Chapitre 22 : Pour vous remercier


A bien y réfléchir, Cat avait passé la totalité de ses vacances de février à l'intérieur du château, sans jamais prendre le risque de relever la température hivernale qui régnait dehors - sauf, bien sûr, lorsque les filles ouvraient en grand les fenêtres du dortoir des Serdaigle, pour aérer la pièce tous les matins ; mais généralement, cela ne durait pas bien longtemps, car un petit nombre d'entre elles (Cat la première) se mettait à protester par de violents claquements de dents, et à se plaindre d'une hypothermie imminente, jusqu'à ce que les fenêtres soient refermées.

Aussi notre amie décida-t-elle, le dernier jour de ses vacances, de tenter une expédition solitaire sur les terres arctiques de la cour de Poudlard, histoire de prendre un peu l'air, pendant que ses trois copines se consacraient, dans un élan désespéré de dernière minute, aux devoirs que les profs leur avaient donnés à faire deux semaines auparavant (mise à part Cerise, qui commençait à réviser pour les B.U.S.E. ayant lieu dans trois mois).

Non pas qu'elle se lassait de la chaleur de l'école, pensait Cat, en descendant toute seule les grands escaliers de marbre. Elle avait passé d'agréables moments entre les murs de ce château, baignée dans la tiédeur ambiante des couloirs, bercée par la lumière des flambeaux, et surtout celle des bougies qui s'étaient trouvées dans la salle circulaire, avoisinant la classe d'Histoire de la magie. Hier encore, la jeune fille brûlait à l'écoute de la voix suave du professeur Lupin, à la vue de son visage, éclairé par la lueur des chandelles. C'étaient des cours particuliers très chaleureux qu'elle avait passés là ! Jamais elle ne les oublierait !

Mais à présent, elle était curieuse de savoir ce qui se passait dehors. Cela semblait faire une éternité qu'elle n'y avait pas remis les pieds !

¤~

Ses retrouvailles avec le parc furent... rafraîchissantes ! Des hectares de neige fondue s'étalaient devant elle, à perte de vue, et ses yeux larmoyaient face à leur blancheur divinement éclatante, seulement ponctuée ça et là par de petites taches vertes. L'herbe réussissait en effet quelques percées à travers l'épaisseur d'eau solide, qui commençait à s'amenuiser à l'approche du printemps... Aux pieds de la jeune fille - qui faisaient crisser la neige - se laissaient même distinguer de minuscules bourgeons, sans doute les prémices de ces magnifiques fleurs qui égayaient la cour, les jours de juin, mais dont les couleurs étaient pour le moment tenues secrètes.

L'air était frais ; très frais, même ! Trop frais ? Non, il ne fallait pas exagérer ! Mais Cat avait eu raison de se couvrir ainsi ! Elle se félicitait sincèrement de ne pas avoir enfilé tout ça pour rien ! Car « tout ça », c'était : trois paires de chaussettes, ses grosses baskets grises au cuir épais et impénétrable, un pull en laine superposé à celui de son uniforme, une cape bleu marine (en guise de manteau), sa longue écharpe de Serdaigle, saphir et argentée, enroulée autour de son cou au moins quatre fois (pas trop serrée non plus, hein !), des mitaines noires, et... Ah non, pas de bonnet ! « Et puis quoi encore ? ». La brunette avait fait des efforts, il fallait le reconnaître : elle qui rechignait sans cesse à s'emmitoufler, prétendant qu'elle allait mourir de chaud si jamais elle croulait sous des épaisseurs trop importantes de vêtements...

Enfin... Elle aurait quand même pu emprunter la paire de cache-oreilles d'Axelle...

« Aïe, j'ai le bout des oreilles qui gèle ! »

Son nez aussi se transformait en glaçon, à mesure qu'elle avançait dans la neige. La bise qui soufflait contre son visage et qui piquait sa peau faisait rosir ses joues et l'obligeait à remonter son écharpe sur ses lèvres, pour se les protéger du froid.

Arrivée au milieu de la cour, Cat se retourna curieusement pour observer le château. Levant la tête vers ce colosse de pierre, dont la beauté féodale n'égalait que sa hauteur absolument impressionnante, notre amie admira les toits enneigés de ses tours, qui se dessinaient à la perfection sur le fond bleu azur du ciel.

La tête légèrement vacillante d'émotion, Cat reprit sa marche. Au loin se profilait la cabane fumante de Hagrid. Une agréable odeur de bois brûlé en émanait et se mêlait à un parfum de résine (provenant sans doute de la Forêt Interdite) pour confectionner une senteur particulièrement hivernale.

Indirectement, le chemin de la promeneuse l'avait conduite près du pont de Pré-au-lard, dont la toiture était elle aussi blanche de neige. D'ailleurs, n'était-ce pas Mr Lupin, là-bas, de dos, qui se tenait appuyé contre la balustrade en pierre, et qui observait le paysage ? Cat reconnut instantanément ses cheveux châtains et courts, la largeur de son dos, et sa longue cape gris foncé qui remuait dans le vent, d'une manière élégante et qui lui prodiguait tant de charme. C'était une allure qui ne pouvait appartenir qu'à lui ! Une silhouette unique, que Cat était capable de distinguer entre mille ! C'était lui ! Il fallait qu'elle aille lui parler !

Le coeur battant d'adrénaline, elle se précipita dans la neige, et manqua de glisser une ou deux fois en courant vers la passerelle. Lorsqu'elle y pénétra, cependant, elle eut la surprise de constater qu'elle était vide. Bêtement, elle se retourna, pour voir si Mr Lupin ne lui jouait pas une farce, mais de toute évidence il n'y avait personne derrière elle. Ni devant. Elle était seule ! Alors qui avait-elle aperçu, tout à l'heure ? Il y avait bien eu quelqu'un, non ? La jeune sorcière entrouvrit la bouche de stupéfaction, et avança de quelques pas désorientés sur le pont. Non, réalisa-t-elle... Elle avait rêvé... Elle avait eu une hallucination... Ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait... Mais cette fois-ci, ça devenait vraiment grave ! Cette fois-ci, elle y avait vraiment cru ! Il fallait penser à arrêter la Bièraubeurre au déjeuner...

