Chapitre 2 : L'attaque du Dédédétraqueur


Comme l'avait dit la blondinette qui était venue chercher Cat, les autres filles étaient déjà tranquillement installées dans un compartiment, situé dans le wagon du milieu, c'est-à-dire à une dizaine de mètres de la cabine dans laquelle la brunette avait attendu (pour rien). Voyant cela, elle se dit qu'elle avait quand même eu de la chance que son amie aux yeux bleus se soit inquiétée de son absence et soit partie la retrouver. D'habitude, Cat se faisait facilement oublier. Elle aurait donc très bien pu faire le voyage toute seule, perdue au fond du train, oubliée de tous.

- Re bonchour ! s'écria joyeusement la grande blonde, en ouvrant avec énergie la porte du compartiment, dans laquelle étaient assises deux jeunes filles.

- Ah, revoilà l'Erreur..., fit l'une d'elles, avec un ton faussement inquiet.

- Che ne m'appelle pas l'Erreur ! Che m'appelle Axelle ! rétorqua vivement la blonde.

Mais Cat, qui suivait derrière, rigola tout de même à cette plaisanterie. Ses copines et elle avaient l'habitude de surnommer Axelle « L'Erreur », la taquinant avec ce surnom par le fait qu'elle avait été la seule et unique erreur que le Choixpeau magique ait jamais faite dans toute l'histoire de Poudlard. Oui, car Axelle le savait : elle aurait normalement dû atterrir à Poufsouffle. Elle avait tout pour être une Poufsouffle : elle était loyale, elle était juste. Et pourtant, lors de la cérémonie de répartition, le Choixpeau magique s'était trompé, et l'avait envoyée à Serdaigle. Or, elle n'avait rien d'une Serdaigle : elle n'était vraiment pas sérieuse, et vraiment pas réfléchie. A cause de cette erreur monumentale, elle avait donc du mal à suivre le niveau plutôt élevé des Serdaigle, et ses notes étaient par conséquent relativement basses. Mais le point positif à tout cela était quand même le fait qu'Axelle Kraft avait trouvé chez les Serdaigle trois grandes copines de son âge : Cathie Mist, Cerise Flint et Anna Petipois.

- A part ça, lança cette dernière, tu as finalement réussi à retrouver Cat ?

- Oui ! Elle s'était cachée tout au fond du train, répondit Axelle, en débarrassant la brunette en question de son chaudron et de sa panière à chat.

Elle adressa un petit coucou à Pattemplomb, puis installa les deux lourds objets dans le filet à bagages, les soulevant sans trop de mal, grâce à sa carrure assez forte et à sa grande taille. Ces caractéristiques physiques s'expliquaient sûrement par le fait qu'Axelle Kraft était d'origine allemande : une grande blonde aux yeux bleus, à la peau pâle et aux épaules assez larges (« Oh mon dieu, une Aryenne... »). Et ce qui ne laissait pas le moindre doute sur le pays d'où elle venait était son léger accent allemand : « Mais non, che ne parle pas afec une patate dans la bouche ! ». Hélas, si... La raison pour laquelle cette teutonne se retrouvait en Angleterre était simple : la région dans laquelle elle avait vécu autrefois était infestée de loups-garous, créatures typiques en Bavière. Elle avait donc dû déménager subitement de son Allemagne natale, à l'âge de cinq ans, gardant avec elle un très mauvais souvenir de ces bêtes maléfiques... A vrai dire, Axelle avait la véritable phobie des loups-garous.

- Che ne sais pas ce qu'elle faisait, continua la blonde, en s'asseyant finalement sur la banquette de gauche, inoccupée. Elle était toute seule, en face de quelqu'un de bizarre...

- Figure-toi que ce quelqu'un de bizarre était un professeur ! rétorqua Cat, en s'asseyant à son tour entre Axelle et la fenêtre du compartiment, précisément à la même place où elle s'était trouvée tout à l'heure.

- Un professeur ? s'exclama Cerise, qui était en face de Cat. Ce n'est pas possible ! Comment cela se fait-il qu'un professeur se rende à Poudlard par le Poudlard Express ?

