Chapitre 16
Je me gare dans le sous-sol, à ma place habituelle. Je n'ai aucune idée de comment procéder. Mais il me faut cet argent. Et si je trouve un moyen d'obtenir des faux papiers, ce serait cool aussi. Enfin. Je m'extirpe de la petite voiture et m'étire un peu.
-Je suppose que je ne peux pas te demander de rester là ? fis-je à l'intention de David.
Il secoue la tête.
-Je suis censé te protéger.
-Oh, arrête. A l'agence, je suis protégée. Et en plus, vu comment tu sais te battre, ce serait plutôt à moi de te défendre.
Il fait la moue mais ne réplique pas. Il sait que j'ai raison.
Je m'engage dans l'escalier. Mes chaussures tapent sur le bitume, le son résonne dans tout le sous-sol. Le couloir est désert. C'est déjà pas mal. David est encore derrière moi. Il regarde chaque détails avec les yeux émerveillés d'un enfant. Il faut que je m'en débarrasse. Je me tourne vers lui.
-Bon, écoute David.
Ses yeux gris se posent sur moi. Je lui explique le topo.
-Je dois voir quelqu'un, mais c'est top secret. Et puis, je ne crois pas que j'ai le droit de t'emmener là...
-Mais je fais parti de la police ! se défend t-il.
Je roule mes yeux.
-Oui, et alors ?
Je lui tend ma carte.
-La cafèt' est plus loin. Va prendre ce que tu veux.
Il hésite quelques instants puis fini par prendre la carte et partir à la recherche de la cafétéria. Quant à moi, je me dirige vers le bureau de Ted.
La porte est fermée. Je frappe plusieurs petits coups. Je ne sais toujours ce que je vais lui dire. Réfléchir n'a jamais vraiment été mon fort. Je préfère le faire après l'action, en général. J'attends quelques instants, sans que personne ne m'invite à entrer.
Je refrappe encore, plus fort cette fois-ci. Mais, après cinq minutes d'attente, toujours rien.
Il se paye ma poire, ou quoi ?
Je pousse la porte, m'attendant à ce qu'elle soit fermée à clé. Mais je ne rencontre aucune résistance et elle s'ouvre doucement sur le bureau vide de Ted.
Le store est à moitié baissé, la pièce plongée dans la pénombre.
-Ted ? j'appelle d'une petite voix.
Je ferme la porte derrière moi. Ce coup de bol m'arrange. Je contourne le bureau, soulève la paperasse. Dossiers de mission en cours, notes prises à la hâte. Tout ça ne m'intéresse pas. Du moins, pas pour l'instant. Si j'ai le temps, peut-être que ma curiosité me poussera à jeter un œil à celui de Joe. Voir comment Martin se débrouille. Je ne sais pas vraiment ce que je cherche. Une adresse pour fabriquer de faux papiers, ou un mot de passe de compte en banque. Et même, une fois que je l'aurais, je ne sais pas si j'oserai.
Je m'attaque ensuite aux tiroirs. Ouvre le premier et farfouille parmi l'agrafeuse, les stylos et gommes en vrac. Et tout un tas d'objets, divers et variés. Je ne m'attarde pas. Dans le tiroir du milieu les dossiers des agents sont classés par ordre alphabétique. Là aussi, si j'ai le temps, j'accorderais un regard au mien. Et peut-être à celui de Martin. Je referme le tiroir et ouvre le dernier. Là, il n'y a pas grand-chose. Au fond, une boite de chewing-gum et sur le milieu, un paquet de billet. Je m'en empare, incrédule. C'est aussi facile ? Ce sont tous des billets de cinq-cent euros. Il y en a vingt en tout. Ça nous fait donc dix milles euros. Quand même. Voyons, si je prends tout le paquet, ça va se voir, forcément. Mais si je n'en prend que deux... Je retire deux billets, que je fourre dans la poche arrière de mon jean. Je repose le paquet. Le reprend et retire un autre billet. Mille cinq cent euros, ça devrait suffire. Je retire un autre billet, pour compenser (largement) la perte de mon jean Diesel. Alors que je repose le paquet, je m'aperçois qu'il y a un papier en dessous. Je m'en empare, le retourne. Sur la première page, la photo de David, dans le coin gauche. Son nom, prénom. Age. Je parcours rapidement la feuille. Mes yeux sont alors attirés par un mot entouré en rouge. Stagiaire.
