Chapitre 9
Pendant ma douche, je ne cessais de jeter un coup d'œil au portable. C'était un peu comme la boite de Pandore, vous voyez ? Je savais qu'il fallait pas que je regarde, mais je savais aussi que j'allais le faire. La curiosité est un très vilain défaut, je sais. Mais moi, quand il y a quelque chose que je ne dois pas faire, je le fais quand même. Et je me retrouve dans des situations pas possible.
Je sors et je me sèche, toujours en fixant l'appareil. Puis, n'y tenant plus, je tend la main vers cet objet qui me nargue depuis tout à l'heure. Si ça se trouve, il le cherche partout. Je souris à l'évocation de cette idée. Et l'image de Martin retournant les coussins de son canapé me fait jubiler.
Je monte les marches de la mezzanine, et retrouve mon lit défait, les vêtements jonchant le sol. Peut-être qu'un jour, je me déciderai à tout ranger. Peut-être. Pour l'instant, je m'assois au bureau, en face du velux. Et, à la lumière du jour déclinant, je fais tourner le portable dans mes mains. J'appuie sur le bouton pour allumer l'écran. Qui est verrouillé. J'essaye la combinaison la plus connue : 1234. Rigolez pas, des fois, ça marche vraiment. Mais pas là. J'essaye ensuite sa date d'anniversaire, le jour de sa promotion -Avec lui, on sait jamais. Mais rien de tout ça ne marche. Et il ne me reste plus qu'un seul essai, avant que l'écran ne se verrouille complètement. En soupirant, je repose l'appareil. Je suis fatiguée et je dois attendre une heure pour que le portable récupère tous ses essais. Je m'allonge sur mon lit, fixe le plafond. Cette dernière semaine a été longue, et riche en émotion. Demain, ce sera le week-end. Mais je n'avais rien de spécial de prévu. Je ne prévoyais jamais rien de spécial. En général, le matin, j'allais faire mon jogging, puis je glandais devant l'ordi ou la télé. Et le soir, parfois, je sortais.
Je n'avais pas trop d'amis, ma vie, je la passais à l'agence et cela m'allait. Je me tourne sur le côté et fixe le radio réveil, vois les secondes, puis les minutes défiler dans un silence absolu. Je me relève et descend à la cuisine, me préparer une infusion. De celle qui font dormir. Puis j'allume la télé. Le son me berce, et je finis en effet par m'endormir.
Quand je me réveille, la télé braille toujours. J'ai l'impression qu'on me tape le crâne avec un marteau. C'est super agréable. Je me lève en baillant et remonte dans mon lit, en ayant éteint la télévision juste avant. Je me rassois au bureau et après avoir fixé le portable de Martin et reniflé plusieurs fois, je retente le coup. Cette fois, j'enchaîne les chiffes méthodiquement : 0000, 0001, 0002...
Je m'aide d'un bout de papier. Et je remercie le créateur des portables d'avoir eu l'idée de ne mettre que quatre chiffres. C'est vrai, ça ne fait que dix mille combinaisons. Bon sang, je vais en devenir folle.
Au bout de trois essais, comme hier soir, je repose le portable et m'habille pour aller faire mon jogging. J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et ferme la porte de mon appartement. Je rejoins les bord du fleuve où quelques rares joggeurs me saluent. Je ne réponds pas. Au bout d'une demi-heure, je m'assoie sur un banc et regarde les reflets du soleil sur l'eau. Je m'aperçois que j'ai encore oublié de changer la carte sim de mon portable. J'ouvre donc un jeu et effectue une partie ou deux, avant de parcourir le chemin en sens inverse pour rentrer chez moi.
Il est dix heures lorsque je passe la porte de mon appartement. J'ouvre les volets, découvrant ainsi la vue sur mon balcon et mets des tartines à griller. J'ai super faim, je n'ai rien mangé depuis hier midi. Puis, je remonte dans ma chambre et m'assoie de nouveau sur ma chaise de bureau. J'étais rendu à 0003.
Ce n'est que quand j'appuie sur la touche « Valider » que je m'aperçois que je n'ai pas tapé 0003 mais 0103. Pourquoi les touches sont si petites, aussi ?
Mais je n'ai pas le temps de m'en agacer plus car l'écran se déverrouille. Je ri.
Le code est 0103. C'est drôle...
Attends une minute, Chloé.
Je crois que mon cerveau à buger.
0103.
Ou, le premier mars, si on le retranscrit par une date.
C'est ma date d'anniversaire. Coïncidence ?
