Chapitre 14
-Vous pouvez sortir !
Je me réveille en sursaut. Que se passe-t-il ? Où suis-je ? Je mets un peu de temps à me souvenir des derniers éléments de la veille. Je suis donc dans une cellule et me fait secouer comme un prunier par un policier. Génial.
Je donne un coup d'épaule pour me dégager de l'emprise. Le policier se redresse immédiatement comme pris sur le fait. Je le fusille du regard avant de m'étirer et de m'asseoir au bord du lit.
-Je euh. On vous a payé la caution, la personne vous attends... Côté bureaux.
Je lève un sourcil, interrogateur. Qui a bien pu me payer une caution sachant que j'étais en effet en tord ? Je m'étais mentalement préparée à subir un petit tour au tribunal, et à devoir payer une amende ou effectuer des travaux d'intérêts généraux. D'autant plus que mon casier n'était pas entièrement vide, même s'il s'agissait de faits mineurs et surtout fais il y a maintenant quelques années.
Je me lève donc, engourdie par ma nuit trop courte -je ne sais même pas qu'elle heure il peut bien être. En passant dans le couloir qui mène aux bureaux, je ne peux m'empêcher de jeter un regard à la cellule d'en face. Mais l'homme a disparu. Visiblement, il a eu le temps de dégriser pendant mon sommeil et n'a pas voulu prolonger son séjour au poste de police. Comme c'est étrange, pensais-je ironiquement.
Au détour du couloir, je sursaute. Ted était là, les mains dans les poches, à attendre ma sortie et à converser avec le lieutenant Petit, qui visiblement semble toujours contrarié, le dos bien droit, les mains croisées derrière son dos. A moins que ce ne soit sa posture habituelle en fin de compte. Je souris, satisfaite de pouvoir, une fois de plus, lui rabattre son caquet. Lorsque Ted me voit, la commissures de ses lèvres se fend d'un sourire, qu'il semble réprimé aussitôt.
-Salut Ted, salut Petit, je lance d'un ton enjoué.
Les deux me regardent d'un air sévère. Super ambiance.
-Bon, c'est quoi le topo ? Je fais, pour briser la glace.
Car vraiment, l'air est glacial, tout à coup dans cette pièce, avec ces deux individus qui me fixent. Je ne suis clairement pas à l'aise. Que va me dire Ted ? Il sait très bien que je n'étais pas en mission. Pire, il sait également que j'étais sous protection et que j'ai dû fausser la compagnie de David. Cette fois, je suis démasquée. Mais au moins, j'ai un argument qui peut me sauver la mise : je sais où se trouvera Joe, dimanche prochain. Mais je décide de ne pas jouer mon atout maintenant et de continuer à faire l'idiote. C'est Petit qui prend la parole le premier, agitant son doigt comme un professeur grondant son élève :
-Tu as de la chance, encore une fois, Chloé Smith. Cela ne se passera pas comme ça à chaque fois. Théodore ne viendra pas payer toutes tes cautions, donc je te conseille de faire attention.
Je soupire, levant les yeux au ciel. Celui-là, il m'aura fait la morale du début jusqu'à la fin.
-Ca va, j'ai seulement « emprunté » un scooter. Ce n'est pas la fin du monde. J'allais le rendre. Je vous rappelle que ce n'est pas simple de circuler discrètement avec des gens qui vous surveille en permanence.
Petit ouvre la bouche pour répondre mais il semble se raviser et, après avoir pincé les lèvres une dernière fois, il part vers son bureau, lançant enfin derrière son épaule :
-Les papiers sont en règle, Théodore. Emmenez la loin de moi, je l'ai assez supportée !
Ted attend que Petit ait claqué la porte de son bureau avant de se mettre à rire. Parfois, je me demande s'il n'est pas un peu fou. Je le dévisage drôlement, ne comprenant pas ce qui le faisait rire tout d'un coup. Certes, la démarche de Petit peut être très amusante à regarder, surtout lorsque l'énervement lui fait presser le pas. Il se met alors à faire de grandes enjambées ridicules, d'une manière très dynamique. Mais je pensais que j'étais la seule que cela faisait rire.