Poussant un soupir de consternation, la brunette alla s'accouder au garde-fou, au-dessus duquel étaient accrochés de jolis glaçons en forme de stalactites, qui s'égouttaient doucement, et dont la beauté transparente brillait à la lumière du soleil. Elle contempla d'un air absent le vallon neigeux, qu'elle surplombait du haut de son pont... Mais alors, où était-il, s'il n'était pas ici ? Où était-il ? Si seulement il était avec elle...

La jeune fille regarda d'un oeil plus attentif la nature qui l'environnait, et s'imagina alors une balade avec Remus Lupin. Dans le creux de cette petite vallée, près du discret cours d'eau qui y serpentait paisiblement, tous les deux se frayeraient un chemin parmi les fougères, Remus en tête, bien sûr, pour que Cat, derrière lui, puisse le dévorer des yeux sans relâche... Elle verrait ainsi sa cape s'accrocher aux végétaux et emporter avec elle quelques flocons. Elle ne pourrait dès lors s'empêcher de courir vers lui, pour épousseter son manteau, avec toute son attention la plus affectueuse, profitant de ce toucher pour caresser son épais tissu gris, et pour sentir son corps sous ses doigts. Après quoi, il l'aiderait à remonter le vallon, dont la pente était assez raide et parsemée de rochers, en prenant sa frêle main dans la sienne, si ferme et si sécurisante.

Arrivés en haut du dénivelé, ils iraient étudier de plus près un des chênes, aux branches nues et dégoulinantes d'eau, Remus pointant de son index les multiples boutons verts qui se laisseraient distinguer sur les rameaux, et Cat imitant ce geste pour désigner un papillon qu'elle aurait soi-disant aperçu virevolter autour du tronc de l'arbre. L'homme, qui n'aurait naturellement rien aperçu du tout, se mettrait à rire, se moquant gentiment d'elle et de ses visions, et elle lui certifierait - avec un entêtement féroce, et en même temps un grand plaisir à constater sa bonne humeur et l'éclat joyeux de ses yeux - avoir entrevu cet insecte, et même que ses ailes étaient noires et jaunes !

Invitée par son chéri à partir à la recherche de ce papillon imaginaire, la jeune fille ne résisterait alors pas à la tentation de lui prendre à son tour la main, de la blottir entre ses deux paumes, de peur qu'elle ne se refroidisse, puis de le tirer avec douceur par le bras, pour qu'il la suive plus docilement. Heureuse, elle le mènerait jusqu'ici, jusqu'à l'intérieur du pont de Pré-au-lard, et se retournerait enfin vers lui, pour le dévisager avec délice. Il hausserait les sourcils, étonné par ce silence scrutateur, et cela ne le rendrait que plus adorable. La bise agiterait les mèches de ses cheveux châtains sur son front, sa fine moustache frémirait, et Cat aurait une irrésistible envie de la sentir sous ses lèvres...

Mais d'abord, elle lui déposerait un baiser dans le cou. Sur le côté droit de son cou blanc, elle pencherait sa tête, s'engouffrerait entre son oreille et son épaule, et y poserait ses lèvres, avec délicatesse et amour. Bénissant cette parcelle de peau de sa bouche, elle prierait pour que cela la réchauffe, et s'en assurerait finalement en remontant l'écharpe de Remus jusqu'à son menton, de manière à lui couvrir la gorge et à la protéger du mal. Mais il lui serait bien difficile de retirer ses mains de sur son écharpe... Au contraire, elle les y laisserait, et oserait, sous le poids du désir, élever sa main droite jusqu'à sa joue, pour la lui caresser, avec son pouce... Elle inclinerait à nouveau sa tête, cette fois pour goûter au coin gauche de sa bouche, précisément à cette petite commissure des lèvres, et au bord de sa moustache qu'elle aurait tant prisé. Elle en profiterait pour aventurer sa main derrière sa tête, dans ses cheveux, et pour masser lentement son cuir chevelu. Puis elle le regarderait dans les yeux ; dans ses beaux yeux d'ambre, elle viendrait chercher son approbation, avant de respirer fiévreusement, d'approcher sa bouche de la sienne, et de fermer les paupières...

Mais ça, Cat n'avait pas le droit de se l'imaginer. Ni la tendresse supposée de ses lèvres, ni le goût de sa langue. Elle n'avait pas le droit d'y penser, elle se l'interdisait. C'était un homme qu'elle respectait trop pour se permettre de rêver à lui de la sorte. Aussi cessa-t-elle de fantasmer, considérant qu'elle était déjà allée trop loin.

- Che de comprends pas ! s'exclama vivement Axelle, au petit déjeuner du lendemain matin, alors que la Grande Salle avait retrouvé son animation habituelle qui signalait la reprise des cours, et que Cat, Anna (qui semblaient toutes les deux lutter contre une bizarre envie de rire), ainsi que Cerise, gardaient leur nez plongé respectivement dans leur bol de chocolat, de thé et de céréales. Che de comprends pas cobent ch'ai pu attraper ce rhube ! C'est incroyable ! Che de suis bêbe pas sortie du château, durant les facances !

Ces derniers mots provoquèrent la secousse fébrile des épaules de Cat, et celle-ci, le regard délibérément fixé sur sa boisson chaude, jura avoir entendu Anna étouffer un gloussement. A sa gauche, Axelle avait le visage penché sur son énorme chaudron, qu'elle avait rempli à ras bord d'eau bouillante, et qui dégageait vers elle des panaches de vapeur dignes de ceux que crachait la locomotive du Poudlard Express. Elle s'était également recouvert la tête d'une serviette de bain et se lançait de cette manière dans des inhalations bruyantes, qui rappelaient étrangement le râle des Détraqueurs.

- Anna, arrête un peu de pouffer de rire, tu vois bien que ce n'est pas drôle ! Elle est malade ! gronda Cerise.

Avec curiosité, l'Allemande leva la tête de son récipient brûlant, pour voir ce qui se passait autour d'elle, et présenta alors à ses amies le spectacle horrifiant de sa figure rouge écrevisse, luisante de transpiration. Cat abandonna sur le champ son bol de cacao pour se mordre le poing, et cette fois, la fille aux cheveux argentés explosa dans une véritable crise d'hilarité.

