Chapitre 20 : Le cours particulier


Dans un état d'engouement indescriptible, Cat frappa énergiquement à la porte - déjà fermée - de la salle de Sortilèges. Malgré les dix minutes de retard avec lesquelles elle arrivait, le professeur l'accueillit comme si la sonnerie venait à peine de retentir, ce qui ne fit qu'accentuer l'allégresse de la jeune fille. Celle-ci débordait de joie, ce phénomène était clairement visible sur son visage : elle avait un sourire de la taille d'une grosse banane, qui étirait ses lèvres ; elle avait des yeux étincelants comme des lanternes, qui se représentaient déjà la scène du rendez-vous avec Remus Lupin. Ses joues, gonflées par la jubilation, avaient gardé leur teint rose initialement apparu lorsqu'elle était allée parler au professeur Lupin.

Ses amies étaient plutôt surprises de la retrouver ainsi transformée, elle qui, dix minutes plus tôt, tirait une de ces têtes, parce qu'elle ne parvenait pas à produire un Patronus... Mais elles eurent encore plus de raisons d'être étonnées lorsque la brunette réussit du premier coup, et à la perfection, le sortilège de Floraison étudié en classe. Cette facilité avec laquelle elle venait d'accomplir cet exploit la fit rire, et elle continua sa pratique en enchaînant des essais tous aussi prodigieux les uns que les autres.

- Et ben dis donc..., commenta Axelle, impressionnée, tandis que le professeur Flitwick accordait dix points à Serdaigle. Par rapport à ton Patronus de tout à l'heure, c'est le chour et la nuit...

Il fallait croire que la perspective d'avoir un cours particulier avec Mr Lupin aidait à accomplir des performances scolaires...

Le soir venu, cependant, la brunette devint un peu plus sérieuse. Alors que ses copines étaient à leur tour transportées par des réjouissances (celles d'être enfin en vacances) et qu'elles parcouraient les couloirs du troisième étage en exécutant une farandole, pour Cat, l'heure était grave. Elle devait parler à Vince.

- Tu veux que je te serve d'alibi ? s'écria Coincoin, que Cat avait amené jusqu'au corridor désert leur servant habituellement de lieu de rencontre.

- Je ne peux pas faire autrement ! se justifia la jeune fille. Quand Axelle, Cerise et Anna vont me voir partir de la salle commune à huit heures du soir, elles vont forcément me demander où je vais !

- Tu n'as qu'à leur dire la vérité... Que tu vas voir Mr...

- Je ne peux pas ! s'exclama vivement Cat. Elles se feraient des idées ! Non, il faut que je leur dise que j'ai rendez-vous avec toi, comme à chaque mardi...

- En quelque sorte, tu te sers de moi, n'est-ce pas ? conclut le châtain, d'un air sceptique. Tu m'utilises pour pouvoir aller voir ton prof...

- ... Tu es fâché ? demanda la jeune fille, d'une voix penaude.

- Disons que je préférerais que tu dises à tes copines que tu as rendez-vous avec moi, pour effectivement avoir rendez-vous avec moi... Et non pas pour me laisser de côté au profit de ton prof...

- Je dois te confier que j'ai déjà prétexté plusieurs fois à mes copines que j'avais rendez-vous avec toi, alors que j'allais espionner Mr Lupin à la place...

- Hmmm... Le commencement des aveux ? ironisa Vince, avec un demi-rictus.

- S'il te plaît... Au moins, cette fois, tu ne peux pas dire que je ne t'ai pas prévenu...

- Attends ! Si tu m'as prévenu aujourd'hui que tu comptais m'utiliser comme alibi, c'est pour être sûre que mercredi soir je n'irai pas me montrer aux yeux de tes copines et casser ton excuse.

- Dois-je comprendre que c'est ce que tu vas faire ? Tu vas me trahir, en restant, mercredi soir, dans la salle commune, et en disant à Axelle et aux autres que tu n'étais pas au courant que tu avais un rendez-vous avec moi ?

- Ecoute, je veux bien accepter de me cacher pour toi, mais tu as pensé à ce que je vais faire, durant tout ce temps où tu seras avec ton prof ?

- Surtout, ne prends pas ta cape d'invisibilité pour venir nous voir ! lança la Serdaigle, car cette idée paranoïaque fut la première à lui venir en tête.

- Oh non, ne t'inquiète pas ! fit Coincoin, comme si cette pensée ne lui aurait jamais traversé l'esprit. Je n'ai pas vraiment envie de regarder ce que vous faites...

- Qu'est-ce que tu insinues ? sursauta la jeune fille, déjà sur la défensive.

