Une preuve au recyclage

L'odeur du café chaud me réveilla le lendemain matin.

J'ouvris les yeux pour découvrir que les draps étaient vides à côté de moi. Maxence s'était déjà levé. Je m'étirai comme un chat, puis décidai de partir à sa recherche dans le seul but de le ramener au lit pour faire la grasse matinée. Après tout, c'était dimanche matin.

Je posai les pieds au sol et frissonnai au contact du plancher froid. Je jetai un regard à la ronde en quête de mes vêtements et les retrouvai échoués un peu partout dans la pièce.

Plutôt que ma robe noire de la veille, je choisis d'enfiler la chemise bleu pâle de Maxence, qui traînait elle aussi par terre. Je retroussai les manches et la boutonnai, ne laissant que deux boutons défaits. Elle m'arrivait à la mi-cuisse et le tissu portait encore l'odeur de Maxence.

Je me remémorai avec délice le moment où je la lui avais enlevée pour finalement avoir accès à son torse.

Un frisson me parcourut l'échine.

J'allais partir à la recherche de Maxence lorsqu'il se matérialisa dans le cadre de porte, m'empêchant de sortir de la chambre. Il ne portait qu'un t-shirt gris pâle et un boxer, et tenait dans chacune de ses mains une tasse de café fumante.

— Déjà debout? Tu ne m'as pas laissé le temps de t'apporter le café au lit, me reprocha-t-il en faisant un pas vers moi. Tu m'empêches de gagner des points, Charlie.

Sa voix du matin était rauque et plus grave que d'habitude. Ses joues mal rasées et ses cheveux en bataille lui donnaient un air négligé qui était loin de me déplaire.

— Tu as déjà gagné tous les points. Le reste, c'est du bonus.

Je pris la tasse de café qu'il me tendait et en bus une gorgée avec délectation. En plus, Maxence savait déjà comment j'aimais mon café, après toutes ces soirées passées à travailler dans son bureau autour d'une tasse fumante.

Point bonus instantané.

— Reviens dans le lit, le pressai-je en laissant ma main traîner sur son abdomen.

Le coton de son t-shirt était tout doux.

Ce n'était pas la seule raison pour laquelle j'y touchais, cela dit.

— C'était bien mon intention, m'assura Maxence en m'attrapant par la taille. Viens.

Il posa un baiser sur ma tempe, puis m'entraîna sous les couvertures, où nous nous assîmes côte à côte. Maxence passa un bras autour de mes épaules et je me laissai aller contre lui. Nous bûmes notre café à petites gorgées, enveloppés dans un cocon de tranquillité. Peut-être même que je souriais sans raison.

Je voulais d'autres grasses matinées comme celle-là.

Plusieurs, plusieurs autres.

J'avais envie d'essayer.

Maxence était peut-être un scientifique qui testait des traitements sur des chimpanzés qu'il gardait en cage dans son laboratoire, mais il était aussi bien plus que cela. Étrangement, après m'être tellement battue pour qu'il se plie à ma volonté et abandonne la sienne, j'avais envie, non pas de baisser les bras, mais que nos valeurs cohabitent désormais. Qu'il me rende meilleure, et que j'en fasse tout autant.

Une petite voix dans mon esprit se fit l'avocat du diable : est-ce que le fait d'être avec lui porterait atteinte à ma réputation de militante pour les droits des animaux?

Peut-être.

Mais je m'en fiche, réalisai-je alors.

Je voulais être avec Maxence Clermont, quel que soit son titre, ses activités ou sa réputation. Je voulais être avec cet homme. Lui confier des secrets sur l'oreiller, puis lui montrer ma lingerie en dentelle. L'écouter discuter de ses travaux de recherche et lui parler de mes chimpanzés en retour. Parfois, ne pas parler ni de science, ni d'animaux. Boire une bière avec lui dans le salon. Verser de l'amaretto dans son café à son insu, juste pour le plaisir de le voir grimacer. Marcher dehors avec lui en lui tenant la main. Jouer à Twister.

Charlie, tu es atteinte.

Mais je m'en fiche, rétorqua l'ange enamouré sur mon épaule.

Une note sur un papier froissé se rappela alors à mon esprit embrumé. Je n'y avais plus pensé après l'avoir mise au recyclage la veille, mais je voulais juste m'assurer que c'était bel et bien un canular. J'en étais tellement certaine hier, mais ce matin, y repenser réveillait en moi un certain malaise.

— Maxence?

— Hmm?

— C'est toi qui as laissé la note sur ma porte, n'est-ce pas?

— Tu crois que j'ai déjà eu le temps de t'écrire des petits mots doux?

— Pas des mots doux. Une menace.

— Quoi?

Maxence tâtonna sur la table de chevet pour attraper ses lunettes et les posa sur son nez comme si cela allait l'aider à mieux entendre.

— Tu as reçu une menace? répéta-t-il en se redressant.

Il posa sa tasse de café sur la table de chevet et s'éloigna un peu pour mieux me regarder.

