Chapitre 14: Le long trajet vers la normalité...

« Je suis vraiment obligé maman ? demanda un petit garçon qui tient sa mère par la main. »

Je n'entends pas la réponse de son interlocutrice, nous sommes noyés dans un océan de corps serrés les uns contre les autres. La normalité new-yorkaise en somme. Lorsque je tourne la tête pour jeter un coup d'œil vers Caleb, je me rends compte qu'il est limite en train de faire une syncope.

« Pas habitué, n'est-ce pas ? murmuré-je dans son oreille. »

Il se tourne légèrement vers moi, bloqué dans ses mouvements par une femme bien en chair et un enfant qui se cure le nez sans vergogne. Son regard est plus noir que noir et, très sincèrement, je pense que s'il n'y avait pas autant de monde autour, il me tuerait sur place.

« Rappelle-moi de ne jamais, au grand jamais, mourir dans un métro bondé. Je ne voudrais pas rester ici à hanter cette rame pour l'éternité. Il grommelle, un peu excédé du trajet. »

Je lui souris en retour et lui attrape la main pour le soutenir. Son contact me fait frémir et il est tout aussi étonné que moi, mais sa main se met à serrer la mienne. Et pas de façon très romantique si vous voulez savoir. Ça se résume à un broyage de phalanges en règle.

« Tu me le paieras Olivia, souviens-t'en. Il a un sourire sadique puis m'écrase plus fort les doigts. »

Je pousse un petit bruit puisqu'il me fait mal et retire immédiatement ma main pour essayer de me la masser. C'est peine perdue, je ne peux même pas tenir mes deux mains devant moi, le wagon se remplit encore et encore. Je vois un petit groupe de touristes asiatiques entrer in extremis dans la rame, ils sont essoufflés et ça peut se comprendre.

Nous restons silencieux le temps de quelques stations, complètement perdus dans nos esprits. Je me rends compte petit à petit que j'ai réussi à traîner mon patron dans le métro sans qu'il ne s'y oppose trop. Il veut que son plan fonctionne du tonnerre alors s'il accepte aussi facilement.

« Je n'arrive pas à me dire que tu fais ça tous les jours Lawford, dit-il alors que nous nous arrêtons à une nouvelle station. L'arrêt est si brutal que je me retrouve propulsé contre lui.

— Et là, tu n'as pas vu le meilleur. Le moment le plus « fun » du voyage arrive bientôt. Caleb semble intrigué. Quand nous arriverons pas loin de Times Square, il y aura une vague de sortie et une vague d'entrée. À chaque fois, j'ai l'impression d'être un poisson qui ne nage pas comme les autres, dans le même sens en fait. Je souris en regardant vers le plafond.

— Tu sais Olivia, tu es vraiment quelqu'un de très étrange. Je pensais que les Anglaises n'étaient pas aussi...

— Arrête tes clichés Barnes. Je le coupe immédiatement pour ne pas entendre sa réflexion idiote comme quoi les Anglaises sont coincées. Vu et revu, au cinéma, à la télévision et même dans les livres.

— Aussi intéressantes j'allais dire... finit-il par dire, penaud. »

Je n'ai pas le temps de répondre que nous arrivons enfin au niveau de Times Square et qu'une grande partie des personnes présentes disparaissent brutalement pour être remplacées par un nouveau groupe, la plupart avec de grands sacs de shopping à la main.

« Tu n'avais pas menti, c'est assez impressionnant, en effet, glisse Caleb à mon oreille.

— Je ne mens jamais. Mon patron me regarde avec un petit sourire en coin et je rajoute, sauf à quelques grosses occasions évidemment. Je roule des yeux.

— Je suis une « grosse occasion » alors ? C'est un compliment ? interroge Caleb, amusé.

— Je ne répondrais qu'en présence de mon avocat, finis-je par dire, n'ayant pas envie de pousser plus loin la conversation.

— Surtout, ne choisis jamais Maître Georges, il ne sait même pas distinguer une pomme d'une poire.

— C'est un peu excessif Caleb, il n'est pas avocat senior pour rien.

— Eh bien, son cabinet donne des promotions aux plus inexpérimentés alors. Il se frotte le front avec assiduité, chose que je remarque.

