Chapitre 17: Le grand plongeon

Le sang bouillonne dans mes tempes. Mes jambes sont bien plus en coton que ce qu'elles ne l'étaient précédemment. Des images se jouent devant mes yeux sans que je ne comprenne le sens. Un grand écran est allumé sur une vision d'horreur. Le pire scénario qui pouvait arriver. Celui que personne n'aurait pu anticiper. À mes côtés, mon patron, livide, de l'autre, son père et fondateur de Mediatics. Entourée de deux personnes de pouvoir, engloutie dans la marée noire dont je n'arrive plus à sortir la tête de l'eau.

« Merde, parviens-je finalement à sortir après dix bonnes minutes de mutisme devant la télévision du petit bureau. »

Caleb se détache de la vision d'apocalypse qui s'affiche devant nous trois et face à d'autres personnes qui me sont inconnues.

« Tes talents pour faire des résumés de situations sont magnifiques Olivia, dit Caleb, après un long silence. »

Nous nous regardons puis :

« Merde, disons alors, à l'unisson, mon supérieur et moi alors qu'Andrew Barnes s'éponge le front à l'aide d'un mouchoir. »

Je suppose que vous ne comprenez absolument rien actuellement. C'est normal mes enfants ! Revenons quelques heures auparavant, en sortant de la limousine, prêts pour faire notre entrée sur le red carpet de l'événement.

Juste avant le drame.

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Plus tôt dans la soirée, limousine des Barnes

« Mes doigts tremblent comme s'ils étaient des shakers.

— Les miens aussi, rassure-toi, balance Caleb, le regard perdu dans le vague.

— Je n'ai jamais été aussi crispée... Même mes résultats aux examens finaux ne m'ont pas rendue aussi stressée. Je me mordille la joue pour me calmer tandis que Caleb soupire pour évacuer. »

Dans la voiture, et malgré son espace résolument immense, j'ai l'impression d'étouffer. Mes yeux manquent de me brûler tant je les maintiens ouverts, ma tête au bord de l'implosion. Mes doigts tapotent frénétiquement les sièges et mes cuisses, provoquant le célèbre son associé à l'attente. Nous roulons depuis une dizaine de minutes qui me paraissent des années-lumière.

« Je pense que ce n'est pas le moment où j'ai pu être aussi sur les nerfs, mais nous ne sommes pas si éloignés de ce stade quand même. Sa tête tombe en arrière où il s'appuie sur le haut du siège, s'étirant du mieux qu'il peut. »

Par la fenêtre, je perçois au loin les projecteurs, les flashs des paparazzis qui mitraillent littéralement le red carpet du bâtiment de la fondation qui nous accueille et les diverses stars du cinéma, de la télévision et de la radiophonie américaine qui posent, dans de grands costumes élégants.

Je passe en revue ma sobre tenue, me félicitant sur son aspect simple et qui passera au travers des filets des photographes. Les freins de la limousine s'arrêtent lentement, à l'entrée de la soirée, alors que tous deux nous ressentons une boule au ventre. Des éclats de lumières traversent les vitres teintées, signalant les appareils photo qui attendent impatiemment notre sortie.

Caleb hoche la tête dans ma direction, geste simpliste que je lui rends puis il me tend sa main pour nous extirper de la voiture. La porte s'ouvre sur un parvis d'hommes habillés en tuxedo ou chemise blanche, un badge « Press » blanc autour du coup.

« Monsieur Barnes, par là ! crie un des photographes, suivis par bien d'autres.

— Monsieur, par ici ! »

Tous ces mouvements me surprennent et je reste presque tétanisée devant tous ces hurlements hystériques. Mon premier réflexe est de porter ma main au niveau de mon visage pour me protéger d'eux, de me cacher de leurs pellicules. Mais Caleb le remarque bien vite et me sourit en me l'attrapant. Il se loge au creux de mes reins pour me faire avancer sur le tapis rouge qui me paraît si long. Le fond est recouvert des logos de Mediatics, de la Fondation-hôte et de sponsors.

