Chapitre 14 : Les soupçons lunatique
Le dimanche après-midi, la bibliothèque était un peu plus remplie que la veille. Cat et Vince avaient néanmoins réussi à récupérer leur même table, et à retrouver leurs mêmes livres. Les deux amis étaient à présent penchés sur le gros volume des Loups-garous et leurs mystères, tenant chacun une page différente du bouquin, comme pour le sonder entièrement.
- Tiens ! fit le châtain. Je suis tombé sur un chapitre drôlement intéressant : Comment devenir un loup-garou ? Méthodes, incantations, sortilèges...
- On trouve de tout, dans ce bouquin, remarqua la jeune fille.
- Oui, acquiesça Coincoin. Jusqu'au nom de ton prof chéri... Regarde voir si le livre ne parle pas encore de lui ! Pendant ce temps, je m'en retourne faire mes cherches dans les rayons, car j'ai l'impression que nous ne sommes plus les seuls à nous intéresser aux loups-garous... Tu n'as pas remarqué comme tout le monde semble être à l'affût d'un livre sur ces créatures ?
- Hmmm, sourit Cat. A croire que Rogue a donné le même travail à toute l'école.
Et, s'amusant de cette hypothèse ironique (puisqu'elle pensait qu'elle était invraisemblable), la Serdaigle se replongea dans sa lecture, tout en prenant des notes.
Provenant de l'Allemand « werewolf », littéralement « homme loup », l'appellation de loup-garou désigne deux cas. Le premier cas, le plus rare, concerne les sorciers malfaisants - le plus souvent des Mages Noirs -, qui, entraînés par une certaine déficience mentale, choisissent de pactiser avec le diable, pour que celui-ci leur donne le pouvoir de se transformer en loups monstrueux. Ces individus jouissent ainsi d'une soif immodérée de cruauté et de furie, qu'ils sont capables d'assouvir chaque nuit (sans besoin d'attendre la pleine lune pour se métamorphoser et tout en gardant une partie de leur lucidité), dans l'euphorie d'une vie nocturne proche de la sublimation. Le deuxième cas, quant à lui, se retrouve plus couramment, probablement parce qu'il est involontaire. Il s'agit de sorciers ayant été mordus par un loup-garou, et dont le sang a donc été infecté par la salive de la créature (salive contenant les germes du mal). L'humain contaminé ne tarde alors pas à se transformer en loup féroce, dès la première nuit de pleine lune, incapable de contrôler ses pulsions, inapte à reconnaître ses propres amis, et commettant les pires atrocités, bien malgré lui, jusqu'à ce que la nuit s'achève. Il se réveille ensuite amnésique, n'ayant plus aucun souvenir de ce qu'il a fait durant la nuit.
LES CARACTERISTIQUES DU LOUP-GAROU SOUS SA FORME HUMAINE
Le loup-garou est généralement masculin.
- Bien ! saliva Cat, en retranscrivant cette phrase, mot pour mot, sur sa feuille de parchemin.
De part son état mi-homme mi-loup, il s'agit inévitablement d'un sorcier de sang-mêlé. Sur le plan social, rares sont les loups-garous qui tentent de s'intégrer à la société des sorciers. Des réglementations trop strictes les concernant (notamment le Code de Conduite, signé en 1637) en sont la cause, sans compter les attitudes discriminatoires et les rejets, qui entraînent chômage et pauvreté. Nombreux sont donc les loups-garous qui vivent en marge, parfois même dans la criminalité, unique moyen pour eux de subsister. Enfin, la dépression fait partie de leur lot commun, et certains finissent même par mettre fin à leurs jours, trop martyrisés par leurs tourments.
- Et ben c'est gai...
Sur le plan physique, le loup-garou, sous sa forme humaine, présente de multiples signes de fatigue, tels que : des cernes sous les yeux, des essoufflements rapides, ou encore des difficultés à se tenir longtemps debout...
A ces mots, Cat songea vaguement à l'aspect maladif du professeur Lupin, mais ne s'y attarda que l'espace d'un instant.
... signes qui conduisent à un vieillissement légèrement prématuré de la personne, et qui deviennent particulièrement visibles à l'approche de la pleine lune. L'individu est également très vorace, et présente un gros appétit, surtout de viande. Enfin, une dernière caractéristique qui permet de reconnaître un loup-garou sous sa forme humaine est le fait que l'homme garde les traces des blessures qu'il a reçues durant la nuit, alors qu'il se trouvait à l'état de loup.