Finalement, Ted reprend son souffle et essuie une larme qui perlait au coin de son œil, de son gros doigt de grand-père.
-Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?
Il secoue la tête, faisant semblant d'être affligé, et il s'assoit sur un siège, devant l'accueil, me faisant signe de le rejoindre. Docilement, je m'exécute. Ce n'est pas le moment de contrarier le grand patron, je dois la jouer fine.
-Ce qui me fait rire ? Toi, Chloé. Tu as toujours eu le don pour agacer les gens. Entre nous, je ne sais pas qui de Martin ou de Petit te déteste le plus.
Je grimace. C'est vrai que le contact humain n'a jamais été mon fort, mais en même temps, si on me refile des personnes aussi pénibles que Martin et Petit, il ne faut pas s'étonner !
-J'imagine que tu n'es pas venu me parler de mes talents pour me faire des amis? Répliqué-je sur un ton vif, un peu vexée, je dois l'avouer.
Le visage de Ted s'assombrit, devenant plus sérieux.
-Non, en effet, Chloé.
J'attends la suite mais visiblement, elle ne vient pas. Ted, pensif, lisse sa barbe rousse et drue, les yeux perdus dans le vague. Je ne sais pas si je dois interrompre sa rêverie. Mais je décide de jouer la carte de la prudence et de le laisser réfléchir à ce qu'il va me dire, et même de faire le point sur sa vie, si cela lui chante !
-Ecoute.
Il prend enfin la parole, ponctué d'un long soupir.
-Chloé, je pensais qu'on était d'accord. Pas de mission en ce moment. Je sais que cela te démange, mais...
-Je n'étais pas en mission, Ted !
J'ai répondu cela du tac-au-tac. Maintenant, il va falloir que je trouve une excuse pour justifier que je me sois jetée d'une fenêtre du quatrième étage et ai volé un scooter. Et je ne vois pas trop ce qui pourrait faire l'affaire actuellement. Ted fronce les sourcils. Visiblement, il ne me croit pas. Mais il me laisse parler, ce qui ne me laisse vraiment pas le choix : je dois trouver une excuse, et vite !
-Tu me l'as interdit, je ne me serais pas permise, Ted.
-Ah bon ? J'aurais cru... répond-il avec un rictus ironique.
Je suis si prévisible que cela? Cette pensée me donne une autre idée. Bien sûr que je suis prévisible. J'ai d'ailleurs uniquement trois centres d'intérêt dans la vie : les missions et l'agence, les fringues de marques et...
-C'est que j'avais un rendez-vous Tinder.
Cette fois, les sourcils de Ted s'envolent sur son front. Je ne sais pas si c'est bon signe ou pas, mais j'imagine que cela ne peut pas être pire que lorsqu'il les a froncé.
-Un rendez-vous quoi ?
-Tinder. Vous connaissez pas ?
Il me fait signe que non, plutôt effaré.
-Bon, en gros, c'est un rendez-vous... galant.
Je rigole en mon fort intérieur, en me souvenant de ce rendez-vous, justement. Joe est tout sauf galant. Mais comme Ted n'a pas l'air de comprendre le principe, je ne vais pas l'embrouiller plus. Il se gratte la barbe de nouveau.
-Et cela justifiait-il que tu voles un scooter ? Tu sais que c'est interdit, Chloé... me répond-il enfin, sur un ton de reproche.
-Alors, oui, je le sais. Mais la petite nuance, c'est que je l'ai emprunté, pas volé. Je comptais me rendre à mon rendez-vous et ensuite, je l'aurais remis à sa place. Mais c'était à l'autre bout de la ville ! Je ne pouvais pas y aller à pied. Vous avez déjà essayé de marcher avec des talons ?
Ted balaye ma question d'un geste de la main. Visiblement, il n'a plus envie de plaisanter. C'est dommage, car j'aurais bien aimé savoir la réponse à la question. En tout cas, il ne doit certainement pas savoir que sur les pavés, ce n'est pas l'idéal
-Pourquoi n'as-tu pas demandé à l'un de tes gardes de t'emmener ?
