle l'avait notée sur sa page : le 26 mai, d'ici là, s'était-elle dit, elle avait le temps ! Mais elle se rendait maintenant compte que ce 26 mai signifiait en fait... dans une semaine !

- Comme le temps passe fite, n'est-ce pas ? commenta l'Allemande, en croquant dans une pomme, d'un air nostalgique.

Mais Cat n'était pas d'humeur à philosopher.

- C'est impossible ! protesta-t-elle à vive voix. J'ai toujours cru que les B.U.S.E. ne se déroulaient qu'en juin ; depuis quelque temps, je me suis faite à l'idée qu'elles commençaient un peu avant ; et là, on nous apprend qu'elles ont carrément lieu dans une semaine ? Vous n'auriez pas pu nous le dire plus tôt ?

- Ce n'est pas moi qui décide des dates ni des horaires des B.U.S.E., se défendit Flitwick, surpris par la prise de parole rebelle de son élève, qui faisait là sa première prestation orale de l'année en cours de Sortilèges. C'est l'Académie des examinateurs magiques qui ne nous a fourni le programme qu'au dernier moment.

Eh bien ! Quelle organisation ! Quels efforts surhumains ! Quelle magnanimité ! Deux jours ! Deux jours de plus pour se préparer ! Non, vraiment, c'était trop, il ne fallait pas... (pure ironie : pour Cat, il lui fallait au moins deux semaines supplémentaires).

- Moi, ça ne m'arrange pas qu'ils nous laissent le lundi et le mardi pour nous reposer, déclara Cerise. J'aurais de loin préféré commencer dès ce lundi, pour pouvoir finir les examens deux jours plus tôt.

- A moi non plus, ce lundi et ce mardi de libres ne me sont d'aucune utilité, affirma Anna. Je connais déjà tout ! Je me sens parfaitement prête à passer les B.U.S.E., même dès aujourd'hui !

- De toute manière, ça ne sert plus à rien de réviser ce week-end, surenchérit Cerise. L'apprentissage se fait tout au long de l'année, pas au dernier moment ! On sait ou on ne sait pas !

Bouillonnant de rage à l'entente des propos des deux têtes de classe qui lui devenaient rapidement insupportables, la brunette eut envie de les frapper. C'étaient les prémices d'une irritation et d'une violence qui n'allaient pas la quitter de la journée.

Juste après le cours de Sortilèges, Axelle songea à sécher l'heure de Métamorphose, pour commencer ses révisions, mais ses camarades lui rappelèrent que le professeur McGonagall n'avait toujours pas terminé le programme de l'année, et que la leçon d'aujourd'hui était susceptible de faire l'objet d'un sujet de B.U.S.E.

- Tout le monde a-t-il une pierre sur sa table ? questionna sèchement la directrice des Gryffondor, tandis que les élèves regardaient avec une moue sceptique le caillou posé devant eux.

- Oh, regarde ! Le mien a la forme d'une auberchine !

- Bien. Le but de l'exercice d'aujourd'hui est de transformer cette unique pierre en deux pierres distinctes.

- De la casser en deux, donc..., résuma Cat à sa façon.

- Non. De la transformer en deux pierres distinctes, répéta l'enseignante, qui avait entendu le marmonnement de la brunette.

« Je ne vois strictement pas la différence... » insista Cat, en jetant un regard désespéré par la fenêtre de la salle, donnant sur le ciel bleu azur - il lui tardait d'aller réviser dans le parc.

- L'incantation se prononce : Sectumpierra. Allez-y, vous avez une heure pour réussir à obtenir le résultat attendu.

Cat passa ainsi trois quarts d'heure à s'écorcher la gorge pour articuler correctement Sectumpierrrrrrra, et non pas Sectumpierra, sans pour autant rencontrer le succès escompté. Axelle, quant à elle, s'empara du caillou de son voisin de droite et l'ajouta au sien, après quoi elle appela le professeur McGonagall et prétendit qu'elle était parvenue à créer deux grosses pierres à partir d'une seule. La vieille sorcière examina les échantillons, et demanda à la blonde de bien vouloir lui expliquer comment il se faisait qu'elle se retrouvait avec un galet et un basalte, alors que les deux roches étaient censées être de même nature.

