Chapitre 15 : Sur la piste du loup


Le jeudi suivant, à l'heure du petit déjeuner dans la Grande Salle, Cat décida d'adopter une nouvelle coutume. Après sa fameuse résolution à boire fréquemment (pas trop quand même) de la Bièraubeurre (à consommer avec modération, hein !) - spiritueux à bulles, dont la couleur lui rappelait celle des yeux de Mr Lupin -, la brunette se promit qu'elle boirait désormais, tous les matins, un bol de chocolat chaud. Cette douce boisson, si agréable, si sucrée, si réchauffante, lui faisait bien trop penser au chocolat que lui avait offert son professeur adoré, lorsqu'elle l'avait rencontré pour la première fois dans le Poudlard Express. Hélas, elle ne se souvenait même plus du goût particulier de cette friandise qui lui avait été si gentiment proposée. C'était bien malheureux, car à présent la jeune fille ne pouvait dire si le chocolat qu'elle buvait était meilleur ou non que celui de son prof... Si seulement elle pouvait en goûter encore un morceau... Hmmm, c'était rêver...

En attendant, elle devait se contenter de son chocolat chaud, et c'était déjà bien. Il était très bon ! La Serdaigle, perdue dans ses songes, touillait pensivement sa boisson, observait les méandres de ce liquide brun clair, humait son parfum chocolaté, lorsqu'une voix masculine résonna derrière elle.

- Ne te noie pas dedans, surtout !

La jeune fille sursauta en lâchant sa cuillère, puis se retourna vivement. Coincoin lui faisait face.

- Hmmm..., fit Cat. Si je voulais vraiment me noyer, je pense que je le ferais dans le grand lac, plutôt que dans une tasse de chocolat chaud... Mais dis-moi, qu'est-ce que c'est que ces gouttes de sueur qui perlent sur ton front ? Tu as fait un footing dans tout le château, ou quoi ?

- Tu ne crois pas si bien dire, s'exclama Vince, en s'essuyant le front du revers de sa manche, ce qui laissa sous-entendre que la plaisanterie de son amie était vraie. Cat, il faut que je te parle... Tout de suite. C'est à propos de... Tu-sais-qui.

- Quoi ? Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom est dans le château ? s'horrifia Axelle, en se levant brusquement de table, prête à prendre la fuite à toutes jambes.

Son exclamation hystérique produisit le pivotement d'un bon nombre de têtes vers Cat et ses amis, et une vague de panique submergea bientôt une partie de la Grande Salle. « Quoi ? Vous-savez-qui est ici ? Il est de retour ? A moins que ce ne soit Sirius Black ? ». Voyant que les événements prenaient une tournure qu'il n'avait pas prévue, Vince agita ses bras en l'air, en s'écriant :

- Mais non ! Mais non ! Ne vous inquiétez pas ! La pauvre enfant ! Elle ne sait même plus ce qu'elle dit !

Au passage, il saisit l'abricot que la blonde tenait dans sa main, et le lui fourra dans la bouche, pour ne plus qu'elle parle. Puis il agrippa Cat par le poignet, et la tira avec lui, pour lui faire quitter les lieux.

- Toi, viens avec moi, lui dit-il simplement. Tu sais très bien de qui je veux parler.

Laissant la Grande Salle derrière eux, les deux amis s'engouffrèrent dans des escaliers, gravissant les marches sans perdre de temps, traversèrent de longs corridors au pas de course, puis atterrirent enfin dans un couloir que Cat connaissait bien : celui menant à la salle de Défense contre les forces du mal.

- Que s'est-il passé ? s'inquiéta alors la brunette, tandis que Vince parcourait le couloir d'un pas cette fois-ci plus modéré. Que lui est-il arrivé ? Il est retombé malade ? Il a été blessé ? Il... Il est mort ??? s'épouvanta la jeune fille, en s'arrêtant brusquement, obligeant Coincoin à stopper lui aussi sa marche et à se retourner vers elle.

- Ne sois pas bête, raisonna le Serdaigle. Je l'ai simplement pétrifié !

- TU AS QUOI ??? rugit Cat, qui ouvrit des yeux immenses et menaçants.

- Viens voir, se contenta de dire le garçon, en entraînant à nouveau son amie jusqu'au bout du couloir.

Arrivés à l'extrémité de ce corridor, les deux Serdaigle débouchèrent à gauche, dans un nouveau passage que Cat n'avait encore jamais exploré, mais dont elle avait pourtant un vague souvenir : c'était de ce mystérieux couloir qu'était venu le professeur Lupin, le jour où elle s'était cassée la figure devant lui. Emboîtant le pas à son ami, la jeune fille franchit ce couloir, puis, au lieu de continuer tout droit, tourna dans un embranchement, à droite, et enfin dans un couloir adjacent, à gauche. Elle entra, à la suite de Coincoin, dans ce nouveau corridor, un peu moins bien éclairé que les autres, mais dont la lumière tamisée lui permit tout de même de distinguer une chose étrange : un paquet orangé, posé en plein milieu du couloir... Un gros chat roux, étalé sur le dos, ses quatre petites pattes en l'air.

- Pattemplomb ! s'écria alors Cat, en se précipitant tout droit vers son animal de compagnie. Mais mon Dieu ! Que lui as-tu fait ? s'exclama-t-elle, en se retournant violemment vers Vince, les larmes aux yeux. Misérable vermicelle !!! J'aurai ta peau !!!

La brunette enragée se jeta sur le châtain et lui saisit la gorge de ses deux mains. Il fallut quelque temps avant que le martyr ne parvienne à se dégager légèrement de l'étreinte de sa tortionnaire et ne réussisse à s'exprimer, pour lui dire de se calmer, qu'il allait tout lui expliquer.

- Je t'écoute, lança Cat, en faisant craquer ses doigts, comme si elle se préparait à étrangler Vince une seconde fois.

- Eh bien voilà, commença celui-ci, d'un air plutôt énervé. Si tu dois t'en prendre après quelqu'un, c'est après ton chat, pas après moi. Figure-toi que ce matin, vers les sept heures, je parcourais les couloirs du château sous ma forme d'Animagus...

- Pourquoi tu te promenais dans Poudlard d'aussi bonne heure ? s'interloqua la brunette.