- Je n'insinue rien, répondit platement le Serdaigle - ce qui laissait presque entendre le contraire. Non, je crois que j'irai me baigner au grand lac, sous ma forme de canard, comme je le fais tous les vendredis soirs...

Devant l'état songeur de Vince, Cat fixa son ami d'un regard quelque peu inquiet, prête à lui demander : « T'es sûr ? » (ce qu'elle s'abstint pourtant de faire). Quelques secondes plus tard, et les deux compagnons se quittèrent, la brunette s'en allant de son côté légèrement perturbée. Non pas qu'elle n'avait pas confiance en Vince et qu'elle ne le croyait pas lorsqu'il disait qu'il n'allait pas la trahir. Mais elle avait peur qu'un zeste de jalousie ne se soit développé en lui.

¤~

Le mercredi 24 février sembla mettre une éternité à arriver. Pour tuer le temps, Cat se lança à corps perdu dans ses devoirs, et tandis que ses trois copines vaquaient à d'autres occupations un peu moins studieuses (comme aux désoeuvrements dans la salle commune des Gryffondor, ou aux promenades dans la cour enneigée de Poudlard), le travail de la brunette lui permettait d'oublier sa trop grande hâte de revoir le professeur Lupin en cours particulier.

Enfin, de manière inexorable, le jour J pointa le bout de son nez, et au petit matin, lorsque Cat s'éveilla faiblement, elle se demanda si tout cela était bien réel, si ce soir elle allait vraiment se retrouver en tête à tête avec Mr Lupin, dans une classe déserte. Dès qu'elle sortit de son lit, une contraction vint se loger dans le creux de son estomac et ne la quitta pas de la journée. Pour faire passer cette étrange douleur, la brunette se remit au boulot, mais à la fin de la matinée, elle termina la totalité des exercices qu'elle avait à faire pour les vacances, et se demanda comment elle allait bien pouvoir s'occuper pour patienter jusqu'à vingt heures. Elle décida finalement de consacrer son après-midi à la révision de ses leçons, jugeant que cela allait certainement l'aider à calmer son mal de ventre persistant. Mais rien n'y fit, et plus les heures passèrent, plus ce noeud dans son estomac se resserra.

Bientôt la jeune fille comprit que cela était dû au stress. Elle était nerveuse ; à vrai dire, elle avait du mal à apprendre ses cours ; elle appréhendait. Avait-elle peur de ce soir ? De se retrouver toute seule en la présence de Remus Lupin ? Non, elle n'avait pas peur... Mais elle ne savait pas comment tout cela allait se dérouler. Elle ne savait pas ce qu'elle allait dire, l'attitude qu'elle allait avoir vis-à-vis de lui, si elle allait en faire trop ou pas assez, si elle allait profiter suffisamment de ce moment passé avec lui... Car ce n'était pas rien : elle allait, pour la première fois de sa vie, passer quelques heures rien qu'avec l'homme qu'elle aimait ! L'homme qu'elle aimait ! Pour la première fois de sa vie ! C'était un événement qu'elle redoutait, mais qu'elle désirait terriblement en même temps.

A l'heure du dîner, la tension était à son comble. Cat, installée à la table des Serdaigle, tentait de manger son cordon bleu de la manière la plus correcte possible, mais elle était en vérité au paroxysme de l'anxiété. Ses mains tremblaient à tel point que la malheureuse n'arrivait à mettre qu'une bouchée sur deux dans sa cavité buccale, et que sa fourchette glissait de ses doigts à un rythme effréné (sans compter les dangereux dérapages de son couteau, qui contribuaient à la projection de ses petits pois sur une distance record de un mètre cinquante). Anna interprétait ces symptômes comme les prémices de la maladie de Parkinson, Axelle s'amusait à compter le nombre de fois que la brunette faisait tomber ses couverts (« Et de treize ! »).

Cette dernière ne cessait de jeter des regards sur sa droite : l'absence de Vince confortait l'idée qu'il était déjà sorti du château, pour aller prendre un bain au grand lac ; un peu plus loin, dans le fond de la salle, la présence de Mr Lupin à la table des profs la rassurait : il était toujours là, il n'avait sûrement pas oublié le rendez-vous. Mais bientôt, l'enseignant se leva de sa chaise, et le choc fut tel pour Cat, que le morceau de tarte aux pommes qu'elle tenait dans la main s'effondra d'un bloc dans son assiette, et qu'il ne lui resta plus que la croûte entre les doigts. Là-bas, le professeur enlevait par de rapides coups de mains les miettes de pain sur son pantalon, saluait amicalement ses collègues et se dirigeait vers la petite porte de sortie dissimulée près de la table des enseignants.

