Chapitre 1
Je lève les yeux au ciel. Ted se tient debout, penché sur moi, appuyé sur son bureau. Martin, lui se tient droit, dans un coin de la pièce, près de la baie vitrée qui donne sur la ville. La journée touche à sa fin, et on peut voir le ciel se teinter petit à petit de rouge. Nous étions rentrés en catastrophe, après que Joe soit parti. Plutôt furieux, je dois avouer. Une fois de plus, j'avais tout fait capoter. Mais j'étais trop fière pour l'admettre, et même si Ted était en colère à cet instant, je sais qu'il ne me renverra pas. Je lui suis bien trop indispensable pour ça... Non ?
-C'est bon, Ted, j'ai son numéro, je peux toujours le rappeler. Il ne m'en voudra pas si je lui donne... Les bons arguments.
-Mon nom, c'est Théodore, pas Ted. Et j'aimerais que tu aies la décence de m'appeler patron.
Je ne voyais pas Martin de là où j'étais, mais je suis sûre qu'il souriait, à cet instant. Si je pouvais lui refaire le portrait, à ce fils à papa. Ted frappe son bureau de son poing, ce qui a le mérite de me faire sursauter.
-Bon sang, Chloé, qu'est ce qui t'a pris de lui coller une baffe ?
-Il avait les mains un peu trop baladeuse à mon goût.
Martin s'avance, avec son petit air supérieur :
-Je t'avais prévenue de ne pas mettre un décolleté si plongeant.
Ted se tourne vers lui, et aboie :
-Martin, on t'a pas sonné. Cela faisait partie du plan.
Ce dernier devient livide, et je savoure cette vision avant de prendre la parole :
-Ted, s'il te plaît, je peux rectifier la situation. Donne-moi une chance. Et puis, les enregistrements qu'on a faits ne suffisent pas à le coller en taule ?
Ted soupire, passe la main sur son visage. Quoi ? Ah oui, je l'ai encore appelé Ted.
-Bien sûr que si. Mais tu l'as baffé juste quand il allait avouer avoir trempé dans le trafic de drogue. Et on aurait pu enfin savoir où il planquait sa cochonnerie.
Je baisse les épaules, la tête. C'est le moment de ranger ma fierté dans son tiroir et d'accepter le sermon. Ted soupire de nouveau.
-Je veux bien te laisser une chance, mais c'est bien parce que c'est toi, Chloé Smith.
Je relève la tête d'un coup, et je pense qu'on peut lire la gratitude et l'espoir dans mes yeux. Je jette un coup d'œil à Martin. Il a la mâchoire qui pend par terre, tellement il est stupéfait par cette grâce divine qui me tombe du ciel. Je lui adresse un clin d'œil provocateur, accompagné de mon sourire le plus sournois. J'aurais bien tiré la langue en prime, mais ma conscience m'interdit de le faire dans le bureau de Ted.
-En revanche...
Je me fige. La mine de Ted est sombre, ne présage rien de bon. Mon ventre se noue, j'attends la sentence qui ne devrait pas tarder.
-En revanche, Martin sera ton supérieur de mission.
Non. J'ai bien entendu ? Martin ? Mon supérieur de mission ? OK, je dois me préparer à vivre l'enfer. Et je ne serais pas en assez bonne posture avec Ted pour rendre la monnaie de sa pièce à ce petit prétentieux.
-D'accord, pas de problème.
Je réponds, mais cela sonne faux. Horriblement faux. J'espère qu'aucun des deux ne va s'en apercevoir. Ted hoche la tête, puis fait un geste avec son bras.
-Allez, tout les deux, débarrassez-moi le plancher. Je vous ouvre un bureau pour que vous puissiez paramétrer la mission.
Je me lève, lentement. Martin salue Ted de la tête quand il passe devant lui. Je le détaille. Avec ses cheveux blonds, toujours bien coiffés, son teint pâle et ses yeux bleus, il pourrait peut-être être sexy, si on lui enlevait les chemises trop strictes et les chaussures toujours bien cirées qu'il mettait. Martin, sexy ? Mais qu'est-ce que je raconte ? Il est grand temps que je me trouve un mec, ça m'évitera de divaguer de la sorte. Je lui emboîte le pas. Lorsqu'il passe le pas de la porte, j'hésite à lui faire un croche-patte. C'est Ted qui me rappelle à l'ordre :
-Et tâchez de ne pas vous chamailler comme des enfants... Parfois, vous êtes pire que mes gosses.
Je lui tourne le dos, mais je sais qu'il a un sourire amusé. Ted ne nous en veut jamais longtemps.
Dans le couloir, je marche au côté de ce qui sera désormais, mon supérieur. Il s'arrête devant la machine à café, glisse une pièce dedans, et attend devant la machine qui ronronne. Je fais de mon mieux pour marquer mon impatience. Il me jette un regard. Rapide, méprisant.