- Plus c'est tôt, mieux c'est, expliqua Vince. A cette heure-ci, il n'y a pratiquement personne dans les couloirs. Ma forme d'Animagus me sert également à me dissimuler plus facilement, ou bien à faire croire à qui me surprendrait que je ne suis qu'un simple canard. Je peux ainsi me balader entre les murs du château, à la recherche de passages secrets à explorer. Bref, ce matin, je marchais d'un pas paisible, seul au septième étage, observant d'un oeil curieux chaque recoin du corridor que je parcourais...

- Viens-en au fait, Vertilleul ! s'impatienta Cat.

- ... Lorsque ton chat s'est mis à me courir après ! termina Vince, d'un ton rageur. Sur le coup, je ne l'ai pas vu arriver : j'étais bien trop occupé à observer cette fissure, dans le mur de droite. Mais soudain, j'ai entendu de gros bruits de pas précipités, derrière moi. J'ai d'abord cru que c'était un élève ou un prof qui arrivait, mais enfin je me suis rendu compte que c'était ton chat.

- Arrête, il est quand même pas si gros, protesta la jeune fille.

- En le voyant foncer droit sur moi, j'ai failli rester paralysé d'effroi. Crois-moi, avec la taille que j'avais, j'ai eu l'impression que c'était un lion qui m'arrivait dessus. Mon petit coeur était à deux doigts de s'arrêter. Heureusement, je me suis ressaisi, et mes instincts primitifs ont refait surface...

- Tu t'es envolé ?

- Non, tu sais bien que je ne maîtrise pas encore tout à fait le vol. Dans un couloir, qui plus est, c'est assez dangereux : il y a d'énormes risques pour que je heurte un mur. Non, j'ai tout simplement... pris mes palmes à mon cou. J'ai couru du plus vite que j'ai pu, pour lui échapper, et crois-moi que ce n'est pas évident de sprinter avec des palmes...

- J'imagine..., s'exclama Cat, en se représentant mentalement un petit canard colvert, agitant ses palmes jaunes à une vitesse prodigieuse, ce qui la fit sourire.

- Oui, et imagine surtout le nombre de kilomètres que j'ai dû parcourir ainsi ! s'irrita Vince. J'avais ce gros chat affamé à mes trousses, qui était à quelques malheureux centimètres derrière moi : impossible de m'arrêter, ne serait-ce que pour me concentrer et reprendre ma forme humaine ; il m'aurait sauté dessus et mangé tout cru. Non, j'étais obligé de courir sans relâche, dans une fuite perpétuelle. Cette course-poursuite m'a fait traverser pratiquement la totalité du château. Au bout d'une demi-heure, arrivé au troisième étage, j'étais éreinté, au bord de l'arrêt cardiaque. J'ai risqué un nouveau regard en arrière : Pattemplomb suivait toujours, mais il semblait aussi essoufflé que moi - voire même plus, compte tenu de sa corpulence, qui l'empêche d'être très endurant. Voyant que quelques centimètres de plus nous séparaient, j'ai foncé à toutes vitesses, pour m'engager dans un nouveau passage, disparaissant ainsi quelques instants de la vue du monstre. Pendant ce laps de temps où j'ai été en sûreté, j'ai pu me métamorphoser et regagner ma forme humaine. Enfin, j'ai sorti ma baguette, et, sans pitié, j'ai lancé un Petrificus Totalus sur ta créature, pour la neutraliser une bonne fois pour toutes. Ah ! La sale bête ! Elle l'a bien cherché ! Elle a failli me manger, tout de même ! J'ai eu la peur de ma vie !

- Ca t'apprendra, aussi, à te balader tout seul dans les couloirs, sous forme de canard ! Les chats sont attirés par les oiseaux, c'est naturel ! C'est ce qu'on appelle la chaîne alimentaire !

- Comme si ton chat n'était pas suffisamment gros comme ça... Il faut aussi qu'il trouve le besoin de partir à la chasse...

- En tout cas, merci de lui avoir fait faire de l'exercice ! s'exclama Cat, avec un sourire radieux. Grâce à toi, il a dû perdre quelques kilos !

- Il aurait pu les retrouver en me mangeant ! Oh, ciel ! frissonna Vince, encore sous le choc.

- C'était donc Pattemplomb, le mystérieux « Tu-sais-qui » ? demanda la jeune fille, avec une pointe de déception dans la voix. J'avais cru que c'était...

- Que c'était qui ? se préoccupa Coincoin. Mr Lupin ?

- Ben...

- Bien sûr que c'est lui ! lança le châtain, en souriant devant l'air soudainement plus enjoué de son amie. Figure-toi que, pendant ma folle course-poursuite pour échapper aux griffes du félin, je me suis retrouvé bec à nez avec ton chéri ! C'était dans le couloir d'à côté, vers les sept heures et demi. Je venais juste de jeter un dernier coup d'oeil à la bête derrière moi, pour voir où en était sa résistance, lorsque, en me retournant pour continuer ma course tout droit, je me suis aperçu que nous n'étions pas les seuls dans le couloir : un homme avançait vers nous, et il n'était plus qu'à quelques mètres de moi. C'est en levant la tête très haut - d'ailleurs j'ai failli attraper un torticolis - que j'ai pu voir son visage, et comprendre qu'il s'agissait de Lupin.

- Ah ah ! rigola Cat, les joues rosissantes. C'est vrai que tout doit paraître plus grand, du point de vue d'un canard. Mr Lupin, qui est déjà grand d'origine, a dû te sembler être un géant.

- M'en parle pas ! Surtout que, quand j'ai vu qu'il avait l'air plutôt endormi, mais qu'il marchait malgré tout assez vite, j'en ai conclu qu'il n'allait certainement pas me voir, et qu'il risquait de m'écraser d'une seconde à l'autre. Prenant bien vite conscience que j'étais coincé dans un étau, et sachant qu'il était impossible pour moi de m'arrêter (sinon la créature velue derrière moi allait me dévorer), je me suis rendu compte qu'il ne me restait plus qu'une seule solution : m'envoler.

- Quoi ? sursauta la brunette. Mais je croyais que c'était trop dangereux ! Que dans un couloir c'était beaucoup trop risqué !

- Je n'avais pas le choix ! se justifia Vince.