Notre amie repensa aux deux grandes cicatrices qui balafraient le visage de Mr Lupin, et son coeur fit alors un terrible bond.
- Oh mon dieu !!! s'écria-t-elle, les yeux exorbités, le souffle coupé. Oh mon dieu, c'est pas vrai !!!
- Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiéta Vince, en accourant avec empressement à la table de Cat.
Celle-ci prit soudain conscience de la gravité des choses.
- Rien !!! s'exclama-t-elle, en refermant subitement le gros bouquin, pour empêcher Coincoin de voir les lignes qu'elle venait de lire. Rien ! Rien du tout !
- Tu es sûre ? insista le garçon. Tout va bien ? Tu n'as pas trouvé de nouvelles évocations du professeur Lupin ? plaisanta-t-il.
- Absolument pas !!! Maintenant, retourne me chercher d'autres livres sur les loups-garous, avant qu'ils ne disparaissent entre des mains concurrentes.
Silencieux mais perplexe, Vince abandonna Cat pour reprendre sa quête, et la jeune fille, à nouveau seule, rouvrit le bouquin pour se pencher sur ses lignes. Ce n'était pas possible ! Ce n'était pas possible ! Avait-elle bien lu ? Cat regarda encore une fois ces mots incroyables. Eh bien oui : les loups-garous gardaient les empreintes de leurs mutilations, même sous leur forme humaine. Avait-elle bien conjecturé ? Fichtre, non ! Non, non, non et non ! Sa supposition était idiote ! Si elle avait pensé aux cicatrices de Mr Lupin, après la lecture de cette phrase qui évoquait les blessures des loups-garous, c'était simplement parce qu'elle pensait toujours à Mr Lupin, dans n'importe quelles circonstances. Ce n'était tout de même pas parce qu'elle pensait que Mr Lupin était un... Non.
Mais maintenant ? Maintenant qu'elle avait cette vision de la figure balafrée de l'enseignant, flottant dans son esprit, maintenant qu'elle avait ce livre sous les yeux, que pensait-elle ? Elle pensait que les marques que Mr Lupin avait sur le visage ressemblaient en tous points à des griffures, et qu'elles avaient très bien pu être administrées par un animal sauvage, un loup ne faisant pas exception. Mais elle pensait aussi que toutes ces hypothèses qui tambourinaient dans son esprit étaient totalement absurdes, dénuées de bon sens, délirantes. Alors pourquoi son coeur battait-il à tout rompre, comme secoué par une fatalité funeste ? Avait-elle peur ? Avait-elle peur que ce qu'elle venait d'imaginer bêtement se révèle être vrai ? Que Mr Lupin soit un loup-garou ? Non ! C'était idiot, voyons ! Ce professeur avait certainement reçu ces griffures d'une façon beaucoup moins originale que celle impliquant un combat nocturne entre loups-garous, et, de toute manière, jamais Dumbledore n'aurait laissé un loup-garou enseigner à Poudlard. Pour s'en convaincre tout à fait, Cat lut plus avidement que jamais la suite du bouquin :
LES DIFFERENTES ETAPES DE LA TRANSFORMATION D'UN LOUP-GAROU
La transformation d'un loup-garou, de sa forme humaine à sa forme bestiale, survient à chaque nuit de pleine lune. Elle ne dure pas plus d'une minute, et se décompose en trois phases (qui font donc, chacune, en moyenne, vingt secondes).
Les sensations éprouvées lors de cette transformation varient selon les deux catégories de loups-garous existantes, à savoir : celle des sorciers ayant pactisé avec le diable pour devenir des bêtes maléfiques, et celle des sorciers ayant été mordus par accident. Les individus de la première catégorie perçoivent leur transformation comme une sorte d'extase, une pure ivresse, un moment de jubilation intense. Restant lucides tout au long de leur transformation, ils peuvent stopper celle-ci à n'importe quel stade de leur aspect, suivant les avantages qu'ils peuvent en tirer. Par ailleurs, la pleine lune n'influe pas forcément sur leur métamorphose : ils peuvent se transformer chaque nuit. A l'inverse, les sorciers appartenant à la deuxième catégorie sont soumis aux contraintes de la pleine lune. Ils sont, en quelque sorte, des victimes de leur métamorphose, puisque celle-ci constitue pour eux une étape extrêmement douloureuse, une souffrance abominable, et qu'ils perdent tout contrôle de leur être.
