Chapitre 2
Je pousse la porte vermoulue du minuscule appartement, les joues rougies par le froid. La petite cuisine qui fait aussi office de salon est plongée dans le noir. J'allume donc et me laisse tomber dans le canapé. Pffiou. Je fixe le mur sale en face de moi. Je ne veux pas m'éterniser ici. Avec un soupire, je me lève donc et me dirige en traînant des pieds vers la minuscule salle de bain, en priant pour qu'il y ait de l'eau chaude. En passant, je récupère mon pyjama qui traîne sur mon lit. Puis, j'enjambe la cuvette des toilettes pour pouvoir accéder à la douche. Tout un sport. J'ouvre l'eau. Glacée. Sup-er. Je me déshabille en fixant le jet, les yeux plissés. Ridicule, je sais. Mais j'avais besoin de ça pour me persuader de rentrer dedans. Je crois que je ne m'étais jamais lavé aussi vite de ma vie.
Je fixe le plafond blanc, le téléphone dans la main. Allez. Visiblement, ma méthode pour m'auto-persuader ne marche pas des masses. Cela fait une heure que je suis allongée sur le lit, à fixer le place moisi du plafond. Je tourne la tête. Le mur est tout aussi blanc que le plafond, c'est-à-dire plus tellement. La fenêtre donne sur la rue, détrempée de pluie. Cet appartement me répugne. Vivement que la mission se termine. Mais pour ça...
J'appuie sur le petit téléphone vert et colle le smartphone à mon oreille. Une sonnerie, deux.
-Allez, Joe, je murmure pour moi-même.
Au bout de la quatrième, il décroche.
-Salut, c'est moi.
-Ouais, grogne t-il d'une voix pâteuse. Il vient de se réveiller. Ou plutôt, je viens de le réveiller.
Je tourne la tête une seconde fois pour voir l'heure. Onze heures quarante. Tant pis, il n'a qu'à être plus matinal. J'enchaîne :
-Je... je tenais à m'excuser. Pour hier. Le coup est parti tout seul. Je suis vraiment, vraiment désolée.
Mon dieu, qu'est ce que je raconte, moi ? Désolée ? Je m'efforce de continuer :
-C'est que je n'ai pas l'habitude, et... Enfin, ça m'a un peu surpris, quoi.
Joe, qui était resté silencieux jusque-là, marmotte:
-Pourtant, une jolie fille comme toi...
Oui, sur le coup il n'a pas tord. J'attends la suite qui ne vient pas. Je joue donc de nouveau de mes talents -Eh oui- d'actrice :
-Joe, je sais vraiment pas quoi faire pour m'excuser, je force ma voix, qui devient sanglotante.
Après un petit silence, pendant lequel Joe réfléchit, ce dernier fini par proposer :
-Passe chez moi demain soir. On pourra dîner ensemble.
Je souris. C'est pile la phrase que j'attendais. Ted peut être fier de moi. J'accepte et raccroche, avant de composer le numéro de Martin :
-Allô ?
-Hey, Martin. Devine qui s'est fait inviter demain soir à dîner ?
A l'autre bout du fil, je l'entends qui tape sur l'ordi. Je m'attends à des félicitations, ou une manifestation de joie, mais Martin déclare de son sérieux habituel :
-Bien. Tu pourras te débrouiller pour fouiller un peu ? Prendre des photos...
J'émets un petit rire :
- A mon avis, il va me coller pendant toute la soirée. Ça risque d'être difficile.
Un petit silence, où je n'entends que le bruit des touches du clavier. Puis :
-Je vais te filer des somnifères. Débrouille-toi pour en mettre dans sa boisson. Tu saurais faire ça ?
Je lève les yeux au ciel.
-Bien sûr que oui, répliquais-je d'un ton acerbe.