- Attends, là ! fit soudain Cat, redoutant que quelque chose de grave soit arrivé. Tu ne lui as pas fait mal, j'espère ? Tu ne l'as pas blessé, avec ton bec, ou tes ailes, ou tes palmes, ou je ne sais quoi d'autre ? Je t'assure que si c'est le cas, tu vas le payer très cher, Vertilleul ! Que tu lui aies crevé un oeil, ou que tu lui aies causé une quelconque blessure, ne serait-ce qu'une égratignure de plus sur son visage, et ma vengeance sera sans limite !

- Calme-toi, voyons ! la raisonna Vince. Si j'avais heurté le professeur Lupin, tu l'aurais retrouvé étalé dans un couloir, comme ton chat ! Mon envol s'est bien déroulé ! Ca se voit que tu n'as pas confiance en mes capacités...

- C'était ton premier essai, aussi, fit remarquer la jeune fille.

- Eh bien, on peut dire que j'ai réussi du premier coup ! Enfin... C'est vrai que le décollage a été un peu dur, voire catastrophique. Mais j'étais paniqué, tu sais ! Et ce n'est pas évident de savoir à quelle puissance battre des ailes pour décoller de un mètre, ou bien d'équilibrer l'impulsion dans chaque aile. Ca m'a valu quelques petits déséquilibres, et j'ai plusieurs fois basculé. Finalement, j'ai réussi à passer entre le mur de droite et Mr Lupin. Mon aile droite a failli s'accrocher à un tableau, et mon aile gauche a frôlé la joue du prof.

- Ouaaah ! La chance ! s'extasia Cat, avec envie. C'était comment ?

- Avec mes plumes, j'ai rien senti, trancha Vince, d'une façon catégorique. Toujours est-il que je l'ai bien surpris, le pauvre Lupin ! En me voyant filer à quelques centimètres de sa tête, crois-moi qu'il s'est réveillé ! Je ne sais pas s'il s'est retourné pour me voir disparaître au bout du couloir, mais en tout cas il a dû croiser Pattemplomb. Le chat aussi a sûrement eu peur, en remarquant cet obstacle immense. C'est d'ailleurs ça qui l'a retardé, et qui m'a permis de gagner du temps pour me métamorphoser et pétrifier le félin dans un autre couloir.

- Quelle aventure...

- Oui... Et encore heureux que je n'aie pas foncé dans ton prof chéri en m'envolant. Sinon, tu ne l'aurais pas encore vu pendant une semaine...

- C'est malin..., commenta Cat. C'était donc pour me raconter cette histoire que tu m'as fait venir jusqu'ici ?

- Oui et non... C'est aussi pour te faire part des informations capitales que je détiens désormais sur Mr Lupin !

- C'est-à-dire ? demanda la sorcière, d'un oeil sceptique.

- Tu ne vois vraiment pas de quoi je veux parler ? s'étonna le châtain. Je t'ai pourtant expliqué que j'avais failli rentrer en collision avec le professeur Lupin, dans le couloir d'à côté. Or, ce couloir, si on le longe dans le sens opposé à celui qui mène vers la salle de Défense contre les forces du mal, on ne débouche que dans un seul autre couloir : celui dans lequel nous sommes actuellement. Et si on continue à avancer, on tourne à droite, et on arrive dans un seul autre couloir, qui conduit directement à des escaliers montants... Tu vois où je veux en venir, maintenant ?

- Euh..., répondit Cat, en se grattant la tête. J'ai pas tout compris, avec tes histoires de couloirs... Tu expliques tellement mal !

- Ce que je cherche à te faire comprendre, Cat, s'impatienta le garçon, c'est que je sais d'où vient Mr Lupin !

- Ah bon ? sursauta Cat. Et d'où vient-il ???

Les épaules de Vince s'effondrèrent, comme si toutes ses explications n'avaient servi à rien.

- Il vient des escaliers qui montent !

- Ah ! Et c'est tout ? Tu n'en sais pas plus ? Je croyais que tu avais réussi à trouver le lit dans lequel il avait dormi !

- Non... Non, désolé de te décevoir, mais je n'ai pas remonté la source aussi loin... C'est à toi de le faire, maintenant...

- Hmmm... Et tu as relevé l'heure à laquelle tu l'as vu ?

- Vers les sept heures et demi, je t'ai dit...

- C'est beaucoup trop vague ! Je veux des minutes précises ! Des secondes !

- La prochaine fois, tu prendras une horloge...

- Je n'y manquerai pas ! répondit la jeune fille, sur un ton de défi, tandis qu'elle passait une main sous sa manche gauche, pour chercher quelque chose. Alors, si tu l'as vu dans le couloir à sept heures et demi, ça veut donc dire qu'il commence ses cours à huit heures... C'est bien ce que je pensais...

- Pas sûr...

- Si, si, c'est sûr !!! trancha Cat, d'une voix hystérique, alors qu'elle prenait des notes sur le mini calepin qu'elle venait de sortir de sa manche.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? s'intrigua Coincoin, en se penchant au-dessus du carnet, pour voir ce que son amie marquait.

Sur la petite feuille que Cat griffonnait était représenté un tableau, aux traits soigneusement tracés, dont la plupart des cases étaient vides, exceptées celles de la première ligne, qui étaient remplies par : lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, et d'autres cases, un peu éparpillées, complétées par des noms de classe : Poufsouffle première année, Serdaigle cinquième année... C'était l'emploi du temps du professeur Lupin qu'elle essayait de retranscrire.

- Eh eh ! s'exclama Cat, sous les yeux éberlués de son camarade. J'espère pouvoir le finir avant la fin de l'année ! ajouta-t-elle, pleine d'espoir.

- Tu voudras que je te donne mon emploi du temps, pour voir à quelles heures j'ai cours avec Mr Lupin ? proposa Vince, en haussant les sourcils.

- Avec joie !!! répondit Cat, d'une voix de démente.

- Bon, eh bien sur ce, je vais te laisser..., annonça le garçon, qui jugea qu'il était temps pour lui de quitter une fille qui devenait de plus en plus folle. J'ai un petit déjeuner à aller prendre, pour récupérer les calories que j'ai perdues ce matin. Je te laisse aussi ma cape d'invisibilité : tu peux la garder, elle te sera plus utile qu'à moi. Surtout si tu pars à la recherche de l'endroit d'où vient Mr Lupin, et que tu te balades la nuit dans les couloirs. Ah oui ! Et j'oubliais !

Vince sortit sa baguette magique de sa poche, et la pointa vers Pattemplomb.

- Finite incantatem !

- Miaôu !

