Chapitre 3-1
Ses beaux yeux, d'ordinaire d'un bleu profond, étaient à présent jaune-dorée et fendu d'une pupille verticale ! Vautrée sur le sol innommable de la ruelle, je ne pouvais en détacher mon regard. J'étais, comme...hypnotisée. Bien qu'effrayée, paniquée, flippée...auraient été des mots bien plus adaptés à la situation, si vous voulez mon avis !
— Il se passe quoi là ? Bor...bon sang ! s'exclama Worth, qui retint de justesse un juron, tellement il était abasourdi par la situation. Je croyais que ce n'était pas une métamorphe.
— Et je vous le confirme. Il y a deux semaines, ce n'en était pas une, lui répondis-je d'une voix incertaine, en commençant à essayer de me relever.
— Mais ce n'est pas possible voyons ! C'est...
— Apparemment si ! l'interrompis-je d'un ton acide, tandis que je me remettais sur mes pieds, mon regard toujours rivé à celui de Cassie, ne voulant pas rompre le lien.
Malheureusement ma main droite glissa sur quelque chose d'humide et d'indéterminé, me faisant retomber durement sur le sol dans une envolée d'épluchures pourries. Ce qui aurait pu être drôle si Cassie, surprise par mon mouvement involontaire, ne s'était pas précipiter sur moi dans un cri indistinct et menaçant.
— Christina, ne restez pas là ! s'écria l'inspecteur en s'approchant vivement pour m'aider.
Ce qui partait d'un bon sentiment, mais n'était vraiment pas une bonne idée !
— Non, restez où vous êtes ! lui intimai-je d'un ton que j'espérais calme et posé. On ne fuit pas devant un prédateur et surtout...on ne fait pas de gestes brusques.
— Qui vous dit que c'est forcément un prédateur ?
— Vous en avez d'autres des questions idiotes comme celles-là ? Vous n'avez pas vu sa réaction ?
Au moment où les mots quittaient ma bouche, le souvenir d'une autre scène, où cette phrase avait été prononcée par un Jude irrité, me revint en mémoire, me replongeant instantanément dans la tristesse et la mélancolie. Ce qui était tout sauf le bon moment, me secouai-je pour me sortir de ma rêverie momentanée. Cassie se trouvait à présent à quatre pattes devant moi, ses yeux jaunes de reptile toujours plantés dans les miens, se balançant doucement sur un rythme saccadé.
— Que fait-on alors ? me demanda Worth dans un chuchotement pas très assuré. Et pourquoi elle se balance comme ça ?
— Je crois qu'elle suit mon rythme cardiaque, lui répondis-je en essayant de ne pas trop penser à ce que cela impliquait.
— Et... ? C'est une bonne, ou une mauvaise chose ?
— Si elle était une vrai métamorphe, je vous dirais bonne. Mais en l'état actuel des choses...vraiment aucune idée.
N'ayant pas vraiment d'autre option sous la main, je décidai d'utiliser mon pouvoir de zooempathie sur Cassie. J'espérais que cela la calmerait et l'inciterait à reprendre le contrôle de son corps, pour ensuite retrouver son apparence normale. Ce qui m'arrêtait, c'était que je ne l'avais plus utilisé depuis plusieurs jours, de peur que cela ne réactive le lien que j'avais créé avec Jude. Ce qui serait juste une catastrophe et donc, à éviter à tout prix.
— Préparez-vous à la retenir...au cas-où, demandai-je à l'inspecteur. Je vais tenter quelque chose.
Il eut le bon réflexe de ne rien demander et de se placer discrètement derrière Cassie qui, concentrée sur moi comme elle l'était, ne s'en rendit pas compte. Je relâchai le contrôle que j'exerçais d'ordinaire sur mes perceptions et les projetaient vers elle. À ma grande surprise, cela se fit naturellement et ne me demanda même aucun effort particulier. Je cherchais la partie animale de Cassie, celle qui « me parlait » sous forme d'odeur psychique la trouvai sans peine.
Elle était bien cachée et pas encore clairement définie, c'était...étrange. Une partie avait cette sensation froide et visqueuse, propre aux reptiles (enfin pour moi). Mais l'autre semblait comme...inachevé. C'était une sensation curieuse, à la limite du dérangeant. N'ayant pas vraiment le temps de m'attarder, je me concentrai et projetai la visualisation de la Cassie humaine, à l'intérieur de l'essence du serpent. La réaction fut immédiate...et brutale. Elle prit soudain une grande inspiration sifflante avant de s'écrouler brutalement sur le sol, prise d'horribles convulsions.
— Mon dieu, c'était quoi ça ? Que lui avez-vous fait ? me demanda Worth les yeux écarquillés, tout en se frottant les bras comme s'il avait la chair de poule.
Ce qui n'était pas normal pour un humain ! Normalement, il n'aurait dû s'apercevoir de rien. Ce n'était pas la première fois que je m'interrogeais sur les perceptions de notre cher inspecteur, que je trouvais un peu supérieur à la normale. Il faudrait que j'aie une petite discussion avec lui à ce sujet prochainement.