Quinze minutes avant la sonnerie, Cat était l'une des seules à ne pas avoir encore réussi son sortilège. Enervée par les remarques acerbes de McGonagall et la pression qu'elle mettait sur son dos, la jeune fille finit par péter les plombs, et elle brandit sa pierre sans prévenir, avant de l'exploser brutalement contre sa table.

- Voilà ! lança-t-elle, en se frottant les mains. Elle est cassée !

Même si les morceaux qu'elle récoltait sur sa table dépassaient le nombre de deux...

Outrée, le professeur McGonagall la menaça du regard le plus noir qu'elle ait jamais eu à travers ses lunettes carrées.

- Cette épreuve tombe aux B.U.S.E.

¤~

A midi, Cat et Axelle se précipitèrent dans la cour, chargées de leurs affaires scolaires et d'une dizaine d'abricots de la réserve de la blonde. Elles avaient pris congé de Cerise et d'Anna, qui avaient préféré aller manger, ainsi que du professeur Lupin, qui avait assuré à leur classe que seuls les élèves désirant faire des révisions de Défense contre les forces du mal pouvaient venir en cours les jours suivants, et que les autres pouvaient rester au lit un peu plus longtemps. Naturellement, notre amie comptait se rendre à ses deux derniers cours, moins pour réviser que pour le regarder avec envie. Les deux Serdaigle se trouvèrent un coin d'ombre près d'un arbre, et étendirent sur l'herbe tous leurs livres et leurs cahiers.

- Tu te rends compte ? se récria l'Allemande, qui commençait enfin à paniquer. Il ne nous reste plus que cent quatre-fingt-dix heures pour réfiser !

- Mamaaannn !!! Au secouuurs !!! pleurnicha Cat. J'y arriverai jamais !!!

Il ne fallait pas perdre de temps ! Axelle plongea tête la première dans Réussir ses sortilèges, la brunette saisit au hasard son bouquin de Défense contre les forces du mal (au hasard, hein !). « En fait, non. Je l'ai déjà lu trois fois, il vaut mieux commencer par un autre livre. Aaah, mais si je me plante en Défense, alors que c'est ma matière préférée, alors que c'est la matière de Mr Lupin ? Je serai impardonnable ! Il faut que j'aie au moins un Optimal à cette épreuve ! Comme ça, si jamais c'est lui qui corrige ma copie, il sera fier de moi ! Comme ça, j'aurai peut-être une chance de sortir avec lui ! Mais je ne dois pas non plus mettre les autres matières de côté... Il me reste encore les Potions, la Botanique, la Métamorphose, l'Astronomie, les Sortilèges... Sans compter l'Histoire de la magie, que je n'ai toujours pas relue... Kyaaah, je suis perdue ! ». La jeune fille s'épongea le front, qui ruisselait de sueur. Chaud, il faisait trop chaud...

- Tiens ! C'est marrant ! Che ne safais pas qu'on afait étudié tout ça, en Sortilèches ! s'exclama Axelle, qui découvrait le programme de l'année.

Les deux sorcières passèrent leur après-midi entier à réviser. Cat réapprit par coeur tous ses cours de Potions et s'entraîna à une multitude d'exercices, mais elle vit bientôt le soleil se coucher avant qu'elle n'ait pu toucher aux contrôles du professeur Rogue qu'elle souhaitait refaire. Avec une soudaine montée d'angoisse et de frustration, elle se dit qu'elle n'aurait jamais le temps de tout revoir.

- Alors ? Quelle heure ? s'enquirent les deux jeunes filles à l'unisson, lorsqu'elles se retrouvèrent le lendemain matin, à huit heures, devant les cachots.

Axelle était plus pâle que jamais et semblait sur le point de s'évanouir, tandis que Cat arborait exactement les mêmes cernes que Mr Lupin sous les yeux.

