La petite robe noire

***Point de vue de Maxence*** (Ouuuh!)

J'étais nerveux en arrivant chez Raphaëlle.

Je craignais que ma meilleure amie n'agace Charlie tout le long du souper. J'avais bien averti Raph de la laisser respirer et de nous épargner ses petits commentaires cyniques à l'égard de ses activités ou de ses... euh, erreurs de parcours.

C'était stupide, puisque Charlie n'avait pas besoin de ma protection, ni de celle de personne, à vrai dire.

Par-dessus le marché, elle fut accueillie comme le messie en personne lorsque nous arrivâmes chez Raphaëlle.

Oh my god, tu as emmené Charlie Saint-Loup! s'exclama Léa, ma filleule, lorsqu'elle me vit passer la porte en compagnie de Charlie.

Celle-ci salua l'adolescente avec son entrain habituel, lui souhaita un joyeux anniversaire, puis se mit à lui faire la conversation comme si elles étaient les meilleures potes du monde.

Je récupérai le manteau de Charlie tandis que Léa m'ignorait sciemment.

Je tâchai de ne pas le prendre personnel.

— Tu veux bien nous prendre en photo, Max? s'enquit Léa après quelques minutes de babillage incessant.

Je sortis mon téléphone de ma poche, résigné. J'étais relégué au rang de larbin.

Cependant, si j'étais honnête avec moi-même, j'étais ravi de voir que Léa et Charlie s'entendaient si bien.

Je reculai de quelques pas pour les avoir toutes les deux dans l'objectif, puis remarquai l'habillement de Charlie.

Une petite robe noire plus moulante que tout ce je ne l'avais jamais vu porter. Des bas noirs transparents.

— Alors, tu la prends, cette photo? s'enquit Charlie en conservant son sourire. Mes dents sont en train de sécher!

Léa éclata de rire.

Je me secouai, pris quelques photos, puis Raphaëlle débarqua comme un cheveu sur la soupe.

— Superbe idée, prenons des photos! Charlie, Maxence, rapprochez-vous!

Si l'idée de me rapprocher de Charlie était loin de me déplaire, je savais que Raphaëlle ne proposait pas cette séance photos sans arrière-pensée. Heureusement pour moi, de nouveaux invités arrivèrent, nous détournant de son projet : Marc et Sandrine, l'oncle et la tante de Léa, accompagnés de Lilou, sa cousine qui avait pratiquement le même âge.

Lorsque Léa et Lilou étaient dans la même pièce, la troisième Guerre mondiale aurait pu éclater qu'elles ne s'en seraient jamais aperçues.

Les deux cousines se serrèrent dans leurs bras, puis avant que Léa ne fasse les présentations à ma place, je posai ma main dans le dos de Charlie et la présentai aux nouveaux venus.

Le tissu de sa robe était plus mince que je ne l'avais imaginé. Je ne sentais que trop bien la chaleur de son dos contre ma paume. J'avais envie de glisser ma main dans le creux de ses reins. Ou ailleurs.

Le dernier invité de la soirée était Élias, le grand-père de Léa. J'adorais cet homme. C'était un enseignant de chimie à la retraite, et nous avions plusieurs atomes crochus, si bien que je finissais toujours par passer la soirée à ses côtés.

Ce soir, toutefois, j'avais de la difficulté à rester attentif à notre discussion. Mon regard était sans cesse attiré vers Charlie. Je me faisais l'effet d'un vieux pervers qui la reluquait depuis un coin de la pièce pendant qu'elle divertissait la galerie en racontant des histoires abracadabrantes. Elle agitait les mains, renversait la tête en arrière lorsqu'elle riait et poussait des exclamations comiques en réaction aux propos de son interlocuteur.

À un certain moment, Élias me faussa compagnie pour aller se chercher un verre d'eau à la cuisine. Je me retrouvai seul dans le divan avec ma coupe de vin vide à la main.

Ma bulle de tranquillité fut rapidement crevée par l'arrivée de ma filleule dans le salon.

— Oh là là, Charlie est trop cool! lança-t-elle en se laissant choir dans le divan à mes côtés, ses cheveux roux me fouettant le visage dans le même mouvement. Je suis trop contente que tu l'aies invitée pour ma fête, Max.

Elle était beaucoup plus rousse que Raphaëlle. Flamboyante. Mon amie avait toujours craint que sa fille ne se fasse agacer à l'école à cause de la couleur de ses cheveux, mais Léa pouvait cracher autant de feu que celui qu'elle avait en guise de chevelure. Jamais personne ne s'était moqué d'elle sans se faire réduire en cendres au passage.

Lilou, plus posée, nous rejoignit et s'assit sur l'accoudoir à ma gauche. Me voilà coincé en sandwich entre deux adolescentes. Je n'étais pas certain d'apprécier.

— Je suis heureux que ça te fasse plaisir, Léa.

— Elle nous a montré plein de photos de ses chimpanzés et nous a promis de nous faire visiter son refuge, renchérit ma filleule. Tu sais que personne n'a le droit de le visiter en temps normal?

— Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre.

— Tu es trop chanceux de la connaître.

Léa porta son regard sur Charlie et l'observa d'un air pensif. Celle-ci était en train de discuter avec Sandrine, la belle-sœur de Raphaëlle.

— Je parie qu'elle est amoureuse de toi, lâcha-t-elle sans prévenir.

Je manquai m'étouffer avec ma langue.

Pourquoi cette adolescente était-elle aussi fleur bleue?

