Chapitre 1 : Avant-goût de chocolat
Encore une fois, Cathie Mist était arrivée en avance. Être en retard n'était pas son genre, mais être pile à la bonne heure ne l'était pas non plus. Au lieu de cela, elle était toujours la première à être présente au lieu de rendez-vous, et, cette fois-ci, elle avait débarqué sur le quai 9 3/4 une heure plus tôt. Il était dix heures du matin, et le Poudlard Express ne partait qu'à onze heures.
Poussant un de ses longs soupirs qu'elle avait l'habitude de laisser échapper sans s'en rendre compte, la jeune fille relâcha la petite charrette à roulettes qui contenait tous ses bagages. L'objet se tenant tout seul debout, à côté d'elle, elle contempla silencieusement l'ensemble de la gare.
Comme il fallait s'y attendre, le quai était pratiquement vide. Seuls trois élèves de première année, accompagnés de leurs parents, se tenaient là, une expression nerveuse et perdue marquée sur leur visage. Sans doute, par leur manque d'expérience, avaient-ils préféré venir ici plus tôt, pour être sûrs de ne pas rater le train... Ce dernier, fidèle au poste, attirait naturellement l'attention sur lui, de part sa belle couleur rouge flamboyant et verni. Sa grande cheminée noire, assez impressionnante, libérait déjà des panaches de fumée blanchâtre qui montaient haut, jusqu'au plafond vitré qui recouvrait le quai. A travers les carreaux se laissait voir un ciel blanc de nuages qui se confondaient presque avec la fumée émanant de la locomotive.
- Hm, pardon, mademoiselle, vous bloquez le passage, fit une voix derrière Cathie.
Celle-ci sortit alors brutalement de sa rêverie et se poussa sur le côté, pour laisser passer un vieux sorcier à costume à carreaux ridicule. Le regardant s'éloigner, elle grogna toute seule, agacée que le seul enquiquineur de la gare s'en soit pris comme par hasard à elle, alors qu'il n'y avait pratiquement personne aux alentours. Mais, lorsqu'elle se retourna, elle s'aperçut que le mur magique qui faisait office de passage entre le quai 9 3/4 et le quai moldu de King's Cross se trouvait juste à cinquante centimètres derrière elle. Si elle restait plantée là, effectivement, elle allait bloquer le passage à bons nombres de sorciers. Elle s'avança donc un peu plus loin, faisant rouler sa charrette sur les pavés, avec un léger bruit de fracas.
Cathie Mist rentrait aujourd'hui en cinquième année à l'école de sorcellerie de Poudlard. Le Choixpeau magique l'avait envoyée dans la maison des Serdaigle, la maison des élèves sérieux et réfléchis. Sérieuse, oui, elle pouvait l'être... Mais, lorsque ça la prenait, elle pouvait tout aussi bien devenir complètement folle, immature, hystérique, et ses amis étaient malheureusement là pour en témoigner... Quant à réfléchie... Non, franchement, le Choixpeau magique avait dû se tromper ! Elle était vraiment bête, parfois ! Au point même de s'auto-surnommer Cat - en raccourci à Cathie -, afin de donner un style plus recherché et moins banal à son prénom. « Appelez-moi Cat ! » disait-elle souvent d'une voix classe et mystérieuse à ses amis, qui la regardaient alors d'un air sceptique et inquiet pour sa santé mentale. « Si tu veux... ».
A mesure qu'elle marchait sur le quai 9 3/4, une brise fraîche soulevait ses cheveux bruns, nouvellement coupés mi-longs, à hauteur des épaules. Ses yeux couleur chocolat s'attardèrent quelques instants sur les affiches collées le long du mur du quai et représentant Sirius Black. « Avez-vous vu ce sorcier ? » était inscrit dessus, avec, en-dessous, une photo de l'homme qui avait réussi à s'échapper de la prison d'Azkaban.
Cat était de taille moyenne et plutôt mince. Elle avait l'habitude de ne pas s'habiller très chaudement, et ce jour de rentrée des classes ne faisait pas exception à la règle. Malgré l'air frais et le temps assez humide qui planaient, elle n'était vêtue que d'un débardeur blanc, d'un pantacourt en jean bleu, et de grosses baskets marrons.
