Chapitre 21 : Malaises et gourmandises
Pour Cat, réaliser un Patronus était devenu un délice. Non seulement elle accomplissait cet exploit sous les yeux enchantés de Mr Lupin, mais elle le faisait également grâce à lui, en pensant à lui, et pour lui. Cet homme, qui se tenait à côté d'elle, en toute quiétude, avait-il conscience que, en plus d'aider son élève en lui apprenant la technique du Patronus, il lui permettait de le réussir tout à fait, car c'était précisément lui la source d'inspiration de la jeune fille ?
Cette dernière jubilait : en fait, elle possédait tellement de souvenirs heureux concernant Mr Lupin, qu'elle n'avait que l'embarras du choix ! Outre l'option qu'elle avait de se concentrer sur l'instant présent où elle se trouvait à ses côtés, elle pouvait tout aussi bien se remémorer la fois où elle s'était cassé la figure devant lui, et où il l'avait aimablement aidée à se relever en lui tendant la main ; ou bien les secondes magiques qu'elle avait passées, le corps pratiquement collé au sien, alors qu'elle s'était secrètement infiltrée dans un de ses cours, et qu'il était venu tout près d'elle pour réparer la cloche de verre qu'elle avait fait tomber ; ou même encore...
Le jour où il était venu frapper à la porte de son compartiment, pour lui demander si elle pouvait lui faire une place, car il était fatigué, et sa valise était lourde, et il ne se sentait pas le courage de chercher une autre cabine dans le Poudlard Express. C'était, à vrai dire, le jour où elle l'avait rencontré. Le jour où elle l'avait vu, pour la première fois de sa vie. Et, en le voyant, certes elle avait été un peu troublée, mais elle avait surtout été loin de se douter que cet homme allait entrer à ce point dans son coeur, loin de s'imaginer que, grâce à lui, elle allait vivre de ces aventures rocambolesques, celles même qui constituaient à présent ses souvenirs les plus heureux.
- Les contours de votre Patronus commencent à devenir de plus en plus précis ! remarqua le professeur Lupin, à la vue satisfaite de la créature argentée qui se déplaçait devant lui.
- Oui ! acquiesça Cat. Il a quatre pattes, une queue, des oreilles... Je me demande bien de quel animal il s'a...
Mais la Serdaigle ne termina pas sa phrase, trop horrifiée par ce qu'elle venait de dire. Plaquant une main sur sa bouche, elle contempla son Patronus avec effroi : quatre pattes, une queue, des oreilles... En ce mercredi 3 mars, vingt heures dix et des poussières, Cathie Mist réalisa que son Patronus ne pouvait être... qu'un loup !
Bon, d'accord, ça devait être un très petit loup, car sa taille n'avait toujours pas dépassé celle d'un Souafle. Mais quand bien même il ne s'agissait que d'un louveteau, la situation n'en était pas moins dramatique ! Si le Patronus de la brunette avait pris une telle apparence, c'était tout simplement parce qu'elle avait pensé trop fort au professeur Lupin, qui était un loup-garou. Or, ce dernier, en identifiant l'animal qui symbolisait le Patronus de son élève, allait forcément se sentir visé, voire... démasqué !
Cat ne voulait pour rien au monde être une source d'inquiétudes et d'angoisses pour la personne qu'elle aimait. Mr Lupin semblait déjà avoir tellement souffert, à cause de la pleine lune qui s'était manifestée tout récemment... Il paraissait encore plus fatigué qu'il ne l'avait été la semaine dernière. Ses cernes étaient encore plus creusés, ses paupières, alourdies par le manque de sommeil, recouvraient ses yeux de moitié, et sa figure avait toujours son teint blanc maladif.
Lorsqu'elle l'avait retrouvé dans cet état, tout à l'heure, en entrant dans la salle d'Histoire de la magie, la jeune fille n'avait pu s'empêcher d'éprouver pour lui une certaine pitié. Pas une pitié condescendante, telle qu'en ressentent les gens qui s'apitoient sur le sort de quelqu'un par rapport auquel ils se sentent supérieurs. Non. Une compassion sincère et naïve, une de celle qui touche les êtres les plus sensibles, ceux qui voudraient s'abaisser à la même fragilité que la personne qu'ils plaignent, juste pour pouvoir partager sa souffrance, et alléger ainsi son fardeau.
C'était ce que Cat avait voulu faire, à la vue de son professeur si affaibli : se mettre à genoux devant lui, et laisser les larmes lui monter aux yeux. Baigner ses chaussures de pleurs, et puis se relever, pour atteindre son visage, y déposer une infinité de baisers réparateurs. Lui faire un bisou sur le front, avant de laisser l'homme caler sa tête contre elle, et de lui caresser les cheveux, en gestes consolateurs. Mais cela aurait été lui révéler qu'elle connaissait son secret, qu'elle savait ce qu'il avait enduré durant la pleine lune, parce qu'elle savait qu'il était un loup-garou. Pour cette raison, elle avait donc dû renoncer à ses envies, aussi louables soient-elles.
- Le prochain essai nous révélera sûrement la forme animale de votre Patronus ! dit Mr Lupin, avec un sourire encourageant.
Le sourire de Cat, lui, s'apparenta plutôt à une grimace. La jeune sorcière était brusquement devenue nerveuse ; elle n'était pas sûre que faire une nouvelle tentative soit une bonne idée, parce qu'en fait elle n'était pas sûre de vouloir connaître la forme animale de son Patronus. Qu'allait être la réaction de son prof, en découvrant que son Patronus prenait l'apparence d'un loup ? Et qu'allait être sa réaction à elle, en voyant la réaction de l'enseignant ?
Comme si elle était sous l'emprise du sortilège de l'Imperium, la brunette leva sa baguette à contrecoeur, et prononça d'une voix contrainte :
- Spero patronum !
Elle ferma aussitôt les yeux, pour ne pas avoir à subir la vue bien trop embarrassante du canidé qui allait se matérialiser devant elle. Mais elle se dit au passage, et pour se redonner un semblant d'espoir, qu'il restait encore de faibles chances pour que son Patronus revête l'aspect d'un autre animal... Aussi se lança-t-elle dans des prières éperdues : « Pitié, pas un loup ! Pitié, pas un loup ! Pitié... ».
- Eh bien ! s'exclama le professeur Lupin (et alors le coeur de Cat fit un bond). En voilà, un joli chaton !
- Un cha... Un chaton ? bégaya la jeune fille, en ouvrant instantanément les yeux, pour voir si l'homme lui racontait une blague.
Et, en effet : un chaton ! Un chaton argenté, aux poils duveteux, mignon comme tout, ne dépassant pas la hauteur de trois pommes, qui s'était installé aux pieds de Mr Lupin, et qui jouait avec les lacets de ses chaussures.
