Chapitre 29

Mes yeux étaient encore humides de larmes à l'évocation de ce souvenir quand Joe, sans doute dans un élan de compassion, m'avait pris dans ses bras. Je n'avais pas quitté ses bras de la nuit, répondant à ses baisers avec l'énergie du désespoir. Mon père n'était donc pas mort.

Je me réveille en sursaut à cette pensée. Le trait sous la porte de la cave est doux, signe que la matinée est déjà bien entamée. Le bras de Joe est toujours sous ma tête et m'a visiblement servi d'oreiller cette nuit. Pour la première fois, nous avions donc dormi tout deux sur l'étroit et unique matelas. Pour la première fois, nous avions brisé la distance mi-farouche et mi-respectueuse qui nous séparait encore malgré les jours passés et notre promiscuité dans cette cave.

Je me redresse en grimaçant. La nuit a été courte, mais l'agitation de mes pensées m'empêche de prolonger cette grasse matinée. Ainsi donc, mon père est toujours en vie. Cela fait sept ans que j'étais persuadé d'être orpheline, et voilà que je ne l'étais plus. Il avait été obligé de suivre Kràl en République Tchèque, ce dernier se doutant quelque peu du double rôle de mon père. J'avais appris, plus tard, que la fameuse enquête qui faisait soupirer mon père le soir, quand on mangeait, qui le faisait s'absenter plusieurs jours était bien une mission d'infiltration du groupe de Kràl. Et il était désormais coincé en République Tchèque, sans possibilité de me contacter. C'est pourquoi, lorsqu'il avait appris les projets de Kràl de prendre sa revanche où il avait été mis en déroute, il avait chargé Joe de me retrouver.

Mon père était toujours vivant et il pensait à moi.

C'est ce que Joe m'avait expliqué hier soir, en tout cas, jouant cette fois carte sur table. Il m'avait définitivement convaincue de partir pour la République Tchèque avec lui, rejoindre mon père. J'aimerais prévenir Martin ou Ted, avant notre départ. Ted serait très heureux d'apprendre que mon père n'est pas mort. Il s'était toujours senti coupable, au fond, et c'est lui qui m'avait pris sous son aile après ce jour, de la même façon qu'il m'avait prise dans ses bras pour me consoler. J'avais vécu quelques mois chez lui, dormant dans la chambre de son fils aîné, qui était parti faire ses études ailleurs. Ces années avaient été particulièrement dures pour moi, et je n'avais commencé à me remettre que lorsque Ted avait été promu et chargé d'ouvrir une nouvelle brigade spéciale, mieux préparée aux infiltrations. Il m'avait alors promis que si j'obtenais des résultats satisfaisants, je pourrais l'intégrer dès mes vingt ans.

Je m'étire, en faisant attention à ne pas réveiller Joe, qui dort comme un loir, un sourire bienheureux sur le visage. Dès qu'il sera réveiller, il faudra se décider sur la marche à suivre. Comment atteindre l'aéroport sans se faire repérer ? Et comment réserver des billets ? Il nous fallait pour cela une connexion internet. Je commence à réfléchir de manière méthodique tout en cherchant de quoi me mettre sous la dent.

Joe n'avait rien pu rapporter de sa dernière expédition, s'étant fait surprendre avant même d'avoir atteint le centre-ville ; visiblement ils étaient déjà sur nos traces et avaient déterminé une zone dans laquelle nous nous trouvions, et cette zone diminuait visiblement de jours en jours. Autrement dit, il fallait agir vite.

Je suis donc déjà penchée sur le problème depuis un bon moment, à me creuser la tête quand j'entends Joe remuer sur le matelas. Je me retourne pour le voir ouvrir les yeux et me sourire. Je lui rends son sourire.

-Bien dormi ?

-Magnifiquement bien.

Joe se redresse doucement, s'étire lui aussi avant de se lever. J'avais préparé le maigre petit déjeuner avec les dernières denrées qui nous restait et j'attendais que Joe se lève pour qu'on puisse déjeuner ensemble. Cela me paraissait plus correcte que de tout manger moi-même avant même que mon compagnon de route n'ouvre les yeux. Joe s'installe à son tour sur la grosse souche d'arbre qui nous sert de banc.

-Bon, alors dis-moi tout, fait-il en s'emparant d'une tranche de pain de mie.

Je prends le temps de mâcher celle que j'avais déjà enfournée dans ma bouche, sans plus attendre, car cela faisait déjà un bout de temps que mon ventre me faisait savoir qu'il désirait être nourri.

-Je souhaite partir en République Tchèque.

Les sourcils de Joe s'envolent subitement sur son front à cette annonce, surpris qu'il est par mon changement d'avis :

-Vraiment ?

-Vraiment.