Cat haussa les épaules, ne connaissant évidemment pas la réponse à la question de Cerise. Mais celle-ci enchaîna avec un long monologue détaillant les multiples hypothèses qui pouvaient bien pousser un prof à emprunter le train pour aller à l'école plutôt que d'utiliser ses propres moyens de locomotion, classant toutes ces suppositions sur une échelle de probabilité, allant de la plus probable à la moins possible, expliquant au passage la différence entre probable et possible, puis terminant par la conclusion que jamais, ô grand jamais, un adulte autre que le conducteur de la locomotive et la marchande de bonbons n'avait été aperçu à l'intérieur du Poudlard Express, et que ce aujourd'hui, 1er septembre, allait être inscrit comme une date historique. Elle saoula tellement ses amies, que celles-ci ne se rendirent même pas compte que le train avait démarré et pris de la vitesse. Elle était comme ça, Cerise : quand elle parlait, elle ne s'arrêtait plus. Et peu lui importait si ses amies l'écoutaient ou non, du moment qu'elles faisaient semblant, c'était le principal, et Cerise pouvait continuer à débiter ses paroles. Vraiment saoulante, cette fille. Mais très sociable. Elle parlait ainsi de n'importe quoi, à n'importe qui. Première de la classe, elle était de taille moyenne, avait les yeux noisette, et possédait de très longs cheveux bruns, qui lui tombaient jusqu'en bas du dos, et qui brillaient de nombreux reflets rouges.

- C'est bon, Anna, tu peux tu réfeiller, elle a fini ! dit Axelle, en se penchant sur celle en face de qui elle était assise, et en lui secouant l'épaule.

- Non, je n'ai pas fini ! riposta Cerise, en fronçant les sourcils, mais en riant malgré tout. Regardez ce que j'ai acheté, en allant au Chemin de Traverse !

Sur ce, elle attrapa un pot en terre cuite, qui était posé sur le rebord de la fenêtre, et qui contenait une unique et affreuse plante à fleurs rouges, parmi lesquelles dépassaient deux crocs acérés.

- Un Géranium dentu ! présenta Cerise, en brandissant le végétal vers les trois autres.

- Baaahhh ! Qu'est-ce que c'est que cette horreur ?

- Hors de ma vue !

- Groar ! grogna la plante carnivore.

- Ah, non ! Pitié ! Ne l'approche pas de moi ! implora Anna, en se précipitant en arrière, sur la banquette, pour s'écarter de Cerise. Elle va me mordre !

- Mais nooonnn ! se moqua la fille aux longs cheveux bruns rougeoyant. Il est mignon comme tout, mon petit Géranium dentu ! Hein ? Guiliguili ! Aïe ! Bon sang, il m'a mordue !

Anna, le dos collé contre une partie de la porte du compartiment vers laquelle elle avait trouvé refuge, se contenta d'afficher un regard blasé à Cerise, qui suçait maintenant son index endolori. Mais, bien qu'en ce moment elle paraissait terrifiée par une toute petite plante à dents crochues (qui venait quand même de hacher menu le doigt de sa propriétaire), Anna Petipois avait un très fort tempérament... lunatique. Ainsi, elle pouvait parfois être au paroxysme de la joie et entamer une danse du bonheur, et le lendemain sombrer dans la déprime la plus totale, frisant le bord du suicide. Et ce changement subit de caractère s'expliquait par une unique raison : le résultat des matchs de Quidditch qui opposaient Serdaigle à une autre maison. Oui, car Anna Petipois était une pro-maisonaliste, qui plaçait la maison des Serdaigle au-dessus de tout, qui la vénérait avec fanatisme. Elle était la plus grande et la plus dévouée de toutes les supportrices de l'équipe de Quidditch des Serdaigle. Et elle était fière, oh oui, énormément fière d'être une Serdaigle. C'était pourquoi elle était déjà vêtue, en ce moment même, de son uniforme scolaire et de sa robe de sorcière. D'habitude, les élèves n'enfilaient leur tenue qu'à l'approche de la gare de Pré-au-lard, mais Anna, elle, tenait absolument à porter l'écusson des Serdaigle et la cravate bleue et argentée avant l'heure. D'ailleurs, même pendant les vacances, elle s'habillait en bleu et argent. Elle avait également lancé un sortilège sur ses cheveux courts, afin de les teindre en argenté scintillant, et pour qu'ils soient assortis avec le bleu naturel de ses yeux, devant lesquels se tenaient de petites lunettes. Mais, contrairement à ce que l'on pouvait penser, l'animal de compagnie d'Anna n'était pas un aigle. A son grand désespoir, c'était simplement un hibou. Pour, cependant, se donner l'illusion qu'elle possédait le rapace symbolique des Serdaigle, elle avait nommé son hibou Aiglou. Si ce nom de substitut plaisait ou non à l'oiseau, ça, personne ne le savait. Mais les copines d'Anna se doutaient bien que le hibou n'était pas forcément très heureux que sa propriétaire lui préfère un aigle. Une autre caractéristique étrange d'Anna - pas étrange, mais plutôt incroyable, en fait - était qu'elle demeurait la seule, parmi tous les élèves de Poudlard de toutes les générations, à adorer les cours d'Histoire de la magie, donnés par le soporifique professeur Binns. Ces cours, jugés à l'unanimité comme les plus ennuyeux de tous, étaient les cours préférés de la jeune fille aux cheveux argentés, et elle ne souhaitait les manquer pour rien au monde.

