Chapitre 12: Grand café et mauvais goût

Je pose le foutu gobelet sur le bureau et me tourne, bras croisés contre ma poitrine. Caleb se gratte le menton avec insistance.

« Ce fut plus rapide que je ne l'aurais cru dit-il simplement, en s'écartant de moi.

— Sans blague ? Cela ne fait même pas un jour que nous jouons déjà à ce petit jeu, et voilà que la « douce » Sharon qui me donne la chair de poule et qui me fait vaguement penser à un rapace arrive déjà ! Pourquoi est-elle venue ? »

Caleb s'assoit à son siège et pousse un soupir en se tenant le front avec sa main.

« Elle venait pour les modalités du divorce. Sharon veut la moitié de mes biens, incluant mes parts sur Mediatics.

— La moitié ? Sérieusement ? Je m'assois à mon tour, un coup de massue sur le crâne. Je ne connais pas votre patrimoine financier, mais je sais qu'il doit être énorme ! Rien qu'à voir ta montre... »

Caleb fronce les sourcils, étonné et regarde sa montre.

« Cette babiole ?

— Cette babiole qui vaut des milliers de dollars, oui. Tu n'imagines pas la chance que tu as de pouvoir vivre comme tu vis, des millions de personnes rêveraient d'être à ta place. »

Il sourit puis rit nerveusement.

« Et toi, tu n'imagines même pas ce qu'est d'être à ma place... Maintenant, sors, s'il te plaît. Il pointe la sortie et attrape le café qui a dû refroidir entre temps. »

Alors que je m'apprête à sortir, j'observe, amusée, son expression quand il avale la première gorgée. Ses yeux se plissent et ont du mal à avaler sa boisson.

« Cela vous apprendra à vous dépêcher pour boire votre café, Monsieur Barnes. Je ris doucement tandis qu'il me jette un regard noir. »

Ce n'est pas parce que c'est mon patron et mon faux petit-copain que je n'ai pas le droit de jouer...

Et on ne va pas se mentir, c'est cruellement drôle de le voir dans cette posture.

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Fin de journée, toujours chez Mediatics, parce que, finalement, Olivia ne fait rien de très intéressant à part trier des papiers et écrire des mails... C'est plutôt fun, non ?

Mon sac est posé sur ma chaise de bureau, mon manteau sur les épaules. Il est 17h30 tapantes, Merry enfile sa veste et attrape ses affaires. Dave est déjà parti, et ce depuis cinq minutes. Je croise les doigts pour que Barnes ne lui fasse pas des reproches. Il y a encore quelques personnes qui ont été licenciées aujourd'hui... Il ne cessera donc jamais.

« Bonne soirée Liv', j'espère que ça ira bien. Merry s'avance vers moi et me frotte gentiment l'avant-bras. Elle s'éloigne, telle une ombre, en ne faisant aucun bruit, sauf celui de la porte qui se ferme derrière elle.

— Moi aussi, j'espère que ça ira bien... Moi aussi... Je souffle et me frotte le front, excédée. Ce n'est pas encore la fin de journée malheureusement. »

Mes pas sont lourds sur le carrelage blanc et noir, de très légers motifs marbrés en décoration. Mes talons le frappent lentement et lorsque ma main presse la poignée en fer, j'ai l'impression de me brûler les doigts. Mon esprit a été perturbé tout le long du jour par mon nouveau statut secret. La visite de Lady Sharon m'a retournée et je commence à me dire que je suis fourrée dans un vrai pétrin. J'ai été trop bête pour refuser au restaurant et je dois réparer des pots cassés que mon « petit-copain préféré » s'est créés tout seul.

Toute cette histoire à cause d'une fille, non, mais je vous jure...

Ça n'empêche que Caleb a merdé et que Sharon a sans doute de bonnes raisons pour vouloir l'enfoncer six pieds sous terre.

J'entre silencieusement, en croisant les doigts pour qu'il ne soit pas au téléphone. Et évidemment, il y est. D'ailleurs, mais ça vous ne pouvez pas le voir, il me lance un regard plus noir que le charbon et balaie sa main pour que je ferme la porte.

« Oui, évidemment. Il ya un bruit dans le combiné. Je ne vous paie pas pour que vous ne foutiez rien ! Le bruit reprend. Non, non ! J'en ai rien à battre ! Je veux le meilleur avocat de tout New York, pas un imbécile qui ne sait même pas différencier un divorce d'une affaire d'adoption illégale ! La voix se fait plus fort. Bien. Vous êtes un abruti. Je vais chercher un autre avocat, merci de votre inefficacité Maître Georges. Il retire son oreille du téléphone, alors que le fameux Maître Georges parle encore, et raccroche. Il jette son téléphone sur le bureau, visiblement énervé. »

Nous restons sans rien dire pendant plusieurs secondes avant qu'il ne s'adresse enfin à moi.

