Chapitre 44 : Jamais 2 sans 3
« Livi ! Livi ! Tu es là ! Je n'aurais jamais cru que tu serais venue ! Riley a un immense sourire, elle tend les bras vers moi avant de se raviser en voyant mon air grave. Excuse-moi chérie, j'ai dû être persuasive pour arriver à mes fins. »
En guise de réponse, je m'assois sur une petite banquette proche et la dévisage. Elle semble ne pas être rassurée en me regardant agir aussi froidement alors j'esquisse un sourire qui se veut chaleureux. Elle pousse un soupir et approche sa main de la mienne.
« Je sais au combien c'est dur en ce moment dans ta vie, mais sache que tout ne se résoudra pas maintenant. Peut-être dans quelques semaines, quelques mois ou peut-être même quelques années, qui sait ? Le temps ne joue pas toujours dans notre camp, mais je suis certaine qu'il te sera bénéfique. Comme un bon vin. Son ton est doux, elle prend des pincettes.
— Riley, tu sais, je cours après lui, en essayant de tout résoudre pour être enfin tranquille alors je n'attendrais pas des années pour arriver à mon but. Instinctivement, ma main se place plus proche de celle de Riley, en recherche de réconfort.
— Tu n'es pas seule Livi, jamais.
— Sans doute, réponds-je, en baissant la tête.
— Je pense sincèrement que ce problème aura une fin. Je l'espère en tout cas, car finalement, j'ai toujours une épée de Damoclès au-dessus de ma tête comme toi. Elle rit et indique à la barmaid une commande sans qu'elle n'ait besoin d'ouvrir la bouche.
— Je ne suis pas la seule en effet... C'est plutôt rassurant d'ailleurs ! Les coins de mes lèvres se lèvent.
— Ah ah ! Tu vois ! Son doigt pique ma joue avec amusement. C'est une ébauche de vrai sourire que je perçois ?
— Quelle observatrice ! »
Nous rions de bon cœur tandis que deux tasses à café atterrissent en face de nous. Avant que je ne puisse répliquer, Riley Cordell s'élance :
« Oui, ce n'est pas du chocolat chaud, mais je pense que du café, tu vas en avoir besoin jusqu'au Nouvel An donc, donc pas de commentaires et bois ! Elle paraît presque victorieuse tandis que je porte la petite tasse à mes lèvres, résignée. Alors, ça fait quoi de changer un peu ses habitudes ?
— Ne va pas t'imaginer des choses Riley, je fais un clin d'œil, je bois juste, car comme tu le dis, j'ai besoin de caféine. »
Alors qu'elle s'apprête à répliquer, mon téléphone se remet à vibrer dans ma poche, contre ma cuisse ce qui me déconcentre. Il atterrit sur la table et je lis le nom inscrit à l'écran. Caleb Barnes veut rentrer en discussion avec moi. Tandis que j'appuie sur le bouton pour décliner l'appel, Riley m'observe avec interrogation.
« Tu ne décroches pas Livi ? Le petit GSM se remet à s'agiter, Caleb retente et je rappuie sur le bouton rouge. Ce mec est fou de toi alors ! J'ai vu les news, la déclaration qu'il a faite était Woaw ! Elle s'agite sur sa chaise. Il paraissait si dépité et il y avait quelque chose dans son regard... finit-elle, rêveuse. Bref.
— Tu le penses vraiment ?
— Ça se voit comme nez au milieu de la figure chérie. Il est raide dingue de toi. D'ailleurs quand je l'ai vu parler de toi, ça m'a immédiatement fait penser à quelque chose. Un problème qui devra être résolu plus tard si tu veux mon avis. Et par une tierce personne par exemple.
— Que veux-tu dire par là ? »
Alors que je passe ma main sur ma nuque, Riley détache son regard de braise pour détailler l'horizon avec attention. Derrière son bar, la femme qui le tient astique des verres en jetant des coups d'œil furtifs dans notre direction. Sentant ma vie privée être envahie plus encore, je m'intéresse plus fortement à mon amie qui semble être ailleurs.
« On m'a dit que le problème Dawson était en passe d'être réglé, c'est ça ?
— On accumule les preuves et on patiente pour tout balancer.
— Alors, tu dois savoir certaines choses en plus. Mais dans ce que je vais te raconter, ce n'est pas vraiment Sharon le problème.