- Ca alors ! laissa échapper Cat, naturellement soulagée, et charmée par le petit félin qui suscitait l'amusement de l'enseignant.
- Vous vous sentez prête à tester votre Patronus sur un Détraqueur, à présent ? s'enquit le châtain.
La brunette fut légèrement prise au dépourvu. A peine venait-elle d'accomplir un exploit, que déjà son prof lui demandait d'en réaliser un autre ? « De grâce ! Laissez-moi reprendre mon souffle ! ». Mais, en même temps, c'était bien pour apprendre à repousser un Détraqueur qu'elle avait supplié Mr Lupin de lui offrir des cours particuliers, n'est-ce pas ? C'était là sa motivation principale : être capable de venir à bout d'une de ces créatures immondes - pas simplement savoir maîtriser un sortilège de Patronus. Du moins, c'était ce qu'elle avait fait croire à l'adulte, en lui racontant que les Détraqueurs lui posaient de nombreux problèmes, allant de la nausée jusqu'à l'évanouissement le plus total...
A ce mot d'évanouissement resurgissant brutalement dans sa tête, Cat eut alors un déclic (ses yeux s'illuminèrent : premier signe du déclic). N'était-ce pas elle qui avait dit que, si jamais il lui fallait s'évanouir face à un Détraqueur, alors elle voulait tomber dans les bras de Mr Lupin, pour que celui-ci la réanime ensuite ?
La jeune fille parcourut la pièce de ses yeux brillants comme deux lampes torches (second signe du déclic).
Et n'étaient-ce pas là le lieu, l'heure et le moment idéaux pour tenter l'expérience (à savoir : simuler un malaise, pour se faire rattraper par le sorcier, et pouvoir goûter à ses bouche-à-bouche et à ses massages cardiaques) ?
Cat saliva à cette pensée, et passa discrètement le bout de sa langue sur sa lèvre supérieure (troisième et dernier - et pas des moindres ! - signe du déclic).
C'était décidé : il fallait absolument qu'elle essaye ! L'occasion était trop belle !
- C'est parti, je suis prête ! lança-t-elle, déjà toute excitée.
Elle observa avec envie le professeur Lupin s'approcher de sa grosse caisse en bois, songeant que, dans quelques instants, elle allait pouvoir sentir ses bras puissants lui entourer la taille... Après avoir déverrouillé le coffre, l'homme posa ses mains sur le couvercle, et adressa un dernier regard très sérieux à son élève.
- Je vais compter jusqu'à trois avant de libérer l'épouvantard, lui dit-il. Dès qu'il sortira, vous devrez penser très fort à un Détraqueur, afin qu'il se transforme et que vous puissiez l'affronter à l'aide du Patronus. On y va ? ... Oui ! Attention ! Un... Deux...
A trois, le professeur souleva alors le couvercle de la malle, et Cat afficha un rictus de détermination. Dans un souffle puissant, émanant de l'intérieur du coffre, une immense créature recouverte de lambeaux d'étoffe noire surgit face à la jeune sorcière, qui serra sa baguette magique dans sa main. Le tout, pour avoir une chance de feindre un évanouissement plausible, était de ne pas réussir à repousser le Détraqueur. Pour cela, Cat devait donc changer de souvenir heureux, en choisir un beaucoup moins efficace que le précédent, un lui permettant de saboter une nouvelle fois son Patronus. Ses pensées se portèrent machinalement sur le jour de l'achat du premier album de Avada Kedavra, et la brunette s'écria enfin :
- Spero patronum !
Comme prévu, de simples petits jets de fumée argentée se propagèrent dans les airs, avant de se dissiper très rapidement, sans même atteindre le Détraqueur. Jouant de ses talents de comédienne, la Serdaigle renouvela les essais, plaçant dans l'intonation de sa voix toute la résolution farouche qu'il lui était possible d'imiter.
- Spero patronum ! Spero patronum ! Spero patronum, purée !!!
Pendant ce temps, l'être maléfique qu'elle était censée chasser se rapprochait de plus en plus d'elle, et elle commençait pour la première fois à sentir les véritables effets d'un Détraqueur. De drôles de murmures bourdonnaient dans ses oreilles, tandis que ses membres s'alourdissaient progressivement de froid. Bientôt, des rires moqueurs résonnèrent dans son esprit, un sentiment maussade de rejet ankylosa une partie de son coeur, et son bras qui tenait sa baguette magique s'abaissa de lui-même.
Il ne fut pas bien difficile pour la jeune fille de faire semblant de tomber dans les pommes : elle se laissa juste engourdir un peu plus, s'abandonna dans ces méandres indéfinissables et dans cette torpeur singulière, ferma les yeux, franchit le pas, se laissant tomber en arrière, rêvant déjà à l'instant où Mr Lupin allait la rattraper, et...
BOUM !
L'arrière de sa tête percuta le sol avec une violence inouïe : Cat fut assommée sur le coup (pour une perte de connaissance cette fois-ci véridique).
~¤
Il ne l'avait pas rattrapée... Telle fut la première pensée à affluer dans le cerveau de la brunette, lorsque celle-ci reprit conscience. La douleur infinie qu'elle ressentit à l'arrière de son crâne, la dureté du plancher sur lequel il était posé, tout cela ne fit que confirmer ce fait, bien trop difficile à accepter : il ne l'avait pas rattrapée... Mr Lupin l'avait laissé tomber... Fallait-il, alors, qu'elle ouvre les yeux, maintenant qu'elle était réveillée ? Elle devait certainement se trouver étendue par terre, dans une position plus qu'humiliante. Le besoin de se redresser pour se relever semblait naturel.
Mais, à vrai dire, Cat n'avait même pas envie de bouger. Non. Ce qui venait de se produire l'avait atrophiée, découragée, blasée, dégoûtée, pire : cela l'avait traumatisée. Elle n'avait même plus envie de rouvrir les yeux. Pour quoi faire ? Pour avoir à subir la vue de ce lâche, qui n'avait même pas été fichu de faire trois pas sur le côté pour la retenir avant qu'elle ne heurte le sol de plein fouet ? Il ne l'aimait pas, il n'était pas amoureux d'elle. C'était donc normal qu'il n'ait pas réagi en la voyant tomber. Dès lors, cela ne servait plus à rien de persister : toutes ses tentatives d'évanouissement dans les bras de son prof étaient vouées à l'échec, si celui-ci demeurait froid et insensible.