Moins d'une semaine suffit à ce que Cat planifie l'entièreté de sa mission, qui allait lui permettre de connaître l'origine du professeur Lupin. Tout avait été savamment calculé : l'heure à laquelle elle allait se ramener au troisième étage, les excuses qu'elle allait sortir, si jamais elle se faisait pincer (du banal « Je me suis perdue » au fantaisiste « Je ne sais pas ce qui m'a pris... J'ai dû être ensorcelée par le sortilège de l'Imperium... »), et enfin, la cape d'invisibilité, qu'elle avait soigneusement cachée sous son lit.

L'attaque étant programmée pour le jeudi 3 décembre, au petit matin, inutile de préciser que, le mercredi au soir, Cat eut bien du mal à s'endormir. Elle était à la fois excitée et inquiète, nerveuse et euphorique. Tout allait-il bien se passer ? Cat pourrait-elle enfin découvrir l'endroit où logeait Mr Lupin ? Aucun incident n'allait-il survenir ? Et si jamais elle se faisait coincer par Rusard ? Et si jamais c'était le prof lui-même qui la surprenait en train de l'espionner ? Non. Elle avait la cape de Vince, se dit-elle pour se rassurer. Avec cela, elle serait en sécurité, et pourrait oeuvrer sans être remarquée. C'était tout de même plus facile que si elle partait à l'aventure sans la tranquillité d'être invisible. Cette idée ne la calma cependant pas plus que ça, et ne l'empêcha pas de passer une nuit passablement agitée.

Le lendemain, la jeune fille fut réveillée par de brusques vibrations dans sa tête, qui firent s'entrechoquer ses dents de manière frénétique. Au bout de trois secondes qui lui permirent de prendre conscience de ce qui se passait, elle se redressa en sursaut, les yeux légèrement écarquillés, puis se retourna et plongea sa main sous son oreiller. Après quelques tâtonnements, elle en retira l'énorme réveil qu'elle avait ensorcelé la veille pour que sa sonnerie devienne silencieuse, et pour que seules les vibrations que produisaient les deux clochettes métalliques se fassent ressentir. Plissant les yeux, comme pour mieux voir à travers la pénombre du dortoir, la brunette distingua les aiguilles qui indiquaient, comme prévu, sept heures du matin. Elle balaya ensuite la salle obscure du regard, pour s'assurer qu'aucune fille n'avait été réveillée avec elle, puis se tranquillisa en constatant que tout le monde était encore endormi. Il était maintenant temps de se lever. En douceur, elle attrapa la cape d'invisibilité planquée sous son lit, ainsi qu'un petit tas de vêtements, sortit délicatement de son lit, et se mit debout. Certes, si elle passait directement sa cape sur ses épaules, personne n'allait voir qu'elle était en pyjama en-dessous. Mais si jamais quelqu'un la heurtait et soulevait sa cape par mégarde ? Cat trouvait bon de revêtir d'avance son uniforme de Serdaigle, car elle tenait à sa dignité, tout de même.

Elle n'aurait pourtant pas dû, car lorsqu'elle sortit de la salle de bains à pas feutrés, enfin prête et invisible, elle constata avec horreur, sur son réveil, qu'il était déjà sept heures vingt... Elle quitta alors la salle commune le plus silencieusement - mais le plus rapidement - possible, et dévala les escaliers, en se disant avec panique que c'était incroyable, qu'elle s'était pourtant dépêchée du mieux qu'elle avait pu, elle qui restait habituellement trois quarts d'heure dans la salle de bains. La folle invisible atteignit sans dommage le troisième étage, et se précipita vers le couloir menant à la salle de Défense contre les forces du mal, priant pour qu'elle n'y rencontre pas déjà le professeur Lupin, car sinon sa mission ne lui aurait servi à rien.

Par chance, elle ne trouva personne dans ce couloir, et put gagner celui du fond à gauche. Il s'agissait maintenant pour elle de remonter la source au plus loin : plus éloigné serait l'endroit où elle allait rencontrer Mr Lupin, plus précise serait la localisation de ses appartements. Cat tourna bientôt à droite, débouchant dans le corridor où Vince (sous sa forme de canard) avait soit disant croisé le professeur Lupin, une semaine plus tôt, puis atterrit dans un nouveau couloir, à gauche : celui dans lequel Pattemplomb avait été pétrifié. Le coeur de la jeune fille commença alors à battre plus vivement : ici commençait l'inconnu, ici commençait l'aventure.

Vince avait dit que si elle longeait ce couloir tamisé, elle arriverait dans un autre, qui conduirait à un escalier. Il ne s'était pas trompé : au bout d'un long corridor - dans lequel Cat n'avait encore jamais mis les pieds -, encore plus sombre que le précédent, notre amie réussit à apercevoir les marches montantes d'un petit escalier de pierres. Elle s'y dirigea d'une vive allure, et, sans réfléchir, commença à gravir les marches. Il ne pouvait faire de doute que cet escalier servait de raccourci. Sa largeur était diablement restreinte, par rapport à celle des escaliers qu'empruntaient journellement les élèves. Cette étroitesse ne pouvait faire passer qu'une seule personne. Et ce passage était tellement obscur... Cat se demandait bien comment pouvait faire Mr Lupin pour ne pas tomber dans cet escalier si petit et si noir.

Son coeur se souleva alors : et si jamais le professeur Lupin était en ce moment même en train de descendre cet escalier, alors qu'elle le montait ? Et si jamais il n'était plus qu'à quelques centimètres d'elle, au prochain tournant ? La rencontre allait être inévitable, un choc allait en résulter ! L'enseignant et l'élève allaient se cogner l'un contre l'autre, et l'étudiante allait être projetée en arrière, dévaler toutes les marches, et ensuite devoir faire face aux questions du prof !

A présent, le coeur de Cat battait à cent à l'heure. Avec cet escalier qui n'en finissait pas de monter, il y avait des raisons d'être terrifiée. A chaque tournant, c'était une nouvelle montée d'adrénaline qui la submergeait. A chaque tournant, c'était une nouvelle peur, un nouveau risque de se heurter à Mr Lupin. Ses doigts, crispés sur sa baguette magique qu'elle avait résolument sortie, tremblaient horriblement. Après un cinquième virage à angle droit, Cat fut au bord de la folie et de la crise de nerfs. Avec ce qui lui restait de lucidité, elle se demanda s'il ne valait mieux pas faire marche arrière et redescendre tout ce qu'elle avait gravi. Mais la résolution qu'elle avait, à toujours accomplir un travail jusqu'au bout, le trop grand orgueil personnel qu'elle possédait et qui la faisait prendre en haine toute lâcheté, l'incitèrent à monter les dernières marches restantes, et bientôt elle se rendit compte qu'elle avait bien fait.