— Oui, imprimée sur une feuille et collée sur ma porte d'entrée. Je l'ai trouvée juste avant de venir te rejoindre dans ta voiture hier soir. J'ai cru que tu m'avais fait une blague.

— Qu'est-ce que ça disait?

— Ne vous mêlez pas de nos travaux de recherche et nous ne toucherons pas à vos animaux, paraphrasai-je.

— Charlie, je ne t'écrirai jamais de menace, même pour plaisanter. Ça n'a rien de drôle.

Et puisqu'il était sérieux comme la mort, le sentiment de malaise enfla en moi.

— Ça doit venir de Florence, alors.

Maxence retira son bras de mes épaules, à mon grand désespoir. Notre petit matin ensoleillé et parfait était en train de prendre le large.

— Charlie, crois-tu vraiment que ta meilleure amie aurait fait une chose pareille?

Je haussai les épaules.

La réponse : non.

Mais si ce n'était pas elle, alors qui?

— Il n'y a qu'elle et toi qui savez où j'habite et qui êtes au courant de mon intervention dans ton étude. Je vais l'appeler.

Je quittai le nid tiède et douillet constitué des draps du lit et de la chaleur du corps de Maxence, puis traversai le couloir pour rejoindre le hall d'entrée. Je farfouillai dans les poches de mon manteau à la recherche de mon téléphone, puis composai le numéro de mon amie.

— Charlie?

— Salut, Flo.

— Alors, matelot, la pêche a été bonne?

En d'autres circonstances, j'aurais pouffé comme une dinde, mais Maxence et son air sérieux avaient semé en moi beaucoup trop d'inquiétude pour que je badine avec ma meilleure amie.

— Florence, j'ai une question. M'as-tu écrit une fausse lettre de menace que tu as ensuite collé sur ma porte?

— Hein?

Je lui racontai en quelques mots ma découverte de la veille.

— Mais t'es dingue! Je ne ferais jamais une chose pareille! protesta-t-elle, un peu comme Maxence l'avait fait tout à l'heure.

Je sentis l'inquiétude me prendre aux tripes.

— Charlie, je suis chez toi dans vingt minutes, annonça-t-elle de but en blanc. Il faut mettre cette histoire au clair.

Lorsque je raccrochai, une seule question me taraudait.

Si ce n'était ni Maxence, ni Florence, alors qui?

***

Vingt minutes plus tard, le Grand conseil était réuni sur mon balcon. Maxence, Florence et moi-même nous étions rejoints devant ma porte d'entrée, bravant le froid de ce matin de décembre.

Ma meilleure amie avait rapidement remarqué que je portais encore ma tenue de la veille. D'un regard appuyé, elle m'avait bien fait comprendre que nous aurions un tout autre genre de discussion lorsque Maxence serait parti. Pour le moment, nous avions à traiter d'un sujet un peu plus préoccupant.

— Tu as jeté la note au recyclage? répéta Florence, les yeux grands comme des soucoupes.

— Bien sûr, tu voulais que je la fasse encadrer ou quoi?

Mon amie était déjà accroupie devant le bac de recyclage et farfouillait dans mes déchets en maugréant.

— Elle a mis la preuve dans le recyclage, grommela-t-elle dans sa barbe. Au moins, elle trie bien ses ordures...

Florence brandit alors une boulette de papier froissé dans son poing.

— C'est ça?

— Je crois, oui.

Mon amie la déplia et Maxence s'approcha pour lire par-dessus son épaule.

Je restai en retrait. Ignorer la note menaçante la rendait moins réelle.

— Ça fait flipper, Charlie, lâcha Florence d'une voix blanche après avoir lu la courte phrase.

Ses joues roses semblaient avoir perdu de leurs couleurs.

Maxence s'empara de la feuille et l'inspecta sous toutes ses coutures, comme s'il allait y trouver un quelconque indice nous permettant de retracer son auteur.

— Tu n'as vraiment aucune idée de qui ça pourrait être? s'enquit le chercheur en levant la tête vers moi. Personne ne t'a écrit récemment?

Je secouai la tête.

— Non, pas depuis un moment. Après la manifestation devant ton laboratoire, j'ai reçu beaucoup de messages haineux, mais la poussière est retombée et je n'en reçois plus depuis un moment.

— Tu devras faire une déposition à la police, Charlie.

Je déglutis.

Faire une déposition à la police. Ça semblait tellement sérieux. Était-ce bien nécessaire pour une simple phrase imprimée sur un bout de papier?

Florence sembla deviner mon hésitation, car elle vint se placer aux côtés de Maxence.

— Il a raison. Nous viendrons avec toi.

Les voir s'allier ainsi me fit chaud au cœur.

— Je dois d'abord nourrir mes animaux.

— Vas-y. Nous t'attendons.

Un peu plus tard cet avant-midi-là, après ma visite au poste de police, un seul petit mot tournait en boucle dans ma tête.

Qui?

***

Salut les choux!

Je me suis dis que publier un nouveau chapitre pendant que j'attendais mon vaccin covid était une bonne façon de joindre l'utile à l'agréable! ;)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top