D'un autre côté, Cat était un peu dure avec Mr Lupin. Après tout, ce n'était pas de sa faute, si la brunette s'était cogné la tête par terre : c'était elle qui s'était blessée toute seule, c'était elle qui, de son plein gré, s'était laissé tomber en arrière. S'il y avait quelqu'un à qui imputer le mal de crâne qu'elle ressentait à présent, c'était donc elle-même, et non Remus Lupin. Ce dernier, de toute manière, avait sûrement dû se trouver beaucoup trop loin de la jeune fille pour intervenir à temps et lui éviter ce méchant contact avec le sol. A bien y réfléchir, il semblait à Cat qu'il s'était tenu à deux ou trois mètres à sa droite, au moment où elle avait décidé de fermer les yeux pour se laisser engourdir. Le temps de parcourir cette distance, c'était plus qu'il n'en fallait pour faire une chute en arrière. Sans compter le temps de réaction ! Mr Lupin n'avait pas anticipé assez vite, voilà tout. Encore une fois, c'était elle la seule fautive.
- Ah ! Vous voilà réveillée ! Est-ce que ça va ?
Finalement, Cat avait bien fait d'ouvrir les yeux ! La première vue qui se présenta à elle fut en effet des plus touchantes. Le professeur Lupin était accroupi tout près d'elle, et son visage, penché vers le sien, reflétait une sincère inquiétude, qui lui rendait toute son adorable sensibilité.
- Euh... Qu'est-ce qui m'est arrivé ? demanda la Serdaigle, qui parvint non sans mal à décoller sa tête du sol.
- Je suis navré, s'excusa l'enseignant, en l'aidant à se redresser un peu plus. Vous vous êtes évanouie, et j'ai oublié de vous rattraper. J'aurais dû penser plus tôt à installer des coussins sur le sol, pour pouvoir amortir une éventuelle chute...
Mais Cat n'écoutait rien de ce qu'il disait. Pour lui permettre de se remettre à demi verticale, il avait passé sa main gauche derrière son épaule, et entouré son fin poignet de sa main droite, de manière à la pousser et à la tirer en même temps vers l'avant. Ce contact de corps, tout à fait inattendu pour la jeune fille (qui avait, dès son réveil, commencé à désespérer : « Il ne m'a pas rattrapée, je n'ai pas pu tomber dans ses bras... »), fut d'autant plus délicieux qu'elle était en débardeur, et donc bras nus. Elle pouvait clairement sentir la paume de ses mains contre sa peau, et savourait ainsi chaque picoseconde durant laquelle il la touchait, redoutant plus que tout le moment où il devrait la lâcher. Le professeur Lupin, cependant, ne retira que sa main droite de son poignet, et conserva sa main gauche sur son dos, pour la soutenir légèrement, craignant qu'elle ne bascule à nouveau en arrière. Percevant désormais la chaleur de sa main entre ses omoplates, Cat se dit qu'elle avait une chance incroyable pour que ce contact corporel perdure aussi longtemps.
Une violente migraine transperça alors son cerveau sans prévenir, et elle porta instinctivement sa main à l'arrière de son crâne. Poussant un faible gémissement, elle sentit le relief d'une méchante bosse sous ses cheveux. La douleur s'atténua ensuite, jusqu'à cesser totalement, et Cat abaissa la main. Mais alors ce fut la main gauche de Mr Lupin qui se déplaça et se posa délicatement sur l'arrière de sa tête. Notre amie n'en crut pas ses sens : elle écarquilla les yeux de stupeur et ne bougea plus. Que faisait-il ? Pourquoi la touchait-il ainsi ? Il lui caressait les cheveux ? Non ! Il constatait, lui aussi, que sous ses doigts s'élevait une grosseur assez importante, sans nul doute le résultat de la mauvaise chute qu'avait faite son élève.
- Aïe..., fit-il, en enlevant finalement sa main des cheveux de Cat (au plus grand dam de celle-ci). Et évidemment je n'ai pas de pommade de mandragore sur moi..., se reprocha l'homme.
- Ce n'est pas grave ! assura Cat, touchée par la préoccupation de son prof pour sa vilaine bosse. Elle finira bien par se dégonfler toute seule !
L'enseignant esquissa un sourire, puis fouilla dans la poche de son pantalon, pour en sortir quelque chose.
- Tenez, dit-il, en présentant à la jeune fille un gros carré de chocolat, qu'il venait de détacher de sa tablette. Mangez ça, ça vous fera reprendre quelques forces...
- Oh ! s'exclama alors la brunette, à la vue de cette friandise qu'elle reconnut aussitôt.
C'était le même chocolat que lui avait offert Mr Lupin le jour de la rentrée des classes, lorsqu'il était venu s'installer avec elle dans le compartiment du Poudlard Express. Le même chocolat au lait, à la forme et à l'épaisseur plus qu'invitantes, et qui ne demandait qu'à être croqué. Bientôt les yeux de Cat s'humidifièrent d'émotion. L'emballage rouge et vert que Mr Lupin remettait dans sa poche ne laissait plus aucun doute : elle avait là l'occasion fabuleuse de déguster à nouveau le chocolat qu'elle avait pu goûter cinq mois plus tôt. Contre toute attente, elle saisit le morceau entre ses doigts, et le contempla avec passion, tandis que le professeur Lupin se remettait debout.
Lorsque Cat se décida enfin à enfourner le carré de chocolat dans sa bouche, un large sourire de béatitude s'élargit sur son visage. Quel bonheur intense ! Quelles heureuses retrouvailles avec ce goût sucré, doux et parfumé ! C'était un régal ! Savourant avec délice le chocolat de Mr Lupin - qu'elle avait choisi de laisser fondre sur sa langue (pour faire durer le plaisir) -, notre amie se releva et rejoignit son prof, qui avait fait apparaître, à l'aide de sa baguette magique, une dizaine de gros coussins violets et matelassés sur le plancher.
- Voilà, fit-il, en rangeant sa baguette, d'un air satisfait. Comme ça, vous ne risquerez plus de vous cogner la tête si jamais vous retombez !
Cat observa les oreillers sans trop d'emballement, car à vrai dire ils ne l'arrangeaient pas du tout : elle qui voulait plutôt être réceptionnée dans les bras de Remus Lupin...
- Vous voulez recommencer ?
- Oui ! affirma la brunette, oubliant sur le coup que la bouche qu'elle ouvrait pour parler était remplie de chocolat fondu - ce qui n'était pas très élégant pour s'adresser à son chéri.
¤~
Finalement, elle n'avait plus trop le choix... Le Détraqueur était là, face à elle, aussi menaçant que la fois d'avant, commençant déjà à la vider de toute sensation heureuse et à lui faire revivre les pires moments de sa vie (car elle sabotait à nouveau son Patronus), et l'étendue des coussins violets s'étalait juste derrière elle, déjà prête à amortir sa chute, dans le cas d'un second malaise. Le professeur Lupin, lui, était beaucoup trop loin... Beaucoup trop loin... (quel inconvénient)... Si jamais Cat faisait encore semblant de s'évanouir, c'était dans ces maudits oreillers qu'elle allait retomber, et non pas dans les bras de Mr Lupin... A croire que celui-ci avait vu clair dans le petit jeu de la Serdaigle, et avait tout prévu, tout calculé, pour ne pas avoir à la rattraper lui-même. Mais il restait quand même un espoir pour qu'il le fasse... Un faible espoir... Tout petit ?
