Chapitre 21: Besoin de réconfort

Un frisson me parcourt alors que je marche le long des différents trottoirs que j'emprunte. Nous sommes la veille de Noël et je navigue seule entre les marmots dans leurs landaus, les touristes qui prennent des photos de tout et de rien et les autres qui parlent forts, embrassent leurs amours ou qui font comme moi. Ma salive est bloquée dans ma gorge et ma bouche est sèche depuis que j'ai jeté un coup d'œil à des magazines en ventes.

Mes pieds se déplacent d'eux-mêmes, ils semblent se diriger seuls, sans prendre de décisions avec mon cerveau. Mes bras sont croisés et repliés sur eux, me protégeant comme un bouclier. Mes yeux fixent les dalles craquelées, évitant de temps en temps les petites déjections de chiens qui les ont assiégés. Quand j'expire, je vois la buée qui sort de la bouche et qui se reprend dans l'air.

Mais je suis secouée par un frisson qui est bien plus fort. Un frisson que même le chocolat chaud avec de la chantilly ne pourrait calmer. Alors j'avance, pour essayer de l'oublier. C'est affreusement triste, mais cela fait du bien.

Je lève la tête lorsque j'arrive vers l'entrée de Prospect Park. Je vous avoue que le chemin à pied fut légèrement plus court, car j'ai pris un taxi au bout d'un moment, mais ça n'empêche rien du tout.

J'inspire et expire lorsque je pénètre dans le parc. Il y a beaucoup de familles qui y sont, mais moins que d'habitude étrangement. Tous doivent être en train de préparer le réveillon de famille et finaliser quelques détails, le sourire plaqué aux lèvres.

Au bout que quelques minutes d'intenses recherches, je trouve un banc vide et propre puis m'installe en broyant du noir. Dans cette situation, j'aimerais être accompagnée, mais il n'y a personne qui puisse être là avec moi. Ou du moins, personne qui ne veuille être ici.

Mes doigts tapotent en rythme le siège du banc alors que j'observe le lac qui n'a que légèrement givré cette année. Ma main libre tient mon téléphone qui est presque gelé. Il vibre une énième fois depuis que je suis sortie de mon rendez-vous avec Riley. J'observe le nom qui est affiché sur l'écran et réponds immédiatement.

« Olivia ? dit la voix étouffée dans le combiné.

— Que veux-tu ? »

La voix souffle de soulagement et reprend :

« Je sais que nous sommes le week-end, mais... peux-tu me dire où tu es ? »

Je frotte ma joue qui me brûle à cause du froid. S'il ne s'agit que de la seule personne qui souhaite être à mes côtés et qui puisse me comprendre, c'est bien elle. Mon besoin de réconfort est trop grand et malgré ce qu'il est, nous sommes dans la même barque.

« Je suis à Prospect Park, sur un banc devant le lac. Rejoins-moi vite, s'il te plaît..., je retiens un petit sanglot fugace puis reprends, j'ai besoin de toi...

— J'arrive Liv'. J'arrive... »

Il raccroche brusquement tandis qu'une larme perle lentement sur ma joue. Je l'écrase rageusement et attends en silence qu'il arrive.

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« Olivia... »

Il s'assoit à mes côtés, à une distance respectable, et regarde le paysage qui nous fait face. Le pouce de sa main gauche tremble contre sa cuisse et ses cheveux se battaient au vent. J'ai l'impression qu'il a pris dix ans d'un coup.

« Caleb... murmuré-je, en un souffle court.

— Je suis désolé, il s'arrête en tournant la tête vers moi, pour tout ça.

— Pourquoi serais-tu désolé ? dis-je, en souriant pathétiquement. J'ai une potentielle vie en champs de ruine, une « amie » qui revient comme par magie et les médias qui pensent ouvertement que je suis une allumeuse. À mon tour, je lui décroche un regard lourd de sens. Tu sais ce que j'ai vu après t'avoir appelé ? Un magazine virtuel avec une photo de moi en ta compagnie hier soir, avec la mention « Caleb Barnes : Après Sharon Dawson, son nouvel amour pour sa secrétaire un peu chaude » dans un encart. Affiché dans la rue. »

Je porte ma main sur la bouche en réalisant ce que je viens de dire, me penche en avant en plissant les yeux. Caleb se penche vers moi et pose, maladroitement la paume de sa main sur mon dos puis tente de le caresser. Des sanglots bruyants s'accumulent dans ma gorge et certains parents avec leurs enfants nous regardent interrogateurs.

