Chapitre 36 : Le pouvoir de l'argent
Mes pas dans le couloir résonnent tant ils sont puissants et rapides. Je cours presque pour rejoindre les autres. Sur mon trajet, je décide de ne pas parler de la petite conversation que je viens d'avoir avec Sharon, cela envenimerait la situation qui est déjà assez compliquée. Lorsque j'arrive à la porte, Caleb a retiré sa veste de costume et est adossé contre le côté de la porte. Un fin sourire décore son visage.
« Tu as trouvé quelque chose au vu de ta tête, je suppose.
— En effet, il craque ses phalanges et poursuit, Olivia. L'argent ne l'intéresse pas, mais d'où il vient oui. Mes biens financiers ne se résument qu'à mon appartement et à Mediatics, ce dernier que j'allais partager avec elle dès que j'allais acquérir ma place de PDG. Sauf qu'elle savait déjà depuis quelque temps que je l'avais trompé. Mes acquisitions sont aussi les siennes.
— Elle aurait pu attendre d'avoir un pourcentage des gains de Mediatics qui allaient fructifier en entrant en bourse avant de vouloir divorcer, je réfléchis. C'est idiot, elle aurait pu avoir une fortune colossale.
— Exactement. Mais si elle a prononcé son envie de devenir mon ex-femme aussi rapidement, je pense qu'elle savait quelque chose d'assez gros auquel elle ne voulait pas être mêlée. Quelque chose qui pourrait couler Mediatics et la famille Barnes dans son sillage, ce qui m'inclut. Elle me plombe la vie et celle de tout mon entourage pour piétiner sur les cendres de mon entreprise.
— Qu'est-ce qui a pu lui faire faire ça ?
— Je pense que ça a un lien avec les placements financiers de mon père à une certaine époque. Nous pouvons partir de là ? Certains fichiers sont conservés ici et sont actualisés en temps réel, mais ne sont accessibles que depuis le poste pilote, qui est ici-bas. Il est protégé pour que seuls les membres hauts placés de Mediatics et les membres de ma famille proche puissent le visionner. Sharon pouvait donc y avoir accès. »
Je déglutis en jouant avec mes ongles. Des dossiers à foison pour régler une partie du problème... C'est Merry qui répond la première, les yeux ronds :
« Donc, si j'ai bien compris, il y a des dizaines et des dizaines de dossiers à vérifier et à éplucher. Un par un ! C'est de la folie furieuse ! Et comment on fait pour gérer ça et faire ce que l'on est payé ? Parce que, excusez-moi de te le rappeler, elle rit ironiquement, mais le dédoublage n'existe que dans les films.
— Nous sommes en période de vacances, les producteurs peuvent bien attendre, j'ai plus grave à gérer, réplique Caleb, exaspéré. »
Bouche bée, Merry croise les bras et s'assoit sur son siège. Dave, d'un mutisme implacable, observe la scène et me retourne mon regard lorsqu'il s'arrête sur moi. Il roule des yeux et se lève de sa chaise puis me rejoint rapidement à la porte. Il grimace en s'adressant à son patron :
« Puisqu'il s'agit d'une énième chose à gérer, on y va ? Histoire que l'on ne perde pas de temps à blablater dans le vent pour ne rien dire ? Merry reste ici si ça te chante, garde le bureau et reçois les appels.