En fait, non. Ce fut bel et bien dans les coussins molletonnés que Cat s'affala. Ce qui lui parut comique, cependant, fut qu'elle se sentit littéralement rebondir dessus, comme si elle s'était jetée sur un matelas pneumatique. « Il a gonflé ses oreillers avec de l'air comprimé, ou quoi ? ». Sans doute s'agissait-il en fait de propriétés magiques... La brunette ne garda pas longtemps les yeux fermés. Comme cette fois-ci elle était toujours consciente, elle attendit quelques secondes - le temps pour Mr Lupin de repousser lui-même le Détraqueur, de fermer le coffre contenant l'épouvantard, de rallumer les bougies qui s'étaient éteintes et de s'approcher enfin de la victime -, avant de simuler son réveil.
La vision qu'elle eut sur l'enseignant, à nouveau assis près d'elle, l'apaisa entièrement. Bercée par cette quiétude et ce sentiment de protection qui se dégageaient de son si beau visage masculin, la jeune fille se rendit soudain compte de tout le bien-être qu'elle éprouvait en restant couchée dans ces oreillers. Ils étaient si moelleux, si mous ! D'une douceur et d'une tiédeur si agréables ! Cat avait presque envie de refermer ses paupières et de se laisser endormir, sûre que le professeur Lupin veillerait sur elle. Mieux que cela : les coussins violets qui tapissaient le sol autour d'elle étaient tellement nombreux, qu'il y avait de la place pour deux ! Pourquoi Remus Lupin ne la rejoignait-il pas, en s'allongeant à ses côtés ? Tous les deux étendus l'un près de l'autre, sur ce lit si confortable, pour se reposer un peu, ils auraient été si bien...
- Ca va ? demanda l'homme, d'une voix aimable, légèrement intrigué par le regard scrutateur de son élève. Mes coussins ont-ils fonctionné ?
- Oh... Euh... Oui ! répondit la Serdaigle, reprenant soudain ses esprits. Je n'ai même pas senti que je percutais le sol !
Idiote ! Evidemment qu'elle n'avait pas pu sentir qu'elle percutait le sol, puisqu'elle était censée être inconsciente au moment du choc !
- Tenez, dit Mr Lupin, en lui tendant un nouveau morceau de chocolat.
« Encore un ? » s'étonna Cat. « Je vais finir par grossir... ». Elle se redressa non sans peine parmi les oreillers, qui finalement ne permettaient pas un très bon appui des coudes, tant ils étaient souples, puis accepta la sucrerie de Mr Lupin, avant de la mettre dans sa bouche. Mais elle était légèrement gênée... Si elle continuait éternellement à faire semblant de s'évanouir, et si, à chaque fois qu'elle se retrouvait par terre, son prof chéri lui offrait du chocolat, ce dernier allait finir par épuiser son stock... Tout ça à cause d'elle...
- Il reste un quart d'heure... Vous voulez tenter un ultime essai ? questionna le châtain, tandis que la brunette se remettait debout.
- A vrai dire, je préférerais arrêter là..., avoua celle-ci. Vu le rythme auquel je perds connaissance, j'ai peur de vous manger tout votre chocolat...
Amusé par cette confession, Mr Lupin rigola de bon coeur.
- Oh, ne vous inquiétez pas ! lança-t-il. J'en ramènerai plus la prochaine fois !
Quelques secondes plus tard, les deux sorciers étaient de retour dans la salle d'Histoire de la magie, et s'apprêtaient à se quitter. Cat s'enquit avec impatience de la date de la prochaine fois.
- Samedi prochain, cela vous convient ? proposa l'enseignant.
- Samedi ? sursauta alors la jeune sorcière. Mais samedi, c'est... c'est deux jours avant la rentrée ! expliqua-t-elle, d'un air alarmé, se rappelant soudain que le professeur Lupin lui avait dit qu'il comptait cesser ses leçons particulières dès la reprise des cours.
- Vous avez fait des progrès considérables avec votre Patronus, et ce en seulement deux séances, la rassura l'adulte. Je suis sûr qu'une troisième suffira amplement, et que durant celle-ci vous arriverez à repousser le Détraqueur !
~¤
- Et alors ? s'enquit Vince. A quand le prochain rendez-vous amoureux ?
Cat rigola gaiement. Il allait sans dire que toutes les choses formidables qu'elle avait vécues la veille au soir avaient été allègrement rapportées à son meilleur ami, en ce jeudi de bon matin, alors que les deux lève-tôt avaient pu se retrouver dans le couloir habituel de leurs réunions secrètes. A huit heures, le corridor était tranquille, néanmoins un peu frisquet - toujours en pyjama, la brunette avait d'ailleurs emmené avec elle l'épaisse couverture de son lit, dans laquelle elle s'était enveloppée pour se tenir chaud.
- Samedi ! répondit notre amie, en pensant à cette date avec une certaine impatience.
- Samedi ? s'étonna Coincoin. C'est seulement deux jours avant la rentrée ! remarqua-t-il. Ne m'as-tu pas dit que le professeur Lupin comptait arrêter ses cours particuliers à la fin des vacances ?
- Je sais..., se plaignit Cat, comme si ce que lui rappelait son compagnon était une douleur supplémentaire pour elle. Mais je n'ai pas réussi à lui faire choisir un jour plus tôt... Il m'a dit qu'il avait beaucoup de travail - des copies à corriger, des cours à préparer -, et qu'il ne pourrait pas me revoir avant samedi...
Cette phrase, prononcée en un soupir, provoqua des frissons chez la jeune fille, et celle-ci s'emmitoufla encore plus sous sa couverture.
- Ce sera mon dernier cours de rattrapage avec lui...
- Tu es sûre que tu parviendras à battre le Détraqueur, cette fois-ci ? demanda Vince, en haussant les sourcils.
- Mr Lupin a dit qu'il était persuadé que j'y arriverais..., relata Cat, à l'évidence pas très convaincue. Mais si jamais je n'y arrive toujours pas à la fin de la séance, ajouta-t-elle avec un sourire malicieux, il a dit qu'il serait d'accord pour qu'on dépasse un peu l'heure du couvre-feu !
- Oh ! fit le châtain, presque d'un air choqué. Ca cache bien des choses, tout ça, tu ne trouves pas ? Il a peut-être quelques idées derrière la tête...
- Non, en fait, c'est moi qui invente, avoua la Serdaigle, il ne m'a rien dit du tout.
- Dommage... Si ça avait été vrai, au moment où tu te serais retrouvée dans les coussins, il aurait sans doute sorti de son pantalon autre chose que du chocolat...
