Chapitre 7-1



Je fermai mes paupières à toute vitesse mais...trop tard. Je n'avais pas anticipé son geste, pensant bêtement qu'il voulait peut-être m'embrasser, non mais qu'elle idiote ! Il avait habilement manœuvré cela dit, il fallait bien l'admettre. Le plus rageant était, qu'en plus de m'être fait avoir comme une débutante, j'avais le cœur en miette. Son petit sourire satisfait au moment où il s'était aperçut que son stratagème avait fonctionné à la perfection, m'avait appris que tout c'était passé exactement comme il l'espérait et qu'il n'avait jamais eu l'intention de pousser son geste jusqu'au bout.

— Ouvre les yeux ! m'intima-t-il d'une voix autoritaire contrastant avec son souffle chaud venant effleurer mes lèvres. Accentuant encore plus mes regrets et ma rancune à son encontre.

— Uniquement si tu te recules, lui répondis-je en essayant d'adopter le même ton de voix que lui.

— Pourquoi ? Qu'est-ce qui te dérange ? Moi je me trouve très bien là, me provoqua-t-il sciemment. Ouvres les yeux Christina...sinon, je vais vraiment croire que tu as quelque chose à cacher.

Je pesai le pour et le contre durant quelques secondes. Essayer de me dégager par la force ou obtempérer ? J'avoue que j'avais beaucoup de mal à me décider, la première option étant vraiment extrêmement tentante pour rendre la monnaie de sa pièce à ce Don Juan prétentieux. D'un autre côté, la tournure de sa phrase ainsi que sa réaction plus que neutre, laissait à penser que, soit il n'avait pas eu le temps de voir quoi que ce soit, soit que mon regard avait retrouvé son état normal. Si la seconde option était vrai, l'envoyer valser sans ménagement ne ferait qu'accroitre ses soupçons, donc que faire ?

Je pris une grande inspiration théâtrale, puis commençant à ouvrir mes yeux très lentement, plantait mon regard dans le sien. Puis avec un grand sourire...lui envoyai mon genou dans l'entrejambe. J'avais vraiment hésité, mais au final...c'était vraiment trop tentant !

Il se plia en deux sous l'effet de la douleur et j'en profitai pour le repousser sans ménagement et me dégager de sa prise. Même si je m'en voulais un peu de lui avoir fait mal, l'éclair de surprise dans ses yeux au moment où j'avais porté mon coup, valait son pesant d'or. Rien que pour cela, je ne regrettais pas mon geste.

— Non mais qu'est-ce qui t'a pris ? me demanda-t-il d'une voix voilée, regard noir et souffle court, en se redressant lentement.

— Je ne sais pas ? lui répondis-je, faussement désinvolte. Peut-être que je n'aime pas que l'on me serre de trop près pour de mauvaises raisons, lui assénai-je, mordante à présent.

Il me fixa pendant un moment de son implacable regard sombre, cherchant à m'intimider. À moins que ce ne soit pour reprendre sa contenance et une respiration normale, sans que je le remarque. Et oui, métamorphe ou pas, il restait un homme et le coup de genou bien placé...ça marchait à tous les coups.

— Maintenant que l'on a mis les choses au clair niveau proximité...explique-moi ce qu'il s'est réellement passé dans cette ruelle ? Et ne me dit pas rien...car cela risque de beaucoup m'énerver, finit-il d'une voix grave et un soupçon menaçante tandis qu'il s'adossait tranquillement contre le mur pour attendre ma réponse.

Non mais franchement, il se prenait pour qui, cet abruti de piaf prétentieux ! pestai-je dans ma tête tandis que je pesais le pour et le contre sur le fait de tout lui révéler ou pas. D'un côté, et c'était une évidence, il allait bien falloir que je lui en parle un jour. Il était le seul métamorphe enclin aux explications que je connaissais, sans compter qu'Hannah n'allait pas manquer de vendre la mèche dès qu'elle serait sur pied. Dans son cas, inutile de compter sur la solidarité féminine. Mais d'un autre côté, je lui en voulais à mort de son comportement et mon sale caractère avait envie de le lui faire payer. J'optais donc pour un compromis.

— Cassie a commencé à se transformer, lui lâchai-je, comme la bombe que je savais que c'était.

Sa réaction fut à la hauteur de mes espérances ! Ses yeux s'écarquillèrent sous la surprise et il quitta sa pause décontractée en deux secondes chrono.

— Tu te moques de moi là ! s'exclama-t-il en se précipitant dans la pièce voisine.

Je le suivis et le regardai s'accroupir auprès d'elle. Délicatement il lui ouvrit les paupières l'une après l'autre, puis de deux doigts sur son poignet vérifia ses battements cardiaques, pour enfin se redresser et me lancer un regard à la fois interrogatif et hostile.

— Ce n'est pas possible, affirma-t-il enfin d'un ton sans réplique. Physiologiquement, c'est...En quoi s'est-elle métamorphosée ? Tu es certaine de ce que tu as vu ? finit-il enfin, ayant visiblement du mal à trouver les mots pour exprimer ce qu'il ressentait.

— Oui crois-moi, aucun doute possible. Voir ta meilleure amie te fixer avec des yeux de reptile...Fais-moi confiance, ça ne s'oublie pas !

— En reptile ? Quelle sorte de reptile ?

— Comment veux-tu que je le sache ? Ils ont tous les mêmes yeux pour moi, froids et inexpressifs.

— Elle ne s'est pas transformé complètement alors ?

— Non, juste les yeux...

