Chapitre 28-1


Sous le coup de la stupéfaction, je ne réagis pas immédiatement comme je l'aurais fait d'ordinaire et restais là, comme une plante verte, la main encore légèrement levée en direction de Jude. Ce dernier quant à lui, semblait avoir été frappé par la foudre et à peu près dans le même état de stupeur que moi, à la différence près que ce n'était pas de la surprise, constatai-je en l'observant...mais de la rage. Il semblait bouillir littéralement, ses yeux lançaient des éclairs dans le dos de sa mère toujours en train de babiller des inepties à une Hannah de plus en plus mal à l'aise. Cette constatation me mit un peu de baume au cœur, tandis que j'observais toujours les deux femmes s'éloigner, sans savoir quoi faire, tandis qu'Hannah tentait maladroitement de s'expliquer, sans réussir à en placer une.

— Je crois que la plaisanterie a assez duré !

La voix froide et cassante de Jude, semblant résonner fortement dans le silence soudain, alors que tout le monde se figeaient dans un bel ensemble. Tout le monde sauf sa mère qui se retourna vers son fils, un air sincèrement interloqué plaqué sur son beau visage fin et sans défaut.

— Comment ?

— Tu sais très bien qui est Hannah et qu'elle n'est pas ma compagne, ajouta-t-il ses yeux lançant des éclairs alors qu'il fixait sa mère avec une hostilité palpable.

— Veux-tu bien arrêter de te donner en spectacle ! Cela ne sied pas à ton rang, lui assena son père d'un voix froide et autoritaire, qui me fit froid dans le dos.

— En l'occurrence c'est plutôt elle qui se donne en spectacle ici, répondit-il en désignant sa mère d'un mouvement de tête, dans un élan de colère brut qui sembla choquer ses parents et les personnes attroupés sur les passerelles supérieures.

Car maintenant que je n'étais plus obnubilée par la scène grotesque qui se jouait devant moi, j'apercevais les petits groupes de gens qui nous observaient d'un regard à la fois étonné et avide.

— Je te suggère de régler ce différend en privé, lui répondit-il en le toisant d'un regard froid. Jax, veuillez conduire, nos invités jusqu'à leurs quartiers !

Un des membres de la garde, sortit du rang, passa son arc dans son dos et d'un pas raide et rapide s'approcha de nous, le visage fermé et l'air sévère.

— Suivez-moi, nous dit-il d'une voix grave correspondant à son physique.

J'échangeai un coup d'œil gêné et incertain avec Cassie et Worth, qui n'avaient pas l'air plus à l'aise que moi, avant de me risquer à interroger Jude du regard. Mais ce dernier ne me regardait pas et n'avait d'yeux que pour le jeune homme qui venait de parler. À première vue, ces deux-là ne s'appréciaient guère et cela se confirma, quand Jude vint se placer ostensiblement entre moi et lui et me prit par la main.

— Allez-y, vous n'avez rien à craindre ici, dit-il aux autres, sans pour autant quitter le fameux Jax du regard. L'accueil laisse à désirer, mais vous serez très bien installé...on vous retrouve plus tard.

Puis, sans me prévenir il m'entraîna derrière lui, suivant ses parents qui avaient déjà repris leur progression sur le sol inégal. Son démarrage avait été si rapide, que je faillis trébucher et me rattrapai de justesse en m'accrochant à sa main, pour éviter l'humiliation suprême de m'étaler de tout mon long au milieu des racines et des feuilles mortes. Car dès que nous avions quitté la petite place aménagée, le sol s'était vite transformé, ressemblant dorénavant à celui d'une vraie forêt. Les troncs qui nous entouraient me paraissait gigantesque, me donnant une impression étrange de claustrophobie, alors que je sentais une brise forestière caresser doucement mon visage.

Oppressée et mal à l'aise, j'osais enfin porter mon regard vers le haut et ne pus plus en détacher mes yeux. Un entrelacs complexe et raffiné de différents ponts et passerelles confectionnés dans divers matériaux, s'entremêlait au-dessus de nos têtes. Le plus saisissant étant les lumières diffuses disséminées un peu partout et donnant à l'ensemble une aura chaude et presque... magique.