Même s'il se dit mort de trouille, Caleb est d'une telle aisance lorsqu'il se place devant eux et demande, contre toute attente :

« J'espère que vous passez une bonne soirée mes amis, il se tape dans les mains après m'avoir lâchée, mais voici, je m'écarte brusquement quand il me pointe, Mlle Lawford, ma grande amie qui a accepté de se joindre à nous ce soir ! »

Les flashs crépitent de plus belle lorsqu'il finit sa petite présentation et que des voix, en plus de celles qui interpellaient Caleb, commencent à s'adresser à moi. Il est l'heure que je rentre dans la peau d'une personne tout à fait à l'aise comme peut l'être mon patron.

Maintenant, alors que nous avançons rapidement, j'ai l'impression de détonner avec les autres. Je suis bien trop simple, bien trop normale par rapport à eux. Mais je fais bonne figure et avance, accrochée à Barnes qui se plie à l'exercice avec perfection. Ça en devient presque énervant de le voir exceller dans tout ce qu'il fait.

Hormis garder une compagne, évidemment.

Oh que je suis mauvaise de dire ça...

Mon sourire se force tellement que j'en ai vraiment mal aux zygomatiques. Plusieurs fois, je porte ma main à ma joue pour la refroidir tellement je ressens une immense vague de chaleur à ce niveau-ci. Puis, sur les marches qui mènent vers l'entrée de l'immeuble, nous formulons nos derniers regards, nos ultimes sourires avant de sombrer dans la fête de la débauche à l'américaine.

Mes doigts massent instinctivement mes commissures de lèvres tandis que Caleb replace son nœud papillon et tend son manteau vers un homme qui doit gérer les vestiaires. Il lui confie un petit papier rouge avec écrit dessus un numéro puis réceptionne mon vêtement à son tour, délivrant une autre suite de chiffres.

« Bonne soirée Madame et Monsieur Barnes, dit-il, sobrement.

— Madame Lawford, répliqué-je, immédiatement. »

Caleb esquisse un semblant de sourire et prononce, en m'attirant vers l'escalier :

« Nous sommes le clou final de la soirée, nous ferons donc notre...

— Ton entrée. Ne m'inclue pas là-dedans, je t'en conjure. »

Il toussote en me regardant droit dans les yeux.

« Ce soir, c'est moi qui prends le contrôle donc, s'il te plaît, fais ce que je te dis. »

Je souffle tandis que nous gravissons les hautes marches en marbre. Les balustres des balcons sont en or et minutieusement gravées lorsque je m'approche d'elles pour ne pas plus avancer.

« Fais ce que je dis, niah niah niah... fais-je, d'une voix suraiguë, mais sourde. Je suis à la recherche d'une once de respect actuellement. »

Caleb se retourne vers moi et a les sourcils arqués. Il semble être perplexe.

« Tu as dit quelque chose ? Je n'ai pas entendu.

— Tu dois entendre des voix mon garçon ! Je lui lance un sourire hypocrite qu'il me répond, immédiatement.

— Olivia, sois sérieuse deux secondes, c'est un peu la soirée d'investiture du 2ème président des United-States of Mediatics ! Et ce second président, en l'occurrence, il se pointe du doigt sur la poitrine, c'est moi ! Il redescend d'une marche pour venir à mon niveau et m'indique à mon tour, en prenant soin et précaution de ne pas toucher un élément... Indésirable. Quant à toi, tu es la First Lady des secrétaires donc estimes toi heureuse de pouvoir être ici grâce à moi.

— First Lady des secrétaires ? Je m'arrête en le regardant profondément. C'est extrêmement dégradant. »

Il lève les yeux en l'air et hausse les sourcils.

« Allons-y. »

Nous gravissons les dernières marches et nous dirigeons vers la grande porte fermée. Un homme en tuxedo tient la porte et a une oreillette.

« Petite gerbille est arrivée, je répète, petite gerbille est arrivé, entends-je. »

Je me retiens de rire tandis que Caleb semble extrêmement gêné.