Après s'être momentanément glacé, le coeur de Cat tambourinait à présent à tout rompre. Il s'en allait ! Mr Lupin s'en allait ! Cela voulait dire que c'était l'heure ! Qu'il était bientôt vingt heures et qu'il allait préparer la salle d'Histoire de la magie ! Que Cat devait y aller, elle aussi ! Qu'elle devait sortir de table ! Tout de suite !

Déterminée, la Serdaigle se leva sans prévenir, si brusquement que ses cuisses se cognèrent contre le rebord de la table, faisant sursauter son assiette et disséminant le restant de ses petits pois.

- Où vas-tu ? demanda Cerise.

- J'ai, euuuuuh... rendez-vous avec Vince ! mentit Cat, avant de se retourner pour enjamber le banc.

Son pied droit fut le premier à s'accrocher sous le meuble de bois, et la jeune fille passa par-dessus à une vitesse fulgurante, basculant tête en avant, et s'écrasant face contre terre. A cet instant, elle se demanda si elle allait réussir à se rendre au cours particulier de Remus Lupin en seul morceau...

¤~

C'était effrayant combien une simple porte pouvait susciter autant de terreur et d'envie à la fois. Jamais elle n'aurait cru que la porte de la salle d'Histoire de la magie puisse lui faire cet effet-là ! Et pourtant, elle se tenait face à elle, face à cette misérable planche de bois, et son coeur battait à cent à l'heure. Son incapacité à le contrôler était incroyable, et elle se disait que, si elle ne se décidait pas à faire quelque chose, elle allait certainement mourir d'une crise cardiaque ici même, sur le seuil de cette porte, et le professeur Lupin risquerait d'être le principal suspect. Pour lui éviter la prison d'Azkaban, Cat se résolut à frapper, une bonne fois pour toutes.

Mais avant, il fallait qu'elle se calme, qu'elle reprenne son souffle. Après tout, ce n'était rien ! Un cours particulier, à huit heures du soir, et avec le prof dont elle était amoureuse, c'était tout à fait banal ! La brunette se détendit, observa distraitement les deux bouts du couloir désert dans lequel elle se trouvait, comme si de rien n'était, comme si elle faisait simplement la queue devant une boutique de fruits et légumes à forte clientèle, et, profitant de cet instant d'apaisement et d'insouciance, avant que l'angoisse ne revienne, elle se surprit elle-même en cognant trois fois son index contre le bois de la porte. La plus douce et la plus adorable des voix lui répondit de l'intérieur.

- Entrez, Cathie !

Et alors la jeune fille sentit le noeud qu'elle avait dans son estomac se desserrer automatiquement, plus aucun mal de ventre, plus rien, seulement un bien-être, une liberté et une légèreté retrouvés. Certes, lorsqu'elle poussa la porte, elle se demanda furtivement comment Mr Lupin avait pu savoir que c'était elle, Cathie, qui avait frappé, mais cette interrogation s'effaça bien vite à la vue de l'aimable visage de l'homme qui l'attendait. En le voyant, la jeune fille sentit sa timidité s'évanouir, et laisser place à une aisance formidable. Ainsi s'approcha-t-elle de lui, tout sourire, comme une abeille joyeuse à l'idée d'avoir retrouvé sa pâquerette favorite, volant vers elle avec allégresse, tandis que le professeur Lupin, assis sur le bord d'une table d'élève, au milieu de la classe, rangeait dans sa poche un petit bout de papier.

Il était vêtu de ses habits ordinaires de prof en congés (ou prof en week-end), bref : de prof au repos. Il avait quitté sa vieille robe de sorcier, et avait troqué sa veste contre un cardigan gris, boutonné sur le devant. Ses chaussures noires à lacets avaient également été remplacées par d'autres en cuir marron. A part ça, son apparence vestimentaire n'avait pas vraiment changé : sa cravate était toujours là, sa chemise aussi (encore heureux), bon... évidemment, son pantalon brun aussi, et pour le reste, Cat n'irait pas vérifier. Le voir ainsi de près, habillé de ses vêtements communs, charmait la jeune fille, et suscitait paradoxalement sa curiosité.

Elle le découvrait dépourvu de sa coquille hermétique de prof, celle que lui fournissait habituellement sa tenue professionnelle très sérieuse : son fameux costard-cravate. Ce soir, il n'avait plus cette protection, et l'accoutrement presque banal qu'il portait lui conférait une certaine fragilité, et en même temps donnait à Cat un sentiment de proximité. Finalement, elle et lui n'étaient pas si différents : au-delà de la barrière élève-enseignant, ils restaient tous les deux des êtres humains, plongés ensemble dans la même histoire : celle de la vie.