- Quoi ? fit la blonde, d'un air bête, en tournant vers sa voisine de droite sa face écarlate - qui aurait bel et bien pu éclairer la Grande Salle toute entière, si celle-ci avait été plongée dans l'obscurité -, mais Cat détourna aussitôt sa tête dans l'autre direction, pour ne pas avoir à affronter ce supplice. Bais c'est frai, Ada, pourquoi tu rigoles ? C'est pas barrant, che suis balade !

- Hihihihihiii ! Non mais écoute comment tu parles ! s'esclaffa la nommée, sans prendre garde aux regards sévères que lui lançait Cerise. On ne comprend plus rien de ce que tu racontes, avec ton accent allemand et ton nez bouché !

- Bon dez bouché ? s'étonna la souffrante. Bais... Bais don che de parle pas du dez ! se fâcha-t-elle.

- Et puis, Axelle, commença Cat, en évitant toujours de regarder son amie, j'espère que tu as bien compris que, pour faire ton inhalation, il faut garder ta figure au-dessus de l'eau bouillante, et non pas la plonger dedans !

Anna s'étrangla à nouveau de rire, Cerise tenta d'envoyer un coup de pied réprobateur dans le tibia de Cat, et Axelle, qui n'avait pas bien compris ce que sa figure avait de particulier, examina son reflet sur le dos d'une cuillère. Mais avant qu'elle ne puisse répliquer à Cat mille injures et mille protestations furieuses, Vince, qui venait de faire son entrée dans le réfectoire, s'avança joyeusement vers elle et s'exclama :

- Oh ! Une marmite pour faire chauffer l'eau ! Quelle bonne idée !

Et sur ce, il jeta dans le récipient deux petits oeufs, et attendit cinq minutes qu'ils soient cuits.

¤~

En cours d'Histoire de la magie, Cat et Anna regrettèrent amèrement de s'être tant moquées d'Axelle. Celle-ci n'avait vraiment pas l'air bien, son état empirait de minute en minute. Elle était couchée sur son pupitre, les deux bras tendus en avant, les mains pendant par-dessus le rebord de la table, la joue gauche écrasée sur une page de son cahier, les yeux clos, et la bouche grande ouverte (elle ne pouvait plus respirer par le nez), délivrant un écoulement permanent de bave, qui avait réussi à produire une mare visqueuse sur les lignes de son livret et à confondre certains mots écrits à l'encre. Sa figure n'avait plus rien de la teinte de homard qu'elle avait arborée au petit déjeuner. Au contraire, elle était pâle comme la mort, d'une lividité presque aussi fantomatique que celle du professeur Binns.

Cerise, au paroxysme de l'angoisse, était constamment sur le point d'interpeller l'enseignant (qui, même au bout d'une heure et demi de cours, n'avait toujours pas remarqué qu'une de ses élèves était en train d'agoniser) et de le supplier de bien vouloir laisser Axelle aller à l'infirmerie. Mais à chaque fois, cette dernière se réveillait en un brusque soubresaut, et tentait de tranquilliser ses copines, en leur disant d'une voix d'outre-tombe :

- De fous inquiétez pas ! Che fais surfifre...

Le contraire fut pourtant certifié lorsque, quelques secondes plus tard, elle parvint à s'adresser à Cat, en s'efforçant de soulever ses paupières de moitié - ce qui ne laissa voir que le blanc de ses yeux -, pour lui faire part de ses dernières volontés.

- Le test d'avant ? répéta la brunette, un peu surprise. Désolée, j'ai bien cherché, mais je n'ai trouvé aucun test traînant dans ton cahier..., dit-elle, en rendant à Axelle son carnet, qu'elle avait réussi à extraire de sous sa joue. Et je ne suis pas sûre qu'on ait eu un test d'Histoire de la magie, avant les vacances...

- D... Don..., gémit l'Allemande, sa langue violacée pendouillant à présent hors de sa bouche. Bon... testabent !

- Ah ! Ton testament ! lança Anna, qui paraissait bien plus intéressée par la souffrance de sa camarade que par la leçon somnifère du professeur Binns, consacrée aux émeutes des gobelins au dix-septième siècle.

- Axelle, voyons, ne dis pas de bêtises ! s'interloqua Cat. Tu vas t'en sortir...

- Tu me lègues quelque chose ? s'embrasa Anna, en rapprochant subitement sa table de celle de la mourante.

- Tu... trouferas..., déclara celle-ci, en saisissant la main de son héritière toute ouïe, sous bon lit... ba réserfe entière d'apricots...

Anna parut déçue.

- C'est tout ?

- Courage, Axelle ! Le cours se termine dans dix minutes ! annonça Cerise.

Ces mots semblèrent ressusciter la blonde. A cinq minutes de la sonnerie, elle s'engagea dans un trépidant compte à rebours, suivant chaque secousse de la trotteuse de sa montre. A quatre minutes, elle rangea toutes ses affaires dans son sac. A trois minutes, elle recula sa chaise, et gigota frénétiquement ses jambes pour les échauffer, prête à partir. A deux minutes, Cat demanda : « Mais... Je croyais qu'elle était malade ? ». Enfin, une minute avant la délivrance, Axelle se retourna vers ses amies, l'air surexcité.

- Ca fa soder ! Ca fa soder ! s'écria-t-elle, en agitant ses deux poings serrés, comme une hystérique.

Puis, d'une voix couvrant celle du professeur Binns (qui continuait toujours de donner son cours, sans la moindre impression d'être interrompu) :

- CINQ ! ... QUATRE ! ... TROIS ! ... DEUX ! ... UN ! ... C'est finiii !!!

L'Allemande se précipita sur la porte de la salle, qu'elle ouvrit à la volée, et disparut dans le couloir. Cat, Cerise et Anna, elles, prirent un peu plus leur temps pour quitter la classe d'Histoire de la magie, sachant qu'elles ne retourneraient pas en cours avant onze heures, ce qui leur laissait une heure de libre. Elles retrouvèrent cependant Axelle dans le corridor, et cette dernière aborda Cat d'un air grave.

