Chapitre 27-2


Contrairement à moi, ces trois jours de trajet avaient l'air de lui avoir fait du bien. Même si sa démarche n'avait pas encore repris sa souplesse et son déhanché habituel, elle avait déjà meilleure mine et ne semblait pas du tout incommodé par la température polaire, tandis que ses cheveux mouillés lui dégoulinaient dans le dos.

— Où sont les autres et toi...tu viens d'où ?

— Jude est parti annoncer notre arrivée, Worth a décidé de partir de son côté pour se calmer les nerfs ! Quant à moi...je suis allée me laver dans le petit lac en contrebas.

— Mais tu es folle, il gèle ici !

— Mieux vaut attraper une pneumonie que de sentir le bouc ! me dit-elle d'une voix hautaine en plissant ostensiblement le nez dans ma direction, me faisant comprendre que son allusion très fine m'était destinée.

Très bien, mademoiselle la peste était redevenue elle-même ! D'un côté cela voulait dire qu'elle allait mieux, d'un autre...sans commentaire ! En même temps elle n'avait pas vraiment tort, j'étais répugnante. Mais même si mon nouveau statut de métamorphe avéré me garantissait une immunité totale contre les coups de froids, psychologiquement et physiquement, mon corps ne supporterait pas une immersion dans une eau si froide. Sans compter que cela serait une torture inutile, puisqu'il faudrait que je remette mes vêtements sales et tâchés...donc, très peu pour moi.

Jude et Worth choisir exactement le même moment pour refaire leur apparition, arrivant tous deux de directions opposées. Le regard hostile qu'ils se lancèrent à la seconde où ils s'aperçurent, m'appris que le trajet avait dû être long pour ces deux-là.

— Où sommes-nous ? lui demandai-je immédiatement de but en blanc, sans même m'inquiéter du pli soucieux qui lui barrait le front.

— Vous aurez peut-être plus de chances que moi, persifla Worth en s'avançant d'un pas rageur avant de poser ses mains sur le capot. Monsieur me traîne de force jusqu'ici sans même daigner me dire où nous nous trouvons.

— Et je ne vous le dirai pas, lui répondit Jude d'un ton hargneux. Cet endroit doit rester secret pour tout un tas de raisons qui vous dépasseraient. Alors pour une fois taisez-vous et faites-moi confiance. J'ai réussis à obtenir un droit d'asile pour vous tous, mais c'est exceptionnel et à titre provisoire.

— Ils savent qui je suis ? lui demanda Hannah, sur la défensive.

Il lui répondit par l'affirmative d'un petit signe de tête et les lèvres pincées, signifiant que ce n'était pas le moment de parler de ça.

— Les humains ne viennent jamais ici, ils n'y sont pas les bienvenus. De mémoire de métamorphe ce n'est arrivé que deux à trois fois, alors mesurez l'honneur qu'il vous est fait et soyez respectueux, prévint-il Worth et Cassie en leur lançant à tour de rôle un regard lourd de sens.

— Il me semblait pourtant qu'il était avéré que Cassie et moi n'étions plus...

— ça suffit, assez discuté, ils nous attendent, le coupa Jude en lançant un regard appuyé vers les arbres, signifiant que nous n'étions pas seul et que notre conversation était écoutée avec attention.

Puis il s'approcha de moi et au lieu de m'enlacer comme je l'espérais, il s'arrêta à une distance respectueuse et posa son regard sur Féline, qui se tenait à mes côtés.

— Elle ne peut pas venir avec nous, me dit-il en me fixant enfin d'un regard désolé.

— Pourquoi ?

« Ils ont peur de moi... » m'expliqua mon amie avec une note d'approbation dans sa voix psychique.

— Sa nature est incompatible avec la nôtre, me répondit Jude tandis que ce qui ressemblait à un rire ironique retentissait sous mon crâne. Mais Féline à l'autorisation de rester dans les bois alentours, si elle promet de ne pas toucher aux oiseaux, ils sont sacrés sur ses terres.

— Elle dit qu'il n'y a pas de problème, si elle peut chasser parmi les nombreux mammifères présents dans cette forêt.