- Très bien, tu l'auras voulu ! prévint Anna, en fouillant dans son chaudron qu'elle avait posé sous la banquette. Si tu continues à me menacer comme ça avec ta plante folle, je vais devoir sortir mon arme secrète pour me défendre !

- Ton arme secrète ? répéta Cat, intriguée.

- Parfaitement ! Et la voici !

Anna brandit alors à deux mains le Monstrueux livre des monstres, qui figurait sur la liste des livres à acheter pour cette nouvelle année scolaire. Le bouquin à l'air féroce était entouré d'un élastique très épais, mais cela ne l'empêchait pas de s'agiter et de grogner méchamment.

- Graroaroargngngngroaroaroargngngn...

Axelle regarda la chose avec des yeux ronds stupéfaits.

- Super ! s'exclama Cat, en souriant. Comme ça, tu peux faire un combat à mort avec le Géranium dentu de Cerise ! Allez ! Je mise tout sur le Monstrueux livre d'Anna !

- Et moi che parie que c'est la plante qui fa bouffer le bouquin ! ajouta Axelle avec énergie. Elle a déchà essayé de bouffer le doigt de Cerise !

- Non mais ça va pas ? lança cette dernière, d'un ton offusqué, toujours avec son index dans la bouche. Il n'est pas question que mon Géranium affronte cette chose !

- Quoi ? s'étonna Cat. Tu as peur pour ta plante, qui, je te le rappelle, a quand même failli t'amputer d'un doigt ? Je serais toi, je serais sans merci pour elle...

- Ce n'est pas ça ! se fâcha Cerise. C'est que je respecte la nature et que je n'ai pas envie d'abîmer les pétales de mon Géranium. Et je n'ai pas non plus envie de détériorer les livres. Tu as pensé aux droits d'auteur ?

- A vrai dire, je ne vois pas trop ce qu'ils viennent faire ici...

- Toujours est-il que mon Géranium dentu ne se battra pas ! J'ai dit non, c'est non ! Point !

Sur ce dernier mot, la jeune sorcière aux longs cheveux posa avec plus de violence que prévu le pot sur le bord de la fenêtre, avec un « BOC ! » sonore.

- De toute manière, reprit Anna, en calant son monstrueux bouquin sur ses genoux, ça ne sert à rien de s'inquiéter pour l'état de mon livre : je l'ai eu gratuitement.

- C'est pas possible ? Mais comment as-tu fait ? questionna Axelle, avec un ton exagérément surpris.

- Axelle, tu te moques de moi, ou bien tu es réellement intéressée ?

- Non, che t'assure ! fit la blonde, sincèrement. Ca m'intéresse fraiment !

- Eh bien c'est simple. Hier, en fin de journée, je suis allée chez Fleury & Bott pour acheter mes fournitures scolaires, dont ce livre. Or, quand je suis arrivée dans la boutique, le libraire semblait éreinté, à bout de forces, et il était couvert de morsures. Quand je lui ai dit que je voulais un Monstrueux livre des monstres, j'ai cru qu'il allait s'évanouir. Il m'a ensuite dit que si c'était moi qui le choisissais et le sortais hors de sa cage, il me le donnerait gratuitement. Alors j'ai pris ses gants, sa canne, et j'ai finalement réussi à attraper un bouquin monstrueux, que j'ai eu pour zéro Gallions !

- Fantastique ! admira Cerise.

- Prodigieux ! ajouta Cat.

- Oui, m'enfin, ça faut pas mon anecdote à moi ! lança Axelle. Figurez-fous que, ce matin, il m'est arrifé un truc complètement incroyable !

- Ah oui ? Tu t'es mise à penser ? se moqua Cerise.

- Ah ! fit Cat. C'est pour ça que j'ai vu de la fumée, dans le ciel ! Non, attends, je sais ! Tu as croisé Dumbledore alors qu'il faisait du patin à roulettes dans la rue !

- Du quoi ?

- Tu as vu un loup-garou ?

- Aaaaahrr ! Non ! Ne prononce pas ce mot !

- Tu as vu un escargot ?

- Pourquoi un escargot ?

- Ca y est ! Je sais ! Tu as mangé de la choucroute !

- Hmmm ! Oh oui ! Miam, miam, la choucroute ! Sehr sehr gut !

- Mais nooonnn ! s'écria Axelle, qui n'en pouvait plus. Bande de patates ! C'est pas ça du tout ! Ce matin, che disais donc, il m'est arrifé un truc complètement incroyable. Ch'étais à la gare King's Cross, afec mon chariot à bagaches, que che poussais defant moi, et che me dirichais fers la barrière machique. Alors, comme d'habitude, che prends mon élan, che me mets à courir, che fonce fers l'obstacle métallique, et là... BOUM ! Mon chariot s'écrase littéralement contre la barrière, afec un fracas pas possible, che suis brutalement prochetée en arrière, et che m'étale sur le bitume, trois mètres plus loin.

