Chapitre 3-2





Un homme, que je ne connaissais pas, gisait inconscient, à côté de l'une des bennes à ordure. Visiblement sonné par la rencontre brutale de sa tête avec cette dernière ! À moins que sa chute ne soit due au magnifique aigle brun, ailes déployées et œil perçant qui le surplombait, visiblement prêt à fondre sur lui d'une seconde à l'autre. Worth, qui était apparemment en pleine forme, braquait son arme sur le rapace agressif, d'un air déterminé.

— Ami ou ennemi ? me demanda-t-il, montrant ainsi qu'il m'avait vu arriver, sans qu'il n'ait pour autant quitter sa cible des yeux une seule seconde.

— Vous parlez de l'homme ou de l'oiseau ? lui répliquai-je à mon tour, ne pouvant m'empêcher de sourire tristement. Cette scène ayant comme un petit air de déjà vu.

— Des deux en fait. Mais le plus inquiétant, pour le moment, ça me parait être le volatil ! me rétorqua-t-il, une pointe d'humour transparaissant dans sa voix calme et concentrée.

Un cri perçant, que j'aurais presque pu qualifier de outré, lui répondit presque aussitôt. Tandis qu'un puissant sentiment d'agacement envahissait tous mes sens, me laissant perplexe et désorientée. Je n'avais ressenti ce genre de connexion mentale intime qu'avec Féline...et Jude, bien que dans une moindre mesure. Que cela se produise ici, avec cet animal inconnu, me perturbait. Raison pour laquelle, je pris bien le temps de détailler l'oiseau, avant de répondre.

C'était un aigle, aucun doute là-dessus, bien que je sache avec certitude, que ce n'était pas Jude. Celui-ci, bien que déjà impressionnant, était plus petit...plus fin. Ses plumes d'un brun chaud, étaient piquetées de jaune dorée, couleur qui se retrouvait à la base de son bec. Il était magnifique, mais je n'avais pas la moindre idée de qui cela pouvait bien être.

Je croyais t'avoir dit de courir ! Pff...toujours aussi indiscipliné !

Les pensées qui envahirent mon cerveau, me provoquèrent instantanément un mal de tête atroce. À tel point, que j'en pris ma tête dans mes mains, par reflexe.

— Hannah, sort de ma tête ! exigeai-je d'une voix menaçante, tout en essayant de la foudroyer du regard.

Car sa petite phrase, au ton méprisant caractéristique, m'avait permis de l'identifier instantanément et sans le moindre doute. J'aurais reconnu son ton hautain et condescendant de sociopathe n'importe où !

— Vous...vous pouvez communiquer avec elle ? Enfin je veux dire avec l'oiseau ? me demanda Worth, visiblement perdu et ne sachant plus vraiment qui il devait viser.

— C'est plutôt elle qui s'impose, à vrai dire, répondis-je d'un ton grinçant.

— Alors, amie...ou non ?

— Le jury délibère toujours !ne pus-je m'empêcher de répliquer, juste pour le plaisir d'agacer Hannah.

Qui me le fit payer au centuple, en envoyant tout son mépris mental rebondir dans mon cerveau. Enfin c'était l'effet que ça donnait et c'était tout sauf agréable.

— Arrête ça ! lui hurlais-je. Ou je te promets que je te vomi dessus.

Pour ça, il faudrait déjà que tu m'attrapes...bipède !

— Il se passe quoi là, exactement ? me demanda Worth, commençant visiblement à s'impatienter, bien que certainement pas autant que moi, à vrai dire.

— Rien de bien intéressant, arrivais-je à marmonner entre mes dents serrées. Je vous présente Hannah, qui a un humour...bien à elle. Mais vous pouvez baisser votre flingue, elle est de notre côté.

— Et c'est une...

— ...une métamorphe, oui. Mais c'est la première fois qu'elle me fait l'honneur de me dévoiler son aspect animal. Dis-je, avec tout le sarcasme dont j'étais capable, maintenant que mon crâne me laissait un peu de répit.

— Et l'homme, qui est-ce ?

— Franchement aucune idée...et non, je ne vais pas interroger notre amie emplumée pour le savoir, l'avertis-je en lui lançant un regard d'avertissement. Mon cerveau risquerait de ne pas survivre à l'opération.

