Chapitre 35 : Cadavres parfumés à la rose

« Que dit le New York Times Merry ? demandé-je à cette dernière qui écume tous les sites d'informations en continu des États-Unis depuis le retour de la pause.

— Toujours rien ! Pas un seul article réactionnaire, le néant dans toute sa splendeur ! Elle agite les bras dans tous les sens. Je n'y crois pas !

— C'est peut-être tant mieux pour nous que l'affaire ne s'ébruite pas partout non plus partout, Dave poursuit sans lever les yeux de son écran, c'est une bonne chose même pour le commun des mortels. Après, pour nous, j'en suis moins sûr, surtout de la critique qu'il va être fait.

— Merry, Dave a raison, arrête de refresh cette page internet sans arrêt, tu vas casser ton matériel. Tu vois bien que ça ne sert à rien. Il n'y aura sans doute rien. »

La jeune femme lève la main de sa souris et recule son fauteuil à roulettes en me fixant du regard.

« Voilà, je n'y touche plus, promis... Alors que je m'apprête à me retourner, mini Victoria rouvre la bouche. Une dernière fois ? Pour être sûr ?

— Argh ! Pas croyable ! Je souffle. Okay, une dernière fois et après, je ne veux plus entendre parler du NYT de la journée ! La journée entière ! Tu as bien compris ?

— Évidemment. Elle se rapproche de son écran avec une vitesse incroyable et appuie sur le bouton. J'ai l'impression qu'elle joue sa vie sur ce clic. Soudain, elle se met à crier assez fort pour que Caleb, téléphone filaire à la main, ouvre sa porte.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Quelqu'un fait un arrêt cardiaque ? Vous avez un défibrillateur pas loin ! Il nous balaie du regard, presque effrayé avant de s'arrêter sur Merry qui a sa main sur la bouche. Merry, tout va bien ?

— Le NYT... Le New York Times vient de sortir un article sur vous deux ! »

En parfaite symbiose, Caleb et moi nous regardons puis demandons, surpris.

« Quoi ?

— Le New York Times ? rajouté-je, en la rejoignant à grandes foulées. Tu te fiches de moi là ? Quand je t'ai demandé de vérifier tous les sites de news, je blaguais pour celui-là !

— Que dit-il ? fait Caleb, en raccrochant le téléphone pour s'approcher de nous deux, en prenant garde à ne pas trop me coller ni poser ses mains sur mon corps.

— Il illustre les résultats de Mediatics d'abord pour faire tout un paragraphe sur la cause de toute cette affaire. Ils citent tes excuses à Sharon et à Liv' en rajoutant que ce « triangle amoureux » n'est pas sans rappeler certains films. Ils n'ont pas mis de photo de Liv', seulement ta femme...

— Ex-femme, arrête automatiquement Caleb qui se tourne très légèrement vers moi, en attente d'une réaction. »

Je lève les yeux au ciel et m'éloigne pour rejoindre le bureau de Dave, qui joue avec un stylo 4 couleurs. Son écran affiche le même article qu'il ne cesse de lire et relire, comme s'il voulait décrypter un sens caché. Je murmure dans ma barbe imaginaire, sans vrai but :

« Finalement, c'est bon pour nous ou pas ?

— Un peu si j'en crois ce que je lis, répond Dave avant d'ajouter, sûr de lui, ça fait un boost potentiel pour Mediatics. On met en avant les finances au lieu des histoires de coucheries de Monsieur le PDG. Il ne reste plus qu'à connaître la réponse de Sharon et on sera fixé.

— Il est temps d'organiser une petite rencontre amicale d'ailleurs. Pour signer les papiers de divorce et parler de la suite, s'exclame mon patron en claquant des mains. Olivia, je te confie cette mission.

— Moi ? Sharon ? Tu es sérieux ? De nous tous, je suis peut-être la personne qu'elle déteste le plus. Il rit en tournant sur lui-même. Et puis, la signature n'est que le 30 ! Il esquive la phrase d'un coup de main dans l'air.

— Ne t'inquiète pas, elle ne peut pas plus te détester qu'elle ne l'est avec moi. »

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Nous sommes assis autour de la salle de conférence, Sharon et Caleb se font face, chacun à l'extrême de l'autre. Ce dernier paraît pensif quand son avocat présente les papiers finaux et un stylo. Quant à Sharon, fidèle à elle-même, elle observe l'espace sans considérer le dossier que l'on vient de lui placer, à son tour devant son nez.

Je reste muette debout, près de la porte, au cas où un missile de type « Sharon » me fonce droit devant. La scène se déroule dans un calme étonnant et je retiens ma respiration quand les deux adversaires attrapent leurs stylos pour apposer leurs signatures. La pièce baigne dans une tension qui pourrait se briser en une fraction de seconde si quelqu'un respire trop fort.