- Cat, ch'ai fu que dous afions un cours de Sortilèches, chuste après. Che de sais pas si che pourrai en réchapper. Ch'ai surfécu aux deux heures d'Histoire de la bachie, par chance, bais che de crois pas que ch'arriferai à résister au cours de Sortilèches... Tu feux bien b'accompagner à l'infirberie ?

- Tu vois ! Je t'avais dit qu'il fallait aller à l'infirmerie ! bondit Cerise.

- C'est bizarre, pourtant, je pensais que tu avais un peu récupéré ta forme, tout à l'heure..., hésita Cat.

- Che de fois fraibent pas de quoi tu feux parler..., riposta la blonde, en prenant un soin tout particulier à tousser (KOF ! KOF ! KOF !) sur le visage de la brunette, pour lui montrer qu'elle était vraiment malade.

- Tu es sûre que tu ne peux pas...

- ATCHOUM !!! rugit l'Allemande, en éclaboussant la figure de Cat.

- Bon... Très bien... Je t'emmène..., consentit cette dernière, d'un air déconfit.

L'infirmerie était totalement vide, lorsque les deux sorcières arrivèrent. Seule Madame Pomfresh, qui était en train d'astiquer les carreaux des fenêtres à travers lesquelles filtraient les rayons du soleil, les accueillit avec joie, comme si cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas vu de patients.

- Vous allez avoir l'honneur de pouvoir choisir votre lit ! s'exclama fièrement l'infirmière, en présentant d'un geste de la main la douzaine de lits blancs et soigneusement bordés qui attendaient Axelle, après que celle-ci lui ait exposé son problème.

« Très bien ! Je choisis le lit de Mr Lupin ! » répondit Cat, intérieurement. La blonde, cependant, opta pour celui qui était placé tout au fond de la salle, et qui semblait le mieux éclairé par la lumière du jour. Pendant qu'elle retirait ses chaussures pour rentrer dedans, Cat, elle, observait distraitement l'accoutrement de bonne soeur de Madame Pomfresh, et se demanda furtivement si c'était elle qui fournissait au professeur Lupin sa potion Tue-loup (si du moins il en buvait...). La brunette fut sortie de ses pensées par un bruit rauque, provenant de sa gauche, et elle tourna instantanément la tête dans cette direction.

- Cat..., répéta Axelle, qui était à présent blottie dans son lit, la tête calée dans un gros oreiller. A... Approche !

La nommée s'exécuta.

- F... Foilà... Che foulais te dire que... que... à toi, che te laisse...

- Mais non, Axelle, ne dis pas ça !

- Bon... chaudron... Prends-en bien soin...

- Mais... Tu sais bien que j'en ai déjà un !

- Ch... Chure-le-boi !!!

- Euh... Oui, oui, je te le jure ! acquiesça la jeune fille, prenant peur face au ton menaçant de la malade.

- Et dis aux autres que ch'en ai au boins pour trois sebaides à rester clouée au lit !

¤~

Sur le chemin du retour jusqu'à la salle commune, Cat fut surprise de croiser une nouvelle connaissance, en plein couloir.

- Vince ! Tu n'es pas censé être en cours, à cette heure-ci ?

- Si, répondit le garçon, en s'arrêtant pour parler un peu avec son amie, mais je me suis dit qu'avec quarante de fièvre, il me serait bien difficile de résister au cours de Métamorphose, et qu'il valait mieux que j'aille à l'infirmerie.

- Quoi ? sursauta la brunette. Toi aussi tu es malade ? Décidément, c'est la saison ! Comment as-tu attrapé ça ?

- Disons que j'ai un peu trop profité de la patinoire géante du parc, pendant les vacances...

- Parce que Dumbledore a installé une patinoire ? s'interloqua à nouveau notre amie, stupéfaite de ne pas l'avoir vue lors de sa balade de la veille.

- Non, mais le grand lac gelé en offrait une belle ! Tous les soirs, j'allais glisser sur la glace, sous ma forme de canard ! Je prenais vraiment ma palme !

L'image d'un oiseau solitaire, effectuant pirouettes, doubles boucles piqués, triples saltos arrière, et autres acrobaties sur une étendue d'eau solide, passa brièvement dans l'esprit de Cat.

- Jusqu'au jour où l'épaisseur de la glace n'a pas été suffisante et n'a pas supporté mon poids ! Je suis passé au travers, et j'ai bien failli boire la tasse ! C'est ce jour-là, aussi, que j'ai commencé à ressentir un affreux mal de gorge. Et aujourd'hui me voilà, avec un front brûlant comme une plaque de cuisson !

- Ah ! fit Cat, l'air réjoui. Eh bien, au prochain petit déjeuner, tu pourras t'écraser quelques oeufs sur le front, pour te faire une omelette, au lieu des oeufs durs que tu as réussi à te préparer grâce au chaudron d'Axelle... Au fait ! J'espère qu'il ne s'agissait pas des oeufs de Coincoin...

- Non ! Tu sais bien que Coincoin est un mâle et qu'il ne pond pas d'oeufs ! D'ailleurs, à propos de lui, ne devais-tu pas lui trouver un autre nom ?

- Ah ouiii ! C'est vraiii ! s'écria la Serdaigle, en s'en rappelant tout juste. Mais ça remonte à longtemps !

- Je ne te le fais pas dire ! commenta Vince. Ca doit bien faire six mois que tu m'as promis que tu allais t'attarder sur la question, et toujours aucune réponse...

- Peut-être, mais tu sais, dit Cat, pour se justifier, il y a eu tellement d'événements inattendus qui se sont produits, entre-temps...

- Hmmm... Laisse-moi réfléchir... Cathie Mist a réussi à obtenir un cours privé avec Mr Lupin... Cathie Mist a réussi à obtenir un deuxième cours privé avec Mr Lupin... Cathie Mist a réussi à obtenir un troisième cours privé avec...

La jeune fille se mit à rire de bon coeur, tandis que son ami finissait de compter sur ses doigts le nombre de leçons particulières auxquelles elle avait eu droit durant les vacances.