— Bien Charlie ! minaude la jeune femme en s'approchant de son écran en pouffant. »
Dave, fier du surnom attribué, sourit en sortant de l'endroit puis appuie sur le bouton de l'ascenseur. Alors que je m'apprête à le rejoindre à mon tour, Caleb m'attrape l'avant-bras et me retient un court instant avec force, ce qui me surprend. Je sens une vague de chaleur m'inonder l'endroit où il presse, ce qui me met mal à l'aise. En tournant légèrement la tête vers lui, il se rend compte de la poigne qu'il a mise dans son geste et me lâche, gêné à son tour. Il toussote légèrement et chuchote :
« Charlie ? À côté de la plaque. »
Je pouffe doucement et me recule pour être moins près de cet homme qui m'attire comme un magnet contre du métal. Je tapote vaguement du plat de la main son torse et dis, amusé :
« Rappelle-moi de t'inviter un soir, après la fin de cette mascarade, pour regarder Charlie's Angels et te refaire une culture cinématographique, finis-je par un clin d'œil. Je me demande encore ce que tu fais ici sans avoir ce genre de référence. »
Il sourit à son tour, pâlot tandis qu'il descend le regard sur ma main droite, toujours sur son pectoral droit, proche du cœur, sans le vouloir. La vague de chaleur s'accentue. Tout ce que je fais, aussi involontaire soit-il, me rapproche trop de lui. Dans mon dos, j'entends la voix masculine de Dave qui vient sans doute de pénétrer dans la cage d'ascenseur.
« Est-ce que ces deux amoureux en carton peuvent ramener leurs petites jambes vers moi ? Vous voir batifoler en public est assez bizarre, surtout en connaissant la teneur de votre relation. »
Caleb est le premier à réagir, se précipitant presque à ses côtés, comme si le diable lui courait aux fesses et que le seul moyen de s'en défaire est de rejoindre Dave, le grand sauveur.
« Justement, on entretient une relation purement professionnelle et actuellement nous étions en train de répéter notre comédie. Bluffant n'est-ce pas ? »
Je les rejoins à mon tour, semi-souriante, semi-honteuse, alors qu'il n'y a aucune raison de l'être. Dave m'attrape la main durant la descente et la serre, comme un soutien silencieux. Après quelques minutes, avant que les portes ne s'ouvrent sur le service financier, notre Charlie national répond platement :
« C'est sûr que vos qualités réunies pour l'acting sont assez impressionnantes, on pourrait presque croire que vous êtes fous l'un de l'autre. C'est un avantage considérable pour la suite de cette affaire. »
Je tique sur sa première phrase et me retiens de faire une remarque. Quant à Caleb, il baisse la tête vers la moquette en avançant. « Presque » est le bon terme pour définir notre relation.
En arrivant devant un bureau plus que banal, vitré et dont un nom qui m'est inconnu orne la porte, Caleb souffle et ouvre, blasé. Nous pénétrons dans l'enceinte tandis que ce dernier se place devant le moniteur et entre le fameux mot de passe. Soudain, l'écran se charge d'un nombre incroyable de documents, remontant à l'année 1976, le début de l'entreprise Mediatics fondée par Andrew Barnes, himself. Chacun est trié par mois.
« Prêts pour faire un bon dans le passé à la Back To The Future ? Déclare Dave, sans conviction.
— Si c'est notre seule solution pour coincer cette vipère de Sharon, allons-y les garçons. »
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Des heures plus tard, toujours dans la même situation
Cela fait quelque temps que la nuit est tombée sur Manhattan et que les lucioles se sont allumées en cœur sur toute la presqu'île new-yorkaise. Dans l'enceinte de Mediatics, peu de lumière se dégage, tous ou presque sont partis. Je bâille de fatigue devant l'écran d'ordinateur que j'ai réquisitionné. Tous les numéros d'archive sont répertoriés à l'intérieur même de la machine et d'autres sont encore à l'écrit, dans la pièce dédiée.
En fin de services, Merry nous a rejoints pour nous donner de l'aide, et nous sommes donc au complet pour chercher la faille des Barnes. Caleb se frotte les yeux avec insistance et s'étire en se séparant de l'ordinateur, exténué. De nous tous, c'est celui qui est le plus sérieux. Il épluche, écume tout ce qui peut trouver et reste concentré sur sa tâche. À un moment, nous avons tous commencé à avoir faim et il a été le seul à ne pas avoir touché à ses nouilles chinoises de tout le repas, trop occupé à lire chacun des mots qui lui passait sous le nez. Je pense qu'il se sent mal, car il pense que tout ceci ne serait pas arrivé s'il n'avait pas déboutonné le pantalon chez une autre. En soi, c'est vrai, mais Sharon couvait son envie depuis des mois et des mois, elle attendait le bon moment pour lancer la bombe. L'adultère avec Riley n'était qu'un prétexte pour pouvoir lâcher le morceau et recevoir les soutiens de la population féminine et masculine de la nation. C'est ce que l'on appelle un strike dans le métier.