Qu'est ce que cela veut dire ?
Je prends une autre feuille, au hasard. C'est celle d'Annie. Et, même chose, un groupe de mot est entouré en rouge. Cette fois, il s'agit de broche à la rotule gauche. Je fronce les sourcils. J'ignorais qu'Annie ne pouvais pas courir. En tout cas, c'est bon à savoir. Je pourrais même pousser le vice à la frapper au genoux, si elle m'embête trop. Enfin, vraiment en dernier recours. Je ne suis pas sadique à ce point quand même.
Je prends la feuille de Bryan. Cette fois, plusieurs mots sont entourés. Peur des explosions. Phobie des arachnides. Je souris à l'idée qu'un gros balourd comme lui perde ses moyens devant une simple petite araignée.
Je repose les trois feuilles, perplexe. Je ne comprends pas. Pourquoi on m'a fourni une équipe de bras cassés pour me protéger ? Ça n'a aucun sens !
Je referme le tiroir et ouvre la porte. Le couloir est toujours désert. J'hésite un instant . Mais je referme la porte et me dirige de nouveau vers le bureau. Je soulève la pile de dossier et commence à chercher celui qui m'intéresse. Je finis par le trouver et l'ouvre. Agents affectés : Chloé Smith et Martin Weiss. Jusque là, rien de nouveau. Je lis rapidement les pages suivantes, que je connais déjà ou en parti. C'est surtout la fin qui m'intéresse. Sauf qu'il n'y a strictement rien que je ne connais pas. Aucune information nouvelle.
Je repose le dossier là où je l'ai trouvé.
Cette fois, j'ouvre le deuxième tiroir. Je compte rapidement le nombre de dossier. Neuf. Nous sommes neuf. C'est peu. Mais ça suffit, je suppose.
Mon dossier est tout en dernier. Pourtant, Martin devrait se trouver après moi. Une erreur de rangement ?
Je ne le prend pas tout de suite et préfère regarder celui de Martin d'abord. C'est l'avant-dernier.
Je m'en empare, il est plutôt épais. J'hésite. Ai-je le droit de faire ça ? Enfin, c'est Martin, après tout.
J'ouvre la pochette, les feuilles tombent. Je les réorganise en tas, comme je peux. La première est une fiche de présentation, semblable à celle de David et des autres. Sur le haut de la feuille, il est marqué agent n° 3. La photo de Martin, cependant, n'est pas imprimée sur la feuille mais attachée à celle-ci par un trombone. Je m'en empare. Martin n'a pas changé entre son recrutement et aujourd'hui. Les cheveux un peu plus longs, peut-être. Je rattache la photo, ne lis pas la fiche. Je connais déjà la plupart des informations. Je passe à la deuxième feuille. Les résultats d'un test. Un test d'admission. Pourtant, je ne me souviens pas l'avoir passé. Je regarde le temps qu'il à réussi à courir sur un tapis roulant. Cinquante-sept minutes. Minable.
Dans l'ensemble, les résultats physiques ne sont pas brillants. Ceux intellectuels sont corrects. Peut-être supérieurs à la moyenne. Je n'ai aucun moyen de le savoir, je ne m'y connais pas. Je passe à la feuille suivante. Ce sont des rapports de mission. Il en a effectué douze. Je lis rapidement les personnes qui ont été ses coéquipiers. Il apparaît évident que mon nom revient le plus souvent. Génial. Dans l'ensemble, les rapports sont assez positifs. Mais je m'en désintéresse vite.
