Chapitre 35-1
Un silence relatif mais tout de même remarquable, fit suite à mon annonce choc. Le plus surpris semblait être Jude, qui me fixait d'un regard interrogatif et suspicieux, qui paraissait vouloir me dire « Mais à quoi tu joues là ?! ».
— Peut-on savoir ce qui vous permet de porter de telles allégations ? demanda Euclide, dont la voix grave et formelle, fit cessé efficacement les derniers chuchotements indignés résonnant encore dans la salle.
— Lors de ma méta...
— Vous ne voyez donc pas que c'est une ruse ? me coupa Iphigénia d'une voix aiguë et précipitée. Cette fille serait prête à raconter n'importe quoi pour sauver sa tête ! Nous avons déjà perdu trop de temps avec cette histoire. Je suggère donc que nous passions immédiatement aux votes, admonesta-t-elle les conseillers en retournant à son siège d'une démarche nerveuse.
— Ruse ou pas, nous sommes là pour entendre ce qu'elle a à dire, alors écoutons-là ! dit l'une des conseillères en se levant et en me faisant signe de poursuivre d'un geste de la main.
— Les mensonges et les inventions d'une...déséquilibrée, n'ont pas leur place au sein de ce conseil, s'époumona soudain Iphigénia, le rouge commençant à lui monter aux joues, sous le coup de la colère.
— Tout cela suffit à présent ! rugit le père de Jude, (que j'avais complètement oublié tellement il était inexistant depuis le début de cette mascarade), d'une voix tonitruante. Je déclare ce conseil extraordinaire et prierais donc les simples spectateurs de quitter cette salle sur le champ.
Tout le monde parut surpris, mais les gens sortirent dans le calme, sans faire la moindre vague. Je ne savais pas, si ce retournement de situation était à notre avantage ou non, mais un bref coup d'œil à la reine des dindes, me rassura quelque peu. Dire qu'elle semblait contrariée et inquiète était l'euphémisme de l'année. Elle se tordait les mains en un geste compulsif et nerveux, tandis que son regard inquiet cherchait un soutient qu'elle ne trouvait apparemment pas.
Toutes ces constatations m'avaient mis du baume au cœur, jusqu'à ce que je croise le regard inquiet et résigné de Jude qui regardait d'un regard morne et empli de rancœur, les conseillers en train de discuter, comme si nous n'existions pas.
— Et voilà...ils ont eu ce qu'ils voulaient, murmura-t-il plus pour lui-même que pour moi. Maintenant qu'il n'y a plus personne pour les entendre, les magouilles vont pouvoir commencer.
C'était donc comme cela que ça fonctionnait dans leur super système parfait ? Pas si différent de la politique humaine de base en fin de compte, persifflai-je pour moi-même tandis que l'attente pénible se faisait interminable et que ma faiblesse commençait à reprendre le dessus. Pourtant quelque chose me turlupinait...pourquoi la mère de Jude était-elle si inquiète ? Si Jude avait raison...cela n'avait pas de sens.
— Êtes-vous prêt à rendre votre verdict ? demanda le roi d'une voix lasse et ennuyée, au bout de ce qui me sembla des heures.
— Alors c'est comme cela que ça va se passer, père ? Vous n'allez même pas nous laisser une chance de nous expliquer ?
— Il a été établi que ce n'était qu'un tissu de mensonges éhontés et...
— Vous l'avez décrété, mon roi ! Mais rien n'a été établi puisque la jeune femme n'a pas pu s'expliquer, intervint Euclide d'une voix sentencieuse.
— Vous oubliez votre place... !
— Nullement mon roi. Je suis là en tant que juge impartial, je me contente d'exécuter mon rôle du mieux que je le peux, lui répondit-il d'une voix froide.
— Euclide à raison. Nous ne pouvons pas condamner quelqu'un pour des faits si graves sans une certitude absolue. En plus...elle est véritablement une chimère, c'est...prodigieux, ajouta la conseillère en me jetant un regard émerveillé.
— Elle n'est pas et ne sera jamais une chimère.
La mère de Jude, qui avait repris son assurance hautaine en voyant la situation tourner à son avantage, se leva après avoir formulé sa phrase choc, pour que son annonce ait plus de poids.
— Nous ne l'avons vu se transformer qu'en un seul animal. Ils disent qu'elle peut aussi se transformer en panthère...mais qu'est-ce-qui nous le prouve ?! Je trouve le choix de l'espèce très pratique, pas vous ?! Ils se doutaient bien que nous n'allions pas leur demander une démonstration ! Ce qu'ils veulent, c'est me discréditer afin de prendre ma place...