Je m'interrompis soudain, troublée par ce que je venais de dire. Moi aussi, il n'y avait que mes yeux qui avaient subi la métamorphose et pourtant je ne m'étais pas retrouvée dans le même état d'hébétude que Cassie...pourquoi ?

— A quoi penses-tu ? me demanda Jude, me sortant de ma rêverie momentanée. Mais Christina parle-moi bordel ! s'énerva-t-il en s'approchant de moi, dans l'intention évidente de me secouer.

— Moi...moi aussi...j'ai commencé à me métamorphoser, lui lâchai-je enfin, sentant des larmes traitresses s'agglutiner derrière mes paupières.

Je ne voulais pas craquer, pas me mettre à pleurer comme une gamine perdue. Pas ici, pas devant lui ! J'essayai du mieux que je le pu, de refouler mes larmes et le trop plein d'émotions qui m'assaillait...et perdis la bataille. Tous les sentiments, sensations et peurs refoulés depuis le début de cette journée, me revinrent en pleine figure puissance douze, pulvérisant les défenses que je ne m'étais même pas rendu compte d'avoir mis en place.

— C'est de ma faute, commençai-je à lui dire, dans un chuchotement que mes sanglots retenus rendaient presque inintelligible.

Pas pour Jude et ses oreilles de métamorphe à l'évidence, puisqu'il me demanda en se rapprochant encore de moi.

— Qu'est-ce-qui est de ta faute ?

— Hannah...c'est ma faute si elle a été blessée. J'étais paniquée, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait et elle...elle essayait de m'aider et...on ne l'a pas entendu approcher...

— Tu n'y es pour rien. Ta réaction a été tout à fait normal. Allez viens là, me dit-il en me prenant dans ses bras dans un geste de réconfort inattendu.

Je le laissai faire. Tellement surprise par son geste, que je restai contre lui, les bras ballant, ne sachant pas trop quoi faire de mes mains. J'étais encore plus perturbée qu'avant, si cela était possible. La tendresse et la compassion, ce n'était pas les points forts de Jude d'ordinaire ! C'était même la première fois qu'il se montrait doux et compréhensif avec moi, hormis notre baiser volé d'il y avait quelques jours.

— La transformation a été complète ? souffla-t-il, sa tête posée sur mes cheveux.

— Non, l'agression d'Hannah à stoppée le processus. Mais je ne suis même pas sûre que cela aurait abouti...de toute façon, lui dis-je en essayant d'échapper à son étreinte.

Il me retint contre lui quelques secondes, puis me repoussant doucement en me tenant par les épaules, il planta son regard dans le mien une nouvelle fois.

— Les lunettes étaient bien là pour quelque chose, alors...même incomplète...c'était en quoi ?

Je senti mon cœur rater un battement. Voilà on y était. Je le lui confiais ou pas ? J'avais peur de sa réaction, peur que finalement je ne me transforme jamais complètement, peur de lui apporter encore plus de problèmes qu'il n'en avait déjà à cause de moi, peur de...

— En rapace, lâchai-je subitement, ayant peur de me dégonfler si j'attendais plus longtemps.

J'avais eu peur de sa réaction, mais je ne m'étais pas du tout attendu à cela ! Je vis ses yeux s'écarquiller et son regard changer du tout au tout, se teintant d'un mélange de joie et de...je n'aurai su dire exactement. Puis il m'attira de nouveau à lui et cette fois-ci ses lèvres ne firent pas que m'effleurer.

Il m'embrassa avec passion et sans aucune retenue, sa langue se mêlant à la mienne dans une danse ardente et sensuelle à laquelle je participai avec enthousiasme, une fois l'effet de surprise passé. Waouh ! Jamais je n'aurai pensé qu'il réagirait de la sorte. Dire que j'étais soulagée aurait été l'euphémisme du siècle. J'étais euphorique, heureuse...j'étais bien. J'aurai souhaité que ce baiser, notre premier vrai baiser, ne s'arrête jamais. Hélas, nous nous trouvions dans un appart pourri, poursuivi par de dangereux tueurs...il fallait bien qu'une catastrophe survienne à un moment ou à un autre. Notre catastrophe à nous avait un nom et ce nom était Worth, qui se trouvait aux premières loges et que avions complètement oublié.

— Eh Roméo et Juliette ! Vous croyez vraiment que c'est le moment, nous interpella-t-il d'un ton à la fois agacé et épuisé. J'ai besoin d'aide là, je ne pense pas que sa réaction soit normale.

Nous nous séparâmes à contrecœur et nous précipitâmes vers lui. J'avais beau être sur un petit nuage, j'étais un peu gênée de m'être ainsi donner en spectacle devant l'inspecteur. Ce qui n'avait pas du tout l'air de déranger Jude, qui semblait au contraire plutôt fière de lui.

Effectivement Hannah n'avait pas l'air de bien supporter le traitement et semblait prise de convulsions, son corps se soulevant de manière désordonnée et erratique, tandis que le pauvre Worth essayait de la maintenir du mieux qu'il le pouvait pour ne pas qu'elle tombe. Entreprise rendue très compliquée par le sang qui s'écoulait toujours de son poignet et rendait sa prise glissante. Jude arriva juste à temps pour prendre Hannah dans ses bras, tandis que je m'empressais de bander le poignet de l'inspecteur avec un morceau de mon tee-shirt que j'arrachai d'un geste vif. Jude contint Hannah de ses bras durant toute la durée de sa crise, lui parlant à l'oreille pour l'apaiser. Puis aussi vite qu'elle avait commencé, celle-ci cessa et elle retomba inerte entre ses bras.

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