Tandis que la sorcière de quinze ans passait tranquillement à côté d'un groupe de parents et d'enfants, des miaulements rauques et terriblement forts sortirent alors de sa charrette. La jeune fille, devenue subitement rouge écarlate, fixa un point invisible droit devant, pour ne pas voir tous les visages crédules qui s'étaient tournés vers elle. Elle continua de marcher malgré tout, s'efforçant de garder l'air le plus innocent possible sur son visage. Mais les miaulements plaintifs redoublèrent d'intensité et Cat s'arrêta alors. Ses doigts se précipitèrent nerveusement sur la fermeture à glissière de sa charrette, tandis qu'une multitude de pensées affluaient à son cerveau. Ce n'était pas possible ! Ce n'était pas possible de ne pas se faire remarquer, avec lui !
« Grrr ! Tu le fais vraiment exprès, espèce de... »
- Miaôuuu !
Cat sentit l'ultime degré de honte lorsqu'elle sortit de la charrette une lourde panière en osier, qui contenait un énorme chat rouquin, et que toutes les personnes présentes sur le quai se retournèrent vers l'origine de ce qu'ils avaient cru être un rugissement de lion. L'adolescente déposa la panière et son contenu sur le sol, avant de tourner la tête vers le groupe de sorciers qui la regardaient bizarrement.
- Hi hi hi ! rit-elle bêtement, plissant les yeux et montrant ses dents, alors qu'une goutte de sueur coulait sur sa tempe.
Puis elle s'adressa à nouveau à son chat, et lui susurra, les dents serrées :
- Tu m'le paieras !
Sur ce, elle finit de vider sa charrette et en sortit un gros chaudron rempli de ses livres de cours. Glissant une main dans la poche de son pantacourt, elle en retira sa baguette magique - un fin bâton verdâtre, en bois de tilleul et en crin de licorne - et la pointa vers la charrette en prononçant :
- Reducto !
Elle dut ensuite se baisser pour ramasser la miniature de l'objet à roulette, qui ne devait maintenant pas faire plus de deux centimètres de hauteur, et la ranger dans sa poche. La marche reprit, la brunette ayant maintenant les deux bras encombrés par ses bagages : la panière à chat d'un côté, le chaudron de l'autre.
- Miaôu !
La jeune fille leva des yeux désespérés vers le ciel, pour demander au Seigneur pourquoi elle avait mérité ça. Non content d'être suffisamment lourd, ce chat continuait à faire tout son possible pour attirer l'attention sur sa propriétaire. Comme la vie de Cat était cruelle, oh oui...
Pattemplomb - c'était le nom du félin - devait bien faire dans les dix kilos, à présent. Il avait passé les neufs années de sa vie à dévorer et à engloutir les repas, et était maintenant constitué d'une couche raisonnablement épaisse de graisse, cent pour cent pur beurre. Malgré son léger embonpoint, il était en apparence très beau : son poil court et roux flamboyait, ses yeux vert pâle scintillaient, et ses grandes moustaches blanches se déployaient autour de son petit museau rose, comme des éventails. Oui, il était très mignon. Un peu lourd, mais très mignon.
La Serdaigle rendit son dernier soupir et reposa plus rapidement que prévu la panière et le chaudron. Penchée en avant, les mains posées sur les genoux et reprenant son souffle, elle se demanda ce qu'elle allait bien pouvoir faire pendant le temps qui lui restait à attendre.
Les portières du Poudlard Express étaient déjà ouvertes. Pouvait-elle monter à bord de la locomotive tout de suite ? Ses copines avaient dit qu'elles n'arriveraient à la gare qu'à dix heures et demi. Elle pouvait dès lors leur réserver une cabine, profitant du fait qu'il n'y avait encore pas trop de monde, et les attendre à l'intérieur.
Jugeant que cette idée était la bonne, elle reprit donc son fardeau, et se dirigea vers la porte d'un des wagons. Elle fit bien attention à ne pas se casser la figure lorsqu'elle monta à bord du train en enjambant les rails. D'accord, elle n'était pas si bête, mais, des fois, on ne savait jamais ! Car Cat Mist était parfois bien étourdie, souvent très lente à réagir, et l'hypothèse qu'elle se prenne les pieds dans une simple marche n'était donc pas à éliminer.