Ah. Oui. Eux. Je ne sais pas s'il est au courant que je leur ai faussé compagnie. Je préfère garder cette information secrète.
-Ils m'auraient gâcher mon rendez-vous. Cela ne met pas en confiance quand tu dis que tu es sous protection policière... Je voulais pas qu'ils gâchent mon rendez-vous.
-Je préfère savoir que tu as raté ton rendez-vous galant mais que tu es encore en vie, plutôt que d'apprendre que tu as conclu ce soir mais que tu n'as pas pu en profiter...
Sur ce coup là, il n'a pas tord. Ce serait bête d'avoir découvert quelqu'un de sympa et de ne pas avoir pu ne serait-ce que poser le pied sur la moquette de sa chambre. Vraiment dommage, surtout si le garçon en question est bien foutu. Mais Ted s'inquiète pour rien. Joe ne me fera pas de mal, sinon, je ne serais déjà plus là pour vous en parler. Il m'aurait rattrapé dès la sortie du bar. Or, cela n'a pas été le cas. Je tente donc de rassurer Ted sur ma sécurité.
-Ca va Ted, je pense que Joe ne me fera rien...
-Qu'en sais-tu Chloé ? Il s'agit peut-être du meurtrier d'Anna Oxford !
-Oui, peut-être. Mais, je connais quelqu'un qui pourrait t'inquiéter davantage, ajouté-je en repensant à mon voisin ivre de cellule.
Cette fois, je crois bien avoir attiré la curiosité de Ted. Il s'est redressé sur son siège. De plus, cela me donne un excellent moyen de diversion. Je décide donc de lâcher la bombe :
-Alexej Kràl.
Ted met un moment avant de réagir. Il pâlit, puis se ressaisit pour me demander, comme s'il n'avait pas bien entendu :
-Qui, tu dis ?
-Je ne plaisante pas, Ted. Je parle bien du mafieux tchèque. Un homme en a parlé, hier soir, quand j'étais en cellule.
Ted se lève d'un bond de son siège et commence à faire les cent pas, les mains croisées dans le dos. Comme il n'y a pas beaucoup d'espace entre l'accueil et la sortie, les portes automatiques s'ouvrent chaque fois qu'il passe devant, c'est-à-dire, souvent.
-Es-tu sûre de l'information que tu avances ?
Sûre ? Non, je ne suis pas sûre. L'homme était ivre, il était deux heures du matin et il peut y avoir mille Alexej Kràl en République Tchèque. Mais même s'il y a peu de risque, il ne faut pas le négliger. C'est ce que j'explique à Ted, alors qu'il continue de faire les cent pas.
-Il faut retrouver cet homme, qui était en cellule avec toi. Il pourra nous en dire plus maintenant qu'il est sobre.
Je me lève, prête à agir, mais Ted me fait redescendre sur terre.
-Non Chloé. Je vais m'en charger. Toi tu rentres chez toi, c'est d'autant plus dangereux.
Je tente de protester, mais Ted ne veut rien y entendre.
-Petit doit sûrement avoir le nom de cet homme dans ses fichiers. Je vais pouvoir me débrouiller seul, rien de bien sorcier. Et toi, Chloé, tu vas me faire le plaisir de rentrer chez toi.
Son ton est ferme, et n'appelle aucune négociation. A contre cœur, je récupère mes affaires qui m'ont été confisquées. Mon téléphone. Il est toujours éteint. J'espère qu'aucun policier n'a été fouiller dedans et n'a découvert l'enregistrement de Joe. Sinon, je viens de mentir à Ted pour rien.
Son ton, d'ailleurs m'a confortée dans mon choix. Si j'avais dit la vérité, Ted se serait sûrement fâché et je n'aurais pu eu le droit de repartir en mission avant la Saint-Glinglin. L'excuse du rendez-vous Tinder me fait certes passer pour une fille superficielle... Mais après tout, ne le suis-je pas déjà ?
Alors que je m'apprêtais à passer la porte menant à l'extérieur du commissariat, Ted le lance :
-Et alors, ton rendez-vous Tinder, avec ça ?