- Minuit ! Et toi ?

- Une heure du matin ! répondit triomphalement la blonde.

- Ah ! Tu m'as battue... pour cette fois ! Mais je t'assure que la nuit prochaine je te dépasse largement d'une ou deux heures !

Intrigués par cette conversation - s'agissait-il d'un jeu entre les deux filles, ou bien discutaient-elles sérieusement de leurs révisions pour les B.U.S.E. ? -, quelques Serdaigle de leur classe se rapprochèrent, et l'un d'eux s'informa.

- Vous passez combien de temps, vous, pour revoir vos cours ? Moi, j'y passe huit heures par jour, vous pensez que c'est bien ?

- Huit heures ? C'est médiocre..., avoua la blonde.

- Oui, hier j'ai passé douze heures d'affilée, rien que sur mes Potions - et encore, je n'ai pas fini, déclara la brunette, en vantant son record.

- Et moi treize heures ! surenchérit l'Allemande (« Qui dit mieux ? »).

Le résultat de ce travail forcené fut que Cat peina à garder les yeux ouverts durant les deux heures de Potions, et qu'Axelle s'effondra littéralement sur sa table pour dormir.

- Che crois que che ne fiendrai pas en Potions, fendredi prochain, confia-t-elle à la fin de la leçon, consciente qu'il fallait désormais faire un choix entre suivre les derniers cours ou passer le temps qui restait à bachoter - les deux ne pouvant pas faire bon ménage.

Mais le professeur Rogue semblait avoir anticipé une telle réaction de la part des cinquième année, et pour remédier à l'absentéisme - bien connu - du dernier jour, il leur annonça, avant qu'ils ne quittent sa salle :

- Vous aurez un devoir surveillé vendredi prochain, de onze heures à midi, dont la note comptera pour le troisième trimestre. Tout élève qui ne sera pas présent au devoir aura la note zéro.

¤~

- Purée, mais c'est un malade, ce mec ! s'emporta Cat, tandis qu'elle et sa camarade montaient les escaliers en colimaçon qui menaient à la classe de Divination. Jusqu'au bout, il ne nous aura pas lâchés avec ses contrôles !

Les deux Serdaigle arrivèrent éreintées sur le palier, et, avant de poursuivre l'ascension en empruntant l'échelle argentée, Axelle réclama - de grâce ! - une à deux minutes de pause pour pouvoir s'étaler sur le plancher et récupérer son souffle. Elles avaient longuement hésité à se rendre ou non à ce dernier cours de Divination. Finalement, elles avaient jugé qu'il serait bon pour leur moral de venir dire au revoir à cette « bonne fieille Trelawney », avec laquelle elles avaient tout de même passé trois années de fous rires inoubliables. Etant donné qu'elles ne comptaient pas reprendre la matière à la rentrée prochaine, elles s'en faisaient un devoir civique !

A peine eurent-elles émergé leur tête de la trappe, qu'une terrible odeur, non pas d'encens, mais de café cette fois, envahit leurs narines.

- Aaahrr ! Quelle bonne idée ! s'enthousiasma Axelle. Du café, pour rester éfeillé et ne pas s'assoupir en Difination !

- Elle aurait dû y penser avant..., commenta Cat, en se remémorant toutes les fois où elle avait failli piquer un somme dans cette salle.

- Bienvenue, mes chéries, les accueillit le professeur Trelawney, en sortant théâtralement de derrière un rideau rouge tiré sur une des fenêtres (« Mais qu'est-ce qu'elle fichait là ? »). Je n'attendais plus que vous. Installez-vous, je vous en prie.

Les deux jeunes filles n'eurent que l'embarras du choix : toutes les places étaient inoccupées, la classe était entièrement déserte ! La brunette regardait autour d'elle sans y croire. Stupéfiant ! Tout le monde avait séché ! Elles ne se retrouvaient plus que toutes les deux, seules, en compagnie de Trelawney ! Cat et Axelle ! Qui l'aurait cru ? Les deux Serdaigle les plus nulles en Divination, les plus inaptes à lire dans des feuilles de thé ou dans une boule de cristal. Et pourtant, elles étaient là ! Elles étaient venues jusqu'à la fin ! Fidèles et loyales ! Axelle prit ses aises et réquisitionna deux gros fauteuils matelassés, un sur lequel elle s'affala, et l'autre sur lequel elle posa ses pieds.