- Ca, ça ne m'étonne pas de toi..., dit Cat.

- Mais le pire, continua l'Allemande, c'est qu'au moins une dizaine de Moldus m'a fue foncer tête baissée fers la barrière et la heurter de plein fouet ! Ca me tracasse, car il se peut que ce stupide accident ait de grafes répercussions... Les Moldus ont dû se poser plein de questions...

- Non, non, non, rassure-toi, fit Cerise, en tapotant l'épaule d'Axelle d'une façon qui se voulait apaisante. Je suis sûre que quand les Moldus ont vu que c'était Axelle Kraft qui avait couru avec son chariot pour embrasser la barrière, ils ont tout de suite compris, et ils ne se sont pas inquiétés.

- Qu'est-ce que tu insinues ? rugit la blonde avec colère.

- Mais rien du tout, voyons ! Continue donc ton histoire ! la pria la brune.

- Oui, donc... Où ch'en étais ? Ah oui ! Donc, une fois couchée de tout mon long sur le sol, che me suis redressée - de la manière la plus digne et la plus confenable, pour une personne qui fenait de se procheter elle-même par terre -, et ch'ai regardé le numéro des quais entre lesquels ch'afais foulu passer : et les pancartes indiquaient les quais 8 et 9... Che m'étais trompée de quais !

- Alors là ! s'exclama Cat, tandis que, dans le compartiment, l'éclatement de rire était général. Ca ne m'étonne vraiment pas de toi !

Axelle poussa un soupir, avant de murmurer :

- Che sais...

Le reste de la matinée passa ainsi tranquillement et dans la bonne humeur. Alors que le Poudlard Express continuait sa route vers le nord, et que derrière les carreaux de la fenêtre se laissaient apercevoir des paysages sauvages, faits de morceaux de lande et de lointaines collines, rendues obscures par le ciel qui devenait gris de nuages, les quatre copines ne cessaient de se lancer diverses plaisanteries, au niveau d'idiotie plus ou moins élevé. Naturellement, Cat, Axelle et Anna eurent droit aux habituels longs discours de Cerise, qui leur parla des B.U.S.E., examens qui les attendaient à la fin de l'année scolaire. Avec un léger petit plaisir sadique, elle insista d'ailleurs sur le fait que les B.U.S.E. étaient des épreuves très difficiles, que, pour les réussir, il fallait commencer à réviser au moins six ou sept mois à l'avance, mais qu'il s'agissait là d'examens capitaux, et que, en gros, si on les foirait, on était mal barré.

- Donc tu vois, Axelle, dit Cerise, il va falloir que tu te mettes à bosser plus sérieusement. Sinon, tu auras beaucoup de mal... Moi, personnellement, je pense que je vais les réussir...

- Ben voyons..., fit Anna, avec un regard méfiant.

- Je suis quand même la première de classe, je te signale !

- Dis, tu nous ferais pas un petit complexe de supériorité, là ?

- Moi ? Oh... Peut-être que oui, en fait, répondit la brune, en souriant bêtement.

Cette dernière enchaîna ensuite la conversation sur le thème de Sirius Black (Cat, Axelle et Anna ne surent d'ailleurs pas comment leur camarade avait réussi à passer du sujet des B.U.S.E. à celui de Sirius Black, car elles ne l'écoutaient plus depuis un bon moment) et leur expliqua combien les chances de s'échapper de la prison d'Azkaban étaient infimes. Pour la première fois de sa vie, elle ne trouvait aucune solution qui puisse résoudre ce terrible mystère. A une heure de l'après-midi, Cerise en était à mettre en garde ses amies (affalées sur leur siège, endormies) que le dangereux criminel, maintenant en liberté, pouvait se trouver n'importe où, et qu'il pouvait même surgir là, devant elles, sans prévenir.

La porte du compartiment s'ouvrit alors, comme par hasard, et Cerise, interprétant son hypothèse comme venant de se réaliser, poussa un cri aigu qui réveilla toutes les autres. Mais, évidemment, ce n'était pas Sirius Black qui se tenait sur le seuil de la porte. Il s'agissait d'une petite sorcière grassouillette, qui poussait devant elle un chariot contenant diverses sucreries et boissons. Le temps que Cerise reprenne ses esprits et se rende compte que c'était en fait l'heure du déjeuner, et Cat et Anna avaient déjà dans leurs mains une quantité impressionnante de Chocogrenouilles, de Fondants du chaudron et d'autres bonbons en tous genres. Axelle, elle, ne prenait rien, car elle tenait à suivre un régime drastique, excluant ainsi toute friandise.

- Fous afez des apricots ? demanda-t-elle simplement.

- Euh..., fit la sorcière, en cherchant machinalement dans son chariot.