Je me fige. Que lui dire ? Je ne peux décemment pas m'inventer un rendez-vous, cela risquerait de me retomber dessus plus tard. Le meilleur mensonge est toujours celui qui se rapproche de la vérité :
-Figure-toi que j'étais en chemin quand Petit m'a arrêté... Donc je n'ai pas pu y aller.
Je me retourne, histoire de vérifier à quel degré Ted est réceptif à mon mensonge. Il me sourit et lève les deux mains, en signe de démission.
-Dommage !
Il se fiche de moi, là, non ? Devant son air amusé, je ne peux m'empêcher de répliquer. Je n'aime pas ne pas avoir le dernier mot.
-Tu me dois un rendez-vous Tinder, Ted !
Je n'attends pas sa réponse et commence à m'engager vers les portes automatiques qui s'ouvrent pour me laisser passer. Mais je peux tout de même entendre Ted me répondre :
-Je suis un vieux loup de mer, moi. Je reste persuadé que tu n'as pas besoin de technologie pour trouver l'homme idéal.
Je me retourne, intriguée.
-Ah ouais ?
-Par homme idéal, j'entends celui qui te durera plus qu'une soirée, répond-il en hochant la tête.
Qu'est-ce qu'il en sait ? Moi, être en couple, quelle horreur ! J'étais bien dans mon petit appartement, toute seule -avant que David et les autres ne viennent le squatter. Pas question d'avoir quelqu'un dans les pattes, qui plus est quelqu'un qui te ramène des bouquets de fleurs et te bave dans l'oreille la nuit. Merci, mais non merci. Les portes automatiques se referment sur moi, mais j'ai encore le temps d'entendre Ted ajouter :
-D'ailleurs, Martin t'attend sur le parking, pour te ramener chez toi.
D'ailleurs, Martin ? Ca veut dire quoi ça ? Perplexe, je me dirige jusqu'au véhicule sans même songer au déplaisir que la vue du petit blondinet me causerait.
-Salut.
Son regard est froid, presque méprisant. Visiblement, venir me chercher au poste un lundi matin n'était pas dans ses plans. Il détourne rapidement le regard pour fixer le mur en béton nu se trouvant devant sa voiture. Avec un soupir, je grimpe côté passager. Je ne pense même pas à répliquer, trop absorbée que je suis à cogiter sur la discussion que j'ai eue avec Ted. Martin tourne la clé dans le contact.
-Je dois te ramener chez toi, me fait-il.
__________________NOTES_________________
Bon voilà, un petit chapitre un peu plus long, pour rattraper celui de la dernière fois. A partir d'ici, ce ne sont plus que des chapitres "inédits", c'est-à-dire des chapitres que je n'ai pas écrit il y a quatre ans, mais plutôt il y a quelques semaines, pour celui-ci.
J'essaye de prendre de l'avance au maximum, mais pour l'instant, je n'en ai plus que 4 en réserve. En revanche, j'ai refais tout le plan et le découpage des chapitres, jusqu'à la fin du roman. Donc pas de risque de manque d'inspiration. Plutôt celui de manque de temps pour écrire.
Quoiqu'il en soit, je vais faire en sorte de m'avancer un maximum avant la rentrée. N'hésitez surtout pas à voter si vous avez aimer, mais aussi à la partager car seuls les lecteurs peuvent faire vivre cette histoire. Je trouve dommage que certains histoires bourrées de fautes soient dans le top 10 des livres Wattpad et qu'à côté, des histoires comme la mienne peine à atteindre ne serait-ce que les 500 vues. C'est la dure loi de Wattpad, et je le sais, mais je commence assez à pratiquer pour savoir que les personnes qui atteignent un bon nombre de vues les quémandent, parfois même en allant écrire des messages privés aux utilisateurs ! Je refuse de rentrer dans ce système et je n'ai pas la prétention de dire que mon histoire est géniale. Elle a sûrement ses défauts. Simplement j'essaye de faire de mon mieux, et c'est toujours plaisant de voir son travail récompensé. Donc si vous avez des petites astuces ou autre sur le fonctionnement de Wattpad, je suis preneuse.
J'arrête là mon petit monologue qui doit vous ennuyer et je vous laisse me répondre dans l'espace commentaires. ;)
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