Sûrement. Sinon... Sinon ça veux dire quoi ? Mais cela pourrait très bien être autre chose après tout. Et même s'il s'agissait du premier mars, cette date est peut-être importante pour Martin pour d'autres raisons que celle de mon anniversaire. Ne nous emballons pas. Après l'instant de choc passé, je reprend le téléphone, et regarde le fond d'écran. Rien. C'est juste de l'herbe verte, avec le soleil qui donne dedans et le ciel bleu. Joli photo, ceci dit. J'accède au répertoire. Il n'y a pas beaucoup de numéro. Celui de Ted, le mien, celui de sa sœur. Deux ou trois autres collègues que j'avais croisé dans les couloirs, sans vraiment y faire attention. Et c'était tout. Je commençais à me demander. Et si c'était pareil pour tout les autres agents ? Nous étions peu, mais nous ne connaissions pas grand monde. Du moins, ça l'était pour moi. Et maintenant Martin. Bref, on s'en fiche.
Je quitte le carnet d'adresse et ouvre la boite de réception. Il n'y a qu'un seul nom : le mien. Il a conservé les peu de messages que l'on s'est envoyé. Je ne regarde pas, je les connais déjà. J'ouvre ensuite le carnet d'appel. Là, c'est déjà plus diversifié. Et encore. Sa sœur, moi, sa sœur. Un collègue. Moi. Sa sœur.
Je soupire. Ca ne m'amuse même pas. Je fais tourner mon siège de bureau, en fixant les poutres du plafond, qui tournent elles aussi. Je me lève soudain, et sors sur le balcon. J'ai toujours mon jogging et mon débardeur de sport, et le froid est mordant. Mes joues rougissent. A cause du froid, hein, pas autre chose. Je regarde la rue, en contre bas. Il n'y a personne. Seulement quelques voitures garées. Dont la mienne. Je retourne à l'intérieur, attrape mon blazer, mes clés et son téléphone. Je l'éteins et le jette sur le siège passager. Et je démarre ma petite Twingo rouge. Je ne sais pas trop où Martin habite. Mais je devrais réussir à retrouver. Enfin, j'espère.
Après avoir tourné en rond pendant un bon moment, je reconnais la rue. Je me gare enfin, descend et rentre dans le hall de l'immeuble. Il y a un mur avec les boîtes aux lettres. Parfait. Je n'ai pas envie de voir Martin, je veux seulement lui rendre ce qui lui appartient. Je cherche un moment avant de trouver son nom, tracé à l'encre noir. C'est son écriture, je reconnais les lettres fines, bien formées. Je glisse l'appareil dans la fente. Ca fait un bruit d'enfer quand il touche le métal du sol. J'espère qu'il est pas cassé. Enfin, il avait l'air assez solide. Je me retourne et je regarde la plante verte, dans un coin. Les dalles de carrelage au sol. L'escalier.
Je me secoue et jette un regard au mien, de portable. Toujours pas de message. J'ai encore oublié de changer la carte sim. J'ai aucune mémoire, c'est pas possible. Je soupire, enfonce les mains dans mon blazer et me motive mentalement à passer du hall chauffé à l'air d'automne, dehors. En plus de ça, il s'est mis à bruiner. Je regarde une goutte glisser sur la vitre de la porte, et ma petite voiture qui m'attend sagement de l'autre côté du trottoir. Allez Chloé, c'est rien.
Je pose ma main sur la poignée, que j'actionne. Et :
-Qu'est ce que tu fais là ?
Je me retourne, sur la défensive. Martin me fait face. Il est aussi bien coiffé et habillé. J'y crois pas, même le week-end. C'est une malédiction. Je vois qu'il me regarde de haut en bas, en fronçant les sourcils. Quoi ? Je baisse les yeux à mon tour, sur mon jogging informe et mes grosses baskets. Oh... Je relève les yeux et je lance, d'un ton détaché :
-Je faisais mon jogging.
Martin soupire :
-Dans mon immeuble ?
Je hausse les épaules et soupire à mon tour :
-Je passais par-là, c'est tout. Et puis, je me suis dit que j'allais dire bonjour. Mais en fait...
Je me retourne et ouvre la porte. Le froid s'engouffre dans la pièce. Je continue, par dessus mon épaule :
-En fait, j'ai changé d'avis.
Je sors dehors. La pluie glacée tombe dans le col de ma veste. C'est super agréable. Martin sors à son tour. Je le regarde. Pourquoi il me suit ? Je n'ai pas le temps de poser la question, qu'il me répond :
-Tu m'excuseras, je dois aller travailler.
Quoi ? Il travaille le week-end ? Sérieusement, Ted nous a bien dit qu'à part exception, on avait notre week-end quand on était pas sur le terrain. Je regarde Martin s'éloigner. Puis, avant de monter dans sa voiture, il me lance, pointant du menton ma petite voiture rouge :
-Au fait, je savais pas que tu faisais ton jogging en voiture.