- Oh ! lança à son tour la brunette, en explosant de rire - si bien que la voix scandalisée qu'elle voulut prendre n'eut pas franchement d'effet. Le professeur Lupin n'est pas du tout comme ça, voyons !
- Il aurait pu sortir des dragées surprise de Berthy Crochue, par exemple..., termina Vince.
Un silence inattendu s'ensuivit alors, durant lequel Cat observa son ami avec un regard perplexe. En fait, il n'avait songé qu'à de simples friandises ? Il n'avait jamais rien sous-entendu d'indécent ? C'était elle qui avait l'esprit mal placé, alors... Ah, quelle petite obsédée, vraiment !
- A quoi pensais-tu ? fit semblant de s'inquiéter le garçon, qui bien sûr se jouait de Cat, faisant croire qu'elle était la seule à s'être imaginé autre chose que des bonbons sortant du pantalon de Mr Lupin.
- A... A rien ! mentit la jeune sorcière, rouge pivoine, en tombant dans le panneau.
Vince sourit, amusé par le fonctionnement de son piège.
- De toute manière, reprit-il, il t'a bien dit qu'il amènerait un peu plus de chocolat, la prochaine fois ?
- Oui ! C'est vraiment gentil de sa part, n'est-ce pas ?
- Un truc bête : pourquoi tu ne lui offrirais pas, en échange, un paquet de tritons au gingembre ?
- Un paquet de quoi ? s'interloqua la brunette.
- De tritons au gingembre ! répéta Coincoin. Tu ne connais pas ? J'en ai acheté plusieurs paquets à Honeydukes, le mois dernier, lorsque je suis allé à Pré-au-lard. C'est bon ! Evidemment, il faut savoir les attraper : ça saute un peu partout dès que tu ouvres le paquet...
- Tu veux que je donne à manger du gingembre à Mr Lupin ? continua Cat, d'un ton suspicieux. Mais dis-moi... Qu'est-ce que tu espères que ça lui fasse ? Le gingembre est réputé pour ses effets aphrodisiaques...
- Et alors ? Tu as peur qu'il te saute dessus ?
- Hmmm, à vrai dire, ça ne me dérangerait pas..., reconnut notre amie, avec des yeux rêveurs. Du moment qu'il ne s'y prend pas trop brutalement, qu'il fait ça avec douceur... Enfin, on n'en est pas encore là. Ce qui me gêne, c'est qu'il risque de me regarder d'un drôle d'oeil, si je lui présente des confiseries au gingembre... Il risque de croire qu'il y a anguille sous roche, ce qui n'est pas du tout le cas !
- T'inquiète ! Je ne suis pas sûr qu'il pense directement à ça en voyant le paquet !
- Très bien, alors, se décida Cat, avec un sourire déterminé à l'idée d'offrir quelque chose à celui qu'elle aimait. Je t'en prends un !
¤~
Ce fut donc avec un paquet de tritons frétillants dans les mains que la petite brune frappa à la porte de la salle d'Histoire de la magie, pour son ultime cours particulier avec Remus Lupin. Celui-ci lui apparut totalement rétabli de la fatigue qu'il avait laissé entrevoir mercredi dernier. Ses cernes avaient disparu, ses yeux avaient récupéré la plénitude de leur éclat si séduisant, et il semblait même à Cat que son prof avait un peu moins de cheveux blancs que l'autre fois. Cette note encourageante fit gonfler de joie le coeur de notre amie, et elle s'exclama, radieuse :
- Je vous ai amené un paquet de tritons au gingembre, pour vous remercier de vos cours particuliers et de votre chocolat !
- Ah ! Ca tombe bien ! lança Mr Lupin, véritablement amusé. J'ai justement apporté deux canettes de Bièraubeurre, à boire quand nous aurons fini de nous entraîner !
- C'est pas vrai ? Oh, alors j'espère vraiment que je réussirai à repousser le Détraqueur, cette fois-ci ! Tenez ! dit-elle, en offrant les bonbons à son chéri.
- Merci !
La jeune fille jugea toutefois opportun de continuer à feindre quelques évanouissements - au moins pendant les vingt premières minutes - avant de commencer sérieusement à se mettre au travail pour battre le Détraqueur. Même si l'enseignant avait réinstallé ses coussins enquiquinants sur le sol, il restait encore, aux yeux de Cat, de maigres possibilités pour qu'il la rattrape dans ses bras (« L'espoir fait vivre »).
Le premier malaise la conduisit tout droit dans les oreillers. « Ca commence... » se dit-elle, d'un air désabusé. Heureusement, la nouvelle tablette de chocolat de Mr Lupin la réconforta quelque peu, et elle se remit d'aplomb pour un second essai. Cette fois, elle tâcha de mieux calculer son coup. Si, jusqu'à présent, elle avait toujours atterri dans les coussins, c'était parce qu'elle s'était toujours tenue à côté des coussins. C'était normal, dans ce cas, si le professeur Lupin ne venait jamais la retenir, puisqu'il voyait de loin qu'il n'y avait aucun risque, que son élève s'effondrait directement dans le matelas protecteur qu'il avait fabriqué. La solution était donc de s'éloigner des coussins, c'était évident ! (tellement évidement que Cat n'y avait pas pensé). Et, quitte à s'éloigner des oreillers, autant le faire pour se rapprocher de Remus, et accroître les chances qu'il la rattrape ! Oh oui ! Il fallait qu'elle lui tombe carrément dessus ! Dès lors, il n'aurait plus le choix !
Aussitôt dit, aussitôt fait. Lorsque le Détraqueur se manifesta et déploya toute sa puissance intimidante, Cat porta une main à son front, histoire de montrer à son prof - si du moins il la regardait - qu'à nouveau elle ne se sentait pas bien ; puis, après avoir pris connaissance, par un bref coup d'oeil, de l'endroit où il se trouvait (il était à sa droite), elle ferma les yeux et se mit à tituber maladroitement dans sa direction. Elle n'était pas sûre si sa progression chancelante paraissait véridique ou pas : la distance qui la séparait de lui et qu'elle voulait recouvrir n'était pas négligeable ; une personne réellement sur le point de tomber dans les pommes l'aurait fait bien avant d'avoir pu traverser la moitié du chemin, non ?
Ce dont elle fut certaine, cependant, fut qu'elle se heurta à quelque chose de mou, et qu'il ne s'agissait pas d'une des colonnes en pierre de la salle, car cela aurait été beaucoup plus rugueux (et le choc beaucoup plus douloureux). A vrai dire, elle sut tout de suite que c'était lui. Elle venait d'écraser son visage juste au niveau de son torse, et avait clairement perçu le tissu de son cardigan contre son front, son nez et son menton. Désormais informée qu'elle avait atteint son but (évidemment, vu qu'elle l'avait percuté !), elle fit alors semblant de rebondir sur lui, et de basculer en arrière.
