Chapitre 37 : L'air vivifiant
« Liv'... Je sens une pression chaude sur mon épaule et une voix pénétrer mon pavillon. Réveille-toi. »
La lumière traverse les grandes fenêtres de l'étage entier. Je frissonne, une espèce de tissus me recouvre la partie supérieure du corps. Il a une drôle d'odeur, celle d'un parfum assez ambré qui me chatouille les narines. Mes yeux sont toujours fermés, les ouvrir ne me donne pas vraiment envie, mais l'aube est bien trop présente pour tenter de me rendormir. Avec un élan de courage extrême, je relève mon buste du siège, constatant de profondes courbatures au cou, aux vertèbres et aux lombaires. Un grognement m'agrippe la gorge, l'expulsant en m'étirant.
« Quel son ! Es-tu sûre d'être humaine Liv' ? entends-je, en ouvrant enfin les yeux. Je te rappelle que la dernière fois, tu bavais et c'était tout sauf glamour.
— Garde tes commentaires pour toi... ronchonné-je, frottant mon visage avec mes mains.
— Mmh mmh, de mauvaise humeur dès le matin, je prends en note. Il prend un petit bloc sur sa droite et fait semblant d'écrire dessus.
— Très très drôle Caleb, fais-je, en lui jetant un regard qui en dit long sur mes pensées et retire ce qui semble être sa veste de costume de mon buste.
— Dans une seconde vie, j'aurais pu être humoriste, je l'avoue. Il fait un clin d'œil appuyé et bascule vers le bureau. Bien dormi ? »
Je me lève et atterris à ses côtés, défripant rapidement mes vêtements froissés puis m'accoude d'une main sur le bureau, l'autre sur le sommet du fauteuil où Caleb est assis. Des lignes et des lignes de dossiers en pagaille qui m'agressent la rétine.
« Disons que le sofa n'est vraiment pas le meilleur endroit pour éviter les courbatures. Et toi ? Depuis combien de temps es-tu réveillé ? Quelle heure est-il ?
— Il est presque 8 heures, cela bien faire deux heures que je suis debout, dormir sur le sol n'est pas vraiment confortable non plus.
— Je le conçois entièrement. Je gratte le bout de mon nez et me penchant plus de l'écran. As-tu trouvé quelque chose ? Il n'y a plus de temps à perdre si on veut agir contre Sharon.
— Sharon est très intelligente, si elle a fouillé dans les dossiers, elle doit avoir caché quelque chose, mais impossible de tomber dessus. »
Je fais la moue en m'éloignant, hochant la tête de gauche à droite sans m'arrêter. Il y a forcément quelque chose que l'on ne voit pas. Je réfléchis en regardant le vide, mon ouïe concentrée sur les bruits du clavier qui s'enfoncent. Je grogne en croisant les bras puis me rapproche dangereusement de la porte, espérant que Caleb se concentre ne serait-ce que deux secondes sur moi.
« J'ai besoin de prendre l'air, je palpe mon front pour le refroidir, tu viens avec moi ? Ça fait longtemps que tu n'es pas sorti non plus et toutes ses informations vont te ramollir le cerveau. Il tourne la tête brusquement vers moi, surpris, en arquant un sourcil. He, ne me regarde pas comme ça ! Ce sont mes parents qui me racontaient ça quand j'étais encore au lycée et que je passais ma vie sur MySpace puis Facebook ! Je n'y croyais pas une seconde, mais je jouais extrêmement bien la comédie pour qu'ils me laissent tranquille. »
En guise de réponse, je me contente d'un vague bruit digne d'un ours et un homme complètement déshabillé – non, il n'est pas nu – laissant ses pans de chemise sortir de son pantalon qui s'allonge tout son long sur le fauteuil avant de reprendre. Image peu idyllique, ça me rappelle presque mon vieil oncle qui s'asseyait d'une façon très incorrecte dans le fauteuil de mon père juste après le dîner de famille.
« Tu es sûr de ne pas vouloir venir avec moi ? Histoire de te rafraîchir ? Dans tous les sens du terme.