Il s'arrête puis se lève pour se placer, à moitié accroupi devant moi, ses mains sur mes genoux. C'est assez improbable comme situation. Il relève mon menton et retire du doigt les quelques petites larmes qui ont envahi mes joues. Caleb a un air terriblement inquiet et triste.

« Je ne pensais pas que Sharon ferait ça. Je croyais qu'elle ne parlerait que sur moi...

— Arrête, je t'en supplie. Je retire sa main violemment, les joues devenant rouges de colère. Sharon est une femme meurtrie ! Bien sûr qu'elle aurait parlé de moi, mais pas devant la télévision nationale... Ce n'est pas ce que font les personnes normales...

— Liv', nous ne sommes pas des personnes lambdas, plus à présent, ajoute-t-il, se mordant la lèvre inférieure. Je regrette réellement de t'avoir liée à cette sombre affaire. »

Qu'entends-je ? Caleb Barnes ? Mon Caleb Barnes ? Rempli de regrets ? Impossible.

« Caleb, dans un sens, je suis contente d'être là où je suis actuellement. »

Il hausse le sourcil, interrogatif tandis que je passe mes doigts dans sa chevelure, geste que je n'aurais probablement pas effectué encore hier. Mais l'adrénaline donne des ailes.

« Que veux-tu dire par là Olivia ?

— Je suis heureuse de t'avoir en temps que « faux petit-copain « . J'ai l'impression que vivre cette aventure à tes côtés me donne... Une raison de vivre. Tu n'es peut-être pas entièrement un profond connard... Oops, ça m'a échappé ! dis-je en riant.

— Aïe ! Ça fait mal de savoir ça ! »

Il se joint à moi en se relevant avec difficulté. Caleb se frotte les genoux puis me tend sa main avec un petit sourire vicieux.

« Madame a fini de faire sa gamine maintenant ? dit-il, en un simple sourire. »

J'accepte sa main puis me relève en retirant les derniers restes de larmes sur mon visage.

« Tu sais quoi ? Je retire ce que j'ai dit, tu es et resteras un profond connard, affirmé-je sur le même ton amusé. »

Je donne un petit coup sur son avant-bras tandis qu'il rit.

« On ne pourra jamais me changer ! »

Soudain, il me regarde intensément et passe ses bras autour de moi puis me soulève. En l'espace d'un instant, je me retrouve à la tête à l'envers, en train d'hurler et frappant son dos avec mes poings qui le font quelquefois légèrement ciller. Nous sommes tous deux hilares, comme deux enfants.

« Repose-moi abruti !

— Parle mieux à ton patron et on en reparle, petite secrétaire insignifiante ! »

Il se met à courir à travers le parc puis, alors que je me débats encore sur son épaule, me descends à la sortie.

« Olivia Lawford, vous n'êtes pas un poids plume ! déclare-t-il, alors que je croise les bras, boudeuse.

— Caleb Barnes, je vous emmerde tendrement. »

Nous nous retrouvons dans la rue, côte à côte comme un vrai couple, lui toujours habillé du même costume d'hier, moi de même. Je ne sais pas si je peux lui tenir la main, si c'est étrange ou s'il va me rendre un vent fulgurant. Mais il prend la décision de lui-même en la prenant.

« Tu vois ce que je vois ? »

Je souris en voyant l'arrêt de métro qui nous fait face.

« Oui, je vois. Tu penses à ce que je pense ?

— Évidemment ! »

Alors que nous nous élançons, cœurs battants à la chamade, vers la bouche de métro, il s'arrête juste devant, bloquant les personnes qui s'énervent contre nous.

« Avant tout, Mlle Lawford, souhaitez-vous vous joindre à ma table de Noël ce soir ? »

Ma bouche forme un grand O de surprise et mes deux yeux doivent être aussi ronds que deux balles.

« Sérieusement ?

— Je ne dirais jamais ça à la légère mademoiselle.

— Bien. Monsieur Barnes, j'accepte votre requête à une seule condition.

— Laquelle ?

— Je veux être heureuse durant ce réveillon, oublier les problèmes et être avec une personne que j'aime beaucoup, réponds-je d'une seule respiration, mes joues rougissent alors. »

Caleb semble surpris puis me caresse la main du pouce qui tremblait plus tôt.

« Je vous fais la promesse que vous passerez le meilleur premier réveillon new-yorkais à mes côtés. »

Je m'approche de son oreille en riant.

« Le principe du premier Noël, c'est qu'il n'y en a qu'un seul Caleb, chuchoté-je.

— Avec moi, chacun des Noël est magique. »

Je n'en doute pas, mais alors pas du tout.

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