- Aujourd'hui, nous allons apprendre à lire dans les marcs à café, présenta la mante religieuse. Des cafetières sont à votre disposition sur les tables. Vous ferez des équipes de deux, et vous viendrez chercher les grains de café à mon bureau. Vous les réduirez en poudre grâce aux moulins, puis vous les verserez sur le papier filtre, avant d'y ajouter l'eau bouillante. Une fois que la filtration sera terminée, vous pourrez récupérer le papier, que vous étendrez à plat sur votre table. Vous remuerez alors les restes de café moulu avec votre index droit, en faisant trois cercles dans le sens opposé des aiguilles d'une montre, puis vous donnerez un sens aux dessins obtenus, en utilisant vos connaissances sur l'interprétation des feuilles de thé.

L'unique équipe de deux de la classe s'exécuta joyeusement. Les filles se livrèrent au concours de qui tournerait la manivelle du moulin à café le plus vite possible, puis attendirent avec impatience que la dernière goutte de liquide noir soit tombée dans le récipient de la cafetière, avant de s'emparer de celui-ci et de se servir de généreuses doses de café, laissant allègrement de côté le papier filtre et son marc, qu'elles auraient de toute manière été incapables de déchiffrer.

- Vous n'auriez pas un morceau de sucre ? demanda Cat, en levant le doigt pour appeler Trelawney.

Axelle soufflait sur sa tasse brûlante, qui laissait s'échapper des volutes de fumée, pendant que l'enseignante apportait à la brunette ce qu'elle avait réclamé.

- Avec un nuage de lait ? Merci !

A onze heures, lorsque la cloche de l'école sonna et que les deux jeunes sorcières se dirent qu'elles en avaient encore pour une heure à goûter à toutes les variantes de café - expresso, cappuccino, café froid, café crème, café au lait, café noir -, le professeur Trelawney se renseigna :

- Dites-moi, mes chéries, l'une d'entre vous a-t-elle l'heure ? Le temps passe si vite, que je ne sais plus quelle sonnerie vient de retentir...

- Il est midi ! prétendit l'Allemande, avec un grand sourire.

- Ah..., fit la prof, un peu déboussolée. Eh bien dans ce cas, je vais devoir vous libérer... Bon appétit !

Et sur ce, les deux jeunes filles se hâtèrent de quitter les lieux avant que la prof ne découvre la supercherie, tordues de rire et les larmes aux yeux.

Le vendredi suivant, tout le monde fut au rendez-vous pour le devoir de Potions. En revanche, de deux heures à quatre heures de l'après-midi, le professeur Binns fit son cours tout seul, abandonné au milieu d'une salle entièrement vide, où seules les tables et les chaises l'écoutèrent. C'étaient les derniers instants de révisions pour les cinquième année. La plupart s'enfermaient dans leur salle commune, dans les dortoirs ou à la bibliothèque, pour rester au frais et ne pas avoir à souffrir de la vue bien trop tentante du parc ensoleillé. D'autres préféraient à l'inverse profiter du beau temps et s'allonger dans l'herbe folle, pour bronzer tout en potassant leurs cours : ces exceptions s'appelaient Cat, Axelle, Cerise et Anna.

Toutes les quatre avaient choisi le terrain le plus exposé au soleil : en plein milieu de la cour, entourées par des hectares de pelouse. En ce mardi après-midi, l'astre du jour était à son zénith ; il tapait fort. Cerise et Anna s'étaient carrément mises en maillot de bain et se passaient de la crème dans le dos ; Cat et Axelle avaient gardé leur pantacourt et tenaient le stand des boissons : plusieurs pintes de jus de citrouille, alignées parmi les pâquerettes. Ces dernières étaient les survivantes d'une large opération de rasage du gazon, qui avait touché tous les alentours, et décimé une bonne partie des fleurs. L'air tiède était ainsi baigné par l'odeur d'herbe tondue. L'odeur de l'été imminent.