— Comme tu l'as si bien dit tout à l'heure « il n'y a plus de temps à perdre » donc, au risque de te déplaire, je reste ici. »
Je roule des yeux et souffle bruyamment avant de jeter un coup d'œil vers l'horloge murale. Merry et Dave vont bientôt arriver pour aider, ce sera l'occasion parfaite pour faire un tour et prendre un petit-déjeuner.
« Caleb Barnes, rester collé à ton écran alors que tu n'as pas les idées claires ne va pas t'aider à trouver ce que tu cherches, tu peux louper un truc sans t'en rendre compte. Viens avec moi, on esquivera les paparazzis avec brio comme toujours. Mon compagnon n'apparaît pas si convaincu que ça. Les autres arrivent bientôt si ça peut te faire changer d'avis.
— Merry reste en haut ce matin, il n'y aura que Dave, toi et moi, le plus important est de trouver l'aiguille dans la botte de foin.
— Bien. J'abandonne, je vais aussi rejoindre le bureau, j'en ai marre de tout ça. Telle une tragédienne, je lève les bras au ciel et m'apprête à actionner la poignée de porte.
— Liv' ! Il y aura moins de mains-d'œuvre si tu pars ! Reviens ! »
Alors que j'ouvre la porte en grand et que je passe mon premier au-delà du seuil, j'entends les roulettes du fauteuil de bureau s'actionner, ce qui me fait faire un petit sourire en coin, satisfaite.
« Okay ! C'est bon, je viens avec toi ! Il est énervé, mais je décèle une pointe d'amusement. Tu es crevante Olivia.
— Je sais, tu me l'as déjà dit. Je lui souris puis rejoins l'ascenseur, suivie par mon patron qui regrette peut-être ce sacrifice d'avoir abandonné sa si merveilleuse boîte magique qui affiche des centaines et des centaines de données confidentielles. »
Alors que j'appuie sur le bouton d'appel, il s'ouvre sur Dave qui tient deux cintres dans chaque main. Un est clairement féminin, l'autre est pour l'autre sexe. Dave semble ployer sous le poids de tous ses vêtements qu'il porte à bout de bras. J'attrape celui qui m'est destiné tandis que Caleb prend l'autre, légèrement décontenancé.
« Mais ce sont mes vêtements ! Comment es-tu rentré sans que... s'insurge ce dernier avant qu'il ne soit stoppé par mon ami.
— Un simple merci me suffira. »
J'ai l'impression que ce simple mot semble lui faire effet de lames de rasoir dans la gorge que je lui donne un petit coup de talon dans la jambe pour qu'il lui réponde. Il grimace et pousse un cri aigu qu'il étouffe. Dave me rend un sourire.
« Merci Dave, c'est très gentil de ta part. Il se mord la lèvre pour se retenir, mais continue quand même. Mais comment es-tu rentré chez moi ? Annabella t'a ouvert ? »
Dave plisse des yeux et époussette son épaule même s'il n'y en a pas vraiment besoin puis le fixe un instant avant de répondre :
« Tu ne sais pas ce qu'est capable un assistant quand il veut quelque chose. Caleb s'apprête à rouvrir la bouche. Bref, allez vous changer et faire un brin de toilette, vous faites presque peur au vu de vos têtes de déterrés. Nous nous regardons chacun de haut en bas, surpris. Je vous assure, on dirait un vieux remake du Rocky Horror Picture Show. Il s'avance dans l'open space et prend une place. Je tiens la boutique, ne vous inquiétez pas, on va trouver ce que l'on cherche.
— Merci Dave, tu es le meilleur ! m'exclamé-je vers lui, joyeuse.
— Je sais, je sais, je suis le meilleur partout, inutile de le rappeler. Il fait un clin d'œil dans ma direction et se penche sur le rebord du bureau en faisant un petit geste de la main. Allez, déguerpissez, vous en avez besoin, je vous appelle s'il y a quelque chose d'intéressant. »
Je me rue dans la cage d'ascenseur et appui sur un des boutons qui nous mène à un des nombreux étages. Caleb monte à son tour au dernier moment avant que les portes se ferment, il me semble qu'il a dû dire quelques mots avant de partir à Dave. Alors que nous nous rapprochons du sol, je prends soin de ne rien dire et de me concentrer exclusivement à la musique qui se joue dans l'habitacle. Caleb regarde intensément le plafond en sifflotant en rythme.
