Chapitre 16: Nos petits secrets...

Vendredi après-midi, vers les alentours de 17 heures

« J'ai le trac... dis-je à Hashtag, désemparée. Ma main triture tellement la pochette de mon téléphone que je ne serais même pas étonnée de l'avoir cassée. »

Ashton nettoie le comptoir sans vraiment écouter ce que je dis. Ce n'est pas la définition d'une conversation agréable, mais je fais avec, je dois me libérer. Je ne lui ai pas parlé de ma relation ambiguë avec Caleb, et je préfère en faire abstraction, mais le secret est si lourd à garder qu'il m'en brûle les lèvres de le divulguer.

« Mh, mh, c'est bien, c'est bien... Il a le regard vide, dirigé par le bas de la porte d'entrée. »

Immédiatement, je comprends.

« Ester ? »

À la seule évocation de son prénom, les yeux d'Ashton s'illuminent en une poudrée de mille étoiles. Je souris lorsqu'il se trouve entièrement vers moi et qu'il déclare :

« Je ne vois pas du tout de qui tu veux parler ! Il a du mal à cacher son mensonge, pire que moi avec le mien, et cela se voit comme nez au milieu de la figure.

— Arrête Ashton, ne me l'a fait pas à moi, tu es transi d'amour pour ta cousine.

— Cousine éloignée ! réplique-t-il, le rouge lui montant aux joues.

— Oh, mais la différence est flagrante, dis-moi ! Après un petit gloussement, je rajoute plus sérieusement alors Hashtag fuit mon regard : Ashton, regarde-moi et ose me dire que tu ne ressens pas un petit quelque chose pour cette Ester.

— Ce n'est pas n'importe quelle Ester... »

Je l'entends marmonner la suite dans sa barbe et tends l'oreille vers lui pour mieux l'entendre.

« Parle plus fort, je n'entends pas. »

Je me mets sur la pointe des pieds pour me pencher vers lui un peu plus et arrive enfin l'entendre marmonner un petit « oui » qui répond enfin à ma question.

Mon sourire se fige et manque de se tordre tant je suis partagée. Hashtag ne peut pas être amoureux d'un membre de sa famille, même très éloigné, c'est idéologiquement impossible.

« Je sais très bien ce que tu vas dire Olivia, ne gaspille pas ta salive. Ash se retourne vers ses étagères pour replacer les objets en exposition, tels que les tasses « NYC » qui en ornent. »

Mes doigts palpent instinctivement l'arête de mon nez pour le masser et mes oreilles écoutent les plaintes de mon ami avec désarroi. Soudain, je m'étonne de donner un coup sur le comptoir avec ma paume de main. Bruit sourd qui fait retourner Ashton, tout aussi surpris que moi.

« Tu sais quoi Ash, je m'éloigne de lui, fais ce que tu veux, mais au moins je t'aurais prévenue que c'est une mauvaise idée ! Je sors sans me retourner et rejoins Mediatics, le cœur lourd. »

Mon Nokia dans la main, je traverse le hall sans regarder autour de moi, sans m'attarder sur la décoration que je connais par cœur à présent. Je présente mon badge rapidement à l'entrée des ascenseurs et monte, les yeux toujours aussi rivés sur mon petit écran. Malgré la période hivernale, je meurs de chaud sous mes couches de vêtements. Mes doigts tirent mon col sans vergogne et je plaque mes baby-hair avec le plat de ma main.

Nous sommes vendredi 23 décembre, il est approximativement 17h et je m'interroge encore sur l'issue de la soirée.

Je ne vais pas vous cacher que je suis juste morte de trouille. Qu'est-ce que l'on me présentera en tant que « compagne de l'héritier et nouveau PDG de Mediatics » ou en tant que « secrétaire dévouée et exceptionnelle du grand et merveilleux Caleb Barnes » ? Ça pue l'ironie à cinquante kilomètres à la ronde.

« Olivia ? dit une voix féminine qui agite sa main devant mes yeux. »

Je remonte mon regard pour resituer de qui il s'agit et croise le visage de Merry qui est accompagnée de Dave. Tous deux sourient en ma direction et pénètrent dans la cage tandis que je sors.

« Joyeux Noël à vous deux et surtout dites à Dory que je ferais tout pour me racheter...

— Nous lui dirons Liv', ne t'inquiète pas pour ça, dit Dave, en tirant sur sa chemise pour se libérer de la sueur qui l'encombre. Bonne soirée et bonnes vacances ! En espérant que nous serons toujours ici en 2017 ! Il rit malgré la situation critique. »

Même si nous nous pensons écarter de la grande purge qu'exerce Barnes sur les employés est toujours d'actualité et nous ne comptons plus le nombre de personnes qui quittent le siège social de l'entreprise, un carton d'affaires personnelles sous le bras. J'ai l'impression que rien ne l'atteint, qu'il ne ressent rien à licencier tous ces gens qui, pour certains, vivent précairement. Ils sont peu dans ce cas ici, mais ils sont présents.