Notre amie, elle, avait choisi de se présenter au rendez-vous vêtue d'un débardeur couleur lavande, d'un jean bleu et de ses grosses baskets kaki. Même si le haut pouvait paraître un peu léger, elle n'avait pu se résigner à enfiler un pull, car ce simple vêtement l'aurait étouffée de chaleur, et elle s'attendait d'ailleurs à sentir la température augmenter en la présence unique du professeur Lupin, de même qu'avec les exercices pratiques qu'il lui réservait. Elle avait cependant veillé à ce que son débardeur ne soit pas trop décolleté, afin de ne point laisser croire à Mr Lupin qu'elle venait ici pour autre chose que pour un cours de rattrapage en Défense contre les forces du mal. Au final, cette tenue lui semblait tout à fait correcte et acceptable : ni trop désinvolte, ni trop stricte (elle aurait encore pu se ramener dans son uniforme de Serdaigle, mais alors le professeur Lupin l'aurait regardée d'un oeil dubitatif).

- Vous allez bien ? demanda-t-il en se levant de sa table. Nous allons nous entraîner dans une autre salle, adjacente à celle-ci. Suivez-moi !

Cat s'inquiéta alors légèrement. Mr Lupin n'avait-il pas initialement dit qu'ils s'exerceraient ici, dans la salle d'Histoire de la magie ? Pourquoi préférait-il soudain changer d'endroit ? Pourquoi voulait-il l'emmener autre part, dans une pièce apparemment recluse ? Avait-il une mauvaise idée derrière la tête ? En fait, à bien y penser, Cat ne le connaissait pas autant que ça... Dès lors, elle avait le choix : soit lui emboîter le pas, soit lui dire : « Non merci, finalement je préfère m'en aller ». En somme, tout dépendait de la confiance qu'elle accordait au professeur Lupin. Alors, avait-elle confiance en lui, ou pas ?

Mais... Bien sûr qu'elle avait confiance en lui ! Franchement ! La question ne se posait même pas ! Mr Lupin était quelqu'un de droit, de bon, cela se voyait, cela se sentait dès les premiers instants où on le côtoyait, ce n'était pas un pervers. L'idée qu'il puisse profiter de ce cours particulier pour porter quelque atteinte à son élève était complètement inimaginable. C'était évident qu'il n'allait pas lui faire de mal !

Aussi Cat chassa-t-elle cette pensée totalement saugrenue de sa tête, et s'empressa-t-elle de suivre son bien-aimé, en toute sécurité, et avec un sourire ravi aux lèvres. Ils se dirigèrent tous les deux vers le fond de la classe, passèrent à côté du bureau du professeur Binns, et s'engagèrent dans les escaliers montants du coin droit de la salle, ceux que la brunette avait toujours observés d'un oeil curieux durant ses cours très ennuyeux d'Histoire de la magie, en se demandant jusqu'où ils pouvaient bien mener. Eh bien, elle allait le savoir dès à présent !

C'était Mr Lupin qui la conduisait ! Mr Lupin, qui la précédait dans la montée des escaliers, qui lui tournait le dos, et qui grimpait les marches juste devant elle, à quelques centimètres de son nez. Certes, avec ces deux marches d'écart qui la séparaient de lui, la jeune fille se trouvait plutôt bien placée pour pouvoir regarder ses fesses. Mais cela la gênait d'abuser ainsi de lui à son insu, et elle préférait de loin admirer sa carrure, même si pour cela elle devait lever la tête. La largeur de son dos était raisonnable, et lui conférait une certaine force ; ses épaules étaient bien taillées. Vraiment, cette carrure si belle, c'était bien là le symbole d'une virilité, c'était bien là ce qui le rendait si masculin.

Car oui ! C'était un homme, un homme accompli, un adulte, dont l'unique présence suscitait l'attention la plus entière de Cat, et qui lui-même ne s'occupait que d'elle. Notre amie avait une chance inouïe de se retrouver en tête à tête avec un aussi bel homme !

L'endroit où ils arrivèrent éveilla immédiatement la surprise et la curiosité de la brunette. C'était un grand balcon, qui donnait une vue plongeante sur une salle des plus singulières : une pièce circulaire, aux murs recouverts d'immenses étagères noires, toutes remplies d'objets divers et poussiéreux. Au centre, un sol était surélevé par rapport à l'autre, par l'intermédiaire de quelques marches. Sur cette sorte de large piédestal, se dressaient quatre gros piliers de pierre, qui devaient certainement monter jusqu'à un plafond que Cat ne pouvait apercevoir. A côté de ces colonnes antiques, étaient installées des bougies (hmmm, romantique !), dont la cire avait été remplacée par ce qui ressemblait à un morceau de colonne vertébrale de dragon. Enfin, à proximité de l'une des chandelles, se trouvait un coffre de bois. Plutôt inquiétant, comme coffre, car il était victime de violents soubresauts...

