Chapitre 17

David est toujours à la cafèt', là où je lui avait dit d'aller. C'est là que je l'ai trouvé. Il était seul, assis à la table, un gobelet de café fumant à la main, le regard perdu dans le vide. Je me laisse tomber sur la chaise libre, à ses côtés. Il se tourne vers moi en souriant. Puis, le coin de ses lèvres retombe petit à petit.


-Quoi ? fais-je.

Mon ton était cassant. Trop peut-être. Il cligne des yeux, semble chercher ses mots.

-Tu n'as pas l'air... En forme. Finit-il par lâcher.

-Ah...

C'est tout ce que j'ai pu dire. J'étais restée devant la porte de la cafétéria un bon bout de temps, à me regarder dans la vitre et tenter de faire un sourire. Visiblement, le résultat n'était pas convaincant. Je souris à David, avant de finir son café, sans même lui demander la permission. Puis je me lève :

-Allez, on y va.

David regarde son gobelet vide, interloqué, mais il finit par se lever à son tour et par m'emboîter le pas. Nous traversons le couloir en silence, avant de descendre par l'étroit escalier menant au sous-sol. J'ouvre la portière de ma petite voiture rouge et m'engouffre à l'intérieur. David s'assoit à mes côtés, attache sa ceinture. Je démarre. Je ne sais pas vraiment dans quel état je suis. Un mélange de plein de chose. D'incompréhension, surtout. Je décide de laisser mes sentiments de côté, on verra ça après. Pour l'instant, je dois former un plan. Je sens les billets pliés dans ma poche. C'était trop facile. Et je le sais. Mais je ne veux pas l'admettre. Car ça voudrait dire que quelqu'un est au courant. Et je n'en ai pas envie. Ce que je ne comprends pas, c'est le comportement de Ted. Mais ça aussi, je réglerais plus tard.

Les plans, c'est pas mon truc. Mais vraiment pas. Pourtant, en cet instant, devant le feu rouge du carrefour, je m'efforce d'en avoir un. Je soupire, alors que le voyant passe au vert. David est silencieux. Ça me convient.

Je me gare dans la rue. David descend. Il m'attend devant la porte de l'immeuble. Dans le hall il désigne l'ascenseur du menton.

-Escalier ou ascenseur ?

Je hausse les épaules et gravit les premières marches de l'escalier. David me suit, silencieusement. Pendant les vingt minutes qu'à duré le trajet, je n'ai trouvé aucun plan. Du moins aucun qui tienne la route. J'en suis parvenue à la conclusion que, si je ne pouvais pas faire de plan, je pouvais au moins demander à quelqu'un de m'en faire un. Ma décision fut prise à l'instant où je poussais la porte de mon appartement. David reste devant l'entrée. Je le regarde un long moment, pendant lequel il se dandine d'un pied sur l'autre. Il fini par lâcher :

-Je peux faire du thé, si tu veux. Ou du café.

Je soupire, effectue un geste vague en direction de la cuisine.

-Si tu veux. Mais moi, je n'ai pas soif. Fais ce que tu veux.

Je grimpe les marches de la mezzanine. Arrivée en haut, je me penche et lui dit :

-Mais ne vient pas m'embêter !

Je me laisse tomber sur mon lit. J'ai besoin de calme. J'allume ma chaîne hi-fi. La musique manque de me faire sursauter. Je baisse le volume et me masse les paupières. Je dois faire une liste. Il est hors de question que je demande de l'aide à Martin. Je ne pense pas que Ted soit la bonne personne non plus. Même si certains points me laissent perplexe, je ne lui fait pas confiance. Je ne lui fait plus confiance. Pas après avoir lu ça. Je ne peux tout simplement pas. Qui reste t-il ? Mon cercle d'ami est très réduit. Il y a Ella, aussi. Mais je ne lui ai parlé seulement deux fois. C'est peu. Je roule sur mon lit, pour m'allonger sur le dos et attrape mon portable. Je fais défiler la liste de mes contacts. Je ne pense pas que le plombier puisse faire grand-chose de mon cas. Ni le mec contacté sur Tinder et que j'ai oublié de rappeler. Je pourrais aussi demander à Petit, c'est vrai. Mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Surtout après la petite conversation d'hier soir. Il ne me reste plus que David.

-David ?

Le bruit de tasse entrechoquée et de l'eau qui coule s'arrête, mais David n'a l'air de faire aucun pas jusqu'à ma chambre.

-David ! J'appelle plus fort.

-Oui ?

-Viens ici. Tout de suite !

J'entends encore du mouvement, cette fois précipité puis je vois la tête de David puis son corps tout entier à mesure qu'il monte les escaliers de la mezzanine. Quel gringalet quand même. Je ne vais pas aller loin avec ça. Mais c'est tout ce que j'ai. Annie ou Bryan seraient plus dégourdis, peut-être, mais moins facile à embobiner. Mais David reste en haut des escaliers, les bras ballants.