Hier, j'ai vu une femme en pleurs, son talon droit dans une main, sa chaussure dans l'autre, un carton sous le coude et des traces de mascara sur ses joues. Sur le moment, je ne l'avais pas reconnue, mais après coup, je me suis souvenue d'une des deux filles qui s'étaient allègrement foutues de moi suite ma chute de lundi matin. Un coup du karma sûrement.

Enfin, si le karma s'appelle Caleb Barnes.

Mes jambes sont cotons et guimauves, je ne sens plus leurs masses qui m'attirent vers le bas. Je m'écroule malgré moi dans ma chaise de bureau en retirant mes chaussures pour les remplacer par d'autres qui conviennent plus au caractère de la soirée mondaine où je suis invitée.

C'est une vraie épreuve de se rendre dans les latrines pour se changer. Si j'habitais plus près, je pourrais quitter cet endroit malodorant et franchement petit, mais ma vie est tellement plus intéressante à Brooklyn ! Je sors ma robe de soirée de mon sac en prenant un minimum de précautions. Elle est en coton et quelques pièces de dentelle ornent le dos de celle-ci. Je passe ma paume sur le tissu pour la déplisser et retire mes vêtements, le tout en équilibre sur la cuvette des toilettes à cause du manque de place.

Actuellement, et pour vous situer dans le contexte, je me contorsionne dans tous les sens, telle une acrobate de renommée, dans la pièce. J'enfile la tenue, une main contre le mur, l'autre dans mon dos et mon pied qui glisse lentement sur la cuvette.

Je hurle de surprise lorsque je me ramasse contre le carrelage, une chance monstre pour que je ne me frappe par le crâne contre le lavabo qui ne manquerait pas une seconde de se briser.

Je me frotte le derrière et, effrayée, je sens une vague de lumière m'inonder. La porte vient de s'ouvrir sur moi, les quatre fers en l'air.

« Mais c'est quoi ce bordel ? Caleb est effaré, ses yeux sont aussi ronds que deux soucoupes volantes. »

Je lève les bras tandis qu'il me relève.

« Fais-moi penser qu'il faut que je demande au patron d'agrandir ces toilettes. Elles sont dangereuses. Vraiment dangereuses. Je me frotte le dos en attrapant la fermeture éclair de ma robe. Tu peux m'aider ? C'est pour ça que j'ai joué aux cascadeuses. »

Il rit en posant ses doigts sur mon dos nu puis remonte la fermeture. Caleb se retire puis me montre ses poignets défaits.

« À ton tour de m'aider maintenant et je prends note pour cette affaire de toilettes tueuses. »

Je replace ses boutons de manchettes puis positionne vaguement ma chevelure.

« Quel est le plan boss ? lancé-je, une épingle dans la bouche et mes mains s'affairant sur mes racines.

— Le plan, c'est qu'il n'y a pas de plan. Je roule des yeux et puis il rajoute : plus sérieusement, je n'ai aucune idée précise, mais tout ce que je sais, c'est que si Sharon se pointe, puisque, techniquement, elle est toujours ma femme, cela risquerait de mettre le feu aux poudres. Considère-toi comme ce que tu es.

— Une simple secrétaire ?

— Une simple secrétaire, répète-t-il, un petit sourire. Une simple secrétaire carrément sexy habillée de la sorte. Tu vas attirer les regards, ma grande...

— Ne sois pas idiot Caleb, je me pince les joues pour leur donner un peu de couleurs puis m'appuie sur le lavabo tout en le regardant, il y aurait des femmes bien mieux parées que moi ce soir. Tu ne peux pas dire ça sans avoir vu les autres. Gênée, je sors et m'éloigne un maximum de lui. Il a une forte odeur de musc sur sa chemise blanche. Et puis, si ça peut te rassurer, de nous deux, c'est toi qui vas être le plus sous les feux des projecteurs. »

Caleb tire sur son nœud papillon en se regardant dans un miroir et répond :

« Je n'ai jamais aimé ça, donc c'est clairement une épreuve pour moi, ce rite de passage. »

Je donne un coup de rouge à lèvres que je range de mon fameux clutch puis enfile ma veste.

« Vraiment ? C'est intrigant.

— Si tu savais Liv'... Ce ne serait pas si intrigant, crois-moi sur parole. »

Je pose ma main maladroitement sur son épaule et la caresse rapidement avant de la retirer, rouge tomate.

« Je ne peux que te croire de toute façon. »

Un dernier regard vers nos reflets puis il pose sa main dans mon dos, encore une fois, et me pousse vers la sortie.

« Prête ? finit-il par demander.

— Je ne pense pas que le terme « prête » soit approprié, mais, considérons ensemble que ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Un secret sur notre aptitude à être heureux de vivre ce genre de soirée. »

Il hoche la tête et répond :

« Exactement. Ce sera un petit secret en plus de tous les autres. »

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