— Je sais, l'élément perturbateur de l'histoire, c'est le père Barnes et ses petites manigances. Lorsque tu as tenté de m'appeler, j'étais en rendez-vous pour en parler. Mais bref, bien que pour l'instant ce soit Sharon le problème numéro un, le vieux n'est pas à négliger non plus. Je ronchonne et pique du nez dans ma tasse ébréchée. Mais je suis tout ouïe. »
Et voilà officiellement la troisième fois que je sors cette phrase magique de la journée. Jamais deux sans trois de toute façon !
« Excuse-moi Livi, mais ton rendez-vous, c'était avec qui et pour quel motif ? Je plisse des yeux, attentive.
— C'était avec un des anciens proches amis d'Andrew qui travaille encore à Mediatics. J'en ai appris quelques infos d'ordre financier. C'est tout ce que je peux te dire pour l'instant.
— Cette personne a fait un commentaire sur l'attitude du père ? Sa voix est pressante.
— Il l'a sous-entendu, oui. Où veux-tu en venir Riley ? »
Elle pousse un soupir en guise de première réponse avant de s'approcher plus proche de moi. Pour finir, elle commence à chuchoter :
« Bien, il faut que je me lance. Ce n'est pas la première fois que j'ai affaire aux Barnes. »
Je me recule et pousse un petit cri surpris.
« Comment ça c'est passé la première fois ? Tu veux dire que la petite coucherie avec tu-sais-qui, je me replace et murmure, ce n'était pas avec un inconnu ?
— Non, non, non ! D'un côté, je suis soulagée malgré la pression qui monte en moi. Je te jure que Caleb était un inconnu au bataillon pour moi. C'est du pur hasard si nous nous sommes retrouvés au même moment au même endroit, je te le promets.
— Explique-toi alors, je ne comprends pas vraiment.
— Tu te souviens du jour où j'ai « disparu » de la circulation ? Eh bien, c'était totalement indépendant de ma volonté.
— Je l'espère sinon je suis profondément blessée. Mon amie rit vaguement puis reprend son récit.
— Le soir en allant à la fête de Phœbe, je suis passée par des raccourcis dans les rues de Londres. Comme à ma forte habitude, j'étais en retard et sans argent pour un taxi. Et puis, tu me connais, les petites balades, j'adore ça.
— Faux, tu ne prenais les raccourcis seulement pour aller retrouver des garçons ! Mais c'est vrai que marcher dans la boue pour faire enrager ta grand-mère a toujours été ta seconde passion. Cette fois-ci, nous éclatons de rire en cœur, retrouvant notre adolescence innocente.
— C'est vrai ! J'avais, comme d'habitude, une amourette. Elle efface une larme de rire sur sa joue puis continue son récit d'un air grave. Bref je devais le retrouver, il était bien 22 heures, j'ai emprunté une rue bordée d'un parc et de petites maisons. Une d'elles avec une petite ouverture que j'ai empruntée et en arrivant à son niveau, j'ai entendu deux voix masculines, dont une que je connaissais plus que bien. Ils avaient l'air d'avoir une violente altercation. Au début, je ne voyais que le visage de mon grand brun à la trentaine bien tassée. Dès qu'il m'a aperçu, j'ai vu ses yeux me dire de fuir très loin, mais, mortifiée, je suis restée là. Le plus vieux hurlait à s'en arracher les cordes vocales, c'était assez impressionnant. Je me souviens vaguement que cela parlait de honte de la famille, d'argent et prison. Mais c'est très trouble, je te l'avoue. Alors que le ton montait crescendo, je me suis reculée pour appeler la police et c'est au moment où j'ai commencé à taper le numéro qu'une détonation a retenti.
— Oh mon dieu Riley ! Je pose mes doigts sur mes lèvres, les yeux presque embués.
— Sur le moment, je ne me suis pas rendu compte de ce que je vivais alors j'ai, sans faire exprès, poussé un cri de peur. Ma couverture était grillée, le vieux m'avait remarquée. Elle se gratte le crâne en regardant mes doigts qui sont installés sur la table. Je me souviens parfaitement de lui s'approchant de moi, son arme tremblante dans la main. J'ai bien cru y passer comme Liam, j'étais morte de peur. Étrangement, son assassin a baissé son pistolet en arrivant à mon niveau et m'a dit de partir le plus vite possible puisque si j'en parlais à quiconque, il ne serait pas si... Riley se mordille la langue et se frotte une épaule. Il m'a demandé mon prénom et j'ai donné celui de Rita. Par la suite, alors que je voyais des hommes s'activer autour du gars que j'aimais, ils nettoyaient les preuves. Le vieux m'a examinée et a dit qu'il fallait que je disparaisse sans laisser de traces si je ne voulais pas mourir. Pas très rassurant, en effet... C'est pour ça que je suis partie. Ce n'est que plus tard que j'ai découvert que c'était Andrew Barnes qui m'avait menacée. Je ne connaissais pas le nom de famille de Liam à l'époque et puis ça n'avait pas vraiment d'importance.
