Chapitre 40 : Pause-Goûter

Quelle situation plus inconfortable que d'être en huis clos avec l'homme qui vous fait des baisers devant les caméras, mais qui vous reconduit dès que l'on revient dans l'ombre. Je ne suis qu'à quelques mètres de l'objet de toutes mes tourmentes et je pianote comme une forcenée contre les touches de l'ordinateur, espérant trouver le fin mot de l'histoire. Rechercher pour essayer d'oublier rien qu'un instant mon trouble. Cependant, ce n'est pas une chose facile quand le sujet que j'étudie l'inclut directement. Bref. Sharon n'est pas avide d'argent, elle peut en avoir autant qu'elle le souhaite, mais du pouvoir, si.

Avoir l'argent, c'est quelque chose de si facile pour elle. Avoir une emprise, un pouvoir entrepreneurial aussi fort que celui d'un homme, voici une chose bien plus difficile à acquérir. Alors si elle veut obtenir ce qu'elle cherche, la voilà qui fait des plans tordus pour se mettre les investisseurs et, par extension, l'opinion publique américaine. Franchir et briser le plafond de verre d'un coup de talons, c'est un risque que beaucoup veulent prendre, mais certaines s'en brisent encore les dents comme aux récentes élections. Il faut être bien préparée et maligne pour réussir à passer outre.

Je souffle en reposant un instant mes mains contre mes cuisses, m'étirant longuement les cervicales puis me levant pour rejoindre Dave, affairé sur une autre partie obscure.

Je me place derrière lui et pose gentiment mes mains sur ses épaules puis passe ma tête proche de son oreille :

« Ça va, tu t'en sors ? débuté-je, en les lui massant longuement.

— Je pense que, même en creusant, on ne peut pas trouver pire. Les Barnes sont vérolés et tous ceux qui s'y en approchent le deviennent aussi à la longue.

— Oh... grimacé-je en me retirant légèrement en arrière. Ce serait te mentir si je te disais que c'était faux...

— Olivia ? »

Je me retourne, suivie par Dave, regardant dans la direction de Caleb qui vient de m'interpeller, d'un ton assez sévère. Mon regard tend vers lui, le décrivant légèrement. Son visage est fermé, il a déposé sa veste maladroitement sur ses épaules et tout m'indique s'il est énervé. J'inspire puis me déplace sans réelle volonté.

« Oui ? Tu as besoin de moi ? Platement.

— J'ai juste besoin que tu retournes au travail, répondit-il, sur le même ton, presque condescendant.

— Pardon ? Excusez-moi ? Je ferme les yeux et les frotte doucement. Je n'ai plus le droit de m'adresser à mes collègues maintenant ? »

Il souffle et lève les yeux au ciel avant de se lever, me dépassant de quelques centimètres. Il agite son avant-bras et observe le cadran de sa montre minutieusement.

« Ta pause est dès à présent finie. Il me contourne en attrapant son téléphone et part avant de terminer. J'ai un coup de fil important à passer, je reviens.

— Ta pause se finit dans 2 minutes Caleb, raillé-je sans me tourner vers lui. »

Il s'éloigne sans répondre et je croise les bras, en plissant des yeux. Dave, toujours simple spectateur, s'adresse à moi, un air suspicieux sur le visage.

« Liv' ? Je vais peut-être réviser ce que j'ai pu dire hier.

— Ce que tu as dit ? Je ne comprends pas.

— Je crois que Caleb ne joue plus vraiment la comédie si tu veux mon avis. Il est peut-être un peu jaloux d'ailleurs. »

J'ouvre les yeux en grand, bouche bée, et m'assois sur mon siège, prête à entendre son explication.

« Explique-toi s'il te plaît.

— Quand tu as palpé mes épaules et mes omoplates, Caleb s'en est sans doute rendu compte et t'a interpellé pour que tu me lâches. Ce mec a un potentiel béguin pour toi Liv', fait-il platement. »

Le temps d'assimiler l'information, je dévisage Dave qui retourne sur son clavier, dénué d'émotions. Ma gorge me brûle et je tousse, comme si j'avais avalé trop d'air d'un coup. Je pose mes index et majeurs froids sur mes paupières et frotte légèrement puis grimace.