- C'est un épouvantard, qu'il y a dedans, expliqua le professeur Lupin, qui avait remarqué la petite lueur d'interrogation flottant sur le visage de Cat. Je l'ai trouvé caché dans ce coffre, qui traînait dans cette pièce même. Comme l'objet est assez lourd, je n'ai pas eu le courage de le transporter jusqu'à la classe d'Histoire de la magie, c'est pourquoi j'ai préféré le laisser là, et vous faire venir ici.

- C'est si lourd que ça, un épouvantard ? questionna notre amie, avec un air plein de crédulité.

- Non ! rigola Mr Lupin. C'est la malle qui est lourde ! Un épouvantard, lorsqu'il n'est pas transformé, n'a aucune masse !

- Ah ! sourit la brunette, tout en prenant plaisir à voir Remus Lupin rire grâce à elle. Je comprends ! Moi aussi, j'ai parfois du mal à soulever mon chat : il fait dix kilos, c'est pire qu'une enclume ! Alors ce coffre, je ne pense pas que je serais parvenue à le détacher du sol, moi non plus.

- Surtout qu'en ce moment je suis suffisamment fatigué..., avoua le châtain.

Notre amie le scruta alors avec un regard à la fois navré et compatissant. C'était vrai qu'il avait l'air épuisé : sa figure était redevenue plus blanche que d'habitude, ses cernes noirs étaient réapparus sous ses yeux. Tout cela, Cat le savait, c'était la conséquence de l'approche de la pleine lune : dans quatre jours seulement, elle se manifestait. Cela avait ses répercussions sur les loups-garous.

Mais tout de même, Mr Lupin devait faire attention à ce qu'il disait ! Certes, la jeune fille qu'il avait en face de lui était déjà au courant de son statut de loup-garou et s'était formellement engagée à ne rien dire à personne - il n'y avait donc aucun risque avec elle. Mais si ç'avait été quelqu'un d'autre - quelqu'un ne connaissant pas l'état particulier de Mr Lupin -, à l'écoute des confessions de ce dernier à propos de sa certaine fatigue, ce quelqu'un se serait posé des questions, et, dans le cas où il aurait deviné le mal réel dont souffrait l'enseignant, il aurait été moins sûr qu'il ne le répète pas à son entourage. Mr Lupin devait donc être prudent, en dépit de sa petite innocence qui le poussait à dire ce qu'il avait sur le coeur et qui le rendait en fait si attachant.

Cat ne voulait pas que quelqu'un d'autre qu'elle découvre son secret. Cat ne voulait pas que son professeur préféré ait des problèmes. Enfin, le fait qu'il lui confie son état de santé la touchait beaucoup. Elle se sentait encore plus concernée par son bien-être, et voulait à tout prix trouver une solution pour lui faire regagner un peu de forces.

- Pendant les vacances, vous allez pouvoir vous reposer un peu..., tenta-t-elle.

- Oui, je vais essayer..., dit-il.

Sur ce, il convia la Serdaigle à rejoindre la salle du bas, en empruntant les escaliers descendants qui se trouvaient à leur droite.

- Je ne vous promets pas que vous pourrez affronter l'épouvantard dès ce premier cours, expliqua le sorcier, en s'approchant tranquillement du coffre de bois, hermétiquement fermé par plusieurs verrous. Il vous faudra d'abord réussir à produire un Patronus convenable.

- D'accord ! acquiesça la brunette, tout en regardant d'un oeil un peu inquiet son prof s'asseoir sur la malle dans laquelle était caché l'épouvantard.

Bizarrement, l'objet cessa de bouger et Mr Lupin resta assis dessus comme s'il s'était agi d'un meuble tout à fait banal.

- Vous êtes prête ? demanda-t-il alors.

Cat sursauta légèrement de surprise. Elle ne s'était pas attendue à ce que l'exercice commence dès les premières secondes, mais elle répondit par un « Oui ! » bien affirmé. Après tout, qu'avait-elle espéré qu'ils fassent, tous les deux, avant de s'entraîner ? Rien ! Rien du tout, voyons !

- Bien, fit l'enseignant, sortant subitement l'élève de sa rêverie pas très catholique. Fermez les yeux...

- Hein ? s'étrangla Cat.

- Ne vous inquiétez pas ! C'est simplement pour vous aider à vous concentrer.

- Vous êtes sûr ?

- Oui, oui !