J'ai envie de l'étriper. Je vous jure.
Je le regarde monter dans sa voiture et s'en aller. Tout en montant dans la mienne et en fulminant. Sérieux, c'est quoi son problème ? Et puis, il va au boulot même le samedi. N'importe quoi. Je suis sûre que c'est pour se faire bien voir de Ted, c'est ridicule. Je continue comme ça pendant tout le chemin retour. Et encore en montant les escaliers, jusqu'à ouvrir la porte de mon appartement. Là, je me calme un peu. Je m'assois dans la canapé et j'allume la télé. Quoi de mieux qu'une émission débile pour passer ses nerfs ? Puis, je me rappelle que je dois changer ma carte sim. Je me lève donc, non sans soupirer.
Je monte les marches quatre à quatre puis fouille dans le bureau. Où est ce que je l'ai mise. Après avoir ouvert de nombreuses petites boites, juré que je ferais du tri un de ces quatre, je trouve enfin ce que je cherche.
Je redescend prendre mon portable et après avoir effectué l'échange, je l'allume. J'ai quatre nouveaux sms, et trois appels manqués. Ah oui, quand même. Je regarde d'abord les sms. Un de Martin qui me demande où je suis. Deux de ma messagerie pour me dire que : Ce correspondant a cherché à vous joindre sans laisser de message. Et le dernier, pour me dire que le correspondant en question a finalement daigné me laisser un message.
Trop sympa.
Bon. Voyons voir. J'appelle ma messagerie.
Vous avez un nouveau message.
Merci, je suis au courant. J'appuie sur la touche pour lire le message et baisse le son de la télé.
-Bon, Chloé. Ca fait trois fois que je t'appelle... Enfin, bref, viens au bureau immédiatement. Enfin, si tu reçois ce message...
Puis, le blabla habituel, pour réécouter, effacer ou danser la Macarena. En tout cas, je bondis du canapé, et attrape mon blaser et mes chaussures. C'était Ted, et mieux vaut ne pas le faire attendre. Puis, je me rends compte que je suis toujours en tenue de sport. Bref, pas présentable. Je remonte en vitesse et prend le premier jean et le premier t-shirt qui me viennent. J'enfile mon blazer à la hâte, puis mes chaussures. En sortant de l'appartement, je passe devant la glace et remarque ma coiffure. Horrible. Je passe donc dans la salle de bain me recoiffer en vitesse. Bien sûr, impossible de dompter mes cheveux. Je fais donc une queue de cheval basique. J'ai bien perdu vingt minutes et je dois encore faire le chemin jusqu'à l'agence. Je cours dans les escaliers, et arrive essoufflée à ma voiture. Je me glisse à l'intérieur et démarre en trombe.
J'arrive sans encombre à l'agence et me gare au sous-sol, à côté de la voiture de Martin. Je descend et effectue un tour sur moi même. Il n'y a que trois voitures dans le parking ; la mienne, celle de Martin et celle de Ted. Je monte les escaliers et frappe à la porte du bureau de Ted. Aucune réponse. Je frappe de nouveau, guettant la voix familière qui m'inviterait à entrer, mais je n'entends toujours rien. Je soupire et actionne la poignée. La porte est fermée à clé.
-C'est pas vrai.
Je m'appuie contre la porte et réfléchis. Si je ne peux pas trouver Ted, je peux trouver Martin. Je me mets donc en marche jusqu'à la cafétéria. J'entre dans la pièce vitrée et je les trouve tous les deux devant une salade verte assis à la table centrale. Ted, qui me fait face relève la tête et me fait signe d'approcher.
-Chloé, ça fait une heure qu'on t'attend. Tu as déjà mangé ?
Manger ? Bon sang, quelle heure est t-il ? Je jette un discret coup d'œil à l'horloge. Midi trente. Ah oui. Quand même. Je m'assoie docilement à la table en secouant la tête, telle une petite fille à qui on a fait une remontrance. Ted me sourit et Martin lève les yeux au ciel.
-Va te préparer à manger, on va discuter après.
Je me lève et pars inspecter le frigo.
_________________________NOTES______________________________
Et voici la suite ! Je m'excuse par avance s'il reste des fautes d'orthographe, j'ai essayé de les traquer mais il y en a plein. Surtout, si vous en voyez, n'hésitez pas à me le dire. J'ai ainsi pu voir que j'avais quand même fait de beaux progrès niveau langue de Molière en 4 ans.
Si vous avez aimé, n'oubliez pas la petite étoile.
Et à votre avis, à quoi correspond le chiffre sur le portable de Martin ? :)
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