Le premier stade de cette transformation s'appelle le stade de l'Hommidé. L'individu reste, globalement, sous l'apparence d'un homme, même si ses sourcils se font plus touffus et se rejoignent au-dessus du nez, que ses cheveux deviennent durs et épais au milieu du crâne, que ses canines se mettent à pousser, et que ses sens commencent à devenir plus aiguisés.
Au bout de vingt secondes, environ, vient le stade du Galbro, ou homme loup. La transformation se fait plus violente : l'individu voit son poids augmenter de 25 %, sa taille de 10 %. Son corps se recouvre de poils, ses dents s'allongent, ses ongles grandissent pour devenir des griffes, ses oreilles se mettent en pointe, et sa musculature se fait plus massive (d'où une augmentation de son poids).
La transformation s'achève par la phase du Crinos, ou loup-garou : aspect bestial que l'individu gardera pendant toute la nuit. Son poids augmente désormais de 100 %, sa taille de 25 % (ainsi, un homme d'un mètre quatre-vingt et de soixante-quinze kilos deviendra un loup de deux mètres vingt-cinq et de cent cinquante kilos). Son corps, puissamment musclé, se couvre entièrement de poils drus, ses mains et ses pieds s'allongent de 50 % et se munissent de grandes griffes tranchantes, une queue touffue lui pousse au-dessus des fessiers, sa mâchoire grandit et se transforme en museau, ses dents deviennent de longs crocs acérés, et ses oreilles se font grandes et pointues. Le loup-garou possède ainsi une vitesse et une habileté phénoménales, qui font de lui une créature énormément dangereuse. La bête peut se déplacer soit debout (comme un homme), soit en courant à quatre pattes (comme un loup), et se retrouve douée de sens hyper développés. Elle est cependant incapable d'intégrer une meute de loups sauvages pour la diriger.
Consciencieusement, Cat recopia sur son parchemin les lignes qu'elle venait de lire, oubliant momentanément ses soupçons sur le professeur Lupin - qui, après tout, n'était pas un loup-garou. La jeune fille en était au beau milieu de sa rédaction, lorsque Vince fit son énième retour, chargé d'un énième nouveau livre.
- Je pense qu'avec ça, ça ira, dit-il, en déposant l'ouvrage sur la table. C'est un coup de bol que je l'aie trouvé : il ne doit pas y en avoir des centaines, des livres qui disent comment tuer des loups-garous.
Légèrement étonnée, Cat posa sa plume et regarda aussitôt le titre du bouquin : Comment se débarrasser des créatures maléfiques.
- J'ai regardé : il y a une partie qui traite des loups-garous, continua Coincoin.
- Ah..., fit Cat, légèrement désorientée - et elle ne savait pourquoi.
Etait-ce parce que l'intitulé de ce nouveau livre ne lui inspirait pas confiance, et lui semblait formulé d'une manière un peu trop virulente ? Ou bien était-ce le fait que Vince s'assoie à sa table, et s'empare de l'Encyclopédie des créatures maléfiques, pour commencer à son tour à rédiger son exposé ? Si jamais il y trouvait lui aussi des informations qui lui fassent porter des soupçons sur le professeur Lupin ? Non. Impossible ! Et d'un, Vince ne pensait pas constamment au professeur Lupin ; et de deux, il n'allait certainement pas interpréter ces informations de la même manière que Cat (manière qui s'appelait la paranoïa) ; et de trois, Mr Lupin n'était pas un loup-garou ! Pour se persuader de cette conviction, la jeune fille frappa son poing sur la table, les sourcils froncés.
- Pour me donner le courage de lire la suite ! expliqua-t-elle, en s'efforçant de sourire bêtement à Coincoin, que le coup avait fait sursauter.
LES DIFFERENTES PHASES DE LA LUNE
Dans sa rotation autour de la Terre, la lune présente différents aspects que l'on appelle « phases ». Ces différentes phases correspondent à l'éclairement de la lune par les rayons du soleil (la lune n'émet pas de lumière : elle reflète juste celle du soleil), et dépendent donc des positions relatives du soleil, de la lune et de la Terre. Ces différentes phases sont :
La nouvelle lune : la lune se trouve précisément entre la Terre et le soleil. Sa face non éclairée est donc tournée vers la Terre, et la lune n'est pas visible.