Je jette des coups d'œil vers la porte de temps à autre. Elle reste définitivement close. Je me demande vraiment où est parti Ted. Surtout sans fermer son bureau. Une urgence, peut-être ?
La dernière feuille est le rapport de psychologie. Ça, part contre, je me souviens parfaitement de l'avoir fait. Avec Ella. Avec un sourire, je me penche sur la feuille à l'écriture manuscrite. Ella écrit vraiment très bien. Je n'ai aucun mal à la relire.
Martin Weiss.
A l'âge de sept ans, son père est incarcéré pour homicide. Sa mère l'élève seule.
Je sursaute. Je m'aperçois seulement maintenant que je ne connais rien de Martin. Je ne suis pas sûre de vouloir continuer. Je me force pourtant. Après avoir lu un bref résumé de sa vie, je tourne la feuille. L'écriture de Ella se fait plus précipitée.
Analyse psychologique : Bilan positif. Comportement exemplaire dû à la haine profonde de son père.
Je cligne des yeux.
Voilà ce qui explique pas mal de chose. A commencer par ses cheveux bien coiffés. Martin aime l'ordre et la justice car il ne veut pas finir comme son père. Et tout dans son attitude le montre. Maintenant que je sais, je comprends certaines choses. Je replace les feuilles dans la pochette.
Je crois que je tremble un peu.
Après avoir reposé le dossier à sa place et soufflé un peu, je m'empare du mien.
Il est beaucoup plus léger. En fait, il ne comporte que deux feuilles. La fiche de présentation et mon rapport de psychologie. C'est bien ce que je pensais, ma mémoire ne me joue pas de tour. Je n'ai pas passé le test d'aptitude. Ils ne m'ont jamais fait courir sur un tapis roulant. Jamais.
Une voix, à l'intérieur de moi me demande de reposer le dossier. Je l'ignore et j'entame ma lecture.
Sur ma fiche à moi, il n'y a pas de numéro d'agent. Je fronce les sourcils. Pas de numéro, pas de rapport de mission. Je jette un coup d'œil au tiroir, vérifier que c'est le seul dossier Chloé Smith.
C'est le seul.
Je passe au rapport de psychologie. Cette fois, il est sous forme de mail.
Je me rappelle très bien la séance avec Ella. Quand j'étais entrée, elle s'affairait à trier des papiers, en tas sur son bureau. Quand je m'étais laissée tomber sur la chaise, en face d'elle, elle avait fini par lever la tête et sourire.
-Alors, qu'est ce qui t'amène ici ?
-Ted. avais-je répondu, laconique.
Elle hoche la tête. Je la trouvais plutôt belle, avec ses cheveux blonds aux mèches naturellement plus foncées et ses jolis yeux marrons. Même pas maquillés. Et son sourire chaleureux. D'habitude, je me méfiais de ce genre de truc. Mais elle inspirait confiance. Vraiment. Elle enchaîne :
-Tu as quel âge, Chloé ?
Je ne me souvenais pas lui avoir dit mon nom. Ça m''avait fait bizarre. J'avais l'étrange sensation qu'elle savait déjà tout de moi. Je m'étais raidie, méfiante.
-Bientôt vingt-et-un.
Elle n'avait pas répondu, me dévisageant un moment. Avait noté deux ou trois mots sur une feuille. Elle avait ensuite désigné sa tasse à l'effigie de Londres.
-Tu veux une infusion ?
J'avais reniflé, répondu du tac au tac :
-C'est pour m'hypnotiser ? Vous avez mis un sérum de vérité à l'intérieur ?
Elle avait ri. Un rire franc et léger. Un joli rire. Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu quelqu'un rire. J'avais continué :
-Et j'aime pas le thé et les infusions.
-Tu devrais. Cela aide à s'endormir.
Après un silence, je me décidai à poser la question qui me brûlait les lèvres depuis mon arrivée dans son bureau.
-Pourquoi Ted m'a envoyée ici ?
Elle avait écarté les bras, haussant les épaules.
-Pour que tu me dises ce qui ne va pas, par exemple.