Mon regard se scotche sur la main de Caleb qui s'apprête à signer. Elle se baisse de plus en plus, mais, en frôlant la surface du papier, il s'arrête et la laisse en suspension, comme s'il était indécis. Immédiatement, Sharon remarque sa possible hésitation et repose son arme encrée sur la table de conférence, sévère. Mon cœur se libère d'un poids impressionnant. Il ne signera pas aujourd'hui. Je reste sa petite amie jusqu'au 30 décembre. Cependant, je le resterais peut-être « officiellement » un peu plus longtemps avec la bombe qu'il a lancé plus tôt dans la journée.

« Il y a un problème ? Tu veux contester mes demandes ? Elle plante son regard dans celui de Caleb. Elles te semblent injustifiées peut-être ?

— Non, fait-il simplement, sans la lâcher des yeux. Je me demandais juste pourquoi vouloir détruire ma vie et celles de ceux que j'aime, pincement au cœur, de cette manière te paraissait si important.

— Tu crois que ça me fait plaisir peut-être ? Eh bien oui. Je suis si heureuse de te pourrir la vie ! Tu m'as trompé sombre idiot ! Dans les pires moments de notre vie de couple, si on peut la considérer comme telle hélas, tu n'as fait que me mépriser. Alors quand j'ai vu, grâce à de bonnes informations, que tu étais apte à aller découcher chez une autre puis revenir le lendemain, avec un petit bouquet de fleurs d'excuses qui n'en était pas un, crois-moi, j'ai voulu t'enfoncer mille pieds sous terre. Et maintenant que j'en ai l'occasion, je ne manquerais pas à assouvir ma « vengeance ». Si je peux faire sombrer tout un empire, tant mieux !

— Quel beau projet de vie ! Et tu as pensé à prendre des vacances ? Non, mais je suis un peu près sur « qu'assouvir sa vengeance », comme tu le dis si bien, doit être terriblement épuisant ! Il ricane méchamment. Promis, dans le package « Divorce », je t'offre le voyage le plus long et le loin possible de moi. Que penses-tu d'un périple en Vietnam ou en Ushuaïa ? Ce sont des paysages magnifiques à visiter ! »

Je tressaille lorsqu'il recule son assise et qu'il se retrouve debout. Sharon se lève à son tour, visiblement énervée, une expression alourdissant son visage.

« Te ruiner l'existence, c'est bien plus drôle aux premières loges voyons ! Elle se tient les poings sur les hanches, tandis que son avocat semble complètement assommé par la situation.

— Si tu veux de l'argent, sers-toi autant que tu le souhaites, je n'en ai rien à faire de me délester de quelques millions et tu le sais très bien.

— Ton argent ne m'intéresse pas le moins du monde, mais c'est plutôt d'où il vient qui est plus intéressant. Son sourire se fait carnassier tandis que Caleb la fusille du regard. Il replace sa cravate en souriant et se tourne vers moi, tétanisée.

— J'en ai assez entendu. Merci pour ton aide Sharon, ce fut un réel plaisir. Bonne journée. Il attrape ma main et y dépose un baiser, dos à l'assemblée. En relevant la tête, je perçois un clin d'œil puis il sort, sans rien dire. Il a une idée derrière la tête, il doit savoir où chercher. »

Tous, sauf Sharon, étrangement, avons les yeux aussi ronds que ceux d'un hibou. J'ai du mal à déglutir et j'ai l'impression d'avoir de la vapeur à la place du cerveau. Il n'a pas signé. Elle non plus. Le mariage est toujours d'actualité. Déçus, les deux avocats de chacun des partis rangent leurs documents puis celui de Caleb quitte la salle de conférence sans demander son reste, plutôt abattu même, suivi de la femme-vipère qui la salue en partant. Il ne reste plus que deux personnes qui ne sont réunies que par un seul homme. Sharon Dawson, puisqu'il s'agit de son nom de demoiselle, m'examine de haut en bas, un sourcil froncé.

« Et dire qu'il m'a trompé avec cette fille. On aura tout vu. Elle peste et attrape son sac Chanel qu'elle place en équilibre sur son épaule. Cette petite discussion était bien sympathique, mais il n'aurait jamais signé.

— Peut-être qu'il en avait besoin. Je serre les dents.

— Il avait surtout besoin d'un réceptacle pour se vider. Enfin, je ne vous apprends rien sur ses performances.

— Nous ne connaissons pas le même homme visiblement. Je croise les bras sur ma poitrine, en protection.

— Vous ne le connaissez que depuis peu de temps. Moi, j'ai vécu des années entières avec lui. Il se lassera bien vite. Mais tout ça, je vous l'ai déjà dit.

— Je ne crois pas les femmes odieuses.

— Odieuse, peut-être, réaliste, c'est un fait. Sharon s'approche dangereusement de moi et de mon oreille pour venir me susurrer. Mais n'oubliez pas, cherchez d'où tout vient. Il y a beaucoup de cadavres chez les Barnes parfumés à la rose. Elle se recule brusquement et pousse la porte. Bonne journée et rendez-vous le 30 ! »

La femme sur talons aiguilles sort avec un grand sourire moqueur et prétentieux. Connasse.

Cherchez plus loin ? Mais je sais plus de choses qu'elle ne le croit. Cependant, il y a quelque chose de plus important sur le feu qui est de savoir ce qu'a découvert mon « petit copain ».

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