- C'est vrai que ça fait beaucoup d'événements ! remarqua le châtain. Je ne serais pas surpris qu'ils soient déjà inscrits sur le registre des faits et exploits de Poudlard ! Si c'est le cas, je vais aller le lire, car tu ne m'as même pas raconté comment s'est passé ton dernier cours de rattrapage...

- Ah ! Eh bien j'ai enfin réussi à repousser le Détraqueur, à l'aide de mon Patronus en forme de chaton !

- Comme quoi, Mr Lupin avait fait de bons pronostics ! Il avait dit que tu y arriverais !

- Oui, mais ce à quoi il ne s'attendait pas - et moi non plus, d'ailleurs -, c'était d'avoir la bouche en feu au moindre triton au gingembre avalé !

- Ah ! fit Vince, en rigolant. Faudra qu'il essaye les gnomes au poivre, la prochaine fois !

- Je les testerai avant de les lui donner, garantit Cat, d'un air moins enclin à ce genre de plaisanteries. Ensuite, nous avons bavardé un peu ensemble, reprit-elle avec des yeux rêveurs. C'était infiniment agréable ! J'ai même appris qu'il avait jadis été élève ici, à Poudlard !

- Ouuuh ! Ca doit remonter à très très longtemps, alors ! Compte tenu de tous ses cheveux blancs, ça doit bien se situer aux alentours de l'époque de Rowena Serdaigle !

Susceptible, la brunette adressa une vilaine tape sur le crâne du garçon, avant de poursuivre.

- Et puis il m'a montré sa baguette...

- SA QUOI ? bondit Vince, hors de lui.

- Sa baguette !

- Ah, pardon, j'avais cru entendre autre chose !

- Non mais à quoi tu penses, espèce d'obsédé ? s'irrita la jeune fille, devinant clairement à quel autre mot son ami avait pensé.

- A ce propos, t'a-t-il montré où il habitait ?

- Ah ! Oui, c'est vrai ! J'avais oublié de te le dire ! s'exclama à nouveau Cat, en se frappant le front avec la paume de sa main, pour se reprocher ce second trou de mémoire flagrant.

- Quoi ? Il t'a fait entrer dans ses appartements ?

- Non, hélas, ça aurait été trop beau ! Mais j'ai découvert où ils se situaient ! Mr Lupin loge au septième étage !

- Oooh ! Au septième étage ? Ou bien au septième ciel !

- Oui, c'est une très belle métaphore, se réjouit Cat. Là, dans sa chambre, au septième étage, je suis sûre que Mr Lupin pourrait me faire monter au septième ciel ! fabula-t-elle en rigolant. Et puis, ça explique aussi pourquoi j'étais folle de bonheur, lorsque j'ai trouvé sa porte d'entrée !

- C'est arrivé quand ?

- Oh, j'ai découvert tout ça début janvier, lorsque j'ai repris mes investigations suspendues en décembre !

- Et ce n'est que maintenant que tu m'en parles ? Heureusement que cette fois je n'ai pas attendu six mois avant de te demander des nouvelles de tes recherches...

- Oui, sinon tu ne les aurais certainement pas eues avant le mois de juin... Mais je te garantis que pour Coincoin, je vais lui trouver un autre nom dans les plus brefs délais !

- Les plus brefs délais..., répéta Vince, d'un air sceptique. Ca veut dire avant le mois de juin ?

C'était peut-être la dixième fois que Cat se retournait dans son lit, tourmentée par les idées de noms qui affluaient dans son cerveau en ébullition. Mais elle n'avait pas le choix : en cette nuit de samedi à dimanche, elle n'arrivait pas à s'endormir, et elle s'était jurée de trouver un nouveau patronyme au canard de Vince avant lundi. « Alors, euh... Colvert ? Plum Plum ? Magret ? Lupin ? ... Oh non, Vince le prendrait mal... » s'accabla la jeune fille, en roulant à nouveau sous ses couvertures, sans retenir aucune de ces idées. « Voldemort ? Fizwizbiz ? Jean-Michel ? ... Rhaaa, j'ai pas d'inspiration, j'en ai marre !!! ». Et pour la treizième fois, elle se retourna sur son matelas, plus violemment que jamais.

- Kyah ! glapit-elle, en percutant le sol de plein fouet.

La terrible douleur qu'elle ressentit au niveau du bassin lui fit mettre quelques secondes avant de réaliser qu'elle venait de basculer hors de son lit. A même le parquet, elle releva aussitôt la tête, pour s'assurer que sa voisine, à côté de laquelle elle était tombée, dormait toujours : le ronflement qui émana de la bouche entrouverte d'Axelle (expulsée plus tôt que prévu de l'infirmerie, pour cause d'hypocondrie) la tranquillisa. Mais au moment de se relever, elle vit alors sous le lit de la blonde... Non, pas seulement une boîte en carton remplie d'une centaine d'abricots poussiéreux, mais surtout... un exemplaire phosphorescent de Sorcière Mag, dont la couverture était animée par trois hiboux nains, deux Boursouflets et un chaton qui se couraient après, et qui annonçait, en lettres tapageuses et brillantes : « Numéro spécial rentrée : mille et une idées de noms à donner à votre nouvel animal de compagnie ».

Ce fut pour Cat une illumination - au sens figuré comme au sens propre, étant donné l'éclat luminescent de la revue. Un peu abasourdie, et encore étalée de tout son long sur le plancher, elle attrapa le prospectus et le tira vers elle sans trop de bruit. Le gros titre lumineux qui éclairait à présent son visage lui assura qu'elle ne rêvait pas, et qu'elle venait bel et bien de trouver la réponse à tous ses problèmes, la solution de tous ses tourments : le choix parmi mille et une propositions de noms à attribuer à Coincoin.

« Quelle chance ! » gloussa la Serdaigle, avec un sourire dément sur le visage, tout en se précipitant pour remonter dans son lit. Elle se hâta de prendre sa baguette posée sur son chevet, et de s'engouffrer sous ses couvertures, de manière à s'y dissimuler entièrement. A l'abri dans cette sorte de cocon, elle murmura l'incantation « Lumos ! », et sa main qui tenait le numéro spécial de Sorcière Mag ouvrit alors celui-ci avec excitation.

