Chapitre 4-1
Il n'aura pas mis de temps ! fut la première chose qui me vint à l'esprit, avant que la peur et une appréhension sourde ne prennent le relais, m'inondant instantanément de sueurs froides. Le pire était que je n'avais pas seulement peur de Charles, même si je me doutais bien que notre entrevue n'aurait rien d'agréable. J'avais surtout peur de croiser Jude et d'affronter sa réaction. Comment réagirait-il ? M'en voudrait-il beaucoup ? Ça certainement grosse nouille, se moqua ma conscience ! Tu lui as menti avant de l'abandonner comme une vieille chaussette. Le moins que l'on puisse dire, c'était que les retrouvailles risquaient d'être rock-n-roll !
— Mais de quoi parle-t-elle ? Demanda l'inspecteur, visiblement de plus en plus largué, en tournant son regard interrogateur vers moi.
Sa question, plus que légitime, eut le mérite de me ramener sur terre en deux secondes. Avant de m'inquiéter de mes futurs problèmes relationnels avec des métamorphes mal lunés, je ferai mieux de me préoccuper de mes ennuis actuels. Qui risquaient vite de devenirs abyssaux, si Hannah découvrait quoi que ce soit sur la pseudo transformation de Cassie et l'implication de Worth dans l'histoire.
— Rien qui ne vous concerne, lui répliquais-je rapidement et de manière appuyée. Espérant ainsi lui faire comprendre, le plus discrètement possible, qu'il était dans son intérêt de faire profil bas.
— Parce que tu ne lui as rien dit ?! S'étonna Hannah, avec un petit rire ironique, sous-entendant que j'étais la dernière des idiotes. Tu es mignonne, enfonça-t-elle sarcastiquement le clou, me faisant bouillir. Tu dois tenir à lui, pour chercher à le protéger de la sorte, continua-t-elle à m'asticoter tout en traînant son tailleur hors de prix au milieu des poubelles.
— Si vous avez quelque chose de constructif à dire, Barbie, dites-le ! Sinon, envolez-vous ailleurs, lui balança Worth, manifestement pas beaucoup plus fan d'Hannah que moi, au final. Ce qui, curieusement, me fit plaisir.
Je retins de justesse l'éclat de rire spontanée que j'avais failli lâcher à la vue de la tête de Blondie. De toute évidence, elle ne s'attendait pas à ça de la part de notre cher inspecteur...bien fait pour elle et son égo démesuré !
— Suis-je le seul à m'inquiéter de l'identité et des intentions de l'homme ici présent, reprit Worth d'un ton calme, mais où l'on sentait affleurer une pointe d'ironie.
— Vous l'humain, vous n'avez pas à vous mêler...
— Oh la ferme ! Criais-je soudain, avec ma classe et mon flegme légendaire, scotchant Worth sur place. Toi, l'emplumée, va voler vers d'autres cieux et laisse-nous régler nos affaires. Après tout on ne t'avait rien demandé. Quant à nous, on récupère Cassie et on se tire d'ici, ordonnais-je à l'inspecteur, d'un ton d'adjudant-chef qui ne me ressemblait pas du tout.
Il faut dire qu'Hannah avait réussi à me faire sortir de mes gonds en un temps record. Presque aussi rapidement que Jude...c'est dire ! À moins que je ne sois particulièrement réactive à l'humour plus que douteux des métamorphes oiseaux ? Allez savoir...
Pourtant je ne m'emportais pas si vite d'ordinaire et puis...je me sentais bizarre tout à coup. J'avais chaud...extrêmement chaud même. Tellement que je commençais à enlever ma veste, j'avais l'impression d'étouffer. C'est une fois en tee-shirt à manche courtes, en plein automne, dans une ruelle remplie de courants d'airs glaciaux, que je compris qu'il y avait un problème. Car même là, dans le froid, j'avais l'impression de bouillir de l'intérieur ; tandis que, paradoxalement, mes bras et tout mon corps se couvraient de chair de poule. Des milliers d'insectes invisibles, semblaient avoir élu domicile sous ma peau, y rampant et cherchant à en sortir par tous les moyens. Je commençais à suffoquer et à me gratter convulsivement les bras pour que cet horrible fourmillement s'arrête.
— Christina, il faut te calmer et respirer le plus doucement possible, me dit Hannah d'une voix exagérément calme, que je ne lui connaissais pas.
— Que lui arrive-t-il ? Il se passe quoi là, on peut l'aider, demanda Worth d'une voix un peu paniquée en commençant à s'approcher de moi.