« Que veux-tu Lawford ? Ce n'est vraiment pas le moment... »

Je toussote puis me rapproche de lui qui est avachi et complètement désemparé.

« Je, euh... Je venais pour te dire qu'il ne restait plus que toi. Madame Clarke et Monsieur Ingram viennent de partir. Je te souhaite une bonne fin de soirée... Gênée, je replace ma mèche et finalement recule. »

Il me contemple étrangement un instant puis mon patron se lève, attrape son téléphone, enfile son vêtement et boit d'un trait le fond de whisky qui lui reste dans son verre, verre que je n'avais même pas remarqué d'ailleurs.

« Je te ramène. Il toussote à son tour puis se rapproche de moi, des clefs dans les mains. C'est ce qu'un petit copain fait, non ?

— Si tu l'as déjà fait avec Sharon, je pense que oui, c'est ce que fait un petit copain correct. J'époussette une peluche sur son épaule puis souris.

— À vrai dire, je n'ai jamais vraiment fait ce genre de choses avec elle.

— Vraiment ?

— C'était toujours un chauffeur qui nous raccompagnait. Aujourd'hui, je veux tenter quelque chose de nouveau. En plus, ce sera plus réaliste. Il fait très simplet en disant ceci. »

J'éclate de rire malgré moi et une petite larme glisse le long de ma joue. Larme qu'il écrase immédiatement à l'aide de son pouce.

« Ça y est, je fais pleurer madame ! Il exagère ses mouvements et ouvre la porte de façon théâtrale. Si madame veut bien prendre la peine de sortir pour que je la ramène, de mon plein gré, dans son petit taudis... »

Nous rions ensemble tandis que nous sortons. Des agents de sécurité font les gros yeux lorsque nous passons à côté d'eux. Nous pénétrons, tel un seul homme, dans l'ascenseur. Plus que vingt étages pour reprendre son calme et reprendre mon rôle d'assistante dévouée que je suis.

« Tu sais Caleb, tu ne vas pas être déçu du voyage dans Brooklyn, c'est pittoresque...

— Tu sais Olivia, tu n'es sans doute jamais allée aux quatre coins du monde donc tu ne peux pas savoir tout ce que j'ai vu. »

Il se rapproche dangereusement, plus qu'à quelques centimètres de moi. Je recule, par habitude et pour respecter ma dignité.

« C'est vrai que je n'ai pas une montagne d'argent à ma disposition, je m'en souviens maintenant ! Je claque des doigts, Eurêka ! »

Il ricane et la porte s'ouvre dans un moment inopportun. Sur le pas, il n'y a qu'un seul homme qui paraît légèrement surpris de notre position. Caleb est bien trop proche de moi et je suis presque plaquée à la paroi. Je sens la gêne englober tout l'espace quand je mets enfin un nom sur la personne qui vient d'arriver. Jeremiah Kowalski et son sublime attaché-case en cuir véritable.

« Bonsoir Monsieur Barnes, j'espère que vous avez passé une bonne journée. Il fait exprès de m'éviter, comme si je n'existais pas.

— Bonsoir Jeremiah. C'est une journée qui se passe si vous voyez ce que je veux dire... Il cligne de l'œil, malicieusement.

— Je vois que vous vous amusiez bien avec... Il laisse mon nom en suspension, alors qu'il le sait pertinemment.

— Olivia. Olivia Lawford. Je suis une des assistants de Monsieur le PDG, interviens-je, un peu énervée. Je déteste ce directeur général et l'avoir en face de moi, ça me donne des relents de marées basses, si vous voyez ce que je veux dire par là.

— Olivia Lawford... Il roule le r et me dévisage sous le regard interrogateur de Caleb Barnes. Intéressant... »

À cet instant, j'ai très envie d'arriver à notre étage pour pouvoir quitter cette atmosphère malsaine. Mes prières sont exaucées lorsque nous arrivons au premier étage libérateur.

« Bien, il est temps pour moi de vous laisser, bonne soirée Monsieur Barnes et Madame... Ses petits yeux pervers me sondent au moment où il sort. »

Un frisson me parcourt l'échine et je commence à grelotter sous le coup de cette petite expérience. Barnes ne semble pas avoir vu mon malaise. Je souffle de soulagement tandis que la porte se ferme une ultime fois pour enfin atteindre le parking.

À présent, nous avançons dans le dédale des voitures, plus chères les unes que les autres, mes talons frappant le béton dans cet espace résonant.

« Nous sommes presque arrivés, dit-il en brisant le bruit de mes chaussures. Il dégaine ses clefs et appuie sur le bouton pour ouvrir sa voiture. Nous y sommes, entre Oli –... Oh putain de merde. »

Je reste bouche bée devant la vue qui s'offre à moi.

Une voiture taguée de signes obscènes et d'insultes en tout genre.

« Sharon ?

Sharon. »

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