Cat n'était pas du genre à lire des revues, encore moins de ce type. Elle savait que Cerise, Axelle et Anna (comme la plupart des filles) en étaient friandes, mais elle, cela ne l'intéressait pas du tout. Le peu qu'elle en avait vu lui avait paru être le comble de la superficialité, de la méconnaissance, de l'inutile, et même du grotesque. Quel était l'intérêt, en effet, de savoir que le prix du sourire le plus charmeur de l'année passée avait été décerné à Gilderoy Lockhart, cet illustre imbécile qui finissait maintenant ses jours à l'hôpital Ste Mangouste, pour maladie incurable ? Quel était l'apport d'une telle information ? Cela cultivait-il l'esprit ? Cela rendait-il plus intelligent ? Non ! Cat n'avait pas besoin de tous ces conseils en matière de mode vestimentaire, de maquillage : elle suivait ses propres goûts, indépendamment de ceux des autres. Et dire que certaines se complaisaient dans l'éloge de la féminité, dans la supériorité prétendue des filles par rapport aux garçons... Cat, elle, se satisfaisait autrement mieux avec son bon bouquin de Défense contre les forces du mal !

Mais elle devait se l'avouer : elle était curieuse ! Très curieuse de découvrir ce que lisaient ses copines dans leur passe-temps. Même si c'étaient des idioties. Après tout, cela pouvait être divertissant ! Du point de vue de l'oeil critique, oui, ça l'était certainement ! La brunette parcourut le sommaire du magazine avec frénésie. Il y avait de tout, écrit dans toutes les couleurs, et en caractères plus ou moins gras : « Top tendance : la rentrée sera rose », « Sorcière Mag a choisi pour vous cinq sous-vêtements sexy », « Comment fabriquer soi-même ses paires de boucles d'oreilles ? », « Cuisine : la recette de la tarte à la mélasse », « Sortilèges : colorez vos cheveux en jaune », « Amour : comment déclarer ses sentiments, en sept méthodes ».

A cette dernière phrase, Cat ne put contenir un petit rire (« Hi hi ! »), et pensa irrémédiablement au professeur Lupin. Ainsi donc il existait des techniques miracles pour qu'elle lui avoue son amour ? Oh, ça ne devait sûrement pas dépasser le stade de la gaminerie ! Mais cela s'annonçait être tordant ! Impatiente de connaître de quelle façon une revue aussi superficielle que celle-ci pouvait traiter un thème aussi profond que l'amour, notre amie s'empressa d'aller à la page 16. Sur ce, un rictus diabolique illumina sa figure.

Comment déclarer ses sentiments ? Vous êtes amoureuse ? Vous n'arrêtez pas de penser à lui ? D'écrire son nom partout dans vos cahiers de cours ?

« Euh... ». Cat pensa furtivement à la page de présentation de son cahier de Défense contre les forces du mal, en bas de laquelle elle avait marqué : Nom du professeur : Mr Lupin.

Dans ce cas, n'attendez plus : allez lui déclarer vos sentiments ! N'hésitez pas ! Courez ! Sorcière Mag vous aide et vous propose sept méthodes pour tout avouer à l'élu de votre coeur. Pourquoi sept ? Parce que sept est le chiffre qui possède la plus grande force magique !

« C'est pas possible ? » fit Cat, en écarquillant les yeux. « Et Mr Lupin qui habite au septième étage ! ».

Votre succès est garanti !

Première méthode : celui que vous aimez se révèle être passionné de quelque chose ? Eh bien apprenez tout sur sa passion, et n'hésitez pas, lorsque vous le croisez, à lui faire part de toutes les connaissances que vous possédez désormais ! Exemple : il est fan de Quidditch ? Faites-lui remarquer que vous savez parfaitement différencier un Souafle d'un Cognard et d'un Vif d'or, et entraînez-vous, si possible, à voler sur un balai. Passer devant votre bien-aimé, sur le dos d'un balai, en rase-mottes au-dessus du sol, ne pourra que l'impressionner, et ses compliments à votre sujet ne tarderont pas.

Rapidement, Cat se prêta au jeu. Elle pensa d'abord que c'était exactement ce qu'elle faisait (s'intéresser aux goûts de Mr Lupin), en bouquinant de très nombreuses fois son manuel de Défense contre les forces du mal, et se félicita d'avoir adopté une telle attitude, bien avant d'en avoir lu le conseil dans ce magazine. Puis sa hâte de connaître la méthode numéro deux, et de savoir s'il s'agissait là aussi d'une technique qu'elle avait déjà inconsciemment mise en application, cette hâte l'emporta, et elle parcourut les lignes suivantes avec un regard avide.

Deuxième méthode : provoquez la rencontre en faisant tomber, par mégarde, vos effets personnels sur la personne concernée. Exemple : vous marchez dans un couloir, et l'élu de votre coeur arrive droit sur vous. Or, vous portez justement dans vos bras toutes vos fournitures scolaires. Dans ce cas, renversez-les immédiatement sur lui, en prenant soin de simuler l'accident. Certes, au début, votre chéri risque de se mettre en colère, mais en remarquant que vous êtes vous-même terriblement bouleversée, et que vous vous répandez en excuses, il ne pourra que sentir son coeur s'attendrir, et vous aidera très certainement à ramasser vos affaires. C'est l'occasion ou jamais pour vous de faire sa connaissance et de chercher à le revoir !

« Entre élèves, passe encore... Mais balancer ses cahiers à la figure d'un prof, c'est plus risqué... »

A côté du paragraphe qui détaillait la méthode numéro trois se trouvait la photographie d'une Vélane, qui soufflait gracieusement dans une flûte argentée, tout en fermant les paupières, et en dodelinant de la tête.

Troisième méthode : jouez-lui un petit air de votre instrument de musique ! Une douce mélodie, interprétée avec brio, rien que pour lui, le charmera à coup sûr !

Ce fut alors qu'une étincelle d'inspiration traversa l'esprit de Cat, et que celle-ci songea aussitôt à ce qu'il y avait de caché sous son lit...