Les secondes qui suivirent s'apparentèrent à celles d'un rêve. Cat eut à peine le temps de poursuivre sa descente jusqu'au plancher, qu'immédiatement elle sentit ses mains passer derrière son dos et lui agripper le bras, pour arrêter sa chute. Encouragée par ce geste salvateur, elle en profita pour vaciller sur le côté gauche, et essayer d'obtenir plus. Cela ne manqua pas : voyant l'instabilité de son élève, le professeur Lupin tâcha de la retenir plus fermement, et pour cela entoura son buste avec son bras droit, et plaça sa main gauche derrière sa taille, afin de garantir sa sûreté. Désormais consciente qu'il la protégeait et qu'il ne la lâcherait pas, la bienheureuse petite Serdaigle s'abandonna à lui en toute confiance. La sensation de ses bras autour d'elle se fit plus intense, la proximité de son corps l'enivra de plaisir. Jamais elle n'aurait pu espérer autant. Et après tant d'efforts, la voilà enfin récompensée ! Elle était à l'apogée de la satisfaction !
Lentement, il la déposa sur le sol, prenant soin de ne pas lui cogner la tête contre le bois du plancher, et lorsqu'elle devina qu'il allait retirer ses mains, elle préféra ouvrir les yeux, afin de le garder toujours dans ses sens.
- Eh bien ! fit-il, avec un sourire accueillant. Vous avez eu de la chance que je sois là ! Un peu plus et vous écopiez d'une nouvelle bosse sur le crâne ! Et comme je ne peux pas tapisser la salle entière d'oreillers...
- P... Pourquoi ? Je ne suis pas tombée dans vos coussins ?
- Ah çà non ! Vous m'êtes carrément tombée dessus !
- C'est pas possible ? Oh, pardon ! Je m'excuse !
- Ce n'est pas grave. Du chocolat ?
Cat n'osa abuser de lui plus longtemps. Aussi décida-t-elle de se concentrer pour de bon à la réussite de son Patronus face au Détraqueur. Cela ne lui fut finalement pas bien difficile : elle choisit comme souvenir heureux le merveilleux moment qu'elle venait de vivre quelques secondes plus tôt (à savoir : son séjour dans les bras de Mr Lupin), et son chaton argenté sortit instantanément de sa baguette magique pour se mesurer à l'être maléfique qui se tenait devant elle. En deux temps trois mouvements, le petit félin parvint à chasser le Détraqueur jusque dans son coffre, et le professeur Lupin se précipita dessus pour le refermer.
- Excellent ! s'écria-t-il, le souffle court. Excellent ! Vous voyez que vous avez fini par y arriver !
Cat, elle, n'en croyait pas ses yeux. Elle regardait le bout de sa baguette d'un air intrigué, stupéfaite d'avoir pu accomplir une telle prouesse du premier coup.
- Ce dont je suis le plus fier, reprit Mr Lupin, en s'approchant de la jeune fille, c'est que vous ayez réussi à vaincre votre peur. Et ça, ce n'est pas un mince exploit ! ajouta-t-il, en posant sur son élève un regard plein de félicitations.
Absolument touchée par toutes ces louanges, la brunette leva la tête vers son professeur, et ne put le regarder dans les yeux sans rougir atrocement.
- Oh, il m'a quand même fallu de nombreux essais avant d'en arriver là ! se dépêcha-t-elle de sortir, avec un sourire gêné.
- Mais le plus important, c'est que vous soyez parvenue à repousser le Détraqueur, non ? Et que désormais vous saurez vous défendre, si jamais un autre vient vous embêter ! En attendant, vous ne risquez plus d'avoir grand besoin de mes coussins..., remarqua-t-il, en jetant un coup d'oeil aux dits oreillers.
Il sortit sa baguette de sa poche, et prononça une incantation pour les faire disparaître, puis regarda sa montre et proclama :
- Bien ! Il nous reste vingt minutes avant l'heure du couvre-feu ! Je pense que cela nous laisse le temps de fêter votre réussite !
Sous le regard agréablement surpris de la brunette, le châtain se dirigea vers le pilier en pierre, au pied duquel il avait déposé les deux bouteilles de Bièraubeurre ainsi que le paquet de tritons au gingembre que lui avait offert Cat. Quand il revint vers elle chargé de ces boissons et gourmandises, notre amie ne put contenir plus longtemps son exultation : elle laissa son sourire radieux grimper tout droit jusqu'à ses oreilles et se transformer même en petits rires de bonheur. Il allait vraiment consacrer la fin de la séance à célébrer avec elle le succès de son Patronus face au Détraqueur ? Il allait vraiment lui offrir à boire et partager avec elle ses friandises ?
- Vous venez vous asseoir ? proposa-t-il gaiement, en s'installant sur une des marches qui permettaient la surélévation du plancher central par rapport au plancher périphérique de la pièce.
Transportée par l'enchantement, Cat s'empressa de rejoindre Mr Lupin et s'assit à sa gauche. L'homme décapsula avec ses doigts une des canettes d'ambre et la tendit à la jeune fille, qui l'accepta avec joie. Pendant que son prof s'occupait à ouvrir l'autre bouteille, la brunette s'émerveillait des petites bulles qui pétillaient hors du goulot, ainsi que des doux éclats dorés que laissait transparaître le liquide alcoolisé. « Mr Lupin s'est-il rendu compte que ses yeux ont la même couleur que la Bièraubeurre ? » se demanda Cat, avec un fin sourire d'extase sur ses lèvres.
Mais... Une minute ! Bièraubeurre... Liquide alcoolisé... Gingembre ! La Serdaigle ouvrit soudain des yeux horrifiés. Qu'étaient-ils en train de faire ? Ils jouaient avec le feu ! Manger une sucrerie aphrodisiaque, boire du spiritueux... Ils allaient se retrouver complètement excités, toutes les parties du corps en ébullition, échauffées à trois mille degrés, à demi-inconscients, éméchés, tout émoustillés, chacun ayant subitement envie de l'autre, ils allaient finir la soirée dans les coussins violets, si jamais Remus Lupin avait la folie de les remettre... Cat n'y était pour rien dans ce plan dangereux ! C'était son prof qui avait amené les bouteilles de Bièraubeurre ! Ah... Oui, mais c'était elle qui avait apporté les tritons au gingembre... Consternation... Ils étaient tous les deux fautifs de leur débauche à venir...
Comme si l'enseignant avait lu dans les pensées de la jeune sorcière, il lui dit pour la rassurer :
- Ne vous inquiétez pas, c'est de la Bièraubeurre sans alcool ! Il y en a moins de 0,5 %, je crois... Oui, c'est ça, confirma-t-il, après avoir inspecté l'étiquette de la bouteille (Cat, naturellement trop absorbée par les tendres scintillements de sa boisson, avait oublié d'en lire l'étiquette...). Avec ça, je pense que vous serez encore capable de rentrer jusqu'à votre dortoir pour l'heure du couvre-feu !
