Chapitre 13
Petit, après m'avoir laissée dans une salle aux vitres sans teint, était revenu avec un collègue à lui. Le collège en uniforme s'était assis à la table en face de moi. Je connaissais ce procédé pour y avoir assisté quelques fois.
-Quel est ton nom ? M'avait demandé le policier.
J'avais répondu sans rien ajouté d'autres phrases inutiles. Je savais que le moindre mot pouvait être déterminant.
-Donc, je récapitule : vol d'un véhicule motorisé.
-Une moto, s'était empressé d'ajouter Petit, resté un peu à l'écart.
-Merci lieutenant. Niez vous les faits, Chloé ?
Là, je n'avais pas trop le choix. La plaque d'immatriculation de la moto parlerait d'elle-même. Pendant que j'étais avec Joe, le garçon avait sûrement porté plainte. Le lien avait dû être facile à faire pour le commissariat. J'avais soupiré.
-Je ne l'ai pas volée mais empruntée.
Le policier se mit à rire. Sans doute mon excuse n'était pas la plus valable et on avait dû la lui servir une centaine de fois. En un mot, je n'étais pas crédible.
-Je comptais vraiment le faire ! Je m'étais offusquée mollement. J'étais d'ailleurs en train d'aller le lui rendre quand Petit m'a... !
-Lieutenant Petit, s'il-vous plaît, m'avait coupé le policier, et d'ailleurs, comment connaissez-vous son nom.
En disant cela, le policier s'était retourné vers son lieutenant, qui se tenait toujours dans la pièce et me fixait d'un air que je n'aurais pu déchiffré. Je lui avait rendu son sourire carnassier qu'il m'avait adressé quelques minutes plus tôt. Oeil pour œil, dent pour dent.
-Le lieutenant Petit et moi sommes parfois amenés à travailler ensemble.
Le policier avait semblé perdu. J'avais répondu à son interrogation secrète, enfonçant ainsi le clou plus profondément dans l'orgueil du lieutenant.
-Je travaille dans la police.
-Oh, eh bien...
Le policier s'était passé une main sur le visage, ne sachant que faire. Je pensais m'être tirée d'affaire lorsque Petit était intervenu.
-Je sais de source sûre que Chloé n'est pas en mission actuellement. Elle en est même suspendue. Elle a donc agit en tant que citoyenne et non représentante de l'ordre.
-Comment vous savez ça, vous ? C'aurait très bien pu être une couverture ! Avais-je répliqué.
Le policier ne savait plus où donner de la tête, entre les dires de son supérieurs et les miens. Mais c'est finalement Petit qui avait eu le dernier mot :
-Elle est censée être sous protection policière, c'est moi qui est fournit à son supérieur des hommes pour assurer sa sécurité... Visiblement cette demoiselle se fiche des lois et des protocoles.
Le collègue de Petit avait balayer les propos de sa main, chassant l'air de la salle d'interrogatoire qui commençait à sérieusement devenir présent.
-Mettons là en garde à vue pour l'instant, on contactera son supérieur demain, et si besoin, la police des polices...
Il m'avait jeté un dernier regard, lourds de sous-entendus, avant de se lever et de quitter la pièce, me laissant seule avec mon ennemi juré.
-La cellule offre également une très bonne protection contre les méchants, mademoiselle Smith, avait ironisé Petit avant de m'emmener derrière les barreaux.
***
Maintenant, je me trouve donc dans une petite cellule exiguë aux murs de béton, avec un lit peu confortable -mais très loin de la planche de bois que l'on trouve dans les séries policières, néanmoins. Il faut donc que je me fasse une raison et que je passe ma nuit ici. David, depuis le temps, a sûrement dû remarquer ma disparition et avertit Ted. Mais j'étais injoignable, mon portable, ainsi que mon briquet, ayant été confisqué à ma mise en garde à vue. Je suis furieuse contre Petit. Quelle malchance de l'avoir justement rencontré à mon retour ! Je fais les cents pas, comme un lion en cage, trop énervée pour trouver le sommeil malgré l'heure qui commençait à être tardive.
Au moins, une horloge murale était suspendue au mur, dans le couloir et je pouvais donc voir, en collant mon front contre les barreaux, l'heure qu'il était.
C'est pour cela que je sais qu'à 2h32 exactement, un homme, visiblement ivre, fut placé en cellule de dégrisement, juste en face de moi. Génial, la nuit va être encore plus longue. Je soupire et me recul pour m'assoie sur mon lit. Trop tard, l'homme ivre m'avait repérée.
-Eh, eh, toi là !
Je m'avance de nouveau, non pas pour me faire mieux voir de mon interlocuteur mais pour vérifier qu'il y a bien un policier dans les parages qui pourra lui dire de se la ferme. Grave erreur.
Non seulement je ne vois pas l'ombre d'un uniforme mais en plus, je m'offre maintenant complètement à la vue brouillée de l'homme.
-Oh, une demoizelle, c'est encore mieux pour faire la cauzette, dis. Hein.
Je détaille un peu plus cet homme. Ce n'est pas un vieux monsieur tout rabougrit. Il a l'air d'avoir la trentaine, grand, élancé. Rasé de près, ce qui me laisse penser que boire à outrance n'est pas tellement dans ses habitudes. Il est aussi en costume trois pièce, costume certes dans un sale état. Clairement pas le type que tu t'attends à voir en salle de dégrisement.
