Chapitre 29-2


Il arrêta de m'embrasser et me fixa dans les yeux pendant plusieurs secondes, semblant peser le pour et le contre.

— D'accord ! Mais d'abord j'ai des activités plus amusantes et plus relaxantes en tête, ajouta-il dans un sourire, en me renversant sur le lit.

— Maintenant, tu ne peux plus de défiler, lui murmurai-je quelques temps plus tard, confortablement installée dans le creux de ses bras.

— Tu es certaine de vouloir plomber l'ambiance ? me demanda-t-il d'un ton à la fois sérieux et taquin.

— Une promesse est une promesse, lui rétorquai-je en me redressant à-demi, pour pouvoir le fixer dans les yeux. Et puis...j'ai besoin d'en savoir plus, sur les métamorphes, sur toi, sur tout ! ajoutai-je, un peu agacé qu'il ne trouve pas cela évident.

— D'accord...dit-il avec une certaine réticence dans la voix, tandis qu'il me délogeait pour s'adosser à la tête de lit, avant de me reprendre contre lui.

— Tu te doutes certainement que Charles est très âgé, même pour un métamorphe ? commença-t-il dans un soupir, montrant que raconter cette histoire lui coutait.

— Rien qu'à son physique je m'en serais doutée, lui répondis-je voyant qu'il s'était tu. C'est le seul métamorphe plus « âgé » physiquement, que j'ai rencontré...à moins que cela n'ait rien à voir ?

— Si bien sûr ! Nous finissons par vieillir, comme tout le monde. Mais les signes de l'âge, arrivent très tardivement.

— Il a quel âge alors ? lui demandai-je, voyant qu'il tournait autour du pot.

— Je ne le connais pas précisément, je crois d'ailleurs que personne ne le connait ! Mais il doit avoisiner les 250 ans.

Waouh ! C'était tellement irréel pour moi, que j'avais du mal à concevoir qu'un homme puisse atteindre un tel nombre d'années. C'était un dinosaure en fait ! Bien que cela n'excuse en rien ses actes et son comportement odieux, voilà qui apportait un éclairage nouveau sur le caractère du personnage.

— Comment tu l'as connu ?

— C'était il y a une trentaine d'années environ. J'étais encore jeune et insouciant à l'époque...ça n'a pas duré longtemps, ajouta-t-il dans un murmure amer.

Voyant que cela semblait difficile à évoquer pour lui, je me tus. Me demandant même si je ne ferais pas mieux d'abandonner l'idée d'en savoir plus. Au bout de nombreuses secondes de silence, j'étais sur le point de lui dire de laisser tomber, quand il prit une brusque inspiration et continua de lui-même.

— Ce qu'il faut que tu saches, c'est que Charles a eu une autre vie avant de se lier à Carla et d'avoir Hannah. Elle n'est que la demi-sœur de Isaac.

— C'est pour cela qu'il a une préférence si marquée pour son fils ? lui demandai-je, la question me démangeant trop pour que je m'abstienne de la poser.

— En quelque sorte, mais...c'est beaucoup plus profond que cela. Ce que je vais te raconter maintenant est presque devenue une légende au sein de la communauté métamorphe, mais peu de gens connaissent la véritable histoire...

— Tu n'es pas...

— Tu voulais savoir...je vais te raconter. Mais ne m'interrompt pas s'il te plait, me dit-il d'une voix lourde et triste, qui me fit mal.

Le sentant vraiment dérangé et mal à l'aise, je fis mine de m'éloigner de lui, pour lui laisser l'espace nécessaire dont je pensais qu'il avait besoin. Mais à ma grande surprise, il me retint et me garda contre lui, tandis qu'il posait son menton sur mes cheveux.

— Il y a donc environ une trentaine d'années de cela, alors que je vivais dans le monde « des hommes », comme nous devons tous le faire au moins une fois dans notre vie, j'ai rencontré une jeune fille. Elle s'appelait Célia et c'était une métamorphe comme moi. Entre nous, ça a tout de suite collé et pendant quelques temps, nous avons vécu notre idylle, seuls à l'abri des regards...nous étions heureux.

Un pincement de jalousie malvenue me saisit, me serrant douloureusement le cœur, tandis que Jude resserrait ses bras autour de moi et continuait de me raconter son histoire d'une voix douloureuse.

— J'étais jeune, impétueux et réellement amoureux pour la première fois de ma vie. Je savais au fond de moi que Célia n'était pas mon âme sœur, la compagne qui m'était réellement destinée...mais je m'en fichais ! Après tout, énormément de métamorphes ne trouvent jamais leur véritable compagnon, c'est même plutôt rare en fait...Alors, j'ai fait ce que tout homme véritablement amoureux aurait fait...j'ai présenté Célia à mes parents.

Sa voix mourut, alors qu'il enfouissait son visage dans mes cheveux, en proie à des souvenirs douloureux que je ne pouvais qu'imaginer. Sans trop de peine pourtant, vu ce qu'il s'était passé entre moi et sa mère, il y avait quelques heures à peine ! Cela éclaircissait un peu son comportement étrange et ses accés de colères, suivit de son irrépressible besoin de réconfort.

Mais cela me faisait quand même mal de savoir que tous ces sentiments et réactions exacerbés, venaient du souvenir d'une autre femme que moi ! Il dû le comprendre, car il m'embrassa tendrement sur la tempe, avant de poursuivre son calvaire, avant que je n'aie le temps de le stopper de nouveau.