Le croissant de lune (croissant) : une partie de la lune apparaît, mais il s'agit juste d'un croissant (c'est-à-dire moins de la moitié du disque lunaire). Ce croissant est visible dès le coucher du soleil. L'autre partie du disque lunaire est obscur, mais pas totalement invisible : il reste légèrement grisâtre. C'est ce que l'on appelle la « lumière cendrée ».
Le premier quartier : l'angle lune-Terre-soleil fait quatre-vingt dix degrés. La moitié du disque lunaire est donc illuminé.
La lune gibbeuse (croissante) : plus de la moitié de la lune est éclairée, mais l'astre n'est pas encore entièrement illuminé.
La pleine lune : la lune se trouve à l'opposé du soleil. Son côté éclairé fait donc face à la terre, et la lune est entièrement illuminée. La pleine lune est la plus puissante des phases de la lune : l'énergie de cet astre est considérée comme étant à son maximum, et influe ainsi sur l'état des loups-garous, de façon puissante, provoquant leur transformation d'hommes en loups.
La lune gibbeuse (décroissante).
Le dernier quartier : on peut l'apercevoir peu avant le lever du soleil.
Le croissant de lune (décroissant).
Après avoir retranscrit ces précieuses connaissances sur son deuxième rouleau de parchemin, Cat décida enfin de passer au troisième et dernier bouquin, et l'ouvrit à la page qui parlait des loups-garous.
Le loup-garou est une créature bestiale et velue, qui ne s'exprime que par des grognements gutturaux, et dont la gueule, couverte de bave et de sang, laisse dépasser deux crocs affreux. Le loup-garou est très certainement la créature la plus diabolique, car sa fonction est entièrement vouée au mal. Son unique but est de s'attaquer au corps de l'autre, et d'y causer le plus de dégâts possibles. Cannibale, violent, meurtrier, le loup-garou agit sous des pulsions, étrangle les chiens, cherche sans merci ses victimes (de préférence les enfants) pour les dévorer sans pitié. Le danger qu'il représente est énorme. Le loup-garou doit, en conséquence, être tué, pour assurer la sécurité chez les sorciers normaux.
- Ca commence bien..., commenta la lectrice, d'une manière ironique, mais légèrement effarée.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la potion Tue-loup ne permet malheureusement pas de tuer un loup-garou. A quoi sert-elle, alors, si elle ne peut nous aider à nous débarrasser de ces créatures immondes ? Eh bien à une chose particulièrement futile : celle de permettre aux loups-garous de se contrôler durant leur transformation, et de rester inoffensifs sous leur forme bestiale. Il va sans dire que les raisons pour lesquelles un Ordre de Merlin a été attribué à l'inventeur de cette stupide potion - un dénommé Damoclès Belby - demeurent un mystère. A quand une vraie potion Tue-loup, qui permette définitivement d'éliminer ces créatures néfastes ?
Cat releva des yeux stupéfaits des lignes de ce bouquin.
- Ce livre est atrocement subjectif..., gémit-elle, d'une voix qui mélangeait dégoût et horreur.
D'un point de vue physique, tuer un loup-garou requiert certaines précautions. Ainsi, la méthode qui consiste à brûler vif un loup-garou (sur un bûcher, par exemple) peut être très efficace, à condition d'immobiliser la bête sans risquer sa propre vie. Pour ce faire, on peut avoir recours au piège, ou bien brûler le loup-garou de jour, c'est-à-dire sous sa forme humaine. Une autre façon intéressante de tuer cette créature est la décapitation. Mais la manière la plus connue de toutes, et la plus infaillible pour venir à bout du loup-garou, reste bien sûr l'utilisation de l'argent. Ce précieux métal, au contact d'un endroit mortel du corps du loup-garou, lui provoque une mort assurée. Si l'argent touche une partie moins vulnérable du corps de la créature, celle-ci ne s'en tirera qu'avec une grave blessure. A savoir que, après sa mort sous sa forme bestiale, un loup-garou redevient presque aussitôt humain. De la même façon, si une partie de son corps de loup est sectionnée, cette partie redeviendra humaine au bout de quelques secondes. Ce fut ainsi qu'au Moyen-Âge, un chasseur ayant réussi à couper la patte d'une louve, retrouva, peu de temps après, la main de sa propre femme dans sa gibecière.