La brunette se mit à rire. « Et si jamais ce n'est pas le cas, c'est vous qui me porterez jusqu'à la tour ouest ? ».
- A la réussite de votre Patronus ! s'exclama le professeur Lupin, en levant sa canette.
Ravie, Cat en fit de même, et tous les deux trinquèrent allègrement, entrechoquant leur bouteille dans un joli tintement de verre, avant de boire au goulot avec une soif assez manifeste. Reposant sa Bièraubeurre sur la marche, à côté de lui, l'adulte s'attaqua ensuite au paquet de bonbons. Notre amie se rappela à cet instant de ce que lui avait dit Vince, et alerta son prof.
- Faites attention : il paraît que dès qu'on ouvre le paquet, les tritons se mettent à sauter dans tous les sens !
- Ah ah ! C'est vrai ? fit le châtain. Ceux-là ont l'air plutôt calmes, pourtant...
En effet : il venait d'ouvrir le paquet de tritons au gingembre, et pour le moment aucun d'eux n'avait eu l'audace de s'en échapper. Ils continuaient simplement de se trémousser, en faisant vibrer leurs petites queues à des rythmes frénétiques. A cela, Cat conclut que Coincoin avait dû éprouver un mal tout particulier à ouvrir son propre paquet, et qu'il avait dû le faire d'une manière tellement gauche, que l'entièreté de son contenu lui avait jailli au visage. Sortant de ses pensées, la brunette remarqua que Mr Lupin lui présentait les sucreries.
- Ah ! Non, je vous en prie ! dit-elle, en rougissant. Servez-vous d'abord ! C'est à vous que je l'ai offert !
Cédant à cette incitation par un sourire, l'homme plongea sa main dans le paquet, et saisit entre ses doigts un triton confit, qu'il conduisit jusqu'à sa bouche. Il mâcha pendant quelques secondes, sous le regard scrutateur de son élève.
- Alors ? demanda-t-elle enfin.
- Eh bien ! lança l'enseignant, en haussant les sourcils, comme s'il était impressionné. C'est drôlement épicé, comme sucrerie !
- C'est pas possible ? s'alarma la Serdaigle, ouvrant des gros yeux terrifiés à la vue de Mr Lupin, qui avalait plusieurs gorgées de Bièraubeurre à la suite pour éteindre le feu qui semblait avoir pris dans sa bouche. Vous êtes sûr ?
- Tenez ! Goûtez ! l'invita-t-il, en lui offrant un triton.
Cat déposa la confiserie sur sa langue, et sentit d'abord la douceur des cristaux de sucre qui enrobaient le bonbon. Puis, lorsqu'elle osa croquer celui-ci, alors un incendie se déclara dans sa bouche. Aucune partie de sa cavité buccale ne fut épargnée par les flammes ! Mr Lupin avait raison : c'était diablement fort, diablement piquant ! C'était du poivre, qu'elle mangeait ! Sa bouche flambait ! C'était ça, le gingembre ? De ce côté-là, oui, Cat comprenait pourquoi cet aliment était réputé excitant : tous les sens de sa bouche venaient d'être réveillés au chalumeau. Ses lèvres avaient terriblement envie de se coller à d'autres, sa langue avait plus que jamais le désir de jouer avec une autre langue. En particulier des lèvres et une langue appartenant à Remus Lupin...
- La vache ! ne put s'empêcher de sortir la brunette. Vous avez raison ! Ca donne soif !
- J'ai bien fait d'apporter de la Bièraubeurre, finalement ! sourit le châtain, tandis que son élève se précipitait justement sur sa canette, pour en boire plus de la moitié.
- Je suis désolée ! s'excusa-t-elle enfin, en reposant sa bouteille presque vide sur la marche, et en s'essuyant la bouche d'un revers de la main. Si j'avais su que ces bonbons étaient aussi forts, je vous en aurais offerts d'autres...
- Oh, non, ceux-ci me conviennent tout à fait ! Ils brûlent un peu, mais dans l'ensemble, ils sont très bons ! Vous savez, en matière de friandises, je mange à peu près de tout !
- C'est vrai ? s'interloqua notre amie, rieuse. Vous êtes gourmand, alors ?
- Euh... Oui ! reconnut Mr Lupin, en hochant vigoureusement la tête.
Cat rigola de plus belle. Son chéri l'amusait ! Elle aimait cette petite complicité qui s'installait entre elle et lui.
- Cela fait longtemps que vous êtes professeur ? demanda la Serdaigle, tandis que la conversation, agrémentée de gorgées de Bièraubeurre et de poignées de tritons au gingembre, s'était engagée sur le thème de la prochaine reprise des cours.
- Non, à vrai dire, c'est la première année que j'enseigne ! avoua l'homme, ce qui suscita aussitôt la stupéfaction de Cat.
- Quoi ? s'étrangla-t-elle, à l'évidence déconcertée. C'est la première fois que vous êtes professeur ? Je pensais que vous l'étiez depuis quelques années, déjà !
- Ah ah ! Non, pourquoi ? Qu'est-ce qui vous faisait penser ça ?
- Eh bien, euh... Je ne sais pas...
« Vous êtes plutôt doué... » aurait-elle voulu dire, mais elle avait l'impression que cette phrase laissait sous-entendre quelque chose d'équivoque... De plus, si elle se lançait dans de quelconques éloges, cela risquait de paraître obséquieux, et de la faire ressembler à Cerise. Pourtant, elle avait tellement envie de lui témoigner tout le bien qu'elle pensait de lui...
- Vous... Vous êtes un très bon prof, ne put-elle s'empêcher de lui confesser - et au diable les allures de petite flatteuse, car au fond, elle savait que son compliment était authentique, qu'il sortait tout droit de son coeur, qu'elle l'avait formulé sans aucune arrière-pensée, et que cette sincérité était telle qu'elle avait toutes ses chances d'être reconnue par une âme pure, comme celle de Remus Lupin.
- Merci ! fit celui-ci, les joues gonflées par son sourire touché, et sa main droite massant sa nuque d'un air un peu gêné (mais infiniment craquant). J'avoue que je suis heureux d'avoir eu ce poste à Poudlard : ça me permet de renouer avec l'atmosphère si particulière de l'école, de revivre certains moments de ma scolarité passée ici... Oui, ça me rappelle beaucoup de souvenirs !
- Ca alors ! Parce que vous étiez élève à Poudlard ? s'exclama la brunette, qui n'en finissait pas de tomber des nues (décidément, ce soir, c'était la soirée des révélations ! Cat était comblée ! Elle en apprenait tant sur Mr Lupin, et ce en sa présence !). Vous étiez dans quelle maison ? Oh, attendez ! Laissez-moi deviner ! fit-elle, avant même que son prof n'ait pu ouvrir la bouche pour lui répondre, car la réminiscence de Mr Lupin faisant preuve d'un léger favoritisme à l'égard des Gryffondor cinquième année, durant le cours auquel elle avait assisté clandestinement et où elle s'était retrouvée collée à lui, lui arriva tout juste en tête. Gryffondor !