— C'est beau, n'est-ce-pas ? me chuchota soudain Jude à l'oreille, me faisant presque sursauter. J'avais presque oublié à quel point cet endroit pouvait-être enchanteur, ajouta-t-il dans un soupir nostalgique, avant d'accélérer encore le pas.

J'aurais pu lui répondre, en profiter pour lui poser des questions, mais je sentais que le moment était mal choisi. À moins que ce ne soit toute cette scène surréaliste avec ses charmants parents, qui m'ait un peu inhibé...allez comprendre pourquoi ?! Je me laissai donc entraîner sans un mot jusqu'à un escalier en spirale qui était fixé sur le tronc d'un immense chêne et en épousait les contours, tout en montant en spirale dans sa canopée. L'ouvrage réalisé en bois et en métal, frémissait et craquait sous nos pas, me donnant vaguement le mal de mer. Je serrai un peu plus fort la main de Jude et évitai de regarder en bas, jusqu'à ce que ce calvaire aérien se termine.

Nous débouchâmes finalement sur une plateforme en bois, ceinte de hauts garde-corps en métal ouvragé. Au milieu des branches de l'arbre vénérable, se trouvait une construction en bois de taille modeste, mais magnifiquement décoré, où nous pénétrâmes avant que l'un des gardes ne referment la porte derrière nous.

Si je n'avais pas trouvé cela ridicule, j'aurais pu me croire dans une salle du trône. Deux sièges simples, mais magnifiquement sculptés occupaient le fond de la petite pièce, toute drapé de soierie et de tissus, dans différentes teintes de bleus. Et sur ses sièges se trouvait assis les parents de Jude, qui me fixaient d'un regard hostile et dégouté.

— Vous avez décidé de pousser cette mascarade jusqu'au bout à ce que je vois ! attaqua Jude, à peine la porte refermée, en s'avançant à pas hargneux au milieu de la pièce.

Dans ma surprise, j'avais lâchée sa main et étais restée là, près de la porte d'entrée, n'osant pas m'avancer. Il faut dire qu'entre l'hostilité ambiante et les regards glaciaux, j'avais connu des accueils plus amicaux. Sans compter mon apparence et mon état misérable...je faisais tâche !

— C'est toi qui est ridicule, d'oser amener cette...fille ici ! éructa sa mère d'un ton dédaigneux et ulcéré qui déformait son beau visage et la rendait laide.

— Ce n'était pourtant pas une surprise, je vous avais prévenu il y a tout juste une heure !

— Que tu nous amenais des mauvaises nouvelles...des humains...une soi-disant chimère, ce qui reste encore à prouver, et...ta compagne. Sans préciser que cette dernière était un...prédateur, répondit son père d'un ton un peu moins froid me sembla-t-il, en me jetant un coup d'œil rapide.

C'était donc ça qui les dérangeaient tant, me dis-je étonnamment soulagée que ce ne soit que ça. Quand ils sauraient que je pouvais aussi me transformer en aigle, cela s'arrangerait peut-être ? Légèrement rassérénée, j'osais enfin m'avancer de quelques pas et me rapprocher de Jude.

— Il me semblait l'avoir précisé pourtant, répondit-il à son père, tout en fixant sa mère. Je vous présente donc Christina, ma compagne, qui est également une Chimère, actuellement métamorphe panthère et aigle, dit-il en m'attirant vers lui d'un bras entourant ma taille.

Je m'apprêtai à me présenter dans les formes et à m'excuser pour mon apparence, quand elle me coupa dans mon élan d'un simple geste de la main.

— Enchantée très chère, me dit-elle en se levant d'un mouvement fluide, avant de s'approcher de nous.

Elle s'arrêta à quelques centimètres de moi, retroussant ostensiblement le nez, pour me faire comprendre subtilement que je ne sentais pas la rose (comme si je ne le savais pas).

— Et bien, je crois que nous avons un problème, me dit-elle avec un sourire désagréable. 

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