Je lui raccroche au nez, m'étire et ris de ma réussite. Puis, mon sourire de victoire s'efface en songeant à la perceptive de passer la soirée à écouter les propos machistes et les allusions maladroites de ce criminel. Je m'étire et me lève enfin, pour me diriger vers la cuisine. J'ouvre le frigo. Il est presque vide. Avec un soupire, je claque la porte et attrape le dernier paquet de chips, posé sur le plan de travail en formica. Il est vingt-trois heures, avec un peu de chance, les films viennent de commencer à la télé. Je m'installe donc sur le canapé, ouvre mon paquet avant de piocher dedans et d'allumer la télé. En tentant vainement de mettre Canal plus je me rappelle que la télé ne dispose que de dix-huit chaînes, les principales. Après avoir cherché un programme intéressant, je finis par me résigner à regarder l'épisode des Simpsons que j'avais dû voir deux fois au moins.
Je sursaute quand on frappe à la porte. Qui ça peut être à cette heure-ci?
-Ouais, c'est qui ? je crie.
On frappe une deuxième fois et une voix étouffée me répond :
-C'est le père Noël. Ouvre, bon sang.
Je fronce les sourcils, pose mon paquet de chips sur la table basse et j'attrape la batte de base-ball posée contre le mur. Je défais le verrou, et ouvre en brandissant mon arme de fortune. Le jeune homme devant moi recule de quelques pas.
-Chloé, sérieux, qu'est ce que tu fous?
Là, je reconnais la voix de Martin. Je baisse mon arme. La batte tape le carrelage dans un bruit sourd. Il rentre et referme la porte derrière lui. Là, il enlève enfin la capuche de son Sweet et je peux voir son visage trop sérieux.
-Ma... Martin? je balbutie, Mais qu'est ce que tu fous là?
Il balaye mon interrogation d'un revers de la main.
-Je m'appelle Kevin, ok?
-Quoi?
Martin lève un sourcil et me fixe. Je comprends que je ne suis pas en position de discuter.
-Ok,ok, j'abdique, puis j'ajoute en désignant son Sweet et son jogging. Mais sérieux, c'est quoi ces habits ? Je ne t'avais pas reconnu.
Martin fait un tour sur lui-même, avec un petit rire. Je ne sais pas si c'est dû à ma remarque ou à la découverte de l'endroit que j'occupe : le paquet de chips à moitié plein encore, celui vide qui traîne sous la table basse, mon pull en vrac sur le canapé, et Homer mangeant un donuts à la télé. Peut-être qu'il riait des deux, finalement.
-Je pense que les gens m'auraient davantage remarqué si Kevin avait débarqué ici en costard-cravate, finit-il par répondre. Chouette baraque.
C'est à mon tour de laisser échapper un petit rire.
-Kevin ? T'aurais pas pu trouver encore plus cliché?
Il soupire, lève les yeux au ciel et me tend une petite boite.
-Quand tu auras fini de t'amuser, tu pourras prendre cette boite de somnifère ? Il suffit d'un cachet. Ça peut se diluer avec de l'eau.
J'attrape le paquet et je vais le ranger dans un des placards de la cuisine. Quand je me relève, c'est une pub pour un parfum à la télé. Je m'absorbe dans la contemplation du torse du figurant, écoutant distraitement ce que me dit Martin :
-Donc, tu te débrouilles pour lui faire avaler le cachet, ok? Chloé, tu m'écoutes?
C'est à ce moment là que la télé, ainsi que la lumière choisissent pour s'éteindre. Je cligne des yeux. Panne de courant. Je me dirige non sans peine jusqu'à la fenêtre, en me cognant au passage dans le plan de travail.
-Aïe!
Dans la rue, tout est éteint et aucune lumière dans l'immeuble d'en face. C'est pas vrai! Je me tourne vers l'endroit où je vois l'ombre de Martin. Je souris.
-T'as de la chance Kevin, c'est le noir complet. Tu vas pouvoir repartir discrètement.
________________________NOTES______________________________
Avec un jour de retard, me voici enfin avec le deuxième chapitre. J'espère qu'il vous plaira tout autant et que vous avez appréciez la métamorphose éphémère de Martin en Kevin. Si oui, vous pouvez voter ça fait toujours plaisir et sinon, vous pouvez aussi commenter pour dire ce qu'il ne vous à pas plus (ou pour demander à Martin s'il peut vous prêter son survêt', ça marche aussi). ;)
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