— Je l'ai forcé à reprendre sa forme humaine, lui expliquai-je rapidement. Le problème, c'est que son corps ne sait pas comment faire. Vite, il faut l'empêcher de se faire mal, dis-je en me relevant précipitamment.
La première chose que je fis, une fois à ses côté, fut de la mettre en position latéral de sécurité pour ne pas qu'elle s'étouffe. Ensuite, je vérifiai ses yeux. À présent, du bleu venait s'y mêler, confirmant qu'elle était en train d'amorcer la transformation inverse. Même si dans son cas, je ne savais pas si l'on pouvait vraiment parler de transformation. Une petite pointe de jalousie, me traversa, me prenant par surprise et me faisant de la peine. C'était juste mesquin et idiot de ma part, bien que pas réellement surprenant. Moi, la métamorphe incomplète incapable de se transformer, jalouse de sa meilleurs amie humaine transformée en métamorphe contre son gré. L'ironie, limite cocasse de la situation, me ramena sur terre en un clin d'œil. Cassie, n'avait rien demandé de tout cela. C'était ce Shaw et ses expériences monstrueuses le responsable.
Les minutes me semblèrent durer des heures, avant que ses soubresauts ne se calment enfin et qu'elle ne sombre dans un profond sommeil réparateur.
— Vous êtes sûre qu'elle dort ? demanda Worth inquiet, en posant deux doigts sur son cou pour vérifier, une fois encore, les battements de son cœur.
— Oui, c'est normal après une première transformation. Même si celle-là n'a pas été complète.
— Pourtant lorsque Adam s'est transformé dans la forêt, il ne s'est pas endormi après, me dit-il semblant, pendant un instant, perdu dans des souvenirs douloureux.
— Parce que nous étions en danger, son instinct à prit le dessus. Mais une fois à l'abri, il a dormi pendant deux jours. Venez, il faut qu'on l'emmène jusqu'à la voiture, on ne peut pas la laisser là.
— Je vais la rapprocher et la garer devant la ruelle, ce sera plus facile et plus discret.
— Oui, très bonne idée, mais dépêchez-vous, car je crois que si je reste une minute de plus dans cette puanteur...je vais vomir.
Il me lança un petit sourire compatissant et s'empressa de rejoindre la rue. Par acquis de conscience, je vérifiai une fois de plus le pouls de Cassie. Il était toujours lent et régulier, signe rassurant que tout allait aussi bien que possible dans ces circonstances. N'ayant pas grand-chose d'autre à faire à part réfléchir, j'essayai de comprendre les raisons de sa semi-transformation. La question était, que c'était-il passé exactement pour en arriver là ? Cela s'était-il produit spontanément, ou avait-il été provoqué ? Lors de son coup de fils, Cassie avait parlé d'un homme. Ce pourrait-il qu'un des scientifiques de Shaw l'ai retrouvé et lui ai injecter quelque chose ?
Afin d'en avoir le cœur net, je jetais un rapide coup d'œil à ses bras, cherchant des marques de piqûres, mais ne trouvais rien, ce qui n'était pas vraiment une preuve en soi. En bref...je perdais mon temps ! Nous ne saurions vraiment la vérité que lorsqu'elle se réveillerait, me dis-je finalement en regardant l'heure. Mais que faisait Worth ? La voiture n'était pas si loin pourtant, râlai-je pour moi-même, tandis que je regardais ma montre pour la dixième fois. Je commençais vraiment à m'impatienter, voir à m'inquiéter, quand une odeur inimitable de sous-bois et d'air chaud envahit soudain tout mon être, me faisant un bien fou et me terrifiant tout à la fois.
— Cours ! entendis-je soudain murmurer dans mon esprit, tandis qu'une ombre noire et gigantesque, s'abattait sur moi.
Avec un cri, je me couchai sur Cassie pour la protéger et me préparai au choc...mais rien ne vint nous heurter. L'ombre ne fit que me survoler, passant en rase-motte au-dessus de nous, avant d'aller s'abattre dans un cri perçant sur quelqu'un, ou quelque chose, se trouvant à l'entrée de la ruelle. Se pourrait-il que ce soit Jude ? Non, il n'avait jamais été capable de communiquer avec moi de cette façon. Féline ? Non plus, la signature mentale qui m'était parvenue était indubitablement celle d'un oiseau, enfin c'était l'impression que j'avais eu.
Oh mon dieu Worth ! réalisai-je, soudain très inquiète pour lui. Je me relevai rapidement, tout en prenant garde de ne pas glisser de nouveau. Puis, m'assurant que Cassie était toujours paisiblement endormie et à l'abri, je décidai d'aller voir de quoi il retournait. J'avançai prudemment essayant d'être discrète, au cas plus que probable, où notre ami à plume supporte difficilement les policiers perspicaces. Le tableau qui m'attendait à l'entrée de la rue, me donna raison une fois de plus, et bien qu'un peu inquiétant au premier abord, me rassura et me fit même sourire.
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