Un autre trait étrange de son caractère était qu'elle se mettait parfois à parler toute seule. Peut-être pas à voix haute, mais du moins intérieurement. Car depuis quelques temps - elle ne saurait dire combien -, une petite voix résonnante avait élu domicile dans sa tête, et avait pris la fâcheuse habitude d'embêter son hôte. Cette dernière s'engageait ainsi dans des discussions interminables avec sa conscience, et cela pouvait durer des heures, même si cela ne menait jamais à grand chose...
« Bien sûr que si que cela mène à quelque chose ! »
« Mais oui... »
Il était clair que, désormais, une folle venait de monter dans le Poudlard Express. Cela pouvait devenir dangereux, attention...
La folle en question cherchait à présent une cabine convenable. A vrai dire, elle avait l'embarras du choix, puisqu'elles étaient toutes vides. Cat paraissait cependant difficile, car elle passait devant plusieurs compartiments sans s'y arrêter, les scrutant à peine plus de trois secondes, et se dirigeant inlassablement vers le fond du train.
« Hmmm... Trop petit... Trop grand... »
A part le fait que ces compartiments étaient identiquement les mêmes, jusqu'ici, tout allait bien...
« Alors, voyons celui-là... Hmmm, nan, le matelas de la banquette de droite semble un peu raplapla... Voyons l'autre cabine... Ce sera sûrement la bonne... Hmmm, non, elle est un peu sale... Bon, la prochaine, c'est la bonne, j'en suis sûre ! »
Cat s'arrêta quelques instants devant le compartiment dont les vitres étaient recouvertes de tissus noir. Puis elle reprit imperturbablement sa marche à travers le couloir.
« Pas assez éclairée. »
Il suffisait juste de tirer les rideaux...
« Bon, maintenant, si la suivante n'est pas la bonne, c'est qu'il y a vraiment un problème... »
De toute manière, elle n'avait pas trop le choix, c'était la dernière...
- Ah... Ah oui... C'est la dernière..., constata Cat, en regardant successivement la porte de l'ultime compartiment et le mur devant lequel elle se tenait et qui indiquait la fin du couloir.
En effet, elle était arrivée tout au fond du dernier wagon.
- Bon, finalement, elle n'est pas si mal, cette cabine, dit la brunette aux cheveux mi-longs, en s'asseyant d'un trait sur le matelas vert de la banquette de gauche, à côté de la fenêtre, après avoir posé près d'elle sa panière et son chaudron.
Cat continuait à parler toute seule, à part ça, rien d'anormal...
- M'en fous si je parle toute seule ! Y'a personne !
Oui, mais on ne savait jamais. Un beau jeune homme pouvait très bien faire son apparition dans la cabine et l'entendre...
- N'importe quoi !
La jeune sorcière prit ses aises, en étirant ses jambes devant elle, puis replia ses bras derrière sa tête, et cala celle-ci contre la paume de ses mains. Après tout, ce n'était pas de sa faute si elle était arrivée à King's Cross avec une heure d'avance. Sa mère, une sorcière, avait été obligée de la déposer à la gare plus tôt que prévu, et de repartir tout de suite pour conduire son père, un Moldu, en urgence à l'hôpital Ste Mangouste. Maladie incurable ? Blessure grave ? Non, non. Il s'était simplement fait mordre au pouce par un exemplaire du Monstrueux livre des monstres, alors qu'il avait voulu aider le libraire de Fleury & Bott, en lui épargnant la dangereuse tâche de choisir et d'attraper le bouquin hargneux. Hélas, il n'avait pas mesuré l'étendue du risque qu'il encourait, et avait finalement retiré le livre féroce de sa cage, en le gardant accroché au doigt. Le bouquin avait été énergiquement refermé et bouclé à l'aide d'une ceinture (« Couchée, sale bête ! »), mais malheureusement cela n'avait pas empêché à la blessure du père de s'infecter ce matin.