-Bon, qu'est-ce que tu attends, viens t'asseoir, là. Mets toi à l'aise.

Attendant qu'il réagisse je le fixe et lui souris. Mon geste ne lui fait que faire monter le rouges aux joues. Bordel mais c'est pas possible. Qu'est-ce qu'il a encore ? Je me rend compte alors que je suis toujours allongée (ou devrai-je dire, affalée) sur mon lit, ce qui pourrait peut-être prêter à confusion. Avec un raclement de gorge, je me relève d'un geste vif et lui désigne ma chaise de bureau :

-Là sur la chaise de bureau, allez, allez !

David sort enfin de son moment de fascination pour s'exécuter. Il n'a toujours pas l'air à l'aise, mais au moins, c'est mieux. Maintenant, il me reste à tâtonner pour lui faire faire un plan, sans trop en dire. Rien que d'y penser, cela me donner mal à la tête, alors on va y aller au feeling, comme d'habitude, et puis voilà.

-Bon, David, je suppose qu'on t'as dit que j'étais un témoin un peu particulier ?

Le jeune homme hoche la tête. Il a perdu sa langue ou quoi ? C'est pire que ce que je pensais. Il va falloir que je prenne les choses en main et que j'accélère le rythme. Cela lui fera une bonne formation, en plus. Sinon, ce pauvre garçon restera stagiaire toute sa vie. D'ailleurs, ça me donne une idée.

-Donc je suis dans la police, mais il y a un malfaiteur qui veut ma peau. Du coup, mon patron m'a un peu mis en RTT forcé.

David ne répond toujours pas, mais il a l'air de boire mes mots. C'est plutôt bon signe. Je continue donc :

-Sauf que je n'ai rien à faire et je m'ennuie. Moi il me faut de l'action tu vois ? Et comme je vois que tu veux entrer dans l'école de police, je te propose de t'entraîner un peu. Tu vois, moi aussi je les ai passés, les concours. Avant toi.

Bon en vrai, je les avais raté, ses concours. Deux fois. Ted m'avait récupérée en miette après ça. Il avait dû avoir pitié, en fait. Bon, peu importe, ce n'était pas le moment de faire le point sur ma vie. J'avais cette fois définitivement attiré l'attention de David. Très bien.

-Donc, on fera un peu de boxe et de footing, pour les épreuves physiques. Mais je vais aussi t'entraîner pour les épreuves psychologiques. Ok ?

Cette fois, la langue du stagiaire se délia puisque j'eus l'immense privilège d'entendre le son de sa voix :

-Oui, c'est vraiment génial ! Merci beaucoup, je ne sais pas comment...

Je le coupe d'un geste de la main. David est relayé dans un peu plus d'une heure, il n'y a pas de temps à perdre, sinon je devrais attendre le soir pour avancer de nouveau.

-Bon déjà, soit plus sûr de toi, parce que là, ça craint. T'arriveras à rien dans la vie comme ça.

Le plan était en route. Maintenant, je n'avais plus qu'à espérer que David soit en réalité un génie qui cachait bien son jeu.

-Je vais te faire faire une mise en situation. Par exemple, tu veux avoir une fausse identité, pour faire un passeport et pouvoir mener une double vie, comme les espions. Pour prendre les criminels en filature.

David fronce les sourcils et me coupe :

-On fait vraiment ce genre de chose en étant dans la police ? Je pensais qu'on...

-Stop c'est moi qui parle. Donc on a besoin d'un passeport. On en a vraiment besoin, c'est vital. Où est-ce qu'on va le chercher à ton avis ?

David sembla surpris de mon intervention. A quel moment j'ai pu croire que ce gars allait m'aider ? Il va falloir que je me débrouille autrement. Avec un soupire, j'entame un geste pour me relever de mon lit mais je suis coupée dans mon élan par David.

-On peut demander à la police directement ? Vu que c'est elle qui contrôle les passeports, elle sait aussi fabriquer des faux, ou à l'autorité nécessaire pour en faire faire un, en tout cas.

Sa réponse est logique et argumentée. Pas si bête que ça, finalement. Je souris. Cela me donnait une idée.

-Bravo David, on va aller mettre ça en pratique tout de suite !

Je ne lui laisse pas le temps de répliquer, que je descend les marches quatre à quatre. Direction la mairie de la ville. Ils font sûrement des passeports. Je n'oublie pas de prendre dans mon sac à main mon badge. Je vais en avoir besoin. David, lui, semble perdu.

-Tu fais quoi ?

-Eh bien ! Je t'ai dit qu'on va mettre ça en pratique. On va aller à la mairie et puis je leur montrerais mon badge...

David soupire et s'affale sur le canapé.

-Ca sert à rien, ça Chloé. J'ai dit la police, pas la mairie. En fait, tu as pas écouté ce que j'ai dit ?

Je reste sans voix. Pour qui il se prend celui là ? Je sais que je lui ai dit de prendre un peu plus confiance en lui, mais là, il a carrément pris la grosse tête, ma parole !