-Tu sais, t'as l'air joli, comme fille, dis. Hein.
Je lève les yeux au ciel. Non seulement il a une diction des plus horribles, mais si en plus, il cherche, comme tous les autres à me draguer, je sens que cela va devenir lassant. Mais c'est vrai que je ne m'étais jamais faite draguée alors que j'étais en garde à vue. Voilà une situation originale à ajouter à mon palmarès.
Je le laisse débiter les âneries habituelles en continuant de l'analyser. J'avoue que son profil m'intrigue. Non pas pour mettre à exécution les propositions qu'il me fait, mais parce qu'il ne semble pas à sa place, ici, dans cette prison.
Je me demande à quoi je ressemble, moi d'ailleurs. Je ne me sens pas à ma place non plus.
Je commence à me désintéresser de cet homme, qui, mise à part son apparence, ne se démarque pas du commun des mortels que j'ai pu rencontrer. Surtout quand ce commun des mortels est bourré.
-Non, att-... attend. Eh. Me laisse pas seul.
Bah tiens, voilà qu'il allait essayer de me faire culpabiliser. Désolée mon coco, mais cela ne marche pas avec moi. Il ne manquerait plus que ça.
-J'ai peur ! a-t-il continué de beugler.
Soupirant encore une fois, je me résous à me laisser tomber sur mon lit de fortune et à me laisser m'endormir jusqu'au lendemain matin. Après tout, Ted allait sûrement me passer un savon. Ca ne changera pas de d'habitude, vous me direz. L'autre crie de plus en plus fort, visiblement paniqué.
-J'ai peur de Kràl. Il... Il m'a tout pris. Dis. Reviens, eh.
Le nom s'enroule dans les limbes de ma mémoire. Kràl. Kràl. Cela ne peut pas être possible. Cela ne peut pas être lui, le Alexej Kràl. Je me relève d'un bon et réapparaît à la vue de mon voisin de cellule.
-Qu'est-ce que tu as dit ?
Mais il ne semble plus m'entendre, perdu dans ses propres souvenirs, l'alcool n'aidant pas non plus, sans doute. Il continue de dérouler son monologue.
-Ma femme, ma femme. Elle est partie aussi, ma femme. Ma douce Ivanka.
Je suis d'un coup plus attentive au discours de cet homme, là où seul son physique et surtout son accoutrement m'avait d'abord frappée. Alexej Kràl. Ce n'est pas possible. Il ne faut pas que je m'emballe. Kràl est sûrement un nom très répandu en République Tchèques. Et visiblement, la femme -ou ex- de cet homme à des origines. Peut-être qu'il s'agit d'un tout autre Kràl. Je l'espère en tout cas. Je ne peux m'empêcher de demander :
-Vous parlez bien de Alexej Kràl ?
A ce nom, l'homme se tait enfin et me dévisage de nouveau. Il manque de tomber en avant, mais se rattrape de justesse aux barreaux de la cellule. Il renifle. Cela prend un moment, puis sont visage se déforme par la colère.
-Cette ordure m'a tout pris. Il est parti avec ma société, il m'a arnaqué. Ma femme est partie. Je suis ruiné. Ruiné. Ruiné.
Il commence alors à taper rageusement contre la porte, provoquant un vacarme du tonnerre. Presque aussitôt, un policier accourt -on ne nous avait donc pas laissé seuls au commissariat. Il sort de son uniforme un taser et l'agite devant l'homme ivre, qui continue de frapper violemment sur la porte de la cellule de dégrisement. Il sort maintenant des mots incompréhensibles, aux sonorités étranges. Des insultes tchèques ?
-Arrêtez de crier ! Lui ordonne le policier, d'un air menaçant.
Mais l'homme ignore la menace et ne s'arrête que pour reprendre son souffle, et repartir de plus belle. Alors le policier, avec un regard désolé, applique le taser et l'homme s'effondre. Le policier ouvert alors la porte, et le porte avec difficulté dans un coin de la pièce que je ne vois pas. Un lit, peut-être ? Il ressort quelques instants après. Ce n'est qu'à cet instant qu'il me voit. Je suis toujours collée aux barreaux, n'ayant pas perdu une minute de la scène.
-C'est bon, vous pouvez vous rendormir. Il devrait être plus calme maintenant.
Et il repart, à l'autre bout du couloir. Je ne le vois déjà plus. Je décide pour une fois d'obéir et part m'allonger sur le lit.
Mais les questions, restées sans réponses, m'assaillent. De qui parlait cet homme ? Etait-ce bien Alexej Kràl ? Le Alexej Kràl ? Si c'était cela, c'était très grave et il fallait que je prévienne Ted au plus tôt. J'avais des comptes à rendre avec ce malfrat et son retour en France n'annonçait rien de bon.
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Je me rend compte maintenant que le chapitre est un petit peu petit... J'espère que cela ne va pas trop vous déranger. J'essayerai de faire plus gros la prochaine fois.
Vous pouvez laisser des commentaires pour me dire vos théories : qui est ce Alexej Kràl ?
Et bien sûr, si vous avez aimé, n'oubliez pas de cliquer sur la petite étoile. :D
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