« Je pense que je vais devoir avoir une conversation avec lui. Il ne sait vraiment pas ce qu'il veut ce mec. Je bascule mon siège sur le côté, bien en face de l'ordinateur. Hier soir, il était si gentil avec moi, et ce matin, c'était limite s'il n'avait pas envie de m'assassiner sur place rien qu'en entendant le son de ma voix. Je pousse un petit gémissement. Je ne vais pas te mentir, ça commence à me taper sur le système.

— Il veut croire qu'il ne ressent rien pour toi et fait tout pour te « repousser ». Il accentue ce dernier mot avec ses petits guillemets. Cependant, ça se voit comme nez au milieu de la figure qu'il y a un truc.

— Enfin, tu n'as pas été capable de t'en rendre compte avant maintenant donc c'est qu'il est quand même un bon menteur, tenté-je de répliquer, incertaine.

— On n'a pas tous des yeux partout pour observer tout ce qui se passe ! Je ris à sa remarque.

— Dois-je te rappeler que tu passes un temps infini avec lui ? Toi aussi, tu devais t'en être rendu compte cocotte. Un petit sourire moqueur s'agite sur son visage.

— Un temps infini ? Je glousse puis poursuis. Peut-être qu'il m'en faudrait plus avec lui pour être complètement sûre de ses sentiments Dave. »

Alors que je m'attends à une réponse de sa part, le bruit d'un toussotement empêche Dave de répliquer. C'est Merry qui se tient, les bras le long du corps, si son corps semble être neutre, son expression l'est beaucoup moins.

« Rassure-moi Olivia, tu n'as pas de sentiments pour, elle déglutit en secouant frénétiquement la tête, notre patron ? Je t'en supplie, dis-moi que non. Elle a les mains en prière et se penche vers nous. »

Je réfléchis quelques instants, pesant le pour et le contre puis balance mon regard vers Dave puis Merry qui s'est rapprochée entre temps.

« Alors Olivia ? demande Dave.

— S'il te plaît chérie, réfléchis bien à ce que tu vas dire...

— Bien... Disons que... Ce serait un énorme mensonge de prétendre que je ne ressente rien du tout, mais aller jusqu'à dire que je suis profondément amoureuse de lui, ce serait tout aussi faux. Je ne sais pas vraiment au final, c'est tout aussi confus de mon côté que du sien. »

Merry croise les bras et commence à faire les cent pas dans la pièce, perplexe. Ses Stilettos frappent lourdement le sol et plus je les entends, plus je me sens mal.

« Donc si je résume, tu es à deux doigts de tomber dans ses bras, fonder une famille et tout le tralala qui va avec ? constate Merry.

— Je n'irais pas jusque là quand même Merry.

— C'est tout comme ! Le problème, c'est que tu ne peux pas te permettre de faire ça Liv' ! Tu ne peux pas développer une attraction pour lui, c'est impossible. C'est ton boss merde !

— Le même boss qui a relevé son béguin imaginaire pour moi au monde entier hier matin si j'ose le rappeler.

— C'était totalement inconscient. Ajoute le seul homme de la pièce.

— Je te rejoins Dave, fait Merry qui vient rapidement vers moi, se met à ma hauteur et dépose ses deux mains sur mes genoux, c'était le pire truc qui pouvait arriver.

— Il y a toujours pire, chuchoté-je.

— Espérons qu'il n'y ait plus de drame de la sorte, argumente mon ami.

— Ce serait un miracle si tout devenait plus calme. Chérie, s'il te plaît, refoule tes pensées pour lui, il le fera lui, dès que tout ça sera fini, tout redeviendra dans l'ordre et on reprendra nos vies normales, finit-elle en se relevant pour accéder à la sortie. Bref...

— Oublie-le Liv' ! Je vous aime, à tout à l'heure ! »

Elle passe la porte et je souffle, détraquée. Elle a raison, il ne faut surtout pas que je tombe amoureuse de Caleb, ce serait une catastrophe. D'ailleurs, le voilà qui revient, le téléphone scotché à son oreille, un pli barrant son front.

« Oui, oui, évidemment... Mmh, mmh... Je vois... Merci, je vous recontacte plus tard. Il raccroche dès qu'il s'assoit sur son fauteuil et je ne cesse de le fixer. Caleb s'en rend compte rapidement. Un problème peut-être Olivia ? Son ton est dur, sa voix comme un rasoir, je me sens atteinte.

— Aucun, aucun. Je me retourne vers mon outil de travail et tente de faire bonne figure. »

Je jette un coup d'œil vers Dave qui me répond d'un hochement de tête appuyé. Fin de la pause-goûter apparemment.

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