Chapitre 10

-J'espère que ça ne te dérange pas qu'on commence à parler alors que tu n'es pas encore installée, mais... On a du pain sur la planche, fait Ted

Je hoche la tête, concentrée sur la composition du menu. Il n'y avait pas beaucoup le choix et je choisis finalement une assiette de taboulé. Pendant ce temps, j'écoutais les deux autres parler derrière mon dos.

-On a perdu une heure. Pourquoi n'as-tu pas répondu au téléphone ?

C'était Martin. Je ferme la porte du réfrigérateur et fais volte-face, et réplique, furibonde :

-Parce que je l'avais éteins. Contrairement à toi, je ne me réveille pas aux aurores quand je ne travaille pas. Et puis... Toi non plus, tu as pas pu répondre au téléphone. Tu ne l'avais même pas sur toi !

Bon. La colère, ça peut vous faire dire des choses qu'il ne faudrait pas dire. Je venais donc d'avouer, du moins en partie, l'emprunt de son téléphone. Il ne lui restais plus qu'à le retrouver dans sa boite aux lettres et recoller les morceaux. Mais après réflexion, je me demandais vraiment comment il avait su, pour le rendez-vous avec Ted. C'est moi qui avait son portable. Il ne va quand même pas VRAIMENT tous les samedis à l'agence !

Martin me regarde, impassible, et toujours muni de son calme olympien me demande :
-Comment sais-tu que j'ai perdu mon téléphone ?

Voilà. Qu'est ce que je disais. Grillée. Bravo, Chloé. Ted lève les deux mains en l'air.

-Ca suffit, vous deux. Vous réglerez vos histoires de gamins plus tard, puis il ajoute en me regardant. Je ne préviens jamais Martin, il vient tous les samedis à l'agence. Et quand il a un empêchement, il me le signale plusieurs semaine à l'avance.

Ah si. Faut vraiment aimer son boulot, pour venir travailler, même sans y être obligé. Je me demande bien ce qu'il fait, le samedi alors que l'agence est vide. Je reprend mon assiette, et on se fusille tous deux du regard, puis je m'assois entre Ted et mon ennemi numéro un. Ted mâche tranquillement sa salade avant de reprendre :

-Bien, vous n'êtes pas sans savoir qu'on a un criminel en liberté.

Martin et moi-même hochons la tête de concert. Ted sourit, avant que sa mine s'assombrisse.

-Chloé, après ce qui s'est passé, je vais être obligé de suivre le protocole de protection des témoins.

Ah. Mais, quel témoin ? Moi ? Je ne laisse pas à Ted le temps de poursuivre :

-Attendez, j'ai toujours son numéro de téléphone, je peux...

-Ah oui ? C'est vrai, il doit pas du tout savoir que c'est toi qui le piste. Surtout pas après qu'il s'est réveillé, dans son canapé, après avoir passé la soirée avec toi et que tu l'ai forcé à boire la bière.

-Martin, calme-toi, voyons.

Ted avait dit ça d'un ton autoritaire, et Martin, en bon petit lèche-bottes, baisse la tête, soumis. Moi, par contre, je me lève d'un bond.

-C'était pas de ma faute. Et je peux toujours lui dire qu'il est tombé assommé à cause de l'alcool, un truc comme ça. Ca passera très bien.

Martin secoue la tête, et déclare avec un petit rire amer :

-Tu vis dans le monde des Bisounours, ma vieille.

Cette remarque me fit très mal. Je n'imaginais pas Martin capable d'un tel sarcasme. Je ne répondis rien, désarçonnée. Ted en profite pour marteler la table de son poing et crier :

-Ca suffit, maintenant ! Chloé, tu seras sous protection policière. Je ne veux pas qu'il remonte jusqu'à toi.

Je frissonne. Pour l'instant aucun des deux ne savait que Joe était en effet bien capable de remonter jusqu'à moi et que le danger auquel Ted faisait allusion était bien plus réel qu'ils ne se l'imaginaient.

-Martin, tu es chargé d'engager les recherches. Me suis-je bien fait comprendre ? continua mon patron.