Contre toute attente, la jeune fille ferma les yeux... Mais elle n'était pas très à l'aise ! Avec Remus Lupin qui était devant elle, mais qu'elle ne pouvait voir... Qu'allait-il lui faire ? Aucun mal, c'était certain. Même s'il était un loup-garou, Cat se sentait en sûreté avec lui. De toute manière, si elle percevait un petit souffle chaud près de son nez et de sa bouche, cela voulait dire que le professeur Lupin s'était un peu trop rapproché d'elle, et qu'il s'apprêtait à l'embrasser... Que devait-elle faire, dans ce cas ? Ouvrir les yeux, ou bien...

- Concentrez-vous, résonna la voix de Mr Lupin, à quelques mètres de notre amie, ce qui assura à celle-ci que l'enseignant n'avait pas quitté son siège (ouf !).

Que venait-il de dire, à l'instant ? Ah oui ! C'était vrai ! Il fallait qu'elle se concentre (et sur autre chose que sur un éventuel baiser avec Mr Lupin !).

- Explorez votre passé, et cherchez-y un souvenir heureux...

La brunette remonta alors le temps, passant en revue les moments mémorables de sa vie, s'arrêtant au jour miraculeux où elle avait trouvé dans un magasin de musique de l'Allée des Embrumes le tout premier album de Avada Kedavra (« Ecchymose ») pour seulement vingt Gallions. D'accord, elle n'avait pas été très fière d'avoir dû pousser ses recherches jusqu'à un quartier aussi mal famé, fréquenté par une majorité de Mages Noirs, mais cela avait tout de même valu le coup (avec la photo en gros plan du torse nu du chanteur figurant comme pochette, c'était sûr que cela avait valu le coup !), et même que Cat avait fait des bonds de joie hystériques dans toute la boutique, en brandissant le CD au-dessus de sa tête. Bon, alors, sans trop d'hésitations...

- Vous avez votre souvenir ? questionna Mr Lupin.

Notre amie acquiesça vigoureusement de la tête.

- Laissez-le vous pénétrer.

« Me quoi ? » s'interloqua la jeune fille, en son for intérieur et avant que ses joues ne s'enflamment d'elles-mêmes. Oh ! Quel esprit mal placé, franchement ! Mais le professeur Lupin pouvait lui aussi faire des efforts et choisir un vocabulaire au sens un peu moins ambigu !

- Perdez-vous en lui.

« Me perdre en vous, monsieur ? Bien volontiers. Je pourrais même m'abandonner dans vos bras... »

- Oubliez tout le reste.

« Mais je ne pourrais vous oublier »

- Et prononcez l'incantation...

« Ah ! Attention ! Ca y est ! Les choses plus dures commencent ! Ressaisis-toi, Cat, et ouvre en grand tes oreilles ! »

- Spero patronum, prononça Mr Lupin, dans un chuchotement infiniment doux et réconfortant, qui fit frémir Cat d'émotions. Vous êtes prête à vous entraîner avec une baguette ?

- Euh... Oui ! bredouilla la brunette, encore un peu troublée par l'agréable murmure du professeur Lupin, et plongeant une main dans la poche de son jean, pour en sortir sa baguette.

- Vous pouvez rouvrir les yeux ! ajouta l'enseignant, non sans un petit sourire.

- Ah ! fit Cat, en soulevant subitement ses paupières (un peu plus et elle était partie pour passer toute la soirée les yeux fermés).

Le professeur Lupin apparut dans son champ de vision au moment même où il se leva de son coffre. Les mains dans les poches de son pantalon brun, il avança paisiblement vers elle, et notre amie ne put résister à la tentation de le regarder s'approcher.

- On y va ? demanda-t-il à nouveau.

- Oui !

- Bien, dans ce cas... Levez votre baguette. Et pensez très fort à votre souvenir. Quand vous vous sentez prête, prononcez l'incantation...

- Spero patronum !

- C'est ça, approuva l'adulte avec un sourire.

- Mais... Ca n'a pas marché ? s'étonna la brunette, en examinant nerveusement le bout de sa baguette.

- Ah ? Parce que vous venez d'essayer ?

- Ben oui ! répondit Cat, qui conservait une moue de perplexité. Bon, tant pis ! Je réessaye !

- Oui. Essayez peut-être de vous concentrer un peu plus sur votre souvenir, conseilla Mr Lupin.

- D'accord, consentit la jeune fille, non sans jeter un regard suspicieux à l'homme qui se tenait à sa droite.