— C'est totalement faux et vous le savez, s'insurgea Jude d'une voix calme en passant soudain sous la barre de bois pour faire face à sa mère.
Euclide se précipita pour lui barrer le passage, se positionnant symboliquement entre eux deux.
— C'est comme cela que vous voulez que ça se termine ? Vous savez très bien que je ne vous laisserai pas faire. Quoi que vous en disiez ou en pensiez, cette femme est ma compagne et je ne permettrai pas qu'on lui fasse du mal.
— Et nous non plus, intervint Worth pour la première fois en venant se placer à ma gauche, tandis qu'à ma grande surprise, Hannah en faisait de même sur ma droite.
Jude lança un coup d'œil surpris et respectueux à Worth, avant de se retourner vers le fameux conseil.
— Maintenant vous avez deux options, leur dit-il d'une voix menaçante. Soit vous nous laissez tous repartir tranquillement et vous n'entendrez plus jamais parler de nous...Soit vous vous obstinez à vouloir nous condamner pour nous être défendu contre une agression injustifié et vous en assumez les conséquences.
Un silence de cathédrale suivit son ultimatum, tandis que des regards inquiets s'échangeaient. Puis les messes basses reprirent de plus belle, sous les regards menaçants et éminemment mécontent des deux monarques.
Au bout de quelques minutes à peine, la seule femme du groupe de conseiller s'avança jusqu'au blason et se plaça bien en son centre, les mains croisées derrière le dos.
— Le conseil à prit sa décision ! annonça Euclide, qui alla reprendre sa place, invitant d'un simple geste de la main Jude à faire de même.
Ce dernier se plaça derrière moi et posa ses mains fébriles sur mes épaules, visiblement très anxieux. Je sentis un vent léger, presque imperceptible commencer à l'entourer, tandis que son esprit me soufflait d'être prête. Je surpris même un coup d'œil entendu de Worth en direction de Jude, tandis que discrètement l'inspecteur se rapprochait de lui, presque à le toucher.
— En vertu de la loi et de la légitimité de ce conseil, nous avons décidé à l'unanimité, que tout cela n'était qu'un immense malentendu provoqué par une ignorance de nos coutumes, dont nous ne pouvons pas tenir rigueur à l'intéressée. Les accusations à son encontre sont donc abandonnées.
Je crois qu'il me fallut plusieurs secondes pour véritablement comprendre ce que cette femme venait de dire. Ce qui me persuada que je n'avais pas rêvé et pris mes désirs pour des réalités, fut l'étreinte spontanée de Jude, qui enfoui son visage dans mon cou en poussant un soupir soulagé et la teinte cramoisie du visage d'Iphigénia, qui semblait de ne pas en croire ses oreilles.
— De plus, comme cette dernière nous a prouver de façon claire qu'elle était une métamorphe aigle, nous ne voyons aucun obstacle à l'union de notre Prince avec cette jeune femme. Toutes nos félicitations Prince Jude, ajouta cette dernière avec un sourire, alors que le soulagement nous envahissait pour de bon.
Tandis que nous essayions d'assimiler la bonne nouvelle et le fait que pour une fois, la chance était enfin de notre côté, les membres du conseil commencèrent à quitter la salle sans un regard pour leur reine fulminante et au bord de la crise cardiaque qui leur emboita le pas sans un mot.
— Mère...il me semble que vous oubliez quelque chose ! l'interpela son fils, alors qu'elle passait devant nous, en nous lançant un regard de pure haine. Christina aimerait récupérer son médaillon...
Pendant un instant je cru qu'elle allait refuser, puis elle se rendit compte que tout le monde n'était pas encore parti et que certains l'observaient avec attention. Avec un geste rageur, elle détacha le cordon de son cou et retira le médaillon, qu'elle tint dans ses mains pendant quelques secondes. Puis elle fit les quelques pas qui la séparait de moi et me tendit le bijou. Alors que j'avançais une main hésitante pour m'en saisir, elle en profita pour l'attraper et me tirer vers elle.
— Profitez-en bien, me murmura-t-elle d'une voix fielleuse à l'oreille. Je n'en ai pas terminé avec vous.
Puis après m'avoir relâché, elle laissa tomber le pendentif à mes pieds et sortie. Laissant planer un doute et une ombre menaçante sur notre soulagement provisoire.
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