Sur ce, la jeune sorcière se mit à écrire la dernière partie de son exposé : Comment tuer un loup-garou, s'inspirant de ce que lui avait appris ce dernier ouvrage, mais prenant tout de même soin d'en élaguer les propos qui manquaient, à son goût, d'impartialité. Enfin, vers sept heures du soir, alors que les fenêtres de la bibliothèque étaient teintées par l'obscurité nocturne, et que le lieu d'étude ne comptait désormais plus que sur ses chandelles pour être éclairé, Cat posa sa plume et se frotta les mains.
- Fini ! s'exclama-t-elle, avec joie et soulagement, en s'adressant au châtain assis devant elle.
- Ah ! fit ce dernier, avec un sourire, puis en roulant ses deux feuilles de parchemin et en rangeant ses affaires dans son sac. On va pouvoir aller manger, alors !
- Quoi ? Mais tu as déjà fini, toi aussi ? s'interloqua la brunette.
- Ben oui ! Depuis vingt minutes, que je t'attends !
Stupéfaite, Cat demeura quelques instants silencieuse, plongée dans une intense réflexion qui visait à savoir comment diable Vince, qui avait commencé la rédaction de son exposé après elle, avait réussi à la finir avant.
- Cherche pas ! lança le garçon, en mettant fin à ce remue-méninges. Tu écris dix fois plus lentement que moi !
- Hmmm... Peut-être..., reconnut finalement Cat, car elle savait que c'était dans sa nature que de s'appliquer à écrire et à former de jolies lettres. Mais je pense aussi que c'est parce que j'ai écrit dix fois plus de mots que toi !
- Ah oui ? Et qu'as-tu écrit de plus que moi ? Laisse-moi deviner... Lupin, Lupin, Lupin, Lupin, Lupin, Lupin, Lupin, Lupin, Lupin, Lupin...
- Arrête !!! s'écria la jeune fille, en se jetant presque à plat ventre sur la table, pour plaquer sa main contre la bouche de Vince, et en regardant partout autour d'elle, pour surveiller si personne n'avait entendu les idioties de son ami.
- T'inquiète pas ! dit ce dernier, une fois qu'il eut retrouvé l'usage de sa bouche. Il n'y a plus que nous deux, dans la bibliothèque ! Tu n'avais pas remarqué ?
~¤
Durant la nuit, Cat eut du mal à s'endormir. Elle était là, blottie chaleureusement sous sa couverture, percevant le léger bruit de la pluie qui tombait, au-dehors, se reposant en se disant qu'elle était beaucoup mieux ici, à l'intérieur, mais le sommeil ne venait pas. Elle n'était pourtant pas agitée, et ne suffoquait pas non plus de chaud. Alors quoi ? Eh bien, elle était troublée... Très troublée... D'abord, il y avait ce devoir sur les loups-garous, qui l'avait véritablement obsédée. Elle avait travaillé dessus tellement longtemps, sans relâche, elle y avait passé tout son week-end, si bien qu'à présent, les conséquences d'un tel acharnement se faisaient ressentir. Cat était entêtée par les loups-garous. Elle fermait les yeux, mais elle voyait encore ces paragraphes et ces lignes qu'elle avait parcourus durant la journée. Elle tentait de fermer son esprit, mais dans sa tête affluaient sans cesse ces phrases et ces mots qu'elle avait lus sur les loups-garous. Certaines phrases, en particulier, revenaient plus souvent que d'autres... Toujours les mêmes... Le loup-garou présente de multiples signes de fatigue... des cernes sous les yeux... un vieillissement légèrement prématuré de la personne... l'homme garde les traces des blessures qu'il a reçues durant la nuit...