-Tu peux en prendre un, si tu veux.
Quoi ? J'ai besoin de son autorisation pour prendre un café ? Martin s'empare du gobelet fumant et le porte à ses lèvres, avant de se diriger dans le bureau A2. Je le suis dans la pièce exiguë. Six tables sont disposées en rond, et au fond de la pièce, un projecteur et un tableau blanc. L'unique fenêtre donne sur la cour, où vole quelque emballage de barre chocolaté dans l'air d'autonome. Martin pose son café sur une des tables et me fait signe de m'asseoir. Je m'exécute, en posant mes pieds sur la table. Il me regarde, mi-stupéfait, mi-agacé. Je souris. Un point pour moi. Dommage qu'on n'ai pas le droit de fumer dans les locaux, sinon, je me serais pas gênée.
Martin me tourne le dos, en m'ignorant royalement et allume le PC posé dans un coin.
-Je vais te faire écouter ce que j'ai enregistré lors du rendez-vous au café.
Il double-clique, et le son emplit la pièce.
-Bonjour, Joe.
Bon sang, ma voix est horrible. Je me demande un instant si c'est à cause de la cigarette. Puis, je me concentre sur la suite.
-Et, Joe, toi qui as beaucoup de contacts... Tu ne saurais pas où me procurer...Hum... de la coke.
Je me rappelle lui avoir fait un petit sourire en coin. Un qui fait fondre la détermination de tous les hommes. Et là... J'avais regretté.
Martin arrête la bande et me regarde sévèrement.
-C'est moi ton supérieur de mission, maintenant. Donc, plus de bourde comme ça.
Non, mais il me prend pour quoi ?
-Je suis pas une débutante, c'est bon, je grommelle.
Il boit une gorgée de son café en me fixant d'un air dédaigneux. Ah, qu'est ce que j'aimerais effacer cet air sérieux qu'il affiche en permanence. Pas vous ?
-Et donc, quel est ton plan, boss.
J'avais appuyé sur le dernier mot pour voir sa réaction. Il touille son café. Avec un calme olympien. Pas de réaction, donc. Super. Je sens que la semaine va être longue. Je jette un coup d'œil à l'horloge murale. Il est bientôt vingt heures. Martin suit mon regard, soupire.
-Ok, alors voilà ce qu'on va faire, Chloé.
Il s'assoit au bureau, boit une gorgée de café. J'attends. Il reprend enfin :
-Tu vas retourner à l'appartement qu'on a loué. Je t'y amène.
Il se lève, je fais de même.
-Je peux y aller seule, j'ai le permis, je te rappelle, protesté-je.
Il ne répond pas, se contente de me fixer. Ok, j'ai compris, on y va. Il finit son café d'un trait, le jette dans la poubelle en passant la porte. Je lui emboîte le pas et nous descendons au sous-sol. Ma petite twingo rouge nous y attend bien sagement. Martin se dirige vers sa voiture, je le suis. L'habitacle sent le cuir, l'intérieur est impeccable. Ça ne m'étonne pas de lui. Le trajet se déroule dans le silence. Je regarde les barres d'immeubles défilées, jusqu'à ce que le paysage change et qu'on arrive à la périphérie de la ville, aux abords d'usine désaffectées, et d'immeubles décrépit. C'est dans l'un d'eux que Joe habite. Et c'est dans l'un deux aussi qu'on m'oblige à vivre, le temps de la mission. Pour ma couverture, vous comprenez. Martin gare la voiture le long du trottoir, à deux rues de mon appartement. Je le regarde, effarée.
-Quoi ? Je vais pas marcher jusque-là. Il fait froid et en plus...
Devant son regard appuyé, je capitule.
-Bon, ok, je grommelle en me laissant retomber sur le siège. C'est quoi la suite du plan ?
Martin sourit. Enfin. C'est un peu flippant quand même comme sourire. Je ne suis pas sûre que s'en soit vraiment un, en fait. Il me glisse un regard dans le rétroviseur.
-Tu as son numéro, il me semble. Débrouille-toi, mais je veux que tu ailles chez lui demain.
Puis, je descends, regarde la voiture s'en aller vers le centre-ville. Je frissonne. Le réverbère à côté de moi crépite en s'allumant. Home sweet home, Chloé. Je me mets à marcher, les bras croisés pour me tenir chaud. Un jour, je me vengerais. Mais en attendant, j'ai un coup de fil à passer.
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Merci d'avoir lu jusqu'au bout ! Si vous avez aimé ce chapitre, pensez à voter, cela me donne une petite indication pour savoir combien de personnes apprécient. Sinon, au lieu de prendre la poudre d'escampette, vous pouvez aussi laisser un commentaire pour m'expliquer ce qui, selon vous, ne va pas. Je cherche toujours à m'améliorer !
Je remercie également @Yuskya28 et @DarkBadSide pour m'avoir fait une jolie couverture.
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