— Non ! Restez où vous êtes ! Lui ordonna Hannah d'un ton posé, mais sans réplique. Elle a tous les symptômes d'une première transformation forcée. La première chose dont elle a besoin c'est de calme, expliqua-t-elle tout en essayant de capter mon regard avec le sien.
Quoi ?! Mais de quoi elle parlait là, me dis-je ahuris, tandis que je me débattais avec mon propre corps qui ne semblait même plus m'appartenir. C'était impossible, je ne pouvais pas me transformer et puis...forcée, ça voulait dire quoi ? J'essayais d'ouvrir la bouche pour le lui demander, mais le seul son que je réussi à produire fût un couinement pathétique.
— N'essayes pas de parler et regardes-moi. Christina regardes-moi ! Me répéta-t-elle, en me forçant à soutenir son regard.
Au moment où mes yeux rencontrèrent les siens, la pression sur ma cage thoracique et sur ma gorge sembla s'alléger un peu, me permettant de mieux respirer et avec un peu de chance...de parler.
— Mais je...tu sais bien que...tentais-je d'articuler, perdant mes mots au fur et à mesure que j'essayais de les prononcer.
— Chuuut...Oui je sais. Mais apparemment ton corps lui, n'est pas au courant, continua-t-elle avec un pointe d'humour sensé sans doute me décontracter.
Eh bien c'était raté, me dis-je, tandis qu'un spasme particulièrement fort me tordait les entrailles, manquant me faire rendre mon petit déjeuner.
— Forcée...ça veut dire quoi ? Demanda Worth, visiblement tiraillé entre son envie de m'aider et son ignorance du processus, qui l'empêchait de le faire.
Cela dit j'avais beau être une métamorphe, je n'étais pas plus avancée que lui. Comme on m'avait seriné et certifié, que je ne pourrais jamais au grand jamais me transformer, je ne m'étais pas vraiment intéressé à la question...ce que je regrettais beaucoup maintenant ! Raison pour laquelle, je me fiais aveuglement à Hannah, la seule vraie métamorphe présente, même si je ne lui faisais aucune confiance d'ordinaire.
— Ca veut dire...
Commença-t-elle avant de s'interrompre brusquement, se rendant compte de ce qu'elle était en train de faire.
— C'est bon, arrêtez, l'apostropha Worth, avec l'air d'avoir envie de la frapper.
Ce que je pouvais parfaitement comprendre, même dans l'état dans lequel j'étais. Elle aurait énervé un saint !
— Votre sacro-saint secret n'a plus lieu d'être avec moi. Je crois vous avoir prouvé, par A+B, que je suis digne de confiance. Alors, cessez de tourner autour du pot et répondez-moi ! Que je puisse au moins aider dans la mesure de mes moyens ou au minimum éviter de faire des bêtises dues à mon ignorance.
Elle sembla peser le pour et le contre pendant quelques secondes, sans jamais pour autant me quitter des yeux. Puis, poussant un grand soupir résigné, lui répondit enfin.
— Chez les jeunes, la première transformation est un moment extrêmement important et il peut se dérouler de deux façons. La plus fréquente, c'est la primo-transformation contrôlée. C'est-à-dire que la personne a déjà déterminé quel serait son animal totem et provoque de lui-même cette transformation, généralement aidé d'un pair de la même espèce que lui. Mais quelque fois, le processus se met en route trop tôt...ou trop tard...et c'est le corps qui décide d'amorcer la transformation de force, sans que le métamorphe n'ait connaissance de son totem...Et c'est à priori ce qu'est en train de vivre Christina. Alors maintenant que votre curiosité est satisfaite, laissez-moi l'aider du mieux que je le peux, termina-t-elle sa tirade avec son ton acide habituel.
— Christina, concentre toi sur ta respiration et...
Je la vis soudain écarquiller les yeux de surprise, avant de porter instinctivement ses mains sous sa poitrine. Le flot de sang qui se déversa entre ses doigts, sembla la surprendre quelques secondes, avant que ses yeux ne se voilent et se ferment, tandis qu'elle s'effondrait sans un bruit sur le sol crasseux.
Durant quelques secondes, je clignais des yeux hébétée, ne comprenant pas vraiment ce que je voyais, ni comment cela était possible. Puis tout s'enchaina très vite. L'homme inconscient que, pour notre plus grand malheur nous avions tous oublié, retira d'un geste sec le couteau qu'il venait de planter dans la poitrine d'Hannah. Puis, un étrange sourire sur les lèvres et le regard fou, arma à nouveau son bras et se rua sur Worth. Ce dernier, tout aussi surprit que nous par l'attaque, n'eut pas le temps de viser le forcené, avant que celui-ci ne l'atteigne et le jette à terre dans un hurlement effrayant.
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