-Si tu veux un faux passeport, il faut demander à un policier. Un policier haut gradé. Qui ne te le donnera que si tu as une mission particulière a effectuée qui nécessite un tel dispositif.

David se redresse et me regarde, un sourire narquois aux lèvres.

-Or, tu es en RTT forcé, comme tu dis, et donc pas en mission. Personne ne te le donnera, ton passeport.

Mon sac à main me tombe de celle-ci, répandant son contenu sur le sol. Mascara et rouge à lèvres, porte-feuille, tout s'étale sur le parquet dans un joyeux méli-mélo. J'avoue avoir du mal à comprendre David. Il attend tranquillement que je réagisse, maintenant. On dirait que les rôles se sont inversés.

-J'ai jamais dit que c'était pour moi, c'est seulement une mise en application de...

David se met à rire et secoue son manuel, qui était justement posé sur le canapé où il s'était assit.

-Je n'ai peut-être pas encore passé le concours, mais je n'y vais pas en touriste non plus. Je me suis renseigné sur les épreuves. Et dans aucun livre que j'ai lu ils ne parlaient d'aller chercher un passeport en mairie. Ca a dû bien changer, les concours, en l'espace de deux ans, c'est fou.
Voilà que notre David se mettait maintenant à employer l'ironie. Je sais que je suis une bonne professeure mais quand même, il a apprit vite. C'est dingue. J'ai peut-être raté ma vocation finalement, et j'aurais dû faire professeur. Je me gratte la tête, gênée.

-J'essaye de t'aider, c'est tout. Après, si tu ne veux pas faire les exercices, je m'en fiche. Je demanderais plutôt à Annie de m'apprendre à cuisiner, pour m'occuper.

-Et si c'est moi qui t'aidait, plutôt ? Me questionne-t-il de but en blanc.

-Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai besoin d'aide ?

David sourit et se leva pour aller observer la rue par la baie vitrée. Il ne répondit d'abord pas tout de suite, hésitant. Mais il finit par ouvrir la bouche :

-Parce que une fille aussi pressée de sortir qu'elle saute par la fenêtre de sa salle de bain, le tout accroché à une corde faite de vêtements de marque, c'est une fille qui cache des choses.

Soit, c'est vrai qu'il faut être assez fêlée pour se jeter comme ça du quatrième étage. Mais j'étais encore en vie et en un seul morceau, donc c'est que mon idée n'était pas si mauvaise que cela après tout... Non ? Enfin, je ne suis pas sûre que je reproduirais l'expérience, et ce, même si on me promettait un passeport tout frais pour Monsieur Joe.

-Le gars contre lequel on doit te protéger te fait si peur que cela, pour que tu essayes de disparaître dans la nature avec un faux passeport ? Demanda-t-il en se retournant pour me faire face.

Quoi ? Moi qui pensais m'être fait percer à jour, David venait de m'avouer avec sa question qu'il n'en était rien. Mais cela m'arrangeait. Je sautais immédiatement sur l'occasion :

-Oui, oui ! C'est ça. Il est très très en colère contre moi, j'ai peur. Je veux un faux passeport et me tirer d'ici. Et il ne faut pas que Ted ni Martin soient au courant parce qu'ils m'en empêcheraient. Et puis, tu avoueras qu'avec un stagiaire pour me protéger, je ne me sens pas trop rassurée.

David soupire, visiblement consterné.

-Chloé, tu crois vraiment que Ted aurait engagé un stagiaire pour te protéger ?

Hein ? C'est quoi cette question ? Il y a un piège dedans ? C'est vrai que ce n'est pas très logique de m'intimer de rester à l'écart car la mission est trop dangereuse pour moi, tout en me refilant une équipe de bras cassée. Je repense aux fiches, trouvées dans le bureau de Ted, avec les informations entourées au stylo rouge. Ted en a fait exprès ?

Je suis encore plus perdue qu'avant. Déjà, David semble finalement pas si nigaud que cela et maintenant, je me rend compte que Ted ne cherche pas à me protéger. Mais que veut-il que je fasse alors ? N'était-il pas plus simple de me remettre dans la mission, s'il voulait vraiment que je la résolve ? Je ne comprend plus rien.

-Bon, alors pourquoi Ted vous a engagés, si ce n'est pas pour me protéger ?

-Pour t'aider ! Tu n'auras plus besoin de passer par la fenêtre, à partir de maintenant.

Ok, c'est officiel. Je crois que j'ai une migraine.

_________________________________NOTES___________________

Et voilà ! David n'est en fait pas si idiot que cela et il est même prêt à aider Chloé. Ce n'est pas génial ? Mais pourquoi donc Ted veut que David, Annie et Bryan aident Chloé ? Donnez moi votre avis en commentaire. :D

De même, si vous avez aimé ce chapitre, n'hésitez pas à déposer une petite étoile et voir même à le partager.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top