— Ma mère l'a pris aussi bien que tu dois t'en douter, quand je lui ai annoncé que Célia et moi voulions nous marier. Ce qui la dérangeait était que ce n'était pas une métamorphe aigle et elle ne voulait pas de petits enfants « bâtard », selon ses propres mots.

— Mais je croyais que tu m'avais expliqué que l'animal totem d'un métamorphe était totalement imprévisible et ne dépendait pas de ceux de ses parents ?! m'exclamai-je, essayant de comprendre, mais me sentant un peu perdue.

— Oui, je l'ai dit et c'est parfaitement exact. Mais certains...arriérés conservateurs, pensent que l'on augmente grandement les chances, lorsque les deux parents ont le même animal totem.

— Et c'est vrai ? demandai-je d'une petite voix, voyant déjà la catastrophe se profiler à l'horizon.

— Non...peut-être dans une très faible mesure, mais cela n'a jamais été prouvé. Ma mère est d'ailleurs bien placée pour le savoir, ajouta-t-il d'une voix dure et malheureuse alors qu'il se dégageait de mon étreinte et s'asseyait au bord du lit.

Je me sentais nue et abandonnée sans ses bras autours de moi, mais je comprenais en même temps son besoin d'espace et le respectai. Plus les minutes passaient et plus je regrettais de lui avoir forcé la main. Mais maintenant que la boîte était ouverte, le mieux était de la vider entièrement !

— Que veux-tu dire par là ?

— Que j'avais une sœur, une petite sœur que j'adorais. Elle s'appelait Judith et avait dix ans de moins que moi.

— Que s'est-il passé ? lui demandai-je de plus en plus triste et perturbée par toutes ces révélations.

— Elle n'a pas répondu à leurs attentes. Mes parents étaient persuadés qu'elle allait se transformer en aigle, comme je l'avais fait avant elle. Quand ils ont découvert que ce n'était pas le cas...ils l'ont chassé comme une malpropre, lui interdisant à tout jamais de revenir.

— Où est-elle maintenant ?

— Elle est morte...dans un accident...tu comprendras plus tard. Donc quand j'ai présenté Célia à ma mère, je te l'ai dit, j'étais jeune et idéaliste et je pensais que ce qu'il s'était passé avec Judith avait dû avoir un effet sur ma mère et l'adoucir sur la question...je me trompai lourdement. Au début, elle se contenta de la rabaisser et d'essayer de nous monter l'un contre l'autre ? Voyant que cela ne fonctionnait pas, elle changea de tactique, nous laissant croire qu'elle acceptait enfin l'inévitable, pendant que par-derrière elle s'évertuait à nous détruire. Elle réussit à déterrer un secret sur Célia. Un secret que même moi je ne connaissais pas. Si je l'avais su, jamais je ne l'aurais amené ici. Mais son père lui avait fait jurer de n'en parler à personne...

Au moment où il arrêta de parler, cela m'apparut comme une évidence, que je pris en pleine face comme la révélation choc qu'elle était.

— Son père...c'était Charles, verbalisai-je soudain dans un murmure.

— Oui...et il avait transgressé notre loi la plus fondamentale. Il était tombé amoureux d'une humaine. Mais pire que tout, il l'avait épousé et avait eu deux enfants avec elle. Quand ma mère apprit cela, elle se fit un plaisir de le faire savoir à tous les métamorphes, qui renièrent Charles et se mirent à le traquer, lui et les siens, comme des bêtes. Je réussis, avec l'aide de ma sœur à éloigner Célia qui alla rejoindre les siens. Ils comptaient partir loin, le temps que tout cela se tasse...mais ils furent pris en chasse par une bande de fanatique et leur voiture tomba dans un ravin. Charles et Isaac s'en tirèrent, mais Célia et ma sœur qui était avec eux, n'eurent pas cette chance, termina-t-il en se levant pour se rendre dans la salle de bain.

— Tu comprends donc, pourquoi Charles me hait et pourquoi j'ai fuis cet endroit pour ne jamais y revenir...jusqu'à aujourd'hui, ajouta-t-il en réapparaissant, vêtu d'un jean moulant noir et d'un tee-shirt à manches longues, bleu marine.

J'étais choquée...à la fois abasourdie et écœurée par tous ce que je venais d'apprendre. Je n'avais qu'une envie, prendre Jude dans mes bras pour le réconforter, mais je savais qu'il ne me laisserait pas faire. Il avait remis sa carapace et je ne pouvais pas lui en vouloir. Revivre tous ces souvenirs avait dû être particulièrement affreux et douloureux et c'était de ma faute...une fois de plus.

— Hé, Christina...tu n'y es pour rien, me dit-il gentiment, en posant une petite pile de vêtement devant moi. J'étais réticent à tout te raconter, car c'est toujours douloureux, mais c'est toi qui avait raison. Tu avais besoin de savoir de quoi mes parents sont capables et moi besoin que tu le sache. Même si cela ne se voit pas, je me sens mieux de te savoir au courant.

Il s'approcha de moi et m'attrapant la main me tira vers lui pour me mettre debout.

— Maintenant habille-toi, ajouta-t-il après m'avoir embrassé. Mes parents nous attendent pour un dîner d'accueil ! J'espère que tu as faim ? ajouta-t-il d'un ton ironique, finissant de me plonger dans le désespoir. 

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