Un nouveau cri perçant, à la limite du supportable, se mit à résonner entre les murs de l'étroit passage, tandis que l'aigle fauve se posait au sol devant l'homme inconscient. L'animal sembla alors prit de léger spasmes, qui en tout ne durèrent que quelques secondes. Puis sans aucun autre signe préalable, disparut, pour laisser place...à Hannah, dans toute sa splendeur !

Elle se tenait devant nous, superbement coiffée et maquillé, vêtue d'un tailleur-pantalon gris impeccable. J'étais bouche-bée et je n'étais pas la seule, bien que sûrement pas pour les mêmes raisons. Worth la contemplait ébahit, ses yeux lui sortant presque des orbites...Rrrr, les mecs...tous les mêmes ! En revanche moi, ce qui me surprenait ce n'était pas sa plastique avantageuse, mais plutôt sa métamorphose express ! Je n'avais assisté qu'à deux transformations, hormis celle-ci, jusqu'à présent et cela avait été tout sauf rapide et indolore. Sans compter que les deux métamorphes en question, en étaient ressortis vêtu de loques et non prêt pour un défilé Armani !

— Waouh, c'est...c'est aussi simple que ça ? parvint enfin à articuler Worth, bien que péniblement, tellement il avait du mal à refermer la bouche !

— Normalement pas du tout, lui répondis-je tout en lançant un regard méfiant et interrogateur à Hannah, espérant qu'elle me réponde sans que je n'aie besoin de poser la question. Ça lui ferait trop plaisir.

Cette dernière se contenta de me snober, comme d'habitude. Bien que j'aurai espéré un autre comportement de sa part, vu les risques que j'avais pris pour elle et sa mère.

— Tu aimes particulièrement les endroits décrépits et malodorants, ou c'est juste une coïncidence ? me demanda-t-elle en plissant le nez de dégout, avant d'examiner avec prudence un débris suspect, collé sous sa bottine à talon.

— Comment tu fais ? finis-je quand même par lui demander du bout des lèvres, n'en pouvant plus d'attendre qu'elle se décide à me le dire.

— C'est un de mes dons particuliers, finit-elle par avouer la bouche pincée, sûrement à cause de l'odeur. Je peux me transformer quasiment instantanément, raison pour laquelle, j'ai souvent l'honneur, plus que douteux, de me voir assigner les missions auprès des humains. Même ceux qui ont des perceptions exacerbés (petit coup d'œil entendu à Worth, me confirmant ce que je pensais déjà) ne peuvent pas me détecter.

Voilà qui expliquait bien des choses, pensais-je, tandis que je digérais toutes ces nouvelles informations. Je m'étais toujours demandé comment elle avait pu entrer dans notre appartement fermé à clef, le jour où l'on s'était rencontré. Maintenant, c'était évident. Elle était passée par la petite fenêtre du couloir en se transformant en aigle !

— Qui est cet homme ? demanda Worth, qui avait enfin repris ses esprits et ses attitudes de Colombo. Ce que ne manqua pas de repérer Hannah.

— C'est qui lui ? Le fameux policier humain, ami des métamorphes ? demanda-t-elle d'un air dédaigneux, tout en commençant à lui tourner autour. Pourquoi traines-tu encore avec lui ? C'est pour ça que tu as quitté Jude ? Pour un humain insignifiant ! m'accusa-t-elle soudain, en me jetant un regard assassin.

— Non mais...en quoi ça te regardes ?! lui répondis-je, en m'étouffant presque tellement, j'étais indignée. Et puis, tu sais très bien pourquoi j'ai été obligé de partir, continuai-je, avant de m'arrêter, les larmes aux yeux.

— Ah bon, parce Jude et vous...commença Worth, d'un ton surpris et interrogateur, avant que je ne le fasse taire efficacement, d'un regard plus qu'équivoque.

— Que fais-tu ici ? aboyai-je à Hannah.

— Je sauve tes petites fesses ingrates...comme d'habitude !

— Je n'ai aucunement besoin de ton aide, alors...barres-toi ! Ou dis-moi la véritable raison de ta présence ? lui demandai-je d'une voix menaçante, tout en commençant à en avoir une vague idée...qui ne me plaisait pas du tout.

Hannah confirma mes pires craintes, en ouvrant la bouche, faisant grimper en flèche ma tension artérielle.

— Je suis venue te chercher, bien sûr. Mon père, Charles, réclame tes services. Il m'a dit de te dire, que le temps était venu de payer ta dette. 

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