« Mon petit nom affectueux que ma mère me donnait enfant. C'est un peu resté. Ses doigts font un petit écart tandis que je place ma main en face de ma bouche. »

Finalement, les hommes ne sont pas que des « bad-boys » comme on en croise dans les romans à l'eau de rose de nos jours.

« Un peu est un euphémisme, parviens-je à dire en me retenant de ricaner. »

Il se détourne en simulant ne pas m'entendre et s'adresse au vigile au visage fermé comme une huître. Je l'appellerais ainsi dorénavant.

« Je suis prêt à faire l'entrée, déclare-t-il, l'air confiant. Des espèces d'assistantes sorties de je ne sais où débarquent alors, l'entourant entièrement. »

Caleb avance légèrement et je tente de le suivre, mais la main de l'homme huître se plaque contre mon buste, me faisant reculer inévitablement.

« Vous n'êtes pas invitée à faire votre entrée avec Monsieur Barnes. »

Je retire sa main indésirable et commence à voir rouge. Mais c'est une blague ?

« Je suis la secrétaire de Monsieur Barnes, je dois faire mon entrée avec lui ! Deux fois qu'on me fait le coup en l'espace d'une semaine ! »

L'homme ne réagit pas et me fait reculer d'encore quelques pas.

« Vous n'êtes pas invitée à vous joindre au président de Mediatics, répond-il, machinalement. »

Je bouillonne en essayant de donner des petits coups avec mes talons dans ses mollets. Il semble le prendre un tantinet mal lorsqu'il me prend par les bras, me soulève et me dépose violemment bien plus loin.

Caleb est à deux doigts de rentrer sans moi, alors que je suis bloquée par le service de sécurité un poil gonflant et abruti. Super début de soirée qui n'a même pas encore commencé.

« Mais laissez-moi passer merde ! Un éclair de génie me parcourt alors, me donnant un dernier accès, ma dernière carte à jouer. Je fais un grand sourire complètement hypocrite et fais de ma voix la plus douce : Je suis la femme de Monsieur Barnes, Sharon, donc ce serait réellement incongru que je ne sois pas avec lui, je m'approche de son oreille et susurre, des personnes pourraient se poser des questions sur la santé de notre couple. »

Le vigile me lâche et bafouille des excuses tandis que je défripe élégamment ma robe et replace mes cheveux, prenant un air abominablement snob qui me ferait presque ressembler à Sharon.

« Excusez-moi Madame Barnes, je ne savais pas que Monsieur était toujours avec vous. Je vais vous ramener au bras de votre cher. »

Je souris et attrape le bras qu'il me tend. Je me retrouve rapidement aux côtés de « mon cher et tendre mari » qui ne semble pas avoir remarqué mon absence. Son bras autour du mien, nous prenons tous deux une grande inspiration.

« Prête ?

— Toujours. »

Les portes s'ouvrent, m'éblouissant à moitié. Une voix grave sort des grandes enceintes et déclare :

« Mesdames et Messieurs, votre maître de soirée Monsieur Caleb Barnes, PDG de la grande entreprise qui vient de rentrer à Wall Street, la semaine dernière, Mediatics, est à présent à nos côtés. Et à son bras, la jeune demoiselle Olivia Lawford. »

Une nuée d'applaudissements s'élèvent à la fin de cette petite introduction. Caleb a un grand sourire sur les lèvres. Il est rayonnant, mais quelque chose dans le regard le trahit. Quelque chose qui assombrit le tableau et que personne, excepté moi, car je suis la plus proche, ne peut voir.

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Plus tard dans la soirée, quelques minutes avant le drame

Barbant. Complètement barbant. C'est le mot qui résume ma soirée entière. Je suis accoudée à une table depuis pratiquement le début. Le champagne coule dans mes veines et ma tête me lance affreusement. Je redoute la grosse cuite du lendemain comme on redoute la mort. C'est pour cette raison que j'essaie de m'enfiler une bouteille d'eau depuis presque une demi-heure. Caleb a disparu de mon champ de vision depuis bien longtemps et personne n'est venu m'adresser la parole à part pour se faire mousser, me demander comment est mon patron dans la vraie vie et savoir s'il y avait une place de libre dans son bureau. Oui, une fille a eu le culot de me demander si je comptais démissionner pour qu'elle puisse prendre ma place. Sérieusement.

