PartieI 1- La rencontre
Madame Darcebot me fait visiter les trois premiers étages et me présente à chaque équipe présente ce jour là. Je ne retiens bien sûr aucun des prénoms, sauf peut-être celui de Noah l'infirmier du second. Il est plutôt mignon... Mais je suis bien trop réservée et anxieuse, et j'offre pour chaque présentation faite, un sourire timide en guise de bonjour. Je pense que je n'ai jamais autant reluqué ma vieille paire de Converse. J'y ai découvert des tâches dont je ne soupçonnais pas l'existence, et j'ai également découvert qu'il y avait douze oeillets pour passer les lacets... Quelqu'un le savait ?
Lorsque nous arrivons au quatrième étage, la directrice des soins me précise que c'est dans ce service que je commencerai la semaine prochaine : le service de chirurgie vasculaire. Il ressemble en tous points aux autres services : un grand couloir arrondi pour lequel on a tenté d'amoindrir l'obscurité avec des couleurs claires ; la salle de soins est à la même place que pour les autres services, et l'odeur y stagnant est identique à celle flottant aux étages inférieurs : un mélange d'antiseptiques et de matières organiques. Le personnel présent ce jour a, là encore, l'air bien sympathique. Pas de mignon-Noah, mais des futures collègues souriantes et attentionnées.
Après avoir fait les ultimes présentations, Madame Darcebot et moi regagnons tranquillement les ascenseurs au bout du couloir. Mais à peine cinq mètres avant d'atteindre ces derniers, le triste sort de cette journée décide de revenir au galop me faire un gentil coucou. Là, maintenant, tandis que je commence enfin à me détendre ! Et il choisit de mettre sur ma route le brancardier le plus pressé de - j'en suis certaine - la planète entière. Le Usain Bolt des cliniques met au service de son travail ses capacités de course rapide, et vient violemment encastrer un lit et son occupant dans mes mes mollets, me projetant directement contre quelqu'un. Tout ce que j'ai le temps de voir alors, c'est une blouse blanche et un mur d'au moins... Pfiou ! Un très grand mur !
Ne prononçant aucun mot, ce que je pense être un médecin me repousse tout aussi sauvagement, manquant par ce geste de me mettre à terre.
Dieu du ciel ! Son regard est aussi noir que ses cheveux. Mais je ne suis pas sûre que ce soit ce qui me tétanise le plus en cet instant. Je me sens rougir du premier oeillet de mes chaussures au dernier de mes imbéciles et figés neurones. Je découvre une nouvelle émotion, une dont je ne connais pas encore le nom, une qui flotte entre le « WOW ! » et le « OH ! MY GOD ! ». Car si le visage de Docteur Aimable n'avait pas les traits aussi sévères, il serait probablement le plus bel homme que je n'ai jamais vu ; le physique de Nick Bateman dans la blouse de Docteur Mamour ! Bye-bye Noah...
Madame Darcebot, après avoir admonesté le brancardier, vient comme à mon secours en me sortant de ma paralysie et en mettant une trêve au regard le plus haineux que je n'ai jamais eu à soutenir.
— Docteur Cesare, s'adresse-t-elle à lui avec une condescendance des plus équitables. Je vous présente Séléna, une étudiante infirmière qui va travailler chez nous cet été, en tant qu'aide soignante.
— Si ses compétences sont à la hauteur de sa maladresse, mes patients devront être mis à l'écart, marmonne-t'il hargneusement avant de se diriger vers la salle de soin, depuis laquelle nous pouvons l'entendre maugréer après mes futures collègues de l'été.
Quel con ! Ok. Là, ça me calme direct. Noah, tu peux revenir !
— Ne vous inquiétez pas, Séléna, tente de me rassurer Madame Darcebot. Le Docteur Cesare est un affreux bougon avec tout le monde. Ne vous laissez pas intimider par lui.
Bien. Je tente d'enregistrer ses paroles, mais les miennes raisonnent dans ma tête : Quel con ! Quel con !
Nous finissons toutes les deux par atteindre les ascenseurs, et après être passées par son bureau pour me faire signer tous les documents nécessaires à mon embauche, Madame Darcebot me raccompagne jusqu'à la sortie, me souhaitant une bonne fin de semaine.
Croyez-moi, une fin de journée passable serait déjà, une très très bonne chose...
Bon finalement, ce rendez-vous s'est merveilleusement bien passé, si on met de côté ma présentation débraillée et mon éloquence légendaire, ainsi que ma merveilleuse rencontre avec Docteur Imperator !
La clinique me plait, et les quelques équipes que j'ai rencontrées m'ont réservée un accueil plutôt chaleureux, rien à voir avec celui que j'ai pu recevoir lors de mes premiers jour de stage.
Je ne suis pas mécontente de laisser au placard mon statut d'étudiante pour quelques semaines.
Bon, j'imagine qu'il me faudra tout de même prouver « mes compétences et ma non maladresse » et j'espère m'adapter rapidement.
Toutes ces interrogations me donnent la nausée et mon estomac se contracte douloureusement. Je décide rapidement de ne pas y penser pour le reste de la semaine. J'aurai probablement tout le temps de m'imaginer les pires scénarios durant la longue nuit d'insomnie qui précédera mon premier jour à la clinique. Et puis de toute façon j'ai un autre problème de taille, j'ai perdu les clés de mon appart.