Pourquoi ces mots la hantaient-ils à ce point ? Et pourquoi lui faisaient-ils irrémédiablement penser à un seul être ? A l'être qu'elle aimait ? Les soupçons de la jeune fille n'étaient qu'infondés, par conséquent injustes. Ils étaient simplement basés sur des lignes de bouquins et sur les traits du visage d'un homme. Mais ces doutes semblaient pourtant si bien s'accorder avec la réalité... Car il était inutile de nier que le professeur Lupin paraissait fréquemment malade. La pâleur de son visage, les lignes noires qu'il avait parfois sous les yeux étaient des preuves évidentes d'un profond éreintement. Tout comme ces quelques cheveux blancs, qui parsemaient l'arrière de sa tête : pour un homme d'environ trente-cinq ans, n'était-ce pas là le témoignage d'un vieillissement avant l'âge ? Enfin, les deux cicatrices qu'il avait sur la figure demeuraient plus qu'intrigantes. Elles ressemblaient étrangement à des griffures... Alors, les avait-il reçues d'un loup-garou, ou d'une autre bête ? Les avait-il reçues en tant qu'être humain, ou en tant qu'animal ? Après tout, c'était un professeur de Défense contre les forces du mal. Bien souvent, il avait ramené en classe des créatures maléfiques, pour permettre à ses élèves de mieux les étudier. De surcroît, il aimait la pratique. Ainsi, il pouvait très bien passer son temps libre à la recherche de nouveaux spécimens à capturer, n'hésitant pas à s'attaquer à des créatures plus dangereuses que d'autres, au risque de s'en sortir avec quelques égratignures (telles que ces deux griffures sur le visage) et de se causer parfois de violentes fatigues. En dehors de son métier d'enseignant, Mr Lupin pouvait donc très bien se livrer au loisir d'aventurier, mettant en action tous ses dons en sorcellerie (et Cat ne doutait pas qu'il en ait).
Se réconfortant avec cette idée - dont l'imagination était certes un peu poussée, mais qui ne demeurait pas plus invraisemblable que l'hypothèse d'un Mr Lupin loup-garou -, Cat se pelotonna plus confortablement sous sa couette. Elle rehaussa celle-ci jusqu'à son nez, cala sa tête sur le côté, et commença à songer au professeur Lupin, d'une manière bien différente.
Loup-garou ou pas (de préférence pas), il était indéniable que cet homme lui avait manqué - et qu'il lui manquait toujours, d'ailleurs. Ne pas l'avoir vu, vendredi dernier, alors qu'elle aurait dû avoir cours de Défense contre les forces du mal avec lui, lui avait fait un choc, tout de même... Et le week-end qu'elle avait passé sans le voir assis à la table des profs, durant les repas, dans la Grande Salle, à s'inquiéter sur son état de santé, n'avait pas été des plus joyeux. A présent, elle espérait de tout son coeur qu'il soit guéri de son rhume, et qu'il fasse son retour en cours, pour le lendemain. N'était-ce pas ce que Vince avait certifié ? Que Mr Lupin serait rétabli dès ce lundi ? En tout cas, notre amie le souhaitait ardemment. Elle avait tellement hâte de le revoir, de le regarder sourire, de plonger dans ses yeux, d'écouter sa voix, de goûter à sa gentillesse naturelle...
¤~
Cat avait attendu ce moment avec une telle impatience ! Ses deux premières heures de la matinée, en cours d'Histoire de la magie, elle les avait passées avec une telle hâte, une telle envie de le revoir ! Plutôt que de s'ennuyer, comme le reste de la salle qui n'écoutait pas même la moitié de ce que racontait le professeur Binns (mise à part Anna, qui était une erreur de la nature), Cat s'était occupée à rêver au professeur Lupin, à regarder par la fenêtre à côté de laquelle elle était assise. Il faisait si beau, dehors ! Oh, peut-être pas un ciel bleu azur, car il y avait tout de même quelques nuages, mais ceux-ci étaient blancs et légers, ils laissaient gentiment passer les rayons du soleil à travers eux. Le mauvais temps avait duré tellement longtemps, ces derniers jours, que retrouver enfin l'éclat du soleil ne pouvait que ramener le sourire sur les lèvres de Cat, et lui faire sentir que cette journée allait être particulièrement bonne.
Quel bond son coeur fit-il, lorsqu'enfin, à l'heure du déjeuner, dans la Grande Salle, elle le vit, assis à la table des profs, en compagnie de ses collègues ! Elle le viiit ! C'était lui ! Oui ! Lui ! Ses cheveux châtains, sa figure pâle, sa veste verdâtre. Sa main, qui portait une fourchette pleine de frites à sa bouche... Pour la jeune fille, manger son omelette aux champignons était une opération longue, voire périlleuse, compte tenu du fait qu'elle ne cessait de tourner la tête vers la table des profs, et qu'elle ne se concentrait pas suffisamment sur son repas.