Quelle idée, aussi, de demander aux élèves d'acheter une telle chose... Surtout pour le cours de Soins aux créatures magiques... Comme si ces leçons n'étaient pas suffisamment éprouvantes... Éprouvantes... Allait-il en être de même pour les examens de fin d'année ? Les B.U.S.E.... Oh oui, les B.U.S.E. ! Cat les avait déjà presque oubliées. Non, franchement, cette année s'annonçait être encore plus éprouvante que les autres. A part un miracle, et elle allait être aussi morne que les années précédentes. Revoir toujours les mêmes têtes, les mêmes élèves, les mêmes profs : McGonagall et sa sévérité piquante, Binns et ses cours d'Histoire de la magie d'un ennui mortel, Trelawney et ses yeux démesurément agrandis par les gros carreaux de ses lunettes, ce qui provoquait chez Cat une certaine envie de rigolade, Rogue, son sadisme manifeste et ses répliques sarcastiques, à mourir de rire... Bon, d'accord, il y avait certains points positifs dans tout ça. Mais elle n'allait quand même pas dire qu'elle aimait les cours de Rogue ? Non, mais... Hmmm... Et puis, en y repensant, Cat se demandait aussi qui allait être son nouveau professeur de Défense contre les forces du mal...
Elle fut alors soudainement tirée de ses pensées par un bref frappement à la porte vitrée de son compartiment. Tournant instantanément la tête vers la source du bruit, elle vit qu'un homme se tenait là et venait d'entrouvrir la porte.
- Excusez-moi, dit-il d'une voix amicale, mais cela vous dérange-t-il si je viens m'installer dans votre cabine ? Je suis plutôt chargé, et je ne me sens pas le courage de traverser tout le wagon à la recherche d'un autre compartiment... Celui-ci est le premier que j'ai trouvé...
Notre amie ne répondit pas sur le coup, car elle était trop occupée à dévisager cet inconnu d'un air crédule. C'était donc lui le beau jeune homme qui devait faire apparition dans sa cabine ? Euh... A vrai dire, il était prévu qu'il soit un petit peu moins vieux... Mais ça n'était pas grave. Le sorcier devait avoir dans les trente-cinq ans. Il était grand et mince, et portait en effet une grosse valise qui semblait aussi lourde que la panière à chat que Cat avait eu du mal à transporter. Si lourde, que l'adulte paraissait exténué. Ses cheveux châtains étaient parsemés, ça et là, de mèches grises et blanches, et son visage, balafré de deux grandes griffures, malgré tout assez discrètes, était suffisamment pâle pour donner l'impression qu'il était malade. Ses paupières tombaient légèrement sur ses yeux à l'iris dorée, et une très fine moustache brun clair se dessinait au-dessus de ses lèvres. Ses vêtements, quant à eux, paraissaient misérables. L'homme portait sur son dos une grande cape gris foncé et épaisse, et était habillé d'un vieux costume verdâtre, rapiécé en certains endroits par des petits bouts de tissus non assortis. Sous sa veste se laissait voir le haut d'une chemise grisâtre, dont le col était entouré d'une vieille cravate noire.
Inquiet que l'adolescente ne lui ait pas encore répondu, l'homme haussa les sourcils et pencha légèrement sa tête sur le côté, pour regarder si Cat allait bien. Celle-ci remarqua enfin que l'adulte l'interrogeait toujours du regard et qu'il attendait qu'elle dise quelque chose.
- Oh ! Euh... Oui, bien sûr ! Bien sûr, allez-y ! balbutia-t-elle en souriant.
Le sorcier, apparemment soulagé, lui rendit son sourire. Un doux sourire, qui faisait se lever sa légère moustache, et qui donnait l'impression à Cat qu'elle venait d'inviter dans sa cabine un homme très gentil. Etrange, quand même, que cette fois-ci elle ne se plaignait pas d'être dérangée par le deuxième enquiquineur de la gare, qui débarquait comme par hasard dans sa cabine, alors que toutes les autres étaient vides... Oui, mais là, c'était différent.
- Je comprends un peu votre étonnement, dit l'homme, en pénétrant dans le compartiment, non sans difficultés, à cause de sa grosse valise qui avait du mal à passer la porte. Vous ne devez pas avoir l'habitude de voir des adultes à bord du Poudlard Express... Normalement, le train est réservé aux élèves.