Avait-il remarqué qu'elle n'arrêtait pas de le dévisager, au détriment même de la concentration dont elle devait faire preuve si elle voulait réussir son Patronus ? Il fallait dire que ce n'était pas bien évident, de fixer toute son attention sur un souvenir lointain, en sachant que l'homme pour qui son coeur battait si fort se trouvait à quelques centimètres d'elle. Elle avait envie de se retourner, de l'admirer à nouveau, de laisser tomber le passé et de profiter du présent.

- Spero patronum ! s'écria-t-elle enfin.

Un petit filet de fumée argentée sortit alors du bout de sa baguette magique et se répandit lentement dans les airs, comme la fumée d'une cigarette mal éteinte.

- Ouaaah !!! Vous avez vu ??? bondit Cat. J'ai réussi ! C'est incroyable ! J'ai réussi !

- Ne vous enthousiasmez pas trop..., la calma cependant Mr Lupin. Ce Patronus était loin d'être consistant...

- Bien sûr, mais je ne peux pas réussir du premier coup ! se défendit la brunette.

- C'est votre deuxième essai, notifia l'enseignant. Sans compter tous ceux que vous avez faits en classe la semaine dernière... Je me demande juste si vous choisissez des souvenirs suffisamment heureux...

- Je vous assure que celui que j'ai choisi est un très bon souvenir !

- Vous pouvez me le dire ?

- Oui ! s'exclama Cat. J'ai pensé au jour où je me suis acheté le tout premier album de Avada Kedavra ! ... Euh..., hésita-t-elle soudain, se rendant compte qu'elle devait certainement parler un charabia incompréhensible aux oreilles de Mr Lupin - c'était pourtant la première fois qu'elle évoquait sa passion à l'homme qu'elle aimait. C'est un groupe de métal... Vous connaissez ?

- Non...

- C'est vrai qu'il n'est pas très connu, avoua-t-elle. A part par ceux qui connaissent...

Cette fois, le visage de Cat vira au rouge pivoine, une goutte de sueur glissa sur sa tempe, et ses yeux se dirigèrent irrémédiablement vers les escaliers de la salle, qui faisaient désormais office de sortie de secours : ce qu'elle racontait était vraiment incompréhensible !

- Connu ou pas, reprit le professeur Lupin, je ne pense pas que ce souvenir soit suffisamment fort. Vous pourriez en choisir un autre ?

- Je vais essayer..., concéda la brunette, tout en baissant la tête, un peu déçue d'abandonner un tel souvenir, et pas vraiment sûre d'en trouver un aussi beau.

- Prenez votre temps, la rassura le châtain.

Gardant la tête baissée et les sourcils légèrement froncés, la jeune fille tenta d'oublier définitivement la présence à proximité de son professeur, pour privilégier sa réflexion. Si elle ne faisait pas un peu d'efforts, Remus Lupin et elle en auraient pour toute la nuit (pas que cela dérange particulièrement Cat, bien au contraire, mais cela risquait d'embêter Mr Lupin, surtout si celui-ci était fatigué). Alors, si elle ne voulait pas lui donner l'impression de perdre son temps, elle devait faire tout son possible pour trouver une autre réminiscence, plus efficace.

Mais que diable y avait-il de mieux que Avada Kedavra ? Cat avait beau faire des fouilles archéologiques dans son passé, remonter jusqu'au jour où elle se voyait avaler (de travers) ses toutes premières pâtes au gratin, aucun souvenir ne lui semblait plus approprié que le précédent pour réaliser un Patronus.

Il lui fallait quelque chose de fort, quelque chose de puissant... Mais elle avait le sentiment que tout ce dont elle disposait dans le genre, c'était ce simple souvenir, et qu'après tout, s'il n'avait pas fonctionné, c'était sans doute à cause de Mr Lupin. Même en cet instant qui lui avait demandé sa concentration la plus sérieuse, elle s'était encore laissée troubler par lui. Même en cet instant où elle n'avait dû penser à rien d'autre qu'à son achat du tout premier album de Avada Kedavra, elle avait encore... pensé à lui !

Ce fut alors qu'une illumination jaillit dans la tête de Cat. Une lumière blanche éblouissante, qui clarifia soudainement son esprit. Une inspiration totalement inattendue. Abasourdie, la jeune fille releva subitement la tête et braqua son regard sur le professeur Lupin, qui était retourné s'asseoir sur sa malle, face à elle. « Mais ouiii ! » se dit-elle, en écarquillant les yeux d'émoi. Etait-elle bête ? Pourquoi n'avait-elle pas songé à cette évidence plus tôt ? Elle qui était partie chercher une solution dans les fins fonds obscurs de sa mémoire, elle n'avait même pas vu que la solution s'était toujours trouvée là, sous son nez, éclairée à la lueur des bougies de la pièce !

- Ca y est, j'ai un souvenir ! s'exclama joyeusement la brunette.