— Oui bien sûr, il faut bien qu'elle se nourrisse, nous répondit Jude d'une voix guindée et froide qui me dérangeait de plus en plus. Bon très bien, si tout est réglé allons-y, dit-il en se dirigeant vers un sentier presque intégralement caché au milieu des arbres, où il se posta pour nous attendre.

— Attends ! Et le froid, comment elle va...

« Ne t'inquiète pas pour moi petite sœur. Je trouverai un abri. » me rassura Féline, tout en frottant son dos contre ma jambe.

Je jetai un coup d'œil à Jude, qui n'avait même pas daigné répondre à ma dernière question. Il m'avait planté là, sans même un regard ou un des petits gestes tendres, qu'il avait dorénavant à mon égard. J'étais transie, affamée et triste de devoir me séparer de mon amie, même si ce n'était que provisoire et son comportement m'avait déstabilisé encore un peu plus. Mais sentant qu'il y avait comme une urgence dans l'air, je ne fis pas traîner inutilement les adieux et le rejoignis assez rapidement, tandis que Féline se hâtait de partir à la chasse.

Une fois que nous fûmes tous réunis, Jude se pencha vers nous et nous dit dans un murmure à peine audible,

— Je n'ai pas encore parler des évènements récents. Pour eux vous êtes des humains prévint-il Worth et Cassie...ne me trahissez pas.

Puis sans attendre de réponse, il s'engagea au milieu des bois denses avec une aisance écœurante. Au bout d'au moins trente minutes de marche éprouvante, il s'arrêta subitement entre deux troncs d'arbres gigantesque.

— Voilà nous sommes arrivés. Derrière cette protection se trouve l'endroit où j'ai grandi, la grande aire principale. Je vous préviens, cela risque de vous surprendre, nous dit-il en passant entre les deux troncs, avant de disparaitre.

— Encore une de leur protection magique, maugréa Worth. Je n'aime pas ces trucs là...ça picote.

Je souris malgré moi à l'entente de sa plainte bougonne, qui vu son petit sourire en coin était plus une blague pour détendre l'atmosphère un peu tendue, qu'autre chose. Voyant que tout le monde hésitait, Hannah se lança sans état d'âme, presque aussitôt suivit de l'inspecteur. Je laissai Cassie me précéder, de peur qu'elle n'ose plus passer une fois seule, puis je traversai à mon tour.

Je crois que surprise était bien au-delà de la vérité, à vrai dire, fut tout ce que je parvins à penser, alors qu'aussi bouche-bée que mes camarades, je contemplai totalement ébahie la cité aérienne perchée dans les arbres et digne d'un film de fantasy, qui me surplombait. Nous nous trouvions sur une sorte de place en pavage gris, éclairée par des centaines de photophores, posés sur un petit muret qui en faisait le tour. Sur une estrade en bois ouvragé, se tenait deux personnes visiblement très importantes, puisqu'elles étaient entourées d'une dizaine de gardes, armés d'arc dernier cri.

La femme apparemment âgée d'une quarantaine d'année était grande et svelte, ses cheveux bruns coupés court ainsi que sa tenue près du corps bleu nuit, lui donnait un air moderne et conquérant sans la départir d'une certaine noblesse que je n'aurais su définir. L'homme quant à lui, faisait la même taille que sa compagne, mais sa carrure et sa musculature fine le faisait paraitre plus grand. Il avait des cheveux noirs de jais et un regard sombre et pénétrant qui me rappela instantanément quelqu'un.

— Mon fils...heureux de te savoir de retour, dit l'homme à Jude d'une voix forte et solennel en descendant devant nous d'un petit saut fluide et élégant, aussitôt imité par la mère de Jude, qui atterrie aux côtés de son époux dans un synchronisme presque parfait.

Au lieu de le prendre dans leurs bras comme je m'y attendais, ils se contentèrent de le saluer d'un signe de tête bref et solennel. Jude était guindé et étrangement très mal à l'aise. Il me jeta un bref regard et était en train de me tendre la main pour m'inviter à le rejoindre, quand sa mère d'un pas en avant, se mit entre nous.

— Je suis tellement heureuse que tu sois revenu et en plus pour nous présenter ta compagne. Vous êtes charmante ma chère, venez que nous fassions plus ample connaissance, dit-elle à une Hannah interloquée, en la prenant par le bras. 

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