- Non, Axelle, je ne pense pas que madame ait des apricots..., expliqua Cat.

- Bon... Tant pis...

La petite femme rondouillarde laissa à nouveau nos quatre amies seules, refermant derrière elle la porte de la cabine. Cat, Anna et Cerise dévorèrent littéralement le paquet de sucreries qu'elles avaient récolté, n'ayant aucune pitié pour les malheureuses grenouilles chocolatées, encore moins pour les Gnomes au poivre.

- De toute manière, che les préfère au sel, lança Axelle, qui détournait sa tête pour ne pas voir cette goinfrerie sans retenue.

Cependant, même si toutes ces confiseries étaient délicieuses, Cat avait la bizarre impression qu'elles ne valaient pas le goût du chocolat que ce prof (dont elle ne se rappelait même plus du nom) lui avait offert. Non, franchement pas. Le chocolat des Chocogrenouilles n'était vraiment pas aussi fantastique que celui qu'elle avait mangé quelques heures plus tôt. Mais ça, ses copines ne pouvaient pas le savoir, car elles n'avaient pas eu la même chance que Cat. Pour une fois que la brunette avait un point d'avance sur elles...

- Au fait, je n'ai toujours pas vu Harry Potter..., lança Cerise. Il paraît qu'il est arrivé à la gare accompagné par le Ministre en personne !

- Ce n'est pas à moi qu'on ferait ça..., se plaignit Cat.

- Non, hélas, soutint Anna, avec le même ton désespéré dans la voix. Personne ne connaît ta misérable petite existence...

- Ca vous dirait d'aller faire un tour dans le wagon, tout à l'heure, pour essayer de l'apercevoir ? continua Cerise.

A vrai dire, Cat n'en avait pas du tout l'envie, et elle préférait de loin rester tranquille ici, dans son compartiment, plutôt que d'aller traîner dans le couloir, à la recherche de quelqu'un qui ne l'intéressait pas plus que ça. C'était vrai, enfin ! Harry Potter par ci, Harry Potter par là ! Harry Potter rentrait en troisième année à Poudlard, d'accord ; mais elle, Cathie Mist, rentrait en cinquième année, et elle avait des B.U.S.E. au mois de juin, et tout le monde s'en fichait !

- Oh, moi, che préférerais aller foir Cédric Diggory, si cela ne fous embête pas ! dit Axelle, en souriant.

- Ah ! C'est vrai qu'il est mignon, celui-là ! acquiesça Cerise. Je me demande s'il a déjà une copine... Si c'est non, moi, je voudrais bien l'être ! Mais toi, Axelle, tu ne m'avais pas dit que tu sortais déjà avec quelqu'un ?

- Euh... Oui, sûrement. Mais che ne fois plus duquel ch'ai bien pu te parler, ch'ai eu tellement de petits copains ces derniers temps...

- Mais en ce moment, tu sors bien avec quelqu'un, non ?

- En ce moment ? Non... Ch'ai dû casser avec le dernier, dont che ne me rappelle plus du nom, il y a quelques chours, che crois...

- Et toi, Cerise ? questionna Anna. Tu as quelqu'un en vue ?

- Pour me sortir du célibat ? plaisanta celle aux cheveux longs. Hmmm, je verrais bien Cédric Diggory... Mais Fred Weasley a l'air pas mal, lui aussi !

- Quoi ? sursauta Axelle. Fred Weasley ? Tu ne m'afais pas dit que c'était Cheorche ?

- Non, c'est Fred Weasley, je crois...

- Non, non, non ! C'est moi qui suis intéressée par Fred Weasley ! Toi, tu es sur Cheorche ! Alors tu me laisses mon Fred, et tu prends ton Cheorche ! Point !

- Tu dois confondre les deux, c'est pas possible... Je suis sûre que c'était de Fred dont je t'avais parlé...

- Oh ! coupa Anna. De toute manière, quelle importance ? Ils se ressemblent tous les deux comme deux gouttes d'eau !

- T'es folle ou quoi ? s'écria Cerise. Ils ne se ressemblent pas du tout ! Sur sa joue gauche, Fred a une tache de rousseur de plus que sur celle de George !

- Oui, acquiesça Axelle. Là, tu te trompes complètement, Anna. Ca se foit bien que Cheorche a les chefeux plus roux que Fred !

- Toujours est-il que j'ai hâte de connaître tous les potins de la rentrée ! fit Cerise. Et j'espère aussi que je vais enfin me trouver quelqu'un ! Franchement, je ne pourrais pas vivre sans petit copain ! Vous imaginez ? Passer toute sa vie sans jamais avoir eu de...