- Il faut que je donne le meilleur de moi-même ! s'encouragea Cerise. C'est mon avenir qui est en jeu ! Avec tout le travail que j'ai fourni cette année, je ne vois pas pourquoi je n'y arriverais pas !

- Si toi tu n'as pas tes B.U.S.E., alors qui les aura ? en rajouta Anna.

- Cat, tu me fais réfiser ?

- Gnan, attends, je relis ma Botanique, répondit la brunette, en se rongeant les doigts.

C'était sa manière à elle d'évacuer son stress : se manger la peau. Oh, ce n'était pas un stress du genre à avoir mal au ventre et à craindre les examens en eux-mêmes. Au contraire, elle avait plutôt hâte de voir ce que les examinateurs magiques leur demanderaient à connaître en théorie et à réaliser en pratique. Mais c'était l'angoisse, toujours omniprésente, de ne pas avoir assez de temps pour tout revoir... Comme si cela ne suffisait pas, Axelle avait le pouvoir incommensurable de communiquer son trac à tout le monde :

- H moins fingt ! C'est affreux ! Fous n'afez pas peur, fous ? Hein ? Fous n'afez pas peur ?

- Tais-toi, Axelle, tonna Cat.

- Ahrr, ch'en peux plus, faut que che prenne mes calmants !

La blonde sortit nerveusement de sa poche un petit tube transparent rempli de granulés blancs, qu'elle déversa à flots dans sa bouche.

- Passe-moi ça ! s'écria Cat, en se jetant sur sa camarade et en lui piquant son tube entre ses doigts sanglants, avant de le vider cul sec.

Outre ces tranquillisants - dont l'effet était plus ou moins incertain -, Axelle regorgeait aussi de médicaments stimulant la réflexion, augmentant la vivacité d'esprit et faisant diminuer le besoin de sommeil, besoin qui était bien contraignant, lorsque la volonté de passer une nuit blanche était là, mais que les forces physiques ne suivaient pas. L'Allemande avait réussi à se procurer tous ces produits pour quelques Mornilles au marché noir, très florissant en cette période de l'année. Elle avait également préparé son stock de plumes à réponses intégrées, et s'était tatouée sur le corps (en divers endroits bien cachés) quelques formules et incantations impossibles à retenir.

- Quel dommache que nous n'ayons pas gardé un échantillon de l'Elixir cérébral de Baruffio, que nous afions préparé lors du tout premier cours de Potions de l'année..., se lamenta-t-elle.

Vers quatre heures de l'après-midi, les jambes d'Axelle avaient pris une inquiétante couleur rouge. La jeune fille - ne se doutant de rien - s'amusait à cueillir des pâquerettes et à les faire changer de couleur grâce à sa baguette magique - cela lui permettait de s'entraîner à la pratique des Sortilèges, faute de pouvoir s'exercer à la théorie, puisque ses amies étaient toujours réticentes à tester ses connaissances.

« Oh, regardez mes belles pâquerettes transchéniques ! » s'emballait-elle, en se constituant un bouquet de petites marguerites roses, jaunes, orange et bleues. Cerise était couchée sur le dos, levant au-dessus de sa tête ses annales des B.U.S.E. de l'année passée. Anna récitait à voix basse les dates importantes de l'Histoire de la magie. Cat, allongée sur le ventre, sirotait son jus de citrouille, tout en mémorisant les croquis de plantes magiques étudiées dans les serres de Chourave.

A dix-huit heures, les calmants d'Axelle paraissaient avoir perdu leur effet.

- H moins seize, fous fous rendez compte ???