Enfin, l'escalier se termina en donnant accès à un nouveau couloir, éclairé de flambeaux. D'après ses calculs (elle avait compté en tout six tournants), Cat se trouvait au cinquième étage. L'escalier qu'elle avait emprunté assurait donc le lien entre le troisième et le cinquième niveau, mais faisait une impasse totale sur le quatrième. Légèrement plongée dans cette réflexion - et soulagée, aussi, de ne pas être tombée sur le professeur Lupin dans l'escalier -, la Serdaigle fit trois pas dans le long corridor inconnu. Mais elle n'eut pas le temps d'en faire plus, car déjà, à plusieurs mètres devant elle, tout au bout du couloir, émergea Remus Lupin.

Le coeur de la jeune fille fit un triple bond. Elle ne s'était pas du tout attendue à le voir arriver si tôt. Mais en fin de compte, il devait bien être aux environs de sept heures et demi... Notre amie regarda hâtivement les aiguilles du gros réveil qu'elle avait emporté avec elle et dissimulé sous sa cape d'invisibilité : effectivement, il était sept heures vingt-huit minutes et trente-deux secondes. Cat nota l'heure dans sa tête, et se promit de la répéter à Vince dès qu'elle le verrait. En attendant, le professeur Lupin arrivait droit vers elle, et, bien sûr, il ne savait pas qu'elle était là. Il fallait donc que la jeune sorcière se trouve un endroit où se cacher. Ce n'était pas bien difficile : juste à sa droite, il y avait un autre couloir, aussi long que celui auquel elle faisait face. Elle pouvait donc s'y réfugier, et attendre que le professeur Lupin lui passe à côté et atteigne les escaliers. Mais avant de se mettre à l'abri, la brunette préféra rester là, entre les escaliers et Mr Lupin, pour l'observer encore quelques instants, et attendre qu'il arrive plus près d'elle.

C'était vrai qu'il ne paraissait pas très réveillé. Vince l'avait bien dit, et il ne s'était pas moqué. Mr Lupin trimballait sa valise en cuir noir au bout d'un bras qui semblait las, l'autre bras s'efforçant de se balancer d'avant en arrière, d'un geste mécanique, pour assurer le rythme plutôt rapide de la marche de l'enseignant. Il n'empêchait que l'homme avait les épaules un peu basses, et le dos légèrement voûté, si bien que Cat le sentait prêt à s'étaler en avant. Sa tête était également baissée, ses paupières lourdes recouvrant plus de la moitié de ses yeux, il contemplait d'un regard absent les dalles du sol sur lequel il marchait - ou bien ses belles chaussures noires à lacets, un peu abîmées. Cat se demanda brièvement si le professeur Lupin l'aurait aperçue, si jamais elle avait oublié de revêtir sa cape. Elle en doutait...

Outre cela, il était tout de même bien habillé, correctement peigné, et proprement rasé (la moustache intacte, évidemment). A nouveau bercée par le charme qu'il lui inspirait, oubliant les soupçons qu'elle avait eus sur lui il y avait à peine quelques jours, Cat se demanda si elle pouvait profiter de cette occasion pour s'élancer vers lui et lui sauter au cou, couvrir ses joues de baisers. Au moins, il serait un peu plus réveillé... Mais avant qu'elle n'ait pu juger si cette idée était faisable ou non, elle s'aperçut que son prof chéri n'était plus qu'à trois mètres d'elle, et elle préféra se mettre en sûreté dans le couloir de droite.

Comme prévu, l'enseignant passa près d'elle, sans la voir, et s'engagea enfin dans le petit escalier sombre. L'élève attendit quelques instants, le temps que les bruits de pas dans l'escalier s'estompent (priant au passage pour que Mr Lupin ne loupe aucune marche), puis sortit de sa cachette, pour s'aventurer enfin dans le long corridor que venait de traverser l'enseignant. Sans vraiment s'en rendre compte, la jeune fille souriait jusqu'aux oreilles de satisfaction. Elle avait même envie de pousser des petits rires euphoriques, même si elle savait qu'elle devait rester silencieuse. Son coeur continuait de battre énergiquement, mais, cette fois-ci, il battait de joie, d'excitation et de fierté. Elle avait réussi ! Oh, pas totalement, encore, mais elle avait tout de même réussi une partie ! Elle n'était pas arrivée trop tard, elle n'avait dû subir aucun incident, et elle était parvenue à rencontrer Mr Lupin à un endroit plus éloigné que celui dans lequel Vince l'avait croisé : un endroit, à vrai dire, dans lequel elle n'aurait jamais mis les pieds.

Il était venu de là-bas, tout au fond du couloir. Cat y avança donc avec entrain, se disant que tout ceci était fort amusant, et ressemblait presque à un jeu de piste, ou à une partie de chasse. La chasse au loup, dans ce cas... « Hmmm... Non mais vraiment ! » grogna la jeune fille, en secouant négativement la tête, pour balayer de son esprit cette absurde pensée, qui revenait accompagnée des habituels soupçons. A cet instant, un nouvel embranchement se présenta à sa droite. Elle pensa avec soulagement qu'au moins elle savait que son prof ne venait pas de là, et qu'elle n'aurait pas à faire de recherches inutiles dans cette direction. Elle continua ainsi sa marche droit devant, et atteignit enfin le bout du long corridor.

Le seul problème était maintenant qu'elle se confrontait à deux possibilités : soit partir à gauche, soit partir à droite, et elle n'avait aucune idée du côté duquel avait émergé le professeur Lupin... A droite, c'étaient de nouveaux escaliers, étrangement semblables à ceux qu'avait grimpés Cat. A gauche, un autre couloir se prolongeait. Légèrement marquée par la mauvaise impression que lui avaient laissée les escaliers précédents, et par cet insupportable sentiment d'effroi qu'elle avait ressenti en les escaladant, la brunette préféra s'engager à gauche. Mais elle s'aperçut bientôt que le couloir dans lequel elle s'était engouffrée conduisait à une infinité d'autres couloirs adjacents, multipliant ainsi considérablement les probabilités que Mr Lupin soit venu d'ici ou de là, ou de par ici ou de par là. Et si jamais la jeune fille s'engouffrait dans un de ces passages, celui-ci pouvait conduire à trois autres différents, qui eux-mêmes pouvaient conduire à neuf autres. Et, au final, la jeune fille allait se perdre.