— Léa, je ne veux pas te contrarier, mais Charlie n'aime pas trop ce que je fais.

— Ça commence toujours comme ça. La fille déteste le mec, et à la fin du film, ils sont comme deux pots de colle. Moi, je vous ship. T'en penses quoi, Lilou?

Elle consulta sa cousine du regard.

— Carrément. Je vous ship aussi, approuva l'interpelée.

— Tu nous quoi? répétai-je, un peu perdu.

J'avais de la difficulté à me tenir à jour dans le jargon adolescent. À chaque fois que je voyais Léa, elle avait de nouveaux mots dans son vocabulaire qui n'étaient pas répertoriés dans le dictionnaire.

L'adolescente roula des yeux si haut que je m'étonnai qu'ils ne soient pas sortis de leurs orbites.

— Max, quand as-tu écouté une série pour la dernière fois? me demanda-t-elle avec hauteur.

Je haussai les épaules.

— Il y a quelques mois, probablement...

— Mais t'es un ermite ou quoi?

— Je suis très occupé. Alors, ça veut dire quoi?

Elle et Lilou pouffèrent.

— T'as qu'à demander à Charlie. Et au fait, je dois te dire que t'as l'air de Clark Kent avec ces lunettes.

Bon, pour une fois, j'avais droit à un compliment plutôt qu'une réplique bien sentie.

— Eh bien, merci.

Elle tiqua.

— Celui du vieux film, précisa-t-elle. Te fais pas d'idées, t'as zéro ressemblance avec Henry Cavill.

— Ah.

— Je suis sérieuse, tu devrais virer ces lunettes de ton visage.

— Mais qu'est-ce que tu leur reproches?

— Tu veux encastrer la monture dans le visage de Charlie quand tu vas...?

Léa colla ses deux index ensemble et mima un baiser avec sa bouche. Les deux cousines se mirent à glousser. J'avais la vague impression d'être au milieu d'une basse-cour.

Si seulement elle savait que deux semaines plus tôt, Charlie et moi étions dans la même position que ses deux index... Fusionnés.

Je jetai un coup d'œil à la femme qui hantait mes pensées depuis plusieurs semaines. Tirai un peu sur le col de ma chemise. Il faisait chaud, ici.

— Hé, Lilou! lança Léa en direction de sa cousine, les yeux brillants. J'ai une idée. Viens. À tantôt, Max!

Ma filleule entraîna Lilou un peu plus loin. Je les vis faire des messes basses dans un coin de la cuisine avant de ricaner comme deux poulettes.

Dieu que je ne m'ennuyais pas de mon adolescence.

Je m'éclipsai pour aller aux toilettes.

Qu'est-ce que ma filleule voyait en Charlie qui lui faisait penser qu'elle était amoureuse de moi?

D'accord, nous avions échangé un baiser pour le moins intense à l'arrière de ma voiture, mais elle-même m'avait avoué que ce n'était que par instinct de survie. Elle était gelée comme un glaçon ce jour-là. C'était ses réflexes les plus primaires qui avaient refait surface. Je l'avais embrassée, et elle avait répondu à mon baiser puisqu'il lui procurait une source de chaleur non-négligeable.

Cela dit, je ne pouvais certainement pas me fier au jugement d'une fille de quatorze ans biberonnée aux comédies romantiques impossibles. J'allais devoir prendre une chance et tâter le terrain à nouveau.

J'inspectai mon reflet dans le miroir pendant quelques secondes.

Est-ce que mes lunettes étaient réellement ringardes?

Bon, j'avais les mêmes depuis près de dix ans, mais c'était un modèle intemporel, non?

Et puis, aucune de mes précédentes conquêtes ne s'était plainte de se faire encastrer ma monture dans le visage lorsque je l'embrassais.

— Ah, te voilà!

Je sursautai et me tournai vers Charlie qui était apparue dans l'encadrement.

— Je me demandais où tu étais passé. Qu'est-ce que tu fais?

— Je nettoyais mes lunettes, mentis-je en les remontant sur mon nez, me demandant si j'avais l'air aussi idiot que je me sentais.

Elle me rejoignit dans la salle de bain et eut une moue en voyant son reflet dans le miroir.

— Je suis trop chic. Tu aurais dû me le dire, me reprocha-t-elle en lissant sa robe.

Pensait-elle vraiment que je lui aurais dit de troquer sa petite robe moulante pour autre chose? Elle me croyait aussi vertueux qu'un moine ou quoi?

— Tu es très belle dans cette robe, lui dis-je en la regardant dans les yeux.

Charlie se mordit la lèvre et entortilla une boucle de ses cheveux sombres autour de son index, l'air de se demander quoi faire de ses mains.

Elle n'était peut-être pas en amour avec moi, mais elle n'était pas insensible à ma présence.

Je fis un pas vers elle et posai ma main dans le creux de ses reins comme je voulais le faire depuis le début de la soirée.

Son corps était chaud et le tissu de sa robe était doux sous mes doigts. La courbe de sa hanche était parfaite pour épouser la paume de ma main.

— On y retourne? demandai-je alors que je n'avais qu'une envie : m'enfermer dans cette salle de bain avec elle et y rester pendant un long moment.

Elle acquiesça et effleura doucement mes doigts des siens.

Charlie, belle Charlie... On a des trucs à régler, toi et moi.

***

Ceux qui ont lu mes autres histoires savent que je ne peux pas m'empêcher de publier un chapitre du point de vue du protagoniste masculin. x)

En tout cas, je me suis bien amusée à rédiger celui-ci. Shoutout à Léa.

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