« Il est presque minuit, nous sommes là depuis des heures et des heures, je commence à croire que ton intuition était mauvaise Caleb... dis-je, en m'éloignant de l'écran et me rabattant contre la baie vitrée, les yeux fermés.
— Ne dis pas ça Olivia, nous touchons au but, j'en suis sûr ! tente-t-il, dans l'espoir de me redonner du courage à moi, et aussi à l'équipe qui est, elle aussi épuisée. Encore une heure et on arrête ?
— Je suis peut-être un employé modèle, commence Dave, mais j'ai mes limites... Je meurs d'envie de dormir...
— Moi aussi... ajoute faiblement Merry, l'accentuant par un bâillement gargantuesque.
— Laisse-les s'en aller, ils en ont besoin... supplié-je, mains jointes dans la direction de mon patron. »
Il donne un coup d'œil sur mon moniteur et grimace de tristesse en nous décryptant tour à tour. D'un coup vague de la main, déçu, Caleb indique la sortie de la main.
« Allez vous reposer, vous allez vous endormir ici sinon. Il passe sa main dans les cheveux et retourne sur sa recherche. »
Merry et Dave semblent soulagés et récupèrent leurs affaires en nous saluant. Je reste face à la baie, ne voulant pas abandonner mon partenaire. Il me dévisage un instant, perplexe quand il me voit le rejoindre à ses côtés.
« Tu ne pars pas avec les autres ?
— Je serais plus utile ici avec toi que dans mon lit à me torturer l'esprit.
— Tu devrais pourtant. Sa voix est molle, sans énergie.
— Et toi tu devrais cesser deux secondes de fixer ton poste pour te reposer les yeux. »
Il tourne sa chaise dans ma direction, en s'écartant bien du bureau et esquisse un sourire, deux secondes avant de revenir dans sa position initiale.
« Madame est contente ? J'ai fait ce qu'elle m'a demandé. Je ris, mais la fatigue prend le dessus et m'arrête. Sérieusement Liv', va te coucher, tu es à deux doigts de t'endormir...
— Je dois t'aider, un bâillement ou des paupières lourdes ne changeront pas ça. En réalité, je meurs d'envie de m'allonger par terre pour faire un petit sommeil alors je réfléchis à voix haute. La seule chose qui me fera changer d'avis, c'est si toi aussi, tu vas te coucher. Ça peut attendre demain Caleb...
— Peut-être, mais j'ai besoin de savoir, c'est de ma faute si nous sommes dans cette situation. »
Tiens, je l'avais dit. Je sais le percer à jour ! Dans un coin du bureau, il y a un petit canapé brun, sans prétention, dans lequel je m'assois.
« Monsieur pense que toute la misère du monde repose sur ses frêles épaules ? Je te rassure, c'est plus ton père qui est le pêcheur dans cette affaire. Tu n'as fait qu'accélérer les choses. Je bâille. Et puis, si nous n'étions pas là où nous sommes, peut-être que nous ne connaîtrions pas ou peu ? »
Il se lève et s'assoit sur la moquette, dos contre l'accoudoir du canapé, proche de ma tête que je viens de poser près de la sienne, allongée. Dans mon point de vue, je vois sa cage thoracique se mouvoir et ses épaules se calent contre moi.
« C'est vrai... Alors, je ne devrais pas regretter de te connaître... Il bâille à son tour tandis que je pose ma main sur son épaule doucement. Un énième contact qui me fait frissonner.
— Bonne nuit Caleb Barnes.
— De même Olivia Lawford... De même... murmure-t-il, alors que je ferme les yeux, toujours ma main sur lui, main qui se retrouve recouverte par la sienne, entremêlées et lovées entre elles. Liées. »
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