Martin se tourne vers Ted et marmonne une réponse positive. Puis tous deux se tournent vers moi, comme un seul homme, attendant ma réponse. Je fronce les sourcils.

De toute façon, je suppose que je n'avais pas le choix.

-Ok, je fais en soupirant.

Mais je bouillais intérieurement. Comment osaient-ils me demander de rester à l'écart ? C'était sûrement Martin, qui avait convaincu Ted du potentiel danger. Je le déteste. Je serre les poings et crispe la mâchoire sous le coup de la colère. Puis, je quitte la pièce, furieuse, en prenant soin de claquer la porte et descend au sous-sol où ma petite voiture rouge m'attend, bien sagement. Je me glisse dans l'habitacle, ouvre la boite à gants et prend un chewing-gum pour me calmer. Je tourne ensuite la clé dans le contact et sors à l'air libre, me faufilant dans la circulation.

Arrivée chez moi, je jette mon blazer sur le canapé, me chauffe du café et monte dans ma chambre. Ne sachant que faire, j'entreprends de ranger mes affaires, faire mon lit et descendre les mugs de café et thé froids dans la cuisine, où ma boisson m'attend. Je me sers puis pars m'accouder au balcon. Il fait froid dehors, mais mes mains sont brûlantes, à cause de la tasse que je tiens fermement. Je regarde la ville en contre-bas. Je m'applique à suivre du regard une feuille morte, méchamment ballottée par le vent. La sonnerie de mon téléphone portable m'interrompt de mon état second dans lequel j'avais glissé. Je sursaute et attrape mon portable d'une main, tout en essayant de ne pas renverser mon café fumant de l'autre. C'est Ted. Je décroche de mauvaise grâce :
-Allô

-Chloé, on a un peu discuté avec Martin, fait la voix ténue mais autoritaire de Ted à l'autre bout du fil.

Allons donc.

-Un policier viendra demain matin à neuf heure. Je regrette de devoir t'imposer ça, Chloé, mais c'est important pour ta sécurité.

Je ferme les yeux quelques secondes, le temps de me ressaisir. Mon cerveau cherche une excuse. J'argumente :
-Neuf heure ? Le pauvre, il va devoir travailler le dimanche matin.

J'entends Ted soupirer.

-Chloé, c'est son boulot, réplique t-il sèchement. Et Joe peut venir, même le dimanche. Un groupe de quatre policiers se relayerons. Ne t'inquiète pas, ça ne durera pas longtemps.

Pas longtemps, c'est ça, oui. Je dois faire un effort surhumain pour ne pas lui raccrocher au nez. Le plus important reste la concession.

-Oui, mais Joe ne sait pas où j'habite, de toute façon.

Ted émet un étrange bruit avec sa bouche. Un truc que je ne pourrais pas décrire, mais qui, généralement, n'annonce rien de bon.

-Chloé, écoute-moi. Ca ne me plaît pas plus qu'à toi. Mais en tant que ton supérieur, je me dois d'assurer ta sécurité. Il viendra demain matin, à neuf heure. Point.

Puis, il raccroche. Je reste stupéfaite, à fixer mon téléphone, tandis que la sonnerie lancinante résonne à mon oreille. Je m'humecte les lèvres. Ca ne se passera pas comme ça. Je ne resterais pas sans rien faire. Je veux leur prouver que je suis capable de réparer ma bêtise. Prouver à Ella que contrairement à ce qu'elle m'a affirmé, je suis faite pour ce métier. Je rentre, ferme la baie vitrée et monte l'escalier de ma mezzanine.

Sur mon bureau, l'ancienne carte sim est posée. J'aurais dû la détruire depuis longtemps. Mais maintenant je me félicite de ne pas l'avoir fait. La flemme, ça a du bon.

Avec un sourire, je m'en empare et la glisse dans mon Smartphone, à la place de la mienne.
Tout en composant le mot de passe, je m'assoie sur mon lit, les pieds en éventail et attrape le flacon de vernis. Le portable se rallume, et je compose le numéro. J'attends cinq sonneries avant d'entendre sa voix, légèrement enrouée.
-Allô.