Quelle joie, enfin, éprouva-t-elle, lorsqu'elle pénétra dans cette salle de Défense contre les forces du mal, à nouveau éclairée, baignée par la douce lumière extérieure, et qu'elle retrouva pour de bon son professeur chéri ! Elle s'assit avec passion à sa place habituelle, au milieu de la classe (quel dommage qu'elle n'ait pas choisi, dès la rentrée, de s'installer au premier rang), et sortit ses affaires avec amour. Il était là ! De retour ! Il était beau ! Bon, certes, un peu l'air maladif, mais après tout, n'avait-il pas attrapé un rhume ? Les tendres rayons de ce soleil hivernal filtraient à travers ses cheveux, les faisant briller de multiples reflets roux, qui allaient si bien avec la couleur ambrée de ses iris...
- C'est frai qu'il a bien l'air malade, le paufre..., commenta Axelle, d'un ton de pitié. Complètement kaputt...
Distraitement, le regard de Cat s'attarda sur sa moustache... Ah ! Sa moustache ! Si fine et si légère ! Si belle ! Pouvait-il y avoir moustache aussi sophistiquée ? Non, certainement pas ! Tout comme il ne pouvait y avoir cravate aussi bien nouée ! Hmmm, sa cravate ! Cat avait presque oublié à quel point elle était élégante, sur lui ! De quelle couleur était-elle, aujourd'hui ? Jaune ? Ah... Finalement, l'adolescente posa ses yeux sur le bureau de l'enseignant, à côté duquel il se tenait, et sur lequel était placé son cartable. Et attention ! Pas n'importe quel cartable ! Bon, d'accord, un vieux cartable, légèrement abîmé. Mais surtout... Un cartable en cuiiir ! En cuir noir ! Oulah, doucement ! Ca commençait à sentir le sadomasochisme à plein nez, chez Cat...
- Cat ? appela Axelle. T'es sûre que ça fa ? Tu te sens bien ?
- Oui, oui ! répondit la concernée, d'une voix rendue aiguë par l'émotion, alors qu'elle était presque avachie sur sa table, comme pour voir Mr Lupin de plus près, les yeux en coeur et un sourire d'extase sur les lèvres. Ca va à merveille...
- Contente de voir que vous allez mieux ! lança alors Cerise, et Cat fut brutalement rappelée à la réalité, pour constater avec effroi que Cerise se tenait debout, juste à côté du prof.
- Oh..., soupira celui-ci, d'une façon modeste et modérée. Je vais un peu mieux, mais ce n'est pas la forme idéale non plus...
- L'important c'est que vous soyez de nouveau parmi nous ! ajouta celle aux cheveux longs à reflets rouges.
Le regard meurtrier, Cat plongea sa main dans sa poche, pour saisir le bout de sa baguette, tandis que les six syllabes du sortilège de mort tourbillonnaient dans sa tête.
- En fait, professeur, reprit Cerise de sa voix la plus plaisante, je viens en tant que porte-parole de toute la classe (à ces mots, Cat leva les yeux au ciel) vous demander d'annuler le devoir que le professeur Rogue nous a donné à faire en votre absence. Je ne sais pas s'il vous en a informé, mais le professeur Rogue nous a demandé de lui écrire deux rouleaux entiers de parchemin sur les loups-garous, en seulement un week-end...
- Oui, oui, je suis au courant..., dit Mr Lupin, les sourcils légèrement froncés.
- C'est un travail quasi impossible à faire, renchérit la jeune fille.
« A part si on prend son courage à deux mains, et qu'on passe son samedi à la bibliothèque, plutôt que d'aller voir un stupide match de Quidditch... » commenta Cat, dans sa tête.
- D'ailleurs, je crois que personne n'a réussi à faire ce travail, poursuivit Cerise.