— Alors tu as assisté l'assassinat de Liam Barnes ? Mes yeux sont exorbités. Nous avons un témoin des agissements atroces de cet homme.
— Exactement malheureusement. Tu devineras ma surprise quand je me suis rendu compte que j'avais couché avec le petit frère. Mais en un certain sens, je sais ce qui a fait que je me suis retrouvée attirée par Caleb, il ressemble tellement à son frère...
— Mais maintenant, je coupe court à toute image de Caleb couchant avec mon amie, le fait que Sharon ait décidé de révéler les soucis financiers des Barnes, c'est le temps idéal pour me le dire et aller devant un juge pour coffrer Barnes Senior pour ses mauvais agissements. »
Alors que je me ravis de cette nouvelle, Riley semble mal à l'aise et a du mal à me regarder dans les yeux.
« Tu comprendras que, comme toi, je dois me cacher de ce monstre si je ne veux pas risquer ma vie. Alors, allez porter plainte contre lui sans protection, c'est du pur suicide. Ce gars pourrait corrompre un agent de la CIA en plein interrogatoire. Je roule des yeux, amusée. Bon, peut-être que ça, c'est impossible, mais on sait jamais ! Elle esquisse un sourire. C'est pourquoi j'ai besoin de ton aide. Il faut que vous accusiez Andrew pour Liam et pour moi. Pour rendre honneur à ce dernier et me sauver du sort funeste qui me pend au nez depuis trop longtemps. Livi chérie, je n'en peux plus de vivre comme ça. J'aimerais faire ma vie maintenant. »
Son ton final est grave, elle est terrifiée par tout ceci. Je lui prends les mains en soutien et finis par lui répondre alors que je sens encore un appel entrant de Caleb dans ma poche. Je crois qu'il va falloir que je lui apprenne la patience un jour.
« Avec toutes les forces que nous disposons avec Caleb, nous enverrons Sharon et Andrew derrière les barreaux. La première pour vol, le second pour fraude, maltraitance et infanticide. Mais il nous faudra de l'aide et il va falloir que tu disparaisses encore dès que nous en parlerons publiquement Riley, j'ai pas envie de l'accuser en plus d'homicide sur ma meilleure amie. Elle hoche la tête gravement avant de me répondre.
— Je pensais depuis un moment partir dans un état de l'ouest, peut-être l'Oregon qui sait. La vie est plus calme là-bas et les chances qu'Andrew me retrouve seront plus minces qu'ici.
— Protège-toi de ce malade, je t'en supplie, c'est tout ce que je te demande. Nous nous relevons en cœur et nous nous prenons dans les bras. Je sens que la Riley Cordell est à deux doigts de craquer sur mon épaule alors je me retire. On reste en contact et envoie-moi un message dès que tu es en sécurité. Je t'aime ma Rita.
— Merci Livi, merci pour tout. Elle agite le bras pour me saluer et me regarde sortir. J'aperçois de petites larmes dévaler ses joues. »
Je me retrouve sur le trottoir, le cœur serré par l'émotion. Une vague d'air pollué me bouscule presque puis je me décide à marcher pour réfléchir un peu avant de répondre à Caleb qui ne cesse de m'appeler chaque minute. Riley doit avoir raison, à ce niveau là ce n'est plus de l'inquiétude, mais du harcèlement. Très bien, rentrons, mais avant, je lui envoie un message.
« J'arrive. Au fait, tu penses que je peux porter plainte pour harcèlement au bout de combien d'appels par jours ? »
Sa réponse ne se fait pas attendre.
« Dépêche-toi, nous devons avoir une petite discussion sur ton manque évident de communication dans notre couple. »
Je hausse les sourcils en lisant le dernier mot et réponds, ne retenant plus mon sarcasme. Il veut jouer à ça avec moi. Eh bien jouons.
« Non, je comptais prendre mon temps dans le métro, flâner par-ci, par-là. À moins que tu ne daignes toi-même venir chercher la mine d'information que je suis. Et puis je garderais le silence sur la communication entre nous si j'étais toi, j'ai des arguments de poids. Bisou mon cœur. »
Je presse le bouton Envoyer et m'avance. C'est bientôt le dernier tour de piste avant le grand final de toute façon alors autant le rendre mémorable.
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