La jeune fille aux yeux marrons acquiesça en hochant la tête, alors que le sorcier passait devant elle pour se diriger vers le filet à bagages.
- Malheureusement, je n'ai pas pu trouver d'autre moyen de locomotion pour venir enseigner à Poudlard.
- Enseigner ? répéta Cat, dont le cœur fit un léger bond. Vous... Vous êtes professeur ?
- Oui, confirma-t-il, en soulevant avec peine sa vieille valise cabossée, dans le but de l'installer dans le filet à bagages. Je viens enseigner les cours de Défense contre les forces du mal. Je suis le professeur Lupin.
- Ah ! fit Cat, avec une légère surprise, due au fait qu'il y avait à peine quelques secondes elle était en train de s'interroger sur l'identité du nouvel enseignant qui allait occuper le poste maudit, et qu'à présent le professeur en question se tenait juste devant elle.
Ne sachant que répondre (« Enchantée » ? « Ravie de faire votre connaissance » ? « Mon nom à moi c'est Cathie Mist, mais... Appelez-moi Cat ! »), elle se contenta de le regarder rouvrir sa valise, qui se tenait déjà en hauteur, dans le filet à bagages. Apparemment, il avait oublié de sortir quelque chose, car il fouillait machinalement à l'intérieur, prenant tout de même soin de ne pas déranger trop d'affaires. Il trouva finalement ce qu'il cherchait, et, lorsqu'il sortit de sa valise une bouteille d'eau en verre, celle-ci emporta avec elle, par inadvertance, un autre petit objet qui tomba par terre, sans que le sorcier ne s'en aperçoive. Instinctivement, la brunette se pencha pour le ramasser et épargner au professeur Lupin la peine de le faire. Elle fut cependant étonnée de trouver sur le sol une tablette de chocolat. « Chocolat au lait » lut-elle sur l'emballage vert et rouge. Décidément, ce professeur semblait avoir bon goût... (aucun sous-entendu dans cette phrase, bien sûr).
- Tenez ! s'exclama Cat, en tendant au châtain la plaquette chocolatée. C'est tombé de votre valise !
- Ah ! Oui, merci ! dit le professeur Lupin, en remarquant juste la sucrerie qui avait quitté sa valise plus tôt que prévu. Mais vous pouvez en goûter un morceau, si vous voulez ! Ca ne peut vous faire que du bien !
- Euh... Vous êtes sûr ? demanda la jeune fille, un peu gênée.
- Bien sûr ! Allez-y ! Je n'ai pas empoisonné le chocolat, rassurez-vous !
Cat ne put alors s'empêcher de rigoler. Elle déchira soigneusement le papier d'emballage, libérant quelques beaux carrés de chocolat à l'air libre, tandis que Lupin, lui, débouchait sa bouteille d'eau. Sympathique, comme matinée : Cat, qui n'avait pourtant rien prévu de spécial, à part attendre ses copines jusqu'à dix heures et demi, se retrouvait maintenant en train de se faire une bouffe avec un professeur. Alors que ce dernier porta le goulot de sa bouteille à ses lèvres, la brune aux yeux marrons détacha un petit bout de chocolat, prenant soin qu'il ne soit pas trop gros, pour ne pas qu'elle s'accuse d'avoir mutilé atrocement la tablette. Puis elle croqua dedans, et alors un grand sourire de plaisir s'élargit sur son visage. Dieu que ce chocolat au lait était bon ! Il avait un goût vraiment merveilleux ! Il était doux, sucré, fin et réchauffant. C'était probablement le meilleur chocolat que Cat ait jamais goûté, et elle se demanda vivement où diable Lupin l'avait acheté, et si elle avait droit à en prendre un deuxième morceau. Mais préférant ne pas abuser de la gentillesse du sorcier, elle lui rendit simplement la tablette, lorsqu'il eut fini de boire et reposé sa bouteille sur le bord de la fenêtre du compartiment.
- Alors ? demanda-t-il, en rangeant le chocolat dans la poche de sa veste, et en plissant les yeux de contentement.
- C'est vraiment très bon ! répondit vivement la jeune fille, radieuse.