En arrivant à notre destination, aucun de nous deux ne sort, mal à l'aise. Caleb tend sa main vers la sortie et me l'indique du menton. Quel gentleman. Mes pieds à l'extérieur, je me tue vers les toilettes les plus proches pour me changer. Ce n'est qu'en ressortant quelques dizaines de minutes plus tard que je me retrouve sur le seuil de la porte des latrines pour homme, surprise d'être la première à avoir fini de me préparer. Ce n'est que plus tard qui me rejoint, recadrant sa cravate une ultime fois. Je le scrute de haut en bas.
« Quoi ?
— Non, rien, rien du tout, je pose mes doigts sur ma bouche, allons-y Monsieur Petit-copain. »
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« Qu'est-ce qui te ferait envie ? demande Caleb alors que nous nous apprêtons à rejoindre la rue.
— Un parc ou un endroit calme sans trop de monde, réponds-je, sans réfléchir.
— Cela va être un peu compliqué en mercredi matin à New York City dans notre situation. Un chocolat chaud ?
— Pas faux et avec plaisir, avec supplément Chantilly dessus, évidemment !
— Évidemment ! fait-il, en m'imitant. »
Je lui colle une petite tape sur l'épaule et son contact me fait l'effet d'une vague de chaleur sur tout le visage. Je dois sans doute être toute rouge. Lui aussi semble avoir remarqué et s'écarte très légèrement pour ne pas me faire empirer.
« Prépare-toi à ton meilleur jeu d'actrice, ils peuvent être partout. Lance Caleb en zieutant au loin les baies vitrées de l'accueil.
— Wow, comme si je ne le savais pas ! répliqué-je, ironiquement. Cependant, leur faire face comme si de rien n'était, je suis un peu mal... »
Il ricane et passe sa main dans ses cheveux. Je ne sais pas si je dois trouver ça sexy, comme toutes les filles dans les films, ou trouver ça excessivement sale à cause sa main qui doit être grasse. Je me suis toujours demandé pourquoi c'était aussi agréable pour d'autres de voir ce genre de scène. Bref, passons. Soudain, Caleb fait un grand geste qui me surprend.
« Chocolat chaud et chantilly ? Il parle à voix haute en regardant le ciel – ou le plafond cathédrale de l'entrée de l'immeuble –. Nous partons en croisade pour toi, je ne sais pas si tu te rends compte du courage que nous avons alors tu as intérêt d'être délicieux ! »
J'explose de rire et en viens presque à en pleurer. Un fou rire me prend, c'est assez libérateur. Nous nous apprêtons à nous battre contre une horde de journalistes affamés et rire me fait beaucoup de bien avant d'affronter cette épreuve. Lorsque je me reprends enfin, après avoir essuyé une petite larme sur ma joue, je me penche vers lui qui sourit comme un idiot. Il est fier de lui !
« Tu en as un peu trop peut-être, je prends une grande inspiration avant de finir, je pense que l'on peut rejoindre le monde extérieur maintenant. »
Il propose son bras et j'enfile le mien après un minuscule moment d'hésitation. On a couché ensemble, pourquoi tout me semble bizarre alors ? Il n'y a aucune raison de l'être.
« Bien, les portes des Enfers des tabloïds vont s'ouvrir très bientôt. Il s'avance puis rapidement, nous nous synchronisons sur un même rythme de marche, comme si nous étions deux parts d'une seule personne. Inspire, expire. J'exécute puis il poursuit. Pour le chocolat !
— Pour le chocolat ! hurlé-je, en levant le poing au ciel. »
Nous nous approchons ensemble et la porte coulissante que j'emprunte tous les jours depuis six mois s'ouvre devant nous. L'air vivifiant, bien que pollué, se jette sur mon visage, mes oreilles se mettent à entendre les bruits encombrants des voitures, des bus et des gens qui crient, puis mes yeux reçoivent une myriade de lumières brûlantes qui m'agressent. Puis, je sens des doigts m'agripper le menton ce qui me fait tourner la tête. Je ne vois plus les appareils photo, je n'entends plus les paparazzis. Caleb me sourit tendrement, quel acteur, et se penche vers moi. Un baiser pour la presse.
Un petit spectacle plaît aux journalistes.
Et qui plaît à mon corps entier aussi.
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