- Ah ! fit Mr Lupin, en se réveillant légèrement et en se remettant debout. Est-il fort ?

- Oh oui ! certifia Cat, en dévisageant l'enseignant avec des yeux de merlan frit.

- Vous vous sentez prête à l'essayer ?

- C'est parti ! s'écria notre amie, tout sourire.

Elle brandit sa baguette d'un air déterminé et sûre d'elle, et, sans même avoir besoin de fermer les yeux pour s'aider à se concentrer, prononça avec foi :

- Spero patronum !

De la pointe de son bâton magique s'échappa alors une masse lumineuse et argentée, de la taille d'un Souafle, qui se posa sur le sol, avant de se mettre à tourner vivement autour des deux individus. Sa forme était encore indistincte, mais, cette fois, Mr Lupin ne pouvait nier sa consistance. A en juger par la façon dont il admirait ce début de Patronus, il était même agréablement surpris. Cat, elle, souriait, tout simplement. Et ce doux sourire de satisfaction ne trahissait que trop bien l'allégresse qui bouillonnait au fond d'elle, et encore mieux la fierté dont elle débordait : elle avait été certaine que ce Patronus allait réussir !

- Je pense que vous avez choisi là un souvenir particulièrement efficace ! complimenta le professeur Lupin, après avoir sincèrement félicité son élève pour la prouesse qu'elle venait d'accomplir.

- A vrai dire, confessa Cat, ce n'est pas tellement un souvenir, mais...

- Apparemment, il a très bien marché. C'est tout ce qui compte ! la rassura le châtain.

La brunette le regarda avec émotion et reconnaissance.

- Je le garderai, alors !

Finalement, Mr Lupin avait jeté un coup d'oeil à sa montre (fixée à son poignet gauche, et dissimulée sous la manche de son pull), et avait constaté qu'il allait bientôt être neuf heures du soir, c'est-à-dire l'heure du couvre-feu. Pour éviter à son élève d'avoir des problèmes (et pour ne pas en avoir, lui non plus), il avait donc fait son devoir de prof, et avait raccompagné la Serdaigle jusqu'à la salle d'Histoire de la magie.

Et, à présent, il s'apprêtait à lui dire au revoir, mais Cat ne voulait pas le lâcher. Le moindre mot, même vide de sens, qu'elle pouvait sortir de sa bouche, lui faisait gagner quelques secondes de plus à passer en sa compagnie.

- Vous êtes sûr qu'on ne peut pas s'entraîner encore un peu ? demanda-t-elle, alors que la porte de la classe se rapprochait de plus en plus. Il nous reste dix minutes ! C'est largement suffisant !

C'était vrai, après tout : on pouvait faire plein de choses, en dix minutes !

- Non, je ne tiens pas à ce que vous arriviez en retard à votre dortoir, expliqua gentiment Mr Lupin. En revanche, vous pourrez perfectionner votre Patronus mercredi prochain - nous serons le 3 mars. Ca vous convient ?

- P... Pour un autre cours avec vous ? balbutia Cat, comme si cette proposition lui semblait trop belle pour être vraie.

- Oui !

- Oh ! Alors c'est d'accord ! s'enthousiasma la brunette. Même heure, même endroit ?

- C'est ça ! acquiesça Mr Lupin, avec un sourire amusé.

- Bon, eh bien..., commença notre amie, qui sentait que c'était le moment pour elle de le quitter, sinon il allait finir par s'impatienter. Bonne nuit !

- Oui, à vous aussi ! répondit l'homme, en lui ouvrant galamment la porte.

- Et, euh..., fit Cat, en posant enfin un pied dans le couloir, tandis que le professeur Lupin regardait une nouvelle fois sa montre. Reposez-vous bien !

Sur ce, elle s'élança dans le corridor, et disparut définitivement de la vue de Mr Lupin.

¤~

Elle courait comme une folle, non pas parce qu'elle craignait d'arriver à son dortoir après le couvre-feu, mais parce qu'elle était heureuse. Heureuse ! Et le mot paraissait si faible ! La joie qui la transportait était indescriptible ! Cat avait envie de rire, de crier, de pleurer de bonheur ! Dans sa course effrénée, elle repensait passionnément à tous les instants qu'elle venait de vivre avec lui, à tout ce qu'il lui avait dit, à la façon charmante dont il l'avait félicitée pour le succès de son Patronus.

Aaah ! Savait-il au moins ce à quoi il lui avait suffi de penser, pour réussir son Patronus ? Savait-il que le moment heureux qu'elle avait choisi, c'était tout simplement le moment présent : le moment où elle se trouvait avec lui ?

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