¤~

Jeudi 18 mars, à seize heures trente et des poussières, les derniers préparatifs pour le concert du siècle battaient leur plein. Un garçon et une fille stagnaient au beau milieu d'un couloir obscur, et si, par le plus grand des hasards, un élève venait à s'égarer dans ce corridor, il se demanderait à coup sûr ce que ces deux Serdaigle à l'air suspect étaient en train de fabriquer. Cathie Mist portait sur son dos une bandoulière noire, parsemée de pics métalliques, qui soutenait une lourde guitare électrique rouge vif, vernie à souhait. La tête penchée sur son instrument, elle triturait nerveusement son médiator dans sa main droite, pinçait de temps à autre une ou deux cordes, pour s'assurer qu'elles sonnaient bien, dans le cas contraire, effectuait d'ultimes réglages en tournant les clés de la tête de son appareil à l'aide de sa main gauche. Vince Vertilleul, quant à lui, était négligemment appuyé contre une armure, et guettait d'un oeil distrait le bout du couloir mal éclairé.

- Tu es sûre qu'il va arriver ? demanda-t-il à la brunette qui, avec une tension évidente, promenait ses doigts le long du manche de sa guitare.

- Mais oui ! répondit-elle, sans décoller les yeux de ses cordes. Il finit ses cours à seize heures, le jeudi. Normalement, il ne devrait pas tarder.

- Ca fait quand même une demi-heure qu'on l'attend...

- C'est parce qu'il a sûrement dû aller faire un tour dans la salle des profs. Il faut savoir être patients...

- S'il compte prendre le thé là-bas, on en a pour toute la soirée... Et pendant ce temps, mon estomac crie famine... J'irais bien me prendre un goûter...

- Vertilleul, reste ici ! hurla Cat à son ami qui avait à peine amorcé un pas en avant.

- Très bien..., se résigna le châtain, en revenant sur son pas. Mais je reste toujours perplexe quant au caractère indispensable de ma présence ici... Pourquoi dois-je absolument rester avec toi au moment où tu joueras un air de guitare à ton prof chéri ?

- Je te l'ai déjà dit : pour que tu chantes les paroles du morceau que je compte interpréter ! expliqua la jeune fille, tandis qu'elle faisait craquer chacune de ses phalanges.

- Et tu ne peux pas les chanter toi-même ?

- Non ! Je suis incapable de jouer de la guitare et de chanter en même temps ! ... Je crois même que je suis incapable de jouer de la guitare tout court..., ajouta-t-elle à mi-voix, en regardant ses doigts tremblant comme des feuilles.

- Et ce sont quoi, ces paroles ? Si tu pouvais me les répéter...

- Eh bien ce sont celles de la chanson « Brume », de Avada Kedavra...

- Ah ! coupa Vince. Avada Kedavra ! Ca m'aurait étonné !

- « Brume » est selon moi le morceau le plus doux et le plus romantique du groupe...

- Et ça donne quoi ?

- Hum hum ! fit Cat, en s'éclaircissant la gorge avec son poing devant la bouche, avant d'entonner d'une voix désespérée : « Elle écarte les jaaammmbes ! Elle le fait si bieeennn ! Elle... ».

- D'accord, je vois, l'interrompit Vince. Ca suffira comme ça, merci.

- Attends, ce n'était que le début ! protesta Cat. Je t'assure que vers le milieu de la chanson, ça devient beaucoup plus poétique !

- Je ne veux pas le savoir. De toute manière, je chante comme un pied, alors tu ne devras pas compter sur moi.

- Ok. Je m'en remets donc à ma bonne vieille guitare électrique : la seule à qui je peux faire confiance... J'espère qu'elle marche encore..., s'inquiéta Cat, en écarquillant les yeux d'effroi.

- Ca fait depuis combien de temps que tu la gardes planquée sous ton lit ?

- Depuis un an et demi, maintenant... La première fois que je l'ai amenée à Poudlard - je rentrais en quatrième année -, je l'ai mise en sécurité dans une malle, mais je n'ai plus osé la ressortir, de peur de faire trop de bruit avec... Après quoi, Dumbledore a bien voulu la garder à l'école, pendant les grandes vacances, pour m'éviter de la ramener à la rentrée suivante - c'est encombrant, cet engin-là !

- Et tu n'as pas peur de faire trop de bruit, aujourd'hui ?

- Non ! Même si c'est la première fois que je m'en sers dans le château, j'ai enfin trouvé une bonne occasion de l'utiliser : je vais en jouer à l'homme que j'aime, pour le remercier de m'avoir offert ses cours particuliers !

- Comme si tu ne l'avais pas déjà assez remercié...

- A mes yeux, non, je ne l'ai pas assez remercié. Les moments qu'il m'a permis de passer avec lui étaient absolument fabuleux, j'ai cru vivre un rêve. Je me dois vraiment de le remercier de la sorte.

- Je ne suis pas sûr qu'il aime Avada Kedavra...

- Bon, d'après mes souvenirs, le volume se règle là..., marmonna Cat, en faisant semblant de ne pas avoir entendu son ami, et en tournant au hasard un bouton argenté de sa guitare. Après... Réglage des aigus... Réglage des graves...

- Vas-y à fond sur les aigus, conseilla Vince. Il paraît que les vieux les entendent moins bien...

BAM ! Le Serdaigle se reçut le bout pointu du manche de la guitare en pleine tête et tituba vers l'armure.

- Tu crois que j'utilise le vibrato ? demanda la brunette, en rabaissant son instrument. Oh non... On va éviter les effets spéciaux... Vince, t'es prêt ? Allez, je crois qu'en poussant ce bouton-ci, j'allume l'appareil...

Après le petit clic qui signala la fermeture de l'interrupteur, de puissants infrasons vibrèrent alors à travers tout le corridor, et semblèrent tambouriner en échos à l'intérieur de la boîte crânienne des deux protagonistes. Ceux-ci se regardèrent étrangement.

- Euh..., fit Cat, avec quelque anxiété dans la voix. Tu penses que c'est normal ?

- Je ne sais pas, mais en tout cas j'entends des bruits de pas qui se rapprochent...