Il repose son pain de mie, qu'il a à peine touché et se plonge quelques instants dans ses pensées. Il a cette fois les sourcils froncés et regarde fixement la table – même si en réalité, je devienne qu'il ne la voit pas vraiment. Puis, il finit par se retourner vers moi et me lance un grand sourire :

-Je suis content que tu aies changé d'avis.

Puis son regard se voile de nouveau d'une légère inquiétude.

-Les hommes de Kràl se rapprochent de nous de plus en plus, ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils nous trouvent si on reste ici.

-Je sais, c'est pour cela que j'accepte de partir...

-Vraiment ?

Il me fait un clin d'œil et je reconnais son air malicieux qu'il aborde quelques fois. J'aime quand ses yeux sombres pétillent ainsi. Cela illumine son visage. Je laisse échapper un petit rire.

-Bon, non, ok. En vrai, je voudrais revoir mon père.

Mais il nous faut redevenir sérieux si nous voulons mettre un plan à exécution, et vite. L'idéal serait de partir après-demain, au plus tard.

-Il nous faut un avion, commence par constater Joe.

-Sans blague !

Il sourit et se reprend :

-Je veux dire, il faut qu'on réserve des places d'avion. Et ça, c'est déjà compliqué.

Je hoche la tête. Je peux certainement le faire, moi. Après tout, Joe n'a pas de carte de crédit mais il y a la mienne et il nous reste encore de l'argent liquide car Joe n'a évidemment pas dépenser tout ce que je lui avais donné. A peine une centaine d'euro est partie en nourriture.

Rapidement, j'expose le fruit de ma réflexion à Joe :

-Bon, il faudrait effectivement réserver, ce sera plus discret que d'essayer de monter clandestinement. Avec ton faux passeport, cela devrait aller.

On m'a bien dit qu'il ressemblait à un vrai ? Il me semble que c'est ce que Machiavel m'a dit quand il me l'a remis et c'est vrai qu'il y ressemble. Cela devrait en effet aller. Je poursuis donc :

-Ce que je propose, c'est qu'on réserve avec ma carte sur internet car je ne suis pas sûre que se pointer au guichet avec des liasses de billets soit une bonne idée.

-En effet, on fait plus discret, pouffe Joe.

Puis, il reprend son sérieux :

-Comment on fait, pour réserver sur internet ?

-Ca,je ne sais pas car mon téléphone qui avait la 4G s'est accidentellement fracassé sur le trottoir.

-Désolé, marmonne Joe. C'était pour ton bien.

Nous restons pensifs un moment avant que mon acolyte ne reprenne la parole, visiblement porteur d'une nouvelle idée. Tant mieux, car moi, j'ai assez réfléchis pour aujourd'hui, je crois.

Joe m'expose son plan: sortir de la maison dès aujourd'hui, trouver un lieu avec des ordinateurs en libre service pour pouvoir réserver nos billets. Avec un peu de chance, on aura même une imprimante si l'aéroport nous demande de les tirer. J'acquiesce, pour signifier mon accord. Sur le papier, le plan était simple. Il restait maintenant à savoir si, dans la réalité, tout se passerait comme prévu.

-On sortira par le devant de la maison, par l'escalier que je t'ai indiqué. J'espère que, de cette façon, on n'attirera pas l'attention des hommes de Kràl.

Oui, j'espérais aussi. Nous commençons donc à mener les préparatifs de départs. En réalité, le plus compliqué n'était pas de rassembler toutes nos affaires, nous n'en avions que très peu, mais de trouver un contenant pour les mettre qui puisse paraître à la fois commun dans un aéroport et pratique en cas d'obligation de fuite. Joe finit par jeter son dévolu sur un sac à dos, abandonnant ainsi sa valise à roulette. Quant à moi, je n'avais de toute façon que ma veste et mon sac à main à porter.

-Tu es prête, Chloé ?

Je hoche la tête et me dirige vers l'escalier, suivit de Joe. Le plan avait donc deux inconnues majeures : la sortie de notre cachette, qui devait se faire en toute discrétion et l'attente jusqu'à l'horaire de départ de l'avion pour la République Tchèque. Comme nous n'avions aucune idée de l'heure à laquelle s'envolait le prochain avion, nous n'avions aucune idée non plus du temps que nous devrions passer à errer dans les rues du centre-ville.

Je sors enfin à l'air libre, il fait jour, mais froid. Il est à peine midi et le ciel est plutôt dégagé. Au moins, pas de risque d'annulation de vols pour mauvais temps, c'est déjà cela.

Nous marchons sans incidents dans jusqu'au centre-ville. De là, il nous faut encore trouver un endroit aimable qui accepte de nous accueillir et de nous offrir un ordinateur avec une connexion internet.

-Il doit sans doute y avoir une médiathèque dans le coin, proposé-je.