— Ne te frotte pas le front, on pourrait croire que tu t'es fait cocu. Je ricane en ajoutant : alors que, techniquement, c'est toi qui a cocu Sharon ! »

Caleb me pince la peau de la hanche et m'indique avec instance de me taire. Il donne des petits coups d'œil sur sa droite pour que je suive ce qu'il veut m'indiquer. Un homme avec un journal, étrange, généralement on lit les News le matin, du New York Times est en train de prendre des photos. Dans ma tête, je suis en alerte. Merde, j'ai trop parlé.

« Merde, c'est pour toi ?

— Rectification, pour nous. J'apprécierais que tu te taises sur certains sujets fâcheux en public Lawford. Il se gratte le nez à présent, se cachant intentionnellement la bouche avec la paume de sa main. Il faut qu'on sorte.

— Mais notre changement est dans deux stations ! »

Nous sommes dans la merde, et moi je pense encore à rentrer à la maison. Pathétique petite chose que je suis.

« Olivia, soit on se fait griller et tu peux dire adieu à ta petite vie ennuyante et puante...

— Eh !

— Non, tu n'es pas puante, mais cet endroit, il indique le wagon, si. Bref, soit tu es dans les tabloïds et on est grillé avant l'heure, soit on trouve un moyen de sortir efficacement et sans se faire remarquer. C'est toi qui choisis Olivia. Le temps presse. »

Je déglutis en réfléchissant le plus rapidement possible. Ce n'est pas compliqué, mais l'espèce de photographe se rapproche dangereusement de nous, j'espère qu'il n'a pas encore reconnu Caleb et qu'il s'agit un genre d'étudiant en photographie qui prend en photo les personnes qui prennent les transports en commun pour son projet de fin d'année.

« Okay, on sort, accroche-toi à moi, on va suivre le banc de poissons. Il attrape ma main qui se retrouve enlacée une seconde fois avec la mienne en l'espace de quelques minutes. »

Nous arrivons bientôt à la prochaine gare, gare qui m'est presque inconnue puisque je ne m'y suis jamais arrêtée. Il doit, encore, me faire confiance sur le coup. L'homme n'est plus qu'à deux personnes de Caleb maintenant.

« Monsieur ! entends-je vaguement. Monsieur ! »

Je serre Caleb et sens les premières secousses du train qui arrive en gare. Il amorce l'arrivée.

« Monsieur ! Le photographe est presque à notre niveau, le temps presse.

— Prête ?

— Prête. »

L'arrêt est brutal et nous nous ruons vers la sortie, courra le plus loin de l'homme qui commençait à s'adresser à mon patron. J'entends les portes se fermer derrières nous, exactement le bon timing puisque le photographe n'a pas le temps de nous rejoindre. Le métro part alors, nous laissant tous les deux un peu essoufflés et remplis d'adrénaline.

« Woaw... parvins-je à dire après avoir repris mon souffle, difficilement. C'était woaw... Je n'aurais jamais pu penser vivre ça un jour. »

Caleb est essoufflé comme un bœuf et se tient en équerre, les mains sur les genoux pour reprendre sa respiration et ses esprits.

« Durant toute ma vie, j'en ai fait des choses, mais ça... C'était la plus bizarre... Même goûter à des mygales n'était pas aussi étrange et fun.

— Tu compares l'incomparable là Barnes... Mygale contre métro, je préfère métro, et sans hésitation. »

Mon supérieur se remet droit et me répond après un court moment de réflexion :

« Cette expérience mouvementée des transports publics était chaotique et je ne tiens pas à continuer le chemin ainsi donc taxi ? »

Je replace mon sac sur mon épaule et lève mon sourcil.

« Tu paies ?

— 50/50 ?

— 80/20.

— Ça me va. Il me tend sa main puis se tourne vers le panneau Exit. Allons rejoindre quelque chose de moins sportif.

— Mais de plus cher. »

Il tourne la tête vers moi et d'un grand sourire, il répond :

« Mais à quoi servirait l'argent si on s'interdit de l'utiliser Olivia ?

— Liv'. Caleb reste circonspect. Tu peux aussi m'appeler Liv'.

— Tu n'as pas répondu à ma question, mais, soit, ce n'est pas bien grave. Liv'. Il appuie sur mon surnom avec un long regard que je n'arrive pas à traduire. »

Nous montons les marches de la sortie, je souris d'amusement.

Si le métro était fun, mon quartier sera le top de l'amusement universel.

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