-Je vais très bien, avais-je répliqué sur un ton de défi.
Elle avait froncé les sourcils. Légèrement. Avant de sourire, pour masquer le mouvement. Mais c'était trop tard, j'avais vu.
-Comment as-tu connu Théodore?
Elle avait porté la tasse à ses lèvres, tout en me fixant dans les yeux. Ses ongles étaient vernis en rose.
-Chloé, avait-elle fait, d'un ton apaisant.
Elle avait reposé sa tasse. La cuillère avait entrechoqué le bord de la tasse. Le son s'était propagé dans l'air. J'avais attendu qu'il se taise pour dire :
-Et vous, comment vous a t-il connu ?
Elle avait soupiré, s'était mangé la lèvre inférieur avant de répondre :
-Le travail.
-Mais vous êtes psy, avais-je fais remarquer.
Elle avait rit.
-Et alors ?
-Et donc, j'avais répondu, pas lui.
Je voyais bien que je l'agaçais. Du moins, c'est ce que j'imaginais, parce que c'est ce que j'essayais de faire. Maintenant, je sais qu'Ella ne s'agace jamais. Elle avait demandé :
-Tu écoutes quel genre de musique ?
-Asleep. Des Smiths.
Elle avait rit de nouveau :
-Et tu essayes de me faire croire que tu vas bien ?
J'avais haussé les épaules. Soupiré, surtout pour chasser les larmes qui menaçaient d'éclater.
-Oui.
Elle avait levé les mains en signe de soumission.
-Très bien. Je te crois, avait-elle fait, avant d'enchaîner, Tu fais du sport ?
Je m'étais gratté le genou, avant de répondre.
-Je faisais du karaté.
-Faisais ?
J'avais haussé les épaules. Elle avait noté tout un paragraphe sur sa feuille. J'avais essayé de lire à l'envers, mais n'avais pas réussi. Elle avait rebouché son stylo, bu une gorgée de thé, avant de sourire.
-Le karaté ne te plaît plus ?
J'avais hésité quelques seconde, espéré que cela ne se voit pas.
-Voilà.
Elle avait de nouveau débouché son stylo et écrit quelques lignes. Et j'avais de nouveau essayé de lire, sans succès.
-Je pourrais lire, après ? avais-je demandé.
Elle avait posé un point, relevé la tête, sourit.
-D'accord. Mais tu réponds à ma question, avant.
Le marché me paraissait acceptable. Je n'aimais pas du tout que l'on écrive sur moi.
-Ok. lâchais-je.
Ella avait souri de nouveau, hoché la tête puis elle avait posé sa question.
-Alors, Chloé. Comment as-tu connu Théodore ?
J'avais senti mon sang se glacer dans mes veines. Elle ne pouvait pas me poser cette question. Je ne pouvais pas y répondre. Ma mâchoire se crispe. J'avais dit que je répondrais à la question. Je m'étais faite berner.
-Je connais Ted parce que...
Ella m'avait souri, m'encourageant à continuer.
-Parce que c'était un ami de mon...
Le mot était bloqué dans ma gorge. Mais il fallait que je le sorte. Il fallait vraiment que je le dise.
C'était un ami de mon père.
La phrase s'enroule autour de mon esprit, resurgit des brumes de ma mémoire.
J'avais continué de lire.
Et ce que j'avais lu ne m'avait pas plus. Du tout.
J'avais reposé le dossier, refermé le tiroir. J'étais sorti dans le couloir.
_________________________NOTES___________________________
Voilà un chapitre qui devrait éveiller votre curiosité. Encore de nouvelles choses qui sont révélées, alors que les réponses à d'autres attendent déjà. Pas de panique, je vous promet que vous aurez tout cela à la fin du livre. :)
Encore une fois, si vous avez aimé, n'oubliez pas de voter. Et commenter aussi toutes les théories les plus farfelues qui vous viennent à l'esprit. Il faut bien que je rigole aussi de temps en temps.
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