Et la conversation s'arrêta là pour Cat, car déjà elle commençait à être saoulée, voire écoeurée. C'était toujours comme ça : quand la discussion tournait autour du fameux thème des histoires de coeur, la brunette s'ennuyait à mourir, et se déconnectait rapidement des autres, pour la simple et unique raison que cela ne l'intéressait pas, et qu'elle n'avait rien à dire. C'était le seul sujet pour lequel elle se sentait mise à l'écart, en retrait par rapport aux autres : l'amour. Amour, amour... Si l'on pouvait appeler cela, un tant soit peu, de l'amour. Toujours le même champ lexical, les mêmes mots : copain, petit copain, mignon, beau, chou, sortir, casser, embrasser, rouler une pelle, se prendre un râteau. Vraiment ? Il y avait de l'amour, là-dedans ? Cat ne pouvait pas le dire - donc elle ne pouvait pas le nier -, car elle ne savait pas ce que c'était que l'amour.

Un jour, on lui avait demandé si elle était déjà tombée amoureuse de quelqu'un, dans sa vie. Elle avait dû mentir, en répondant : « Oui, bien sûr ! », pour ne pas paraître sans coeur aux yeux de ses copines. Cela aurait fait un scandale, sinon. « Comment ? Tu n'es jamais tombée amoureuse ? Mais ce n'est pas possible ! C'est impensable ! C'est inconcevable ! ». Et pourtant si, c'était la vérité, aussi triste qu'elle pouvait paraître. Cathie Mist n'avait jamais éprouvé, de toute sa vie, de sentiments amoureux envers un garçon, et, d'ailleurs, aucun garçon n'était jamais tombé amoureux d'elle. Cathie Mist n'avait jamais été attirée par quelqu'un, et personne n'avait jamais été attiré par elle. Elle faisait avec, elle se disait qu'elle n'était pas plus mal comme ça, libre, qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait, qu'elle n'avait besoin de personne. Mais elle ne pouvait se le cacher : parfois, et même souvent, sa misérable situation la déprimait. Elle en venait même aux larmes, en pensant que jamais elle n'intéresserait personne, et en entendant ses copines rabâcher et rabâcher toujours les mêmes histoires de premier baiser, premier ci, premier ça.

Si Cat fut soulagée ou non que le train commence à ralentir et mette fin à l'ennuyeuse discussion des trois autres filles, ça, personne ne le sut. Mais surprise, là oui, elle l'était.

- On est déchà arrifées ? demanda Axelle, naïvement.

- Je ne crois pas, parla enfin Cat, en se penchant vers la fenêtre à côté de laquelle elle était assise. Il est beaucoup trop tôt...

La vitre par laquelle la jeune fille essayait de regarder était complètement obscurcie par les ténèbres qui régnaient dehors, et par la pluie qui martelait les carreaux. Au-dessus de sa tête, à hauteur du filet à bagages, les lanternes s'étaient même allumées, ainsi que celles du couloir. Et le Poudlard Express, lui, continuait à freiner sa course, le grincement de ses roues contre les rails devenant de plus en plus distinct. Un grincement presque terrifiant, auquel s'ajoutaient les hurlements du vent.

- Un élèfe s'est peut-être rendu compte qu'il afait oublié quelque chose à la gare King's Cross, et il a demandé au conducteur du train de s'arrêter, pour qu'il puisse repartir fite fait chercher cette chose...

Les amies d'Axelle contemplèrent la blonde avec des visages blasés.

- Peut-être, confirma finalement Anna. Peut-être que cette élève s'appelle Axelle Kraft, et que la chose qu'elle a oubliée c'est sa tête !

Avant que l'Allemande ne puisse répliquer par un violent coup de poing qu'Anna aurait de toute manière esquivé, le train s'arrêta brusquement avec fracas, et la panière à chat contenant Pattemplomb dégringola du filet à bagages, avant de tomber sur la tête de Cat, qui était juste en-dessous.

- AÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏEEEEEEEEEE !!! hurla la blessée, qui venait de recevoir brutalement dix kilos sur le crâne.

La panière s'écrasa finalement par terre en s'ouvrant, tandis que la brunette se tenait la tête de ses deux mains, gémissant atrocement, fermant les yeux de douleur, et se recroquevillant sur elle-même.

- Cat ? Cat ? Ca va ?

- AAAAAAAHHHHH !!! cria la malheureuse, en souffrant.

Comme si cela ne suffisait pas, toutes les lumières s'éteignirent d'un seul coup, et le train entier fut plongé dans le noir total.

- Fait tout noir !!!

- On voit plus rien !!!

- Ch'ai peuuur !!!

- Aaaaah !!! J'ai mal !!!

- Miaôu !!!

Avec un geste presque paniqué, Cerise essuya la fenêtre de la paume de sa main, et colla son nez contre la vitre, pour tenter de voir au travers.

- C'est bizarre..., fit-elle. J'ai l'impression qu'il y a des personnes qui montent dans le train...

- Fais voir, dit Anna, qui se coucha littéralement sur Cerise pour atteindre la fenêtre.