J'ai répondu poliment et sans évoquer les « Works » Games de Mediatics, mais je me suis retenue bien trop souvent de partir ou de lancer des verres hors de prix à la figure.

Quand je vous dis que je suis quelqu'un de particulièrement calme et contenu, je ne rigole pas.

Ma main contre ma bouche, je bâille une énième fois et regarde l'heure sur mon Nokia. 22h03 et je suis presque ronde comme une queue de pelle. C'est un parfait timing.

Alors que je commence à fermer mes yeux fatigués, je sens un poids presser mon épaule. Ma tête se tourne brusquement et c'est une main qui m'agite.

« Olivia ?

— Oui, c'est moi, dis-je d'une voix en demie teinte, vous cherchez des informations sur mon super sexy de patron peut-être ?

— J'apprécie le compliment, mais Liv', reprends-toi ! On a un gros problème. Caleb me fait lever et je déambule à côté de lui, ne me rendant pas vraiment compte de ce que je fais. »

Nous atterrissons dans un couloir sombre et dis :

« Oh, je ris grassement, oh, tu m'emmènes ici pour me faire des choses n'est-ce pas ? Je m'accroche à son cou et approche mon visage bien trop près du sien. Il recule en me détachant de lui. »

Je crois que je n'ai pas bu que du champagne finalement.

« Qu'est-ce que tu peux être insupportable quand tu es bourrée, c'est incroyable ! Il ronchonne tandis que je rigole comme une petite fille. Avance. »

Finalement, nous débouchons sur une salle qui ressemble à une Conference room. Sur un des murs trône fièrement une télé et devant celle-ci, il y a un homme d'un certain âge qui, malgré mon cas d'ébriété avancé, est assez reconnaissable. Il s'agit de Barnes Senior qui scrute l'écran sans rien dire. Notre duo s'avance, rejoignant Andrew qui tripote dans sa main un mouchoir en tissu.

« Quelqu'un peut m'expliquer ce que se passe ? dis-je, regrettant immédiatement mon ton désinvolte quand les deux Barnes me regardent comme si j'étais complètement folle.

— Fils, monte le son s'il te plaît. »

Il m'observe un instant puis ajoute :

« La fête aura eu raison de vous visiblement, Madame Lawford. »

Je décide de me faire toute petite et nous regardons tous l'écran. Sur le bandeau de la chaîne d'information, il y a écrit : « Sharon Barnes révèle des informations pouvant mettre en péril l'entreprise de son mari, Caleb Barnes, Mediatics ».

Le journaliste et présentateur parle sans que je ne comprenne un seul mot puis la caméra change et le visage de la vipère apparaît à l'écran. Elle est toujours aussi intimidante, et même à travers un écran je frissonne.

Sa voix enjôleuse se lance et je m'appuie peu à peu contre la table de réunion.

« En effet, j'ai des informations qui peuvent remettre en cause Mediatics.

— Vous ne tentez pas de préserver les petits secrets de votre mari ? dit le présentateur. »

Sharon sourit malicieusement et rit légèrement.

« Préserver les secrets d'un mari infidèle ? Excusez-moi, mais c'est mal me connaître ! En plus s'il s'agit d'un mari infidèle avec une de ses secrétaires, je n'ai plus de limites.

— Je comprends. Venez aux faits s'il vous plaît. »

Elle toussote et regarde bien vers la caméra.

« Évidemment. Je suis ici pour révéler quelque chose de pourrait faire rougir. Mediatics n'est pas fiable. Elle détient des comptes offshores dans différents paradis fiscaux. Mediatics est sujette à l'évasion fiscale de son fondateur, de son fils et d'autres. »

Elle refait un grand sourire vicieux et ajoute :

« Mon cadeau de divorce chéri. J'espère qu'il te plaît. »

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