A vrai dire, j'avais le vague souvenir d'être allé dans une médiathèque durant mon enfance, mais n'y ayant jamais remis les pieds depuis, je serais bien incapable de dire où elle se situait. Ni même si elle existait encore.

-On a qu'à demander aux passants, suggère alors Joe.

-Tu es gentil, mais JE demande et toi, tu te fais discret.

C'est ainsi qu'un gentil monsieur finit par m'indiquer la direction à prendre pour rejoindre la médiathèque. Je le remerciais chaleureusement, un peu trop peut-être et Joe et moi nous mettons en route sans plus tarder. Une fois sur place, la médiathèque se dressait, immense, encadrée d'une place pavée. Avec ça, si on ne trouve pas un ordinateur. De la même façon, j'indique à Joe qu'il serait plus judicieux qu'il ne m'accompagne pas à l'intérieur et se cache quelque part en attendant. Je pense qu'il a compris car il s'est éloigné vivement sans rien ajouté de plus. Je pénètre donc dans le bâtiment et avise l'accueil. Je sers mon plus beau sourire à la bibliothécaire et demande :

-Bonjour, avez-vous des ordinateurs et pourrais-je en utiliser un, par hasard ?

On m'indiqua qu'il fallait me rendre au premier étage et que la connexion internet était au tarif de cinq euros de l'heure. Heureusement que j'avais pris quelques billets avec moi.

Une fois devant l'écran, je consulte d'une main fébrile tous les vols en partance pour la République Tchèque. Comme je m'y attendais, ce n'est pas la destination la plus couverte par les vols, mais je finis par en dénicher quelques uns. Le plus proche dans le temps part dans moins d'une heure et les dernières places sont soldées à des prix alléchants. Le problème, c'est que je ne suis pas certaine qu'on puisse atteindre l'aéroport avant le départ.

Par souci de sûreté, je décide de réserver le prochain ; il ne part que demain matin, aux premières lueurs. Il ne s'agit que d'une escale, mais après tout, nous ne sommes pas obligés de remonter dans l'avion une fois parvenu en République Tchèque, non ? Je clique donc sur le bouton et suit les instructions.

Cinq minutes plus tard, les deux places étaient réservées.

Maintenant, il restait le problème de savoir quoi faire entre maintenant et le départ annoncé. Et surtout, où pourrions nous passer la nuit ? Je décide de quitter la médiathèque pour faire part à Joe de l'avancée de notre affaire.

-On peut simplement se poser quelque part et attendre l'heure. De toute façon, je préfère que l'on rejoigne l'aéroport quand il fait encore nuit, et nous irons à pied, cela nous fait de la marche. Au moins une heure. Donc, finalement, on a seulement qu'une petite dizaine d'heure à tuer ! propose Joe.

-On pourrait aller dans mon appartement ? rétorqué-je

Joe hoche vivement la tête :

-L'endroit doit être surveillé, ce n'est pas une bonne idée.

Je ne sais pas s'il était surveillé par Kràl mais en tout cas, c'est sûr, il devait l'être étroitement par Ted et Martin. Et je ne suis pas sûre qu'ils seraient ravis de me voir débarquer avec Joe pour le mettre dans mon lit. Il faut mieux que j'attende d'être arrivée en République Tchèque pour les contacter. Là-bas, au moins, ils ne pourront plus arrêter Joe. Mais je renchéris :

-Je ne parle pas de mon vrai appartement, mais de celui qui était près du tien, qu'on avait loué pour... euh..

-M'espionner ?

-Oui, c'est ça.

-Ca se tente. Allons-y.

Je suis vraiment en train d'aider un criminel à s'évader ? Je crois que la réponse est oui, mais comme c'est un gentil bandit, je pense que cela ne compte pas. Si ? Malicieusement, je dépose un baiser sur sa joue.

-Ce n'est pas le moment Chloé, sois sérieuse deux secondes, s'il te plaît, me réprimande-t-il gentiment.

_________________________NOTE________________________

Bon, plus ça va, et plus les chapitres arrivent tard. Mais ils arrivent ! De plus, le prochain étant déjà écris depuis plusieurs mois, il ne devrait pas y avoir de problème et à moins d'oublier de poster, vous devriez l'avoir à une heure assez décente.

Ce sera d'ailleurs l'avant-dernier chapitre, on se rapproche de plus en plus de la fin ! Alors, vous avez hâte ?

J'espère qu'il n'y a pas trop de fautes dans ce chapitre-ci, j'avoue l'avoir terminé il y a à peine cinq minutes et que je n'aspire désormais qu'à me coucher, donc ma relecture n'a pas dû être très sérieuse. Je repasserais dessus demain, mais si vous en voyez entre-temps vous pouvez tout à fait me les signaler dans les commentaires. ;)

Et bien sûr, si vous avez aimé... Mais bon, vous connaissez le refrain, maintenant.

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