- Oh mon Dieu, c'est lui, au secours !!! s'écria la musicienne, en opérant un demi-tour sur elle-même, prête à fuir les lieux en se précipitant vers les petits escaliers qui menaient au cinquième étage.

- Tu préfères lui jouer ton morceau devant ses appartements ?

- Non, c'est vrai, tu as raison, je reste ici, se ravisa la jeune fille, en pivotant à nouveau. Bon, très bien, puisqu'il faut le faire... Je vais commencer par m'échauffer avec quelques accords...

La tension était à son comble. La Serdaigle tenta de positionner correctement ses doigts sur les touches de sa guitare, Vince lui fit remarquer au passage qu'il venait d'entendre comme un grésillement dangereux, mais Cat, trop angoissée, n'y prêta aucune attention.

- C'est parti ! s'exclama-t-elle, les sourcils froncés, pleine de détermination et d'adrénaline. MI MINEUR !!!

Dès l'instant où Cat racla les six cordes de sa guitare avec une certaine brusquerie, le chat qui était entré dans le couloir décolla du sol, toutes griffes dehors, les poils ébouriffés, et fut propulsé en arrière sous la violence des sons qui transpercèrent les tympans des deux sorciers. Ces derniers sentirent leurs cheveux se dresser sur leur tête. L'armure, à côté de Vince, explosa, et projeta dans toutes les directions ses morceaux métalliques, dont les deux Serdaigle se protégèrent en se couchant par terre. L'intensité sonore fut telle que le couloir entier se mit à trembler, plus brutalement que jamais : le sol sembla prêt à se dérober, et des filets de poussière et des débris de pierre commencèrent à tomber du plafond.

- QUI A FAIT CAAAAA ??? hurla une voix venant du bout du corridor, lorsque celui-ci cessa peu à peu d'être ébranlé.

Mais Cat et Vince, qui se remettaient debout avec peine, étaient bien trop secoués, et ils avaient leur ouïe bien trop endommagée pour entendre quoi que ce soit. Ce ne fut que lorsqu'ils virent Rusard débouler en trombe dans le couloir, portant dans ses bras une Miss Teigne aussi inanimée qu'échevelée, qu'ils comprirent que la déflagration qu'ils venaient de produire avait ameuté au moins la moitié de l'école.

- Sauve qui peut !!! cria Cat, aux abois, mais elle ne s'entendit même pas.

Vince fila droit vers les petits escaliers. La brunette, pour plus de commodité, fit pivoter sa guitare sur sa hanche droite, de façon à tenir l'instrument comme une mitraillette, et s'élança à la poursuite de son ami. Branle-bas de combat dans les escaliers obscurs : Cat, tenant sa guitare à bout de bras, était à la limite d'enfoncer la tête pointue de l'appareil entre les omoplates de Vince, qui était juste devant. Au moins, lorsqu'elle le piquait légèrement, cela faisait un bon stimulant pour qu'il coure plus vite. Mais si jamais il venait à tomber en arrière, il était embroché.

Par chance, les deux Serdaigle parvinrent jusqu'au cinquième étage sans dommage, et Cat, qui sentit une idée germer dans sa tête, dépassa Vince et lui dit en sprintant :

- Il faut aller se cacher dans le couloir qui donne accès aux appartements de Mr Lupin ! Je connais le mot de passe pour y entrer, mais Rusard ne le connaît certainement pas !

Pas sûr que le châtain ait compris les mots de sa camarade. En tout cas, il la suivit jusqu'aux petits escaliers qui menaient au septième étage, et ce fut là le principal. Mais lorsque Cat eut fini son ascension des marches, et qu'elle pénétra la première dans le couloir aux peintures d'animaux, résolue à se jeter sur le tableau des trois cigognes, elle se heurta, comme par hasard, au professeur Trelawney, qui s'apprêtait à entrer par ce même tableau.

- MEEEEERDE !!! se lamenta la jeune fille, en continuant sa course tout droit, sans prêter attention au mouvement d'accostage qu'avait amorcé sa prof de Divination en la voyant.

Vince, lui aussi, passa sous le nez de l'enseignante, sans faire mine de la remarquer. Désormais, Cat ne savait plus où ils pouvaient se planquer. Courant en tête, elle vira à droite, à gauche, emprunta des couloirs dans lesquels elle n'était jamais passée, et ce fut une chance que son ami ne perde pas sa trace (et qu'elle n'ait toujours pas cogné le manche de sa guitare contre un mur). Au bout d'une minute de fuite éperdue à travers le septième étage, le souffle commença à leur manquer. Vince avait l'impression de tourner en rond (d'ailleurs, n'était-ce pas la troisième fois qu'ils passaient devant cette stupide tapisserie représentant un sorcier qui essayait d'apprendre la danse classique à des trolls ?) et Cat s'était lancée dans des prières désespérées : « Pitié, Seigneur, faites qu'on trouve un endroit où se cacher... Pitié, Seigneur, faites qu'on trouve... ».

A cet instant, une porte du couloir s'ouvrit en grand, et les Serdaigle, après le laps de temps qui leur permit de réaliser qu'il s'agissait là d'un placard, se précipitèrent à l'intérieur, dans un certain désordre, et s'y barricadèrent. Il y avait juste de la place pour deux (et pour une guitare). Une bougie flottait au-dessus de leur tête, et plongeait le refuge dans une lumière tamisée. Tous les deux étaient entourés de balais et de vieilles serpillières. Cat, essoufflée, entendait sa respiration rapide faire un vacarme dans son cerveau, et celui-ci semblait prêt à éclater, avec les sifflements qui déchiraient ses oreilles.

- Ca par exemple ! s'écria Vince, en se penchant pour ramasser un panier en osier, rempli de gâteaux secs et d'un verre de jus d'orange. Un goûter !

La brunette observa avec des yeux sceptiques son ami dévorer le contenu du panier.

- Bon bah la prochaine fois, dit le garçon entre deux bouchées, tu déclareras tes sentiments à Mr Lupin en renversant tes affaires sur lui !

- Heiiiiinnnnn ?

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Voilà comme promis le chapitre ! Je vous retrouve la semaine prochaine !

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