Préférant jouer sur la sécurité et la raison, elle rebroussa finalement chemin, refusant toujours d'emprunter les seconds escaliers douteux. Après tout, même si elle n'avait pas réussi à trouver l'endroit exact où logeait son prof chéri, elle ne repartait pas les mains vides : elle était parvenue à remonter la source un peu plus loin, à gagner quelques mètres. La prochaine fois, elle essayerait d'en faire de même, cette fois-ci en se plaçant au niveau des seconds escaliers et du couloir de gauche. La prochaine fois... Jeudi prochain ? Petit à petit, et à force de persévérance, elle finirait bien par remonter la piste du loup jusqu'au bout, et par découvrir sa tanière ! Mais... Qu'est-ce qu'elle racontait ? Mr Lupin n'était pas un loup-garou !

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Le jeudi suivant, Cat se réveilla à six heures et demi. L'endormie dut avouer que l'idée de se lever à cette heure-ci était encore plus pénible que la semaine dernière... Mais bon, après tout, c'était pour la bonne cause ! Et il était nécessaire de se réveiller avec une demi-heure d'avance par rapport à la fois précédente : d'une part, c'était pour qu'elle puisse s'habiller plus tranquillement, sans avoir peur d'arriver en retard ; d'autre part, c'était parce qu'elle devait croiser Mr Lupin plus près de l'endroit d'où il sortait, donc plus tôt.

A sept heures, Cat fut prête, et, quelques dix minutes plus tard, la folle invisible était à son poste : au cinquième étage, au beau milieu du couloir adjacent à celui qu'avait traversé Mr Lupin, jeudi dernier. A gauche de la jeune fille se trouvait donc le bout du corridor, à droite montaient les seconds petits escaliers. Elle se demandait bien d'où allait sortir le prof... « Hmmm... On parie ? » songea-t-elle, en souriant vaguement. Mais ce n'était pas le moment de jouer. Pour l'instant, il fallait rester sérieuse : Mr Lupin pouvait émerger de n'importe où (enfin, seulement de deux côtés). Il fallait donc se maintenir concentrée, les oreilles aux aguets, les yeux furetant à gauche et à droite en permanence...

Dieu qu'elle avait froid ! La pauvre élève serrait contre elle sa cape d'invisibilité, comme si ce vêtement magique allait la réchauffer, mais il n'avait vraisemblablement que le pouvoir de la rendre transparente, car elle grelottait toujours autant. Si seulement elle avait dû attendre dans l'autre couloir, qui était éclairé de torches et qui était ainsi baigné dans une température agréable... Mais celui dans lequel elle stagnait était dépourvu de flambeaux, et donc plongé dans une demi obscurité et une atmosphère frigorifique. Après dix minutes d'attente qui lui semblèrent une éternité (Cat ne cessait de jeter des coups d'oeil impatients à son réveil, presque à chaque minute), la jeune fille commença à claquer des dents et à avoir les membres tremblants. La tension était presque à son comble, au bord de taper sur les nerfs de la brunette. Il était sept heures vingt-cinq : si Mr Lupin ne se dépêchait pas un peu, Cat allait vraiment mourir de froid. Sept heures vingt-huit. Mais qu'est-ce qu'il faisait, bon sang ? Etait-il en retard, ou bien... Ou bien était-ce Cat qui était arrivée en retard ? Son coeur se souleva, ses yeux s'horrifièrent. Non ! Impossible ! A quelle heure était-elle arrivée ici, déjà ? A sept heures dix... Non, ce n'était pas possible que Mr Lupin soit passé par là avant sept heures dix... Il n'aurait pas pu avoir autant d'avance... A quoi cela lui aurait-il servi, s'il ne commençait ses cours qu'à huit heures ? Et, ciel ! Qu'il faisait froid ! Il faisait glacial, oui ! Cat voulait bien croire que le mois de décembre expliquait ce climat polaire, mais tout de même ! Ce couloir aurait quand même pu être chauffé ! Ou bien était-ce juste l'appréhension de la brunette qui la faisait trembler ainsi ? Non. Il faisait vraiment un froid de loup...

A l'instant même où elle songeait à cette expression, Cat perçut des bruits de pas venant de sa droite. Son coeur sursauta à nouveau, avant de se lancer dans des battements effrénés. Ca y était ! Quelqu'un arrivait ! Etait-ce lui ? Ou bien était-ce un autre professeur ? Un élève ? Rusard ? Avec cet élan d'affolement et d'excitation qui la parcourait comme la dernière fois, la Serdaigle scruta les marches obscures du petit escalier, jusqu'à ce que des chaussures et le bas d'un pantalon apparaissent. C'était lui ! C'était lui ! Cat le reconnut dès le premier instant où elle vit ses chaussures noires à lacets, et le bout de son pantalon vert épinard au pli soigné. Le même homme endormi que jeudi dernier quitta les escaliers et tourna directement à angle droit, dans le long couloir principal, éclairé de torches. Il disparut ainsi de la vue de la jeune fille, mais celle-ci avança pour s'approcher des escaliers, et jeta un regard en direction du corridor que parcourait à présent Mr Lupin. Elle l'observa de dos avec admiration, et, au fur et à mesure qu'il s'éloignait d'elle, elle se demandait si ce n'était pas le moment de lui courir après et de lui sauter dessus, comme elle y avait songé la semaine dernière. Cela ferait d'une pierre deux coups : elle pourrait le réveiller, et elle pourrait aussi se réchauffer ! Mais avant que cette idée folle ne quitte son esprit, le professeur Lupin disparut dans les sombres escaliers qui conduisaient au troisième étage.