Je frissonne, ce qui me fait déborder sur le gros orteil. Je continue pourtant, la gorge sèche.

-Hey, Joe. Hm, désolée d'être partie précipitamment l'autre soir. Parce que t'étais un peu bourré, et...

Mon cœur bat vite, trop vite. J'ai peur de rater mon mensonge.

-T'occupe, me coupe t-il. J'ai de gros problèmes.

-Ah ?

Je feins l'étonnement à la perfection. Je l'écoute me résumer la situation tout en continuant d'appliquer la couche de rouge sur mes ongles. Essayez, c'est pas facile. Puis, je marque une pause, le temps de rassembler mes esprits avant de répondre :

-Je peux peut-être t'aider.

J'entends Joe grogner, et un instant, j'ai peur qu'il ne m'ait grillé.

-Je crains que tu ne puisse pas grand chose, chérie.

Je fronce les sourcils de frustration, mais décidée à ne pas baisser les bras, j'enchaîne.

-Joe, je vais pas te laisser tomber. Tu étais prêt à me vendre des armes, à m'aider. A mon tour de faire pareil.

Un silence se fait à l'autre bout du fil. J'attends, les mains moites et la peur nouant mon ventre. Puis, la réponse tombe :
-Je suppose que je n'ai pas le choix, de tout façon, soupire t-il. Je ne pourrais pas y arriver seul.

Je sourie et applique l'ultime couche de vernis sur le dernier orteil. Maintenant, il faut que j'y aille prudemment.

-Bien, donc. Que me proposes-tu ?

Encore un silence où il réfléchit.

-Ce n'est pas prudent de parler au téléphone dans ma situation. Je propose donc que l'on se voit dans le bar de la dernière fois.

Je hoche la tête.

-Ca marche.

Ma phrase résonne dans l'air pendant quelque temps encore. Je viens de pactiser avec le diable. Et bizarrement, la situation à quelque chose d'excitant. Puis, la réalité revient brusquement.

-Tu peux venir aujourd'hui, je demande anxieusement.

Je l'entends soupirer encore. Il a l'air très fatigué.

-Non, pas vraiment. Je suis parti assez loin. Disons plutôt demain, à vingt heure ?

Aïe. Je tente :

-Sept heure ?

-Je dois raccrocher. Demain vingt heure, ça marche.

Le bip-bip résonne dans mon crâne. Je me mordille la lèvre. Comment-donc allais-je faire ? Je lance le téléphone au plus loin de mon lit et, pour m'éviter de réfléchir trop, je m'applique aussi du vernis sur ceux des mains. Il est quinze heure. J'ai plus de vingt-quatre heure pour trouver une solution.

Un fois mon travail minutieux terminé, je tournais en rond dans mon appartement, incapable de faire quoi que se soit. Ma nervosité atteignait les sommets.
Vers dix-huit heure, ne sachant que faire, j'ouvris un livre de cuisine. Lorsque je le posait sur la table, un nuage de poussière s'envola. Preuve que je n'étais pas une grande cuisinière. Sans cesse, la même question me taraudait.

Ai-je bien fais ?


_______________________NOTE___________________________

Et voici comme tous les lundis un nouveau chapitre. Il est légèrement plus long que les autres, je ne sais pas si vous avez senti la différence. A partir de maintenant, je dois refaire le découpage de tous mes chapitres car j'ai un texte continu sur mon manuscrit. Arrivera également un moment où je serais arrivée au bout de ce que j'ai écrit il y a quatre ans et où je devrais mettre de nouveau la main à la pâte.

Si vous avez aimé le chapitre, n'hésitez pas à voter voir même à partager. Le marché de Wattpad étant ce qu'il est, je vous en serais reconnaissante.

Autrement, j'attends vos théories dans les commentaires : à votre avis, comment Chloé va faire pour aller à son rendez-vous avec Joe ? Est-ce vraiment une bonne idée ? :)

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