- Je comprends ! confirma Lupin, en s'affairant à nouveau sur sa valise pour, cette fois, la refermer en nouant soigneusement une longue ficelle qui l'entourait. D'habitude, je donne ce chocolat aux personnes qui viennent de croiser un Détraqueur, pour qu'elles puissent se remettre de leurs émotions et retrouver un peu de forces. Mais disons que cette fois-ci est un cas particulier : vous m'avez aimablement invité dans votre cabine, je me devais de vous remercier en vous offrant du chocolat !
Notre amie se sentit horriblement rougir. Enfin, l'homme aux yeux couleur ambre s'assit en se laissant presque tomber sur la banquette de droite, à côté de la fenêtre, précisément juste en face de la jeune sorcière. Il lui fit un autre de ses sourires rassurants et amicaux, qui fit bondir le coeur de Cat sans qu'elle ne sache pourquoi, puis porta son regard vers la fenêtre, pour observer le quai.
Même si celui avec qui elle partageait sa cabine avait l'air bien sympathique, la brunette se sentait maintenant un peu gênée de se retrouver toute seule avec lui. A la rigueur, il aurait été un élève de son âge, ça aurait pu aller... Mais là, c'était un prof. Et alors ? Où était la différence ? Eh bien, la différence, c'était le fait qu'une petite fille sage comme Cat, qui se retrouvait enfermée toute seule dans un compartiment, en compagnie d'un homme adulte, ça pouvait paraître louche... Hmmm, oui, très louche... A cette pensée, Cat tourna immédiatement la tête vers la porte du compartiment, fixant le couloir du wagon avec des yeux presque horrifiés.
Un bruit de frottement de tissus attira à nouveau son attention sur Lupin. Celui-ci venait de s'envelopper un peu plus chaudement dans sa cape foncée, et de remonter le haut de celle-ci jusqu'à son nez. Par la fenêtre, la jeune fille remarqua que le quai 9 3/4 était maintenant bien rempli de sorcières et de sorciers accompagnant leurs enfants. Certains commençaient même à monter à bord de la locomotive, car Cat entendit des voix plus distinctes venant du couloir, ainsi que le claquement des portes des compartiments, et le léger fracas des bagages. Ses camarades n'allaient sûrement pas tarder. Le quai se faisait de plus en plus encombré.
La porte de la cabine de Cat s'ouvrit soudainement, et un deuxième année, qui semblait être à la recherche d'un compartiment vide, fit : « Ah, pardon ! », avant de refermer aussitôt la porte avec bruit. Cat devint rouge comme une pivoine, et sentit une goutte de sueur couler sur sa tempe. Non mais ! Pourquoi avait-il dit « Ah, pardon ! » de cette façon ? Qu'est-ce qu'il allait s'imaginer ? Furieuse, Cat jeta un nouveau regard au professeur. Il était négligemment appuyé contre le mur de la fenêtre, et son visage était presque entièrement recouvert par sa cape. Sûrement dormait-il. Il ne fallait donc pas faire trop de bruit...
La portière de la cabine s'ouvrit à nouveau à la volée, claquant plus violemment que jamais.
- CAAAT !!! s'écria joyeusement une grande fille aux cheveux blonds ondulés et aux yeux bleus, en écartant les bras.
- Euh..., fit la nommée, d'un air bête, à moitié dégoûtée par tout le raffut que venait de faire sa copine.
- Mais qu'est-ce que tu fapriques ici ? continua la blonde. Ca fait une heure qu'on te cherche !
- Ben, je vous avais gardé une cabine...
- Ahrr ! Mais non ! Nous, on en a troufé une autre, un peu plus loin ! Allez, fiens, on est déchà toutes là-bas !
Légèrement déçue d'avoir réservé ce compartiment et attendu dedans pour rien, Cat se leva d'une manière presque forcée, prit son chaudron et sa panière, et se dirigea vers la porte, à la suite de son amie. Alors que celle-ci s'était déjà aventurée dans le couloir, la brunette, qui s'apprêtait à fermer la porte, se retourna une dernière fois vers le professeur Lupin.
- Euh..., commença-t-elle, d'une voix timide, s'apprêtant à lui dire au revoir, mais elle constata qu'il était définitivement plongé dans ses songes.
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