Cat se mit à paniquer. Elle tourna à la va-vite toutes les pages de son bouquin de Potions, relut ses cours en bougeant ses yeux de gauche à droite avec la rapidité de l'éclair, espérant capter le maximum d'informations en un minimum de temps - mais bien sûr, c'était tout l'effet contraire qui se produisait -, et au final elle attrapa une migraine assourdissante, qui faillit lui faire exploser la cervelle.

« Bon, alors, si je retiens que trois gouttes de sang de dragon, ajoutées à deux louches de bave de crapaud, provoquent une épaisse fumée rouge... » commença-t-elle, en se prenant littéralement la tête entre ses mains, pour résorber son mal de crâne.

- Cerise, tu peux tester mes connaissances ? gémit Axelle.

« ... et que j'introduis dans ce mélange quelques grains de pierre ponce, associés à deux plumes de phénix coupées en morceaux mesurant chacun deux centimètres... »

- Ceriiiiise !

« ... comment expliquer, alors, l'apparition d'une fine fumée noire, tournant en spirale au-dessus du chaudron ? »

- TU VAS ME LAISSER TRANQUILLE, OUI ???

« Pour cela, il faudrait d'abord connaître la température d'ébullition de la solution la plus volatile, afin d'identifier clairement les ingrédients restant dans le fond du chaudron, lorsque celui-ci est ramené à feu doux... »

A côté de la brunette, un déchaînement de violence (hautement prévisible, vu la tension qui montait crescendo depuis plusieurs heures) : Axelle voulut arracher le livre d'Arithmancie que Cerise tenait dans les mains. Celle-ci se défendit vigoureusement en frappant la blonde sur la tête avec ledit livre. Assommée mais pas vaincue, l'Allemande s'empara du bouquin et l'envoya balader dans les airs ; il ré-atterrit très loin de sa propriétaire. La brune aux cheveux longs se leva et se jeta sur sa camarade, pour lui faire mordre l'herbe (« Jamais on ne traite un livre de cette façon !!! C'est un sacrilège !!! », « Mais tu l'as toi-même utilisé pour me taper !!! »). Une lutte à mort s'engagea à même le sol. Au bout de quelques minutes, les deux filles furent terrassées, pleines de bleus et de brins d'herbe verte. Les révisions reprirent.

A dix-neuf heures, Cat et Axelle pétèrent les plombs, et s'enivrèrent dans des délires qui ne faisaient mourir de rire qu'elles seules - Cerise et Anna les abandonnèrent rapidement pour rentrer au château, de peur d'être contaminées par leur folie. Le cerveau de la brunette était saturé ; aussi s'était-elle jugée incapable d'en apprendre plus, et avait-elle daigné tester les connaissances de son amie, pour l'épreuve du lendemain.

- Alors, le sortilège de Réjouissance ? demanda-t-elle, avec le livre Réussir ses sortilèges ouvert devant ses yeux.

- Hihihi ! fit Axelle, bidonnée.

- Non, ce n'est pas ça l'incantation... J'attends !

- Ah ah ah !

- Non plus. Tant pis. La formule pour faire voler un objet ?

- Oh, une chouette ! s'exclama la blonde, en désignant un volatile qui venait de passer au-dessus de leur tête.

La brunette haussa un sourcil d'impatience.

- Attends, che dois bien l'afoir d'écrite, quelque part sur moi..., lança Axelle, en commençant à enlever ses vêtements.

Cat pleura de rire.

- Et tu crois pouvoir faire ton strip-tease en pleine salle d'examen, demain matin ?

- Oh oui ! Ca me rapportera sûrement des points en plus !

Les cris d'hilarité des deux Serdaigle s'entendaient à travers tout le parc. Avec l'Allemande qui chantait la tyrolienne, et Cat qui imitait le hibou, elles étaient bien parties pour ne pas dormir de la nuit...
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Bonjour à tous ! J'espère que vous avez aimez ce chapitre, je n'ai toujours pas quant à moi de nouvelles, sur la nationalité de cette histoire, mais bon !
Je voulais aussi faire un peu de pub pour Emmadragonaux qui est ma soeur ^^ elle fait des trucs pas trop mal, aller jeter un oeil et passer une bonne journée !

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