Je décide donc de repasser par l'école en espérant sincèrement qu'elles ont été trouvées et remises à l'accueil.
Si seulement je n'étais pas si tête en l'air parfois ! Je suis la reine de l'organisation en ce qui concerne mes études, mais dès qu'il s'agit de ma vie perso, c'est une vraie pagaille.
Quand j'étais ado, ma mère pestait toujours après l'état de ma chambre, se demandant si elle n'avait pas été construite sur une faille sismique ou si elle ne subissait pas régulièrement des micro climats cataclysmiques. Et une fois, j'ai tout de même oublié ma petite soeur au supermarché. J'en étais simplement repartie en omettant qu'elle m'y avait accompagnée. Je me demande souvent comment je parviens à réussir si brillamment mes études... Les enseignants avaient donné à mes parents comme probable explication, l'intérêt que je pouvais porter à certains domaines et pas à d'autres.
J'ai toujours trouvé cette supposition peu flatteuse pour ma petite soeur !
C'est avec un grand soulagement que mes clés sont là où je souhaitais qu'elles soient. La vieille acariâtre de l'accueil me les tend avec un Hum accusateur accompagné d'une bouche en cul de poule, auxquels je réponds par un sourire des plus faux et des plus insolents.
Les clés en poche, je regagne enfin mon appartement. Avec tout ça, il est déjà dix-sept heures. Il faut encore que je fasse mon sac pour rejoindre mes amies à la maison de bord de mer de Lena. Nous allons y fêter pendant les deux prochains jours la fin de la deuxième année. Après quoi, je vais chez mon père pour les quelques jours restant.
Et voilà, il en sera fini de mes vacances pour cet été : Wa...ouh...
Un autre avantage en cette saison, c'est que les valises sont vite faites et ne pèsent pas lourd. Quoique pour une fille comme moi, ça reste toujours complexe.
Je la finis plus rapidement que je ne l'aurais cru, fais un brin de ménage de mon antre et pars prendre une douche.
Les voix enjouées des One Direction m'accompagnent à la radio et je me surprends à danser dessus, tout en laissant l'eau me rincer de cette journée stressante. On ne peut pas dire que ce soit vraiment ma came, mais en cet instant, je crois que je danserais même sur La danse des canards ! Ce soir je suis gaie, je suis heureuse.
Plus les heures passent, plus les épisodes « poisse de l'année » s'éloignent. Au final, je pense avoir réussi mes examens, je pars faire la fête avec mes merveilleuses amies et j'ai trouvé un job pour l'été, dans un endroit charmant, où ont l'air de bosser des personnes charm...
Enfin, à la réflexion, pas toutes charmantes !
En moins de deux, fin de ma danse et apparition violente dans ma petite tête du « Docteur Cesare avec un É à la fin, comme dans taré », le chirurgien dictator que j'ai croisé cet après-midi. Enfin croisé... Percuté serait plus juste. Je revois ses yeux si sombres et ses lèvres si serrées quand il m'injuriait. Ses lèvres... Les vapeurs de la douche me font presque tourner la tête et je ressens au creux de mon ventre comme un petit pincement sans équivoque, en me remémorant son visage et la silhouette imposante cachée derrière la blouse blanche.
Ma pauvre Selena, t'es complètement allumée d'avoir des palpitations pour ce connard prétentieux !
En même temps, il était vraiment très beau et moi... Moi, pour souvenir, je ne ressemblais pas à grand chose en jean/baskets, les cheveux collés au visage par la transpiration !
Stop ! Je mets fin à mes divagations grotesques en quittant la douche.
La soirée s'annonce encore chaude en ce début d'été, je décide donc d'enfiler une robe noire légère et fluide qui, je dois l'avouer, met en valeur les formes que je tente d'entretenir à grand renfort de course à pied.
Après avoir vérifié que tout est en ordre dans l'appartement, je monte en voiture et prends la route en direction de ce qui - je pense - va être deux jours de fête incroyable.
Je n'ai jamais été à la maison de plage des Auguste. Je crois qu'il lui ont donnée un nom, du style « Le Cap » ou un truc du genre.
Ils l'ont acquise cet hiver et Lena m'a dit qu'elle était « Pas mal ».
Alors un « Pas mal » dans la bouche de ma copine, ça veut dire un « Grandiose, Magnifique » dans la mienne. Car il suffit de voir la maison dans laquelle ils vivent en ville, pour comprendre que nous n'attribuons pas tous la même valeur aux adjectifs.
Je suis un peu déçue de faire la route seule, mais je n'ai pas le choix car je prévois de partir directement de la villa à chez mon père.
Alors j'ai pris mes meilleurs amis GPS et IPod pour me tenir compagnie, car les filles sont parties plus tôt dans l'après-midi.
Voilà ce que c'est l'amitié ! Elles préfèrent aller se baigner par cette chaleur, plutôt que d'affronter les bouchons de débauche avec moi !
Mais ce qui est géniale dans le fait d'être seule en voiture, et bien c'est de pouvoir chanter à tue-tête. Et c'est ce que je fais sans retenue. Bon, sans talent non plus, mais au diable les complexes !
Ce soir je lâche tout !
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