- Aïe ! Tu m'écrases, là !

- C'est peut-être un élèfe qui a loupé le Poudlard Express, on bien qu'on aurait oublié à King's Cross, proposa Axelle.

- Ou alors, commença celle aux cheveux argentés, en regagnant son siège, c'est peut-être ta tête, que tu as oubliée, et qui revient.

- Anna, tu as de la chance qu'il fasse tout noir et qu'on n'y foie rien, sinon tu te serais déchà reçue une pêche dans la poire ! menaça la blonde.

- Je savais que tu aimais les fruits, mais pas à ce point-là...

- Hmmm... Oui, ch'aime surtout les apricots... et les pommes de terre...

- Ce ne sont pas des fruits...

- Eh, dites ! s'exclama alors Cerise. Vous êtes sûres que Cat est encore là ? On ne l'entend plus !

- Si, si, moi che l'entends, affirma Axelle. Elle est à côté de moi, elle fait des bruits bizarres...

- Ah... Elle agonise toujours..., constata Cerise, en écoutant plus attentivement le râle de douleur qui composait le bruit de fond.

- Eh ! Mais attendez ! sursauta Anna. S'il y a des gens qui montent dans le train, c'est peut-être pour moi ! Vous savez, le Monstrueux livre des monstres que j'ai eu gratuitement... Le vendeur a peut-être fait une erreur en me le donnant sans que je verse une Mornille... Peut-être qu'en fait il fallait que je le paye... Alors il a envoyé ses acolytes pour me retrouver dans le Poudlard Express, me reprendre mon livre, ou bien me faire cracher la monnaie...

La pro-Serdaigle avait dit cela avec des yeux déjà écarquillés d'effroi, et une voix tremblotante. A ses craintes, limite exagérées, ne suivit cependant aucun rire, aucune moquerie, mais plutôt un silence extrêmement tendu, uniquement perturbé par les gémissements de Cat.

- Ou alors, commença Axelle, peut-être qu'ils fiennent pour moi. Ce sont peut-être des représentants de la loi des sorciers, qui ont eu fent de l'accident que ch'ai eu ce matin, à King's Cross : à safoir que che me suis faite remarquer par une dizaine de Moldus, fonçant afec mon chariot, tête baissée et à corps perdu, sur une barrière métallique. Ils fiennent peut-être m'arrêter pour cette bourde que ch'ai commise...

- Les filles, dit alors Cerise, d'un ton résolu, ne vous en faites pas. Ce n'est pas pour vous que ces individus montent dans le Poudlard Express. C'est certainement pour moi. Je n'ai pas osé vous le dire, tout à l'heure, mais la possession d'un Géranium dentu est illégale. C'est une espèce protégée et en voie d'extinction. Les lois la concernant sont très strictes. Ces gens viennent donc sûrement pour m'arrêter, moi.

A cet instant, la porte du compartiment s'ouvrit en grand. Les quatre visages féminins se tournèrent en même temps vers l'entrée (oui, même celui de Cat, qui venait de se rétablir légèrement), et scrutèrent l'obscurité, pour essayer de voir qui se tenait sur le seuil. Car il y avait quelqu'un - ou du moins quelque chose - qui se dressait dans l'encadrement. Un être vraiment grand, au visage dissimulé par une cagoule noire, et entièrement enveloppé dans une cape ample et sombre. De longs morceaux d'étoffe déchirés flottaient autour de l'individu, se mouvant lentement, comme si le temps s'était arrêté.

- Qui est là ? s'écria Cerise, qui plissait les yeux pour mieux voir. Qui que vous soyez, enlevez au moins votre cagoule, qu'on puisse vous reconnaître !

A cette phrase, la lugubre créature fit un infime mouvement de son bras, révélant, entre les plis de tissus, une main repoussante. Une main visqueuse et grise, aux veines noires proéminentes, et à la peau pourrie et décomposée.

- KYAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHH !!! hurla Axelle, des larmes jaillissant soudain de ses yeux horrifiés.

- C'est un... C'est un..., bégaya Anna, qui était tout aussi terrorisée.

- Un Dé... Un Dé... Un Dédédétraqueur ! balbutia enfin Cat, plongée dans l'affolement général.

Le Détraqueur en question s'avança alors un peu plus dans la cabine, faisant entendre plus distinctement son râle effrayant. Il respirait lentement et bruyamment, comme s'il aspirait un air épais par la bouche, et comme s'il avait de très mauvais poumons (attention : fumer nuit gravement à la santé !). A ce bruit rauque vint alors s'ajouter un sifflement sorti de nulle part - ou plutôt des pieds de Cat. Pattemplomb était vraisemblablement sorti de sa panière brisée, et soufflait à présent d'effroi, à l'approche du Détraqueur, les crocs apparents et les moustaches hérissées autour de son museau.