Cat sortit de son extase, et se rappela alors qu'elle se trouvait juste à côté des nouveaux escaliers mystérieux par lesquels était descendu Mr Lupin, quelques secondes plus tôt. Oh, n'aurait-il pas pu sortir d'autre part que de ces escaliers ? Ils n'inspiraient vraiment rien de bon à Cat. Elle les scruta d'ailleurs avec une moue sceptique, sa main droite déjà serrée sur sa baguette magique qu'elle avait sortie. Mais, après tout, si Remus Lupin venait d'emprunter ces escaliers, cela voulait dire qu'il n'y avait plus rien à craindre... La brunette s'aventura donc dans cet obscur passage, avec un peu plus de confiance, et commença à gravir les marches. Cet escalier ressemblait en tout point à celui qui permettait de faire le lien entre le troisième et le cinquième étage : il était aussi sombre, aussi étroit, et opérait, comme l'autre, de multiples tournants, toujours dans le même sens, de quoi rendre folle une personne trop nerveuse et trop paranoïaque (un peu comme Cat, en fait). La jeune fille s'était cependant rassurée en se disant qu'elle n'avait désormais plus aucune chance de se cogner contre le professeur Lupin, et, comme elle finissait par connaître ce genre d'escaliers, elle le grimpa sans trop de peur.

Au bout du sixième tournant, comme elle s'y était attendue, elle émergea dans un énième couloir inconnu. Elle en conclut que cet escalier lui avait permis d'accéder directement au septième étage, suivant le même principe que l'escalier précédent, c'est-à-dire faisant abstraction d'un niveau, en l'occurrence le sixième. A présent, il lui fallait inspecter ce grand corridor. Avec une légère désolation, la jeune constata qu'il n'y avait toujours aucune trace d'un quelconque appartement de prof. Il s'agissait encore simplement d'un couloir. Certes, il était très beau, très long, assez spacieux, bien éclairé, avec ces multiples flambeaux qui crépitaient d'un feu rougeoyant, bien décoré, avec tous ces tableaux accrochés de part et d'autre du passage.

Un petit cri de crécelle attira l'attention de la Serdaigle, qui tourna sa tête à gauche, pour observer la peinture à l'huile qui représentait un couple de cigognes et leur bébé, tous les trois confortablement installés dans leur nid. Les parents cigognes donnaient la becquée à leur petit, et ses piaillements amusaient Cat. Curieuse, notre amie se promena distraitement dans le couloir. Celui-ci ne possédait aucune porte : uniquement des tableaux. Et toutes ces peintures représentaient des animaux. Des girafes, des lions, des paons, des papillons, des renards... Il y en avait de toutes sortes. Cat souriait, car elle voyait que tous dormaient à poings fermés, en cette heure matinale. Il n'y avait apparemment que les cigognes qui avaient été courageuses et qui s'étaient réveillées de bonne heure. Atteignant le bout du couloir, notre amie passa à côté d'un gros éléphant dont la trompe produisait des ronflements impressionnants, puis accéda à un nouveau passage, sur la droite. Elle ne mit pas beaucoup de temps à se rendre compte que ce couloir débouchait sur une dizaine d'autres différents, et perdit bien vite espoir. C'était toujours le même problème qui se présentait : Cat se confrontait à un nombre incalculable de possibilités...

Poussant un soupir d'agacement, elle ne prit même pas la peine de poser un pied dans ce nouvel embranchement (elle savait qu'elle allait y perdre son temps), et retraversa fébrilement le couloir aux animaux en sens inverse. C'était à se demander où diable le professeur Lupin habitait ! Incroyable ! Un tel dédale, à parcourir chaque matin ! Et, si ça se trouvait, Cat n'avait découvert qu'un dixième du chemin emprunté par Mr Lupin ! Combien d'années lui faudrait-il pour remonter ce chemin jusqu'au bout ? Etait-elle sûre d'y parvenir avant d'avoir fini ses études et de devoir quitter Poudlard ? Mais oui ! Ne soyons pas pessimistes ! Jeudi prochain, elle ferait sa troisième tentative. Jeudi prochain, elle trouverait enfin l'endroit où le professeur Lupin habitait ! Sûr !

La semaine suivante passa plus rapidement que prévu. La quantité de devoirs que leur donnaient les profs, en ces ultimes jours de cours avant les vacances de Noël, en était certainement la cause. Le dernier mercredi soir, Cat était plongée dans des révisions accrues, se préparant au contrôle de Potions qui l'attendait pour le lendemain après-midi, et qu'elle ne souhaitait rater pour rien au monde : au cours du premier trimestre, elle s'était effectivement découvert certains talents pour la préparation des Potions (il en allait de même, bien sûr, avec la Défense contre les forces du mal !). Ce bachotage finit cependant par occuper toute la concentration de Cat, et, au moment d'aller se coucher, la jeune fille oublia totalement d'installer son réveil sous son oreiller. Si bien que, le lendemain, elle ne se réveilla pas à six heures, mais à neuf heures, comme la plupart des élèves de sa classe, et rata ainsi lamentablement sa chance de découvrir la suite du chemin emprunté par Mr Lupin.

Profondément en colère contre elle-même, bougonnant toute seule comme si elle s'était levée du mauvais pied, Cat se dit pour se consoler que ce n'était pas très grave, que c'était simplement repoussé à la prochaine fois. Oui, mais la prochaine fois, ça voulait dire... après deux longues semaines de vacances... Désespérée, la jeune fille passa ses deux heures de Soins aux créatures magiques à se lamenter, se répétant sans cesse que, quelques heures plus tôt, elle aurait enfin pu connaître la chambre où dormait le professeur Lupin. Le caractère ennuyeux des cours de Hagrid, qui portaient encore et toujours sur les Véracrasses, n'arrangeait rien à l'abattement de la jeune fille... Au moins, le devoir de Potions se passa plutôt bien.

Enfin, le jour fatidique arriva : dimanche matin, le dortoir des Serdaigle était presque en effervescence. Bon nombre de filles rangeaient leurs affaires et faisaient leurs valises, tandis que d'autres restaient allongées dans leur lit, les observaient curieusement, ou bien les aidaient à préparer leurs bagages. C'était ce jour tant redouté de la part de Cat : le premier jour des vacances de Noël... Beaucoup de Serdaigle préféraient rentrer chez eux, pour passer les fêtes de fin d'année en famille. Un plus petit nombre avait décidé de rester au château, pour y célébrer Noël. Cat faisait partie de la première catégorie. Hélas... Si, à la rentrée de septembre, elle avait su qu'elle se serait autant plue à Poudlard, qu'elle aurait rencontré ce professeur fabuleux qu'était Mr Lupin et dont elle n'aurait plus voulu se détacher, elle n'aurait jamais dit à ses parents qu'elle comptait rentrer à la maison pour les vacances de Noël.

