Chapitre 30-2


À l'instant où le dernier mot mourut sur ses lèvres, un vent surnaturel s'éleva autour de lui, l'entourant d'une aura puissante et magnifique. Jude me fixait d'un regard intense et douloureux, attendant ma réponse. J'étais tellement surprise et émue que les mots eurent du mal à franchir mes lèvres.

— J'y consens, prononçai-je dans un chuchotement émerveillé tandis que l'aura de Jude me submergeait, nous liant l'un à l'autre à jamais.

*J'avais déjà expérimenter le lien et la connexion profonde entre Jude et moi, avec l'échange de sang que nous avions effectué presque malgré nous, mais là...c'était à un tout autre niveau, réalisai-je tandis que le vortex tourbillonnant nous encerclait, semblant essayer de nous fondre l'un dans l'autre pour que nous ne fassions plus qu'un. C'était du moins la sensation que cela me donnait.

Toc ; Toc ; Toc...

Les trois coups fort et secs, qui résonnèrent soudain dans la pièce silencieuse, nous prirent par surprise et brisèrent la magie de l'instant, nous laissant pantelant et essoufflé dans les bras l'un de l'autre, alors que le vent finissait de disparaître aussi mystérieusement qu'il était apparu.

— Mon Prince, vous êtes attendu vous et votre...invitée, au banquet de bienvenu. Ils n'attendent plus que vous.

La voix protocolaire qui retentit de l'autre côté du battant de bois brut, autoritaire et désapprobatrice, arracha un juron imaginatif à Jude, qui foudroya la porte d'un regard mortel.

— Puisque je suis certain que c'est elle qui vous envoi, dites à Iphigénia que je suis parfaitement au fait des horaires et coutumes et que nous arriverons quand nous serons prêts.

La voix de Jude était glaciale et cassante lorsqu'il répondit à l'homme, son regard courroucé toujours tourné vers l'entrée. Le garde ne répondit pas et se contenta de s'éloigner d'un pas lourd, qui trahissait son mécontentement.

— J'aurai aimé que cela se passe autrement, me chuchota-t-il soudain d'une voix douce au creux de l'oreille avant de s'éloigner de moi, visiblement à contrecœur.

— Il vient de se passer quoi là, au juste, exactement ? lui demandai-je un peu maladroitement d'une voix essoufflée qui trahissait ma surprise.

— Tu viens de te lier à moi, me dit-il d'un ton prudent, confirmant la sensation d'appartenance que je ressentais au plus profond de mon âme. Si tu regrettes...

— Non, bien sûr que non ! m'empressai-je de le rassurer en saisissant son visage soudain inquiet et fermé entre mes mains. C'est juste que...tu m'avais dit que nous étions liés par notre échange de sang, alors je croyais...

— On l'était et on l'ait toujours, c'est vrai. Mais c'est un lien fluctuant qui va s'estomper avec le temps. Alors qu'à présent c'est officiel, enfin selon nos coutumes et la magie de notre clan.

— Un peu comme un mariage ?

— Exactement comme un mariage en fait, me répondit-il avec un petit sourire, apparemment rassuré par ma réponse spontanée. Sauf que chez les métamorphes...le divorce n'est pas une option, ajouta-t-il soudain plus grave.

— C'est interdit, ou...

— Non, c'est juste...inconcevable. Deux personnes qui se lient...n'ont généralement pas envie de se quitter. C'est pourquoi c'est un rituel qui ne se fait pas à la légère, m'expliqua-t-il en s'éloignant de moi dans un mouvement nerveux et agité. Je m'excuse, j'aurais dû t'expliquer et te demander ton avis...

— Jude, regarde-moi ! lui dis-je en souriant intérieurement, à l'entente de cette petite phrase qu'il m'avait lui-même dite plusieurs fois. Je n'ai pas l'intention de te quitter...jamais ! Je t'aime, lui dis-je pour la première fois en le fixant d'un regard ému. C'est juste que...

— Tu as besoin de comprendre dans quoi tu viens de t'embarquer, termina-t-il pour moi avec un petit sourire triste, tandis qu'il me prenait dans ses bras et me serrait fort contre lui. Alors pour faire simple et clair...tu viens de m'épouser.