- Pattemplomb ! appela Cat. N'aie pas peur ! Viens là ! Viens là !

La brunette se pencha vers le sol et tâtonna dans le noir avec ses mains, pour trouver son chat et le saisir (par les bourrelets). Elle l'attrapa avec peine, puis le souleva avec encore plus de difficultés, pour le faire tenir sur ses genoux. Mais le félin roux n'en finissait pas de siffler et de s'agiter en tous sens, comme un asticot, se débattant entre les mains de sa propriétaire, qui tentait de ne pas le lâcher.

- Miaôu !!!

- Calme-toi, Pattemplomb ! Et arrête de gigoter, bon sang ! se plaignit Cat, qui avait de plus en plus de mal avec son chat.

Le miaulement que celui-ci poussa fut plus fort que jamais : si fort, qu'il ressembla à un rugissement de lion. Au paroxysme de la panique, les yeux sortant presque de leur orbite, les oreilles couchées en arrière, Pattemplomb fit voler ses deux pattes avant à tout va, brassant l'air avec ses griffes déployées, et à une vitesse incroyable, lacérant entièrement les bras de la jeune fille qui le tenait.

- AAAAAAAARG !!! hurla à nouveau cette dernière, qui menait maintenant un véritable un corps à corps avec le chat enragé.

Ses avant-bras étaient en sang, tailladés de coupures. Un coup de griffe passa tout près de l'oeil gauche de la jeune sorcière, puis un autre évita de justesse sa bouche. Le suivant, cependant, ne la rata pas : Pattemplomb administra à Cat deux petites entailles sur la joue droite.

Pendant que la brune se battait avec son animal, les trois autres filles, elles, étaient prises de panique avec le Détraqueur.

- Non ! Pitié ! Pas moi ! suppliait Anna, qui écrasait littéralement Cerise, pour quitter sa place initiale et s'éloigner de la créature immonde. J'ai rien fait, je vous jure ! Si j'ai eu ce Monstrueux livre des monstres gratuitement, c'est uniquement parce que le libraire l'a bien voulu !

- Et moi, che n'ai fraiment pas fait exprès de foncer dans la barrière du quai 8 3/4 ! gémissait Axelle. Che me suis chuste trompée de barrière, c'est tout ! Che ne mérite pas Azkaban ! Pas Azkaban !

- Je n'ai rien à vous cacher, je vous assure ! protestait Cerise. Vous pouvez me faire une fouille au corps, je n'ai rien volé ! Je n'ai commis aucun crime ! Vous perdez votre temps, je vous dis !

- Bon, d'accord, c'est vrai que ça m'a un peu surprise quand le libraire m'a dit qu'il me donnait le Monstrueux livre gratuit. Mais que voulez-vous ? J'ai accepté ! Je ne pensais pas qu'il souhaiterait ensuite revenir sur sa décision... Bon, donc, si vous insistez, je veux bien vous le payer, là, maintenant. Il suffit juste que je retrouve mon porte-monnaie...

- Che sais que quelques Moldus m'ont fue exploser la barrière afec mon chariot, mais ils n'étaient fraiment pas nombreux ! A peine deux ! ... Bon, d'accord, ils étaient cinq... Aaaaah !!! Non, pitié, ne sortez pas fotre main ! D'accord, d'accord, ils étaient dix ! Et alors ? C'est uniquement de leur faute s'ils m'ont fue ! Ils n'afaient qu'à tourner la tête ailleurs !

- Très bien, j'avoue tout ! Je possède un Géranium dentu, alors que je n'en ai pas le droit ! Je possède cette plante alors que c'est illégal et que c'est une espèce protégée. J'ai commis un délit, je le reconnais. Vous pouvez donc me passer les menottes et m'emmener à Azkaban. Je vous rends également le Géranium dentu. Mais, je vous en supplie, je vous en conjure : ne lui faites pas de mal !

Sur ce, Cerise saisit le pot qui était posé sur le rebord de la fenêtre, et qui contenait la plante carnivore, puis tendit la créature au Détraqueur. Le Géranium dentu émit alors un énorme rugissement, qui venait du plus profond de sa tige, et qui donnait quelque chose de ce genre :

- GROAR !!!

Alors, par un phénomène inexpliqué et inexplicable, le Détraqueur poussa un râle un peu plus fort, qui fut interprété comme un râle de peur, avant de flotter à reculons, de sortir de la cabine plus tôt que prévu, et de refermer la porte du compartiment avec fracas. La créature quitta ensuite le couloir, et de longues minutes de silence total lui succédèrent. Tout s'était brutalement calmé, plus aucun bruit, plus aucun cri, mais seulement quatre visages complètement ébahis et hagards.

- Eh bien, fit Anna, en rompant le silence, je pense qu'on peut toutes remercier le Géranium dentu de Cerise !

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