- Exact ! confirma l'enseignant, non sans une agréable surprise. Comment le savez-vous ?
« Intuition féminine ? »
- Hmmm... Je ne sais pas... Vous avez un petit air de Gryffondor ! lança Cat, avec un sourire espiègle.
- Ah, oui, c'est ce que le Choixpeau magique m'a dit, lui aussi, le soir de la cérémonie de Répartition ! plaisanta Remus Lupin. Même si ça remonte à assez longtemps...
« Oh non, ne dites pas ça ! Vous n'êtes quand même pas si vieux ! » pensa la jeune fille, en le regardant avec attendrissement.
- Vous étiez heureux d'entrer chez les Gryffondor ?
- Très ! Pour moi, n'importe quelle maison aurait convenu... à part Serpentard ! Bien que je ne sois pas censé émettre de jugement, en tant que professeur..., s'empressa-t-il d'ajouter, malgré les rires de son élève, assise à côté de lui. Mais ma plus grande joie a tout de même été lorsque j'ai reçu ma lettre d'admission à Poudlard ! C'est vrai que ce sont de bons souvenirs ! La toute première liste de fournitures scolaires, les nombreuses heures passées dans la cohue du Chemin de Traverse, la galère pour trouver les livres demandés, l'achat de la première baguette...
- Ah ! Vous l'avez toujours ?
- Bien sûr ! C'est toujours la même, je ne l'ai jamais changée ! dit-il, en sortant l'objet de la poche de son pantalon, sous les yeux soudainement captivés de la brunette, qui était déjà ravie d'apprendre que son chéri prenait soin de ses affaires.
Mr Lupin lui fit disposer de sa baguette magique en toute confiance, et notre amie reçut cette pièce entre ses mains comme une relique sacrée, qu'elle osa à peine remuer, et qu'elle se contenta d'admirer dans un silence quasi religieux. Ce mince bâton était très long, il devait bien faire dans les trente centimètres. Son manche était joliment taillé, légèrement spiralé, et se terminant par un petit renflement. Son bois, de couleur châtain (un peu comme la couleur de ses cheveux) brillait à la lueur des bougies, grâce à la fine couche de vernis qui le recouvrait. Pleine de respect, Cat pensait à la quantité de sortilèges qui avaient dû émaner de cette baguette : des sortilèges certainement plus avancés que ceux qu'elle connaissait, et même que ceux qu'elle était capable de s'imaginer...
- C'est incroyable qu'on puisse conserver un objet aussi longtemps ! remarqua-t-elle, en rendant gentiment son bien à Remus Lupin, puis en sortant son propre bâtonnet magique, comme pour se faire à l'idée qu'elle garderait celui-ci toute sa vie. Et c'est incroyable, aussi, combien votre baguette est plus grande que la mienne ! s'exclama-t-elle, en regardant alternativement son instrument et celui de Mr Lupin. Elle fait au moins dix centimètres de plus !
Avec une lueur de curiosité flottant sur son visage, l'enseignant se prêta au jeu et rapprocha sa baguette de celle de Cat, pour faciliter la comparaison.
- En quel bois est-elle faite, la vôtre ? s'enquit la jeune fille, sincèrement intéressée.
- En chêne ! Et vous ?
- En tilleul ! Même si ça doit être un tilleul particulier, car je n'ai jamais vu un tel arbre produire un bois vert..., expliqua-t-elle, tandis que son regard quittait la baguette de Mr Lupin pour s'attarder quelques instants sur les beaux doigts, longs et fins, qui la tenaient. Et à l'intérieur, c'est un crin de licorne !
- Ah ! Moi, c'est une plume de phénix !
- Wouaaah ! s'enthousiasma Cat. Elle doit être sacrément puissante, alors !
- Hmmm... Pas forcément. Car on dit bien que c'est le sorcier qui fait la baguette, et non la baguette qui fait le sorcier !
- Oui, et on dit aussi que c'est la baguette qui choisit le sorcier, et non le sorcier qui choisit la baguette !
- C'est vrai ! sourit l'adulte, avant d'enfourner joyeusement un nouveau triton au gingembre dans sa bouche.
Cat passa une soirée idyllique. Les yeux grands ouverts, remplis de magie, comblés par l'infinie beauté et l'infinie gentillesse de Remus, elle croyait vivre un rêve, un rêve fabuleux, mangeant et discutant avec cet homme qu'elle aimait, dans une sympathie naturelle, qui laissait presque penser que tous les deux se connaissaient depuis toujours.
~¤
- Bien ! Vous pensez que vous êtes encore assez sobre pour pouvoir remonter jusqu'à votre dortoir ? questionna Mr Lupin, alors qu'il était neuf heures moins cinq, et qu'il se tenait, en compagnie de son élève, devant la porte de la salle d'Histoire de la magie.
- Euh... Je ne sais pas..., répondit la brunette, en contemplant machinalement sa bouteille de Bièraubeurre vide, qu'elle avait tenu à garder dans sa main, dans le but de l'emporter avec elle comme trophée souvenir. Si jamais vous entendez un gros BOUM ! dans le couloir, ça voudra dire que la réponse était non...
- Et que j'aurais dû vous offrir à boire du jus de citrouille ! compléta le châtain. Ah ! Et tant que j'y pense ! Tenez ! dit-il, en remettant à Cat la demi tablette de chocolat qui lui restait. Prenez tout !
- Vous... Vous êtes sûr ? balbutia la jeune fille, troublée par la quantité impressionnante de chocolat que lui offrait son prof. Vous n'en voulez pas ?
- Non, non, je serai suffisamment rassasié avec vos bonbons, ne vous inquiétez pas ! Et merci encore !
- Oh, de rien ! C'est moi qui vous remercie ! insista notre amie, dont les joues devinrent roses.
- Allez, fit Mr Lupin, en ouvrant la porte pour laisser passer la jeune sorcière. Bonne fin de vacances !
- Oui, merci ! Et puis... Bonne nuit ! souhaita-t-elle, avec son plus mignon sourire, ce qui la fit rougir totalement, car au fond d'elle, elle était sûre que la sienne allait être bonne.
- Bonne nuit !
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Hello everybody ! Comment ça va ? Moi ça va nickel, je viens de vous traduire deux chapitres de suite parce que même avec la fac j'ai trouver du temps, donc voilà ! J'espère que vous avez aimez ! Je n'ai d'ailleurs rien appris de plus sur le problème est-elle Anglaise est-elle Française ?
Fin bref ! Enjoy le prochain chapitre les coupains !
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