— Et j'en suis très heureuse. Même si cela m'a semblé un peu...expéditif.

— Tu as raison, normalement il y a tout une cérémonie très complexe et très codifiée. J'espère qu'un jour...

Toc ; toc ; toc...

Des coups, cette fois-ci si fort qu'ils ébranlèrent la porte, retentirent de nouveau dans le calme de la chambre, faisant tressaillir Jude et le plongeant instantanément dans une colère noire. Il couvrit la distance qui le séparait de la porte en quelques secondes d'une démarche rageuse et ouvrit la porte dans un ample mouvement coléreux.

— Nous arrivons, dit-il d'une voix sourde et menaçante. Et je te prierai de rester à ta place, Jax et de ne pas oublier quelle est la mienne, sous peine que je ne doive te le rappeler, le menaça-t-il avant de lui claquer la porte au nez.

— Désolé, mais nous allons devoir y aller, me dit-il d'un ton brusque, qu'il adoucit d'un petit regard tendre, lorsqu'il passa devant moi pour aller chercher quelque chose dans l'un des placards.

Je sentis une angoisse sourde et profonde m'envahir, prenant la forme d'une boule compacte dans mon estomac. Avec des gestes fébriles et maladroits, je commençai à tenter de défaire l'attache du pendentif, quand Jude m'arrêta en posant sa main sur mon poignet.

— Qu'est-ce-que tu fais ? me demanda-t-il d'une voix surprise et peinée.

— Je ne peux pas le garder ! Tes parents...ils ne faut pas qu'ils sachent...

— Au contraire, je veux qu'ils le sachent, me répondit-il d'un ton fervent et déterminé. Je ne me cacherais plus, c'est terminé.

— Mais...ce n'est peut-être pas le bon moment pour le leur apprendre...

— Oh que si au contraire, jubila-t-il alors qu'un sourire retord étirait ses lèvres. C'est un banquet de bienvenu, tout le monde sera présent. Je veux voir la tête de ma mère lorsqu'elle apercevra mon médaillon autour de ton cou, sans pouvoir réagir.

— Mais moi, mets-toi à ma place ! Comment je vais...

— Sois toi-même ! Si on t'attaque...réplique. Les faux semblants, c'est terminé ! Tu viens, me dit-il en me tendant la main, un sourire conquérant sur les lèvres.

Sa détermination était contagieuse et c'est un peu plus sereine que je le suivis à l'extérieur. Là un petit bataillon de gardes armés d'arc, nous attendaient et nous escortèrent tout au long des différentes passerelles et ponts que nous dûmes empruntés dans une pénombre dorée. Dorée, car partout autour de nous, des centaines et des centaines de bougies, torches et flambeaux, tous protégés par des globes de verres, diffusaient une douce lumière ambrée qui rendaient le lieu...féérique et magique.

L'avantage de cette obscurité était que mon vertige avait momentanément disparu, me permettant de suivre la cadence rapide et rythmé de Jude. Il m'entraîna sur une passerelle qui descendait en pente raide le long du tronc d'un arbre séculaire. Plus nous descendions et plus les planches lisses et usées devenaient glissantes, du fait de l'humidité ambiante de ce début de soirée. Lorsque nos pieds touchèrent le sol recouvert de feuilles et d'humus de la forêt, je poussai un infime soupir de soulagement, heureuse d'être arrivée jusque-là sans déraper ni me casser quelque chose.

Alors que je levais enfin la tête, maintenant rassurée par le sol stable, je restai ébahie par les deux arbres, petits mais magnifiques, se tenant devant nous et formant une sorte de portail naturel, ouvrant sur une immense clairière. Les gardes s'arrêtèrent et formèrent comme une haie d'honneur, nous obligeant à passer entre eux.

Jude raffermit sa prise sur ma main et après m'avoir lancé un regard d'encouragement m'entraîna sous les arbres, dont les branches entrelacées formaient un dais verdoyant au-dessus de nos têtes.

— N'oublie pas...restes toi-même, me murmura-t-il au moment où nous pénétrions dans l'arène brillamment éclairé, où des centaines de visages fermés et hostiles se tournèrent vers moi, me donnant l'impression funeste d'entrer dans un cauchemar. 

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