Maintenant, elle ne voulait plus partir. Maintenant qu'elle s'était trop attachée à lui, elle ne voulait plus le quitter. Ca avait déjà été suffisamment difficile pour elle de ne le voir que de loin, aux repas de midi et du soir, durant les vacances d'octobre ; si en plus, maintenant, elle devait se priver totalement de lui, pendant deux semaines entières... Elle se demandait bien comment elle allait tenir. Certes, elle aurait pu envoyer une lettre à ses parents, pour les supplier de finalement la laisser passer ses vacances à Poudlard, mais de leur côté, son père et sa mère n'avaient cessé, depuis début décembre, de lui transmettre courrier sur courrier, chacun de ces messages témoignant de leur immense hâte à voir leur fille unique de retour à la maison. Cat n'avait donc pu les décevoir, surtout pour une chose aussi futile que celle d'apercevoir un peu plus un vieux prof de Défense contre les forces du mal...

Et puis, si elle restait à l'école, elle resterait toute seule pendant quinze jours : tous ses amis repartaient eux aussi chez eux. Vince, Anna, Axelle et Cerise, tous, sans exception - les deux dernières s'en allant respectivement en Allemagne et en France. Il n'y avait donc plus d'espoir pour Cat. Elle ne pouvait plus compter rester ici pour voir le professeur Lupin... Juste faire ses valises, et c'était tout. Mais peut-être qu'en fait Mr Lupin aussi partait en vacances ? C'était très possible ! Dans ce cas, Cat ne loupait rien, si elle quittait Poudlard pour rentrer chez elle...

Songeant à cette rassurante éventualité, la brunette plia son uniforme d'étudiante et le rangea soigneusement au fond de son chaudron. Elle se dit aussi qu'après tout, ces vacances n'étaient pas si horribles que ça, qu'elles allaient lui permettre de souffler un peu, à la suite du monticule d'examens auquel elle avait eu droit, et que c'étaient tout de même les vacances de Noël et du Nouvel An : des fêtes réjouissantes !

A côté d'elle, Cerise et Anna rangeaient elles aussi leurs affaires, et regardaient par instants autour d'elles, si elles n'avaient rien laissé traîner.

- Oh ! Mince ! J'ai oublié ma brosse à dents dans la salle de bains ! s'écria Cerise, en courant à toutes jambes jusqu'au dit lieu.

Axelle, elle, était étalée sur son lit, reposant sur le ventre, les bras grands écartés, comme pour enlacer le matelas, la figure enfouie dans son oreiller.

- Au refoir, le lit ! dit-elle, après avoir émergé sa tête du gros coussin et y avoir déposé un généreux bisou.

Ses amies la regardèrent d'un oeil sceptique, mais ne s'attardèrent pas plus longtemps, et poursuivirent leur rangement.

- Fous croyez que che peux emmener cet oreiller afec moi ? demanda Axelle. Fous pensez qu'il fa rentrer dans mon chaudron ?

- Je ne crois pas, non, répondit Anna. Il est bien trop volumineux... Il vaudrait mieux que tu le gardes à la main...

- Oui, mais che fais afoir l'air tarte, si che le garde tout le temps à la main...

- Si tu veux mon avis, pour ne pas avoir l'air tarte du tout, il vaut mieux que tu ne prennes tout simplement pas cet oreiller..., avoua Anna, d'un ton légèrement pincé.

- Heureusement que ch'ai piqué une vingtaine d'apricots au dîner d'hier soir, pour me faire une réserfe pour les facances..., fit la blonde, comme s'il lui était absolument indispensable de s'emparer de quelque chose appartenant au château, avant de rentrer chez elle.

- Ma cravate ! Ma cravate ! s'affola Cat, en ressortant soudainement tous les vêtements qu'elle avait réussi à faire rentrer dans son chaudron. Vous n'auriez pas vu ma cravate ?

- Tu l'as encore perdue ? lança Axelle.

- Ne t'inquiète pas ! C'est moi qui l'ai ! s'exclama Cerise, en ressortant de la salle de bains.

Elle fouilla dans ses propres affaires, et en sortit un bout de tissus argenté.

- Je te l'ai prise hier soir, sans que tu t'en aperçoives, pour te faire le noeud. Là, tu vois ? Il est déjà fait ! J'ai laissé suffisamment d'espace pour que tu puisses l'enfiler par la tête. Il ne te restera plus qu'à resserrer le noeud.

- Ah, merci..., répondit la brunette, avec un sourire touché.

Elle replaça tous ses vêtements dans son chaudron, y mit également sa cravate, puis surplomba le tout de ses cahiers et de ses livres de cours : son cher livre de Défense contres les forces du mal, qu'elle relirait une deuxième fois en entier, pendant les vacances, et ses deux rouleaux de parchemin sur les loups-garous, qu'elle approfondirait également chez elle.

Ainsi quitta-t-elle l'école, peu avant midi, embarquée dans une de ces diligences noires, sans chevaux, pas très confortable, en compagnie de ses amis, et en direction de la gare de Pré-au-lard, où le Poudlard Express attendait les élèves qui repartaient chez eux. Elle ne cessait de regarder, par le carreau du fond de la voiture, le château s'éloigner... La clarté aveuglante du soleil éblouissait son visage. Elle avait les larmes aux yeux, mais ce n'était pas à cause de cette luminosité d'un blanc laiteux. C'était parce qu'elle était triste, bien évidemment... Qui l'aurait cru ? Qui aurait cru qu'un jour Cathie Mist partirait en vacances en pleurant ? Elle s'en voulait de l'abandonner ainsi derrière elle, de se séparer de l'homme qu'elle aimait pour la première fois de sa vie... Essayant de se consoler, elle se dit que ses parents l'attendaient avec joie chez elle, et qu'une fois de retour à la maison elle pourrait leur raconter tout ce qui s'était passé à Poudlard durant ce premier trimestre, tout ce qui lui était arrivé pendant ces quatre mois de cours. Et il y en avait beaucoup à dire ! Enormément, même ! Jamais Cat n'aurait imaginé que ce début de cinquième année serait aussi chargé en événements, aussi passionnant ! L'attaque du Poudlard Express par les Détraqueurs, l'infiltration de Sirius Black dans le château, le nombre incalculable d'examens servant à se préparer pour les B.U.S.E., et surtout... le professeur Lupin... Non, ça, Cat n'était pas sûre de le dire à ses parents !

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