Cette fois-ci, Cat eut le souffle coupé, et émit un « Oh ! » d'indignation. Comment diable Cerise pouvait-elle faire de son propre cas une généralité ? Parce qu'elle n'avait pas fait son exposé, il fallait que personne ne l'ait fait non plus ? Quel égocentrisme ! Et les exceptions, dans tout ça ? Pourquoi Cerise ne tenait-elle pas compte des exceptions, de celles et ceux qui avaient eu le courage, la volonté de faire leur travail ? Pourquoi n'accordait-elle aucune importance aux élèves travailleurs, consciencieux, dignes par leurs efforts de rentrer dans l'estime du professeur Lupin, de susciter son admiration et ses louanges ? Mais non, bien sûr... Car, après tout, pourquoi Cerise vanterait-elle le labeur des autres, dans cette situation où elle se trouvait être porte-parole, et où elle pouvait se vanter elle-même ? Quelle ironie ! Le monde tournait bel et bien à l'envers ! Cerise se vantait de n'avoir rien fait, et laissait dans l'ombre ceux qui avaient potassé pendant tout le week-end.
Désespérée, Cat ne put s'empêcher de lancer à mi-voix un « Mais moi je l'ai fait ! » que, malheureusement, personne d'autre qu'Axelle n'entendit, puis se mit à regarder en tous sens autour d'elle, à la recherche d'autres élèves qui, comme elle, auraient paru indignés. A sa plus grande désolation, elle ne trouva personne. Tous avaient le regard bêtement fixé sur Cerise, faisant de cette lèche-botte le point de mire, et laissant Cat dans la plus totale indifférence. Elle était donc la seule de la classe à avoir fait ce travail... Elle était donc unique...
- Compte tenu de ce fait, professeur Lupin, est-ce que vous voudriez bien...
- Annuler le devoir ? termina le châtain, avec un léger sourire, que Cerise lui rendit, de façon bien plus visible, pour lui faire comprendre que c'était effectivement ce qu'elle voulait lui demander.
Sur le coup, une lueur de démence traversa les yeux de Cat, et elle pria soudainement pour que l'enseignant refuse de supprimer l'exposé, et pour qu'il dise, là, à l'instant, de lui remettre comme prévu les deux rouleaux de parchemin qui étaient à terminer pour aujourd'hui. Cat aurait ainsi été la seule à se lever, à se diriger vers le professeur, à lui déposer en mains propres le fruit de son labeur, et à s'attirer toute la considération la plus touchante de Mr Lupin. Mais c'était sans compter la gentille nature de ce dernier.
- Bien sûr, dit-il. Bien sûr, ne vous inquiétez pas, je vais annuler ce devoir. Vous n'aurez pas besoin de me le rendre.
- Ah ! s'enthousiasma Cerise, et la classe, enchantée, reprit son exclamation à l'unisson, ce qui fit sourire l'enseignant. Merci beaucoup, professeur !
Même si Cat ne participa pas à ce flot de remerciements et de reconnaissance envers le professeur Lupin, elle ne lui afficha pas pour autant un regard de reproche. Déçue du comportement de celui qu'elle aimait ? Non ! Jamais ! Au contraire, elle savait, au fond d'elle, qu'il était doué d'une bonté à toute épreuve, d'une tolérance sans faille. Le fait qu'il épargne à ses élèves la dure tâche de lui rédiger deux rouleaux entiers de parchemin sur les loups-garous, cela ne la surprenait pas. Même si Cat s'était crevée à ce travail durant tout son week-end, elle ne lui en voulait pas de le supprimer maintenant. Ce n'était pas comme si elle l'avait fait pour rien. Au moins, elle avait la conscience tranquille, le mérite de l'avoir fait. Et puis, elle avait acquis de nouvelles connaissances sur les loups-garous, savait des choses sur eux que ses camarades ignoraient totalement... Savaient-ils, par exemple, que lorsqu'un loup-garou était blessé sous sa forme animale, il gardait la trace de cette blessure, même sous sa forme humaine ?
Ce fut alors que tous les soupçons de Cat refirent surface, et qu'un tressaillement de son coeur la fit sursauter. Mr Lupin venait d'annuler le devoir à faire sur les loups-garous, mais était-ce pour le bien-être de ses élèves, ou pour le sien propre ? Etait-ce parce qu'il se préoccupait de la quantité de travail qui pouvait submerger les Serdaigle, ou bien parce qu'il se faisait du souci pour lui ? Avait-il peur qu'en étudiant les loups-garous, ses élèves en viennent à porter sur lui les mêmes soupçons dont Cat faisait preuve ? Avait-il peur qu'ils se posent, tout comme Cat, des questions sur sa nature ? Craignait-il... d'être démasqué ? Cette fois-ci, la brunette l'observa étrangement...
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