Chapitre 24-2
Je poussai un gémissement involontaire, quand un nouveau spasme débilitant me traversa. À l'entente de ma plainte, Jude se précipita vers moi. Mais un nouveau cri de rage et de souffrance mêlé retentit, faisant réagir Isaac, qui se réveilla soudain et se mit à s'agiter en tous sens, ruinant tous les efforts de sa sœur en quelques secondes.
— Jude, viens m'aider...je n'arrive pas à le retenir ! l'appela Hannah paniquée, tandis qu'elle essayait d'empêcher son frère de se blesser d'avantage, mais n'ayant pas la force nécessaire pour l'aider efficacement.
Malgré la douleur sourde et persistante qui m'enserrait le cerveau et me brouillait la vue, je vis Jude hésiter, le dilemme se lisant sur son visage.
— Va aider Christina, je m'en occupe ! lui cria Worth, en le tutoyant pour la première fois avant de se ruer à l'aide d'Hannah.
Alors qu'il hésitait une fraction de seconde, un nouvel assaut me fit arquer le dos, semblant me déchirer les entrailles. Lorsque je rouvris les yeux, ma vue était étrange, comme brouillée et Jude se tenait à mes côtés, un air préoccupé sur le visage.
— J'aurai tellement voulu que ça se passe autrement...mais je crois que...c'est pour maintenant, me dit-il en me couvant d'un regard à la fois émerveillé et inquiet.
Quoi ?! Qu'est-ce-qui était pour maintenant ? Ma transformation ?! Oh mon dieu ! Mais ça n'avait pas l'air si douloureux pour les autres ! Il y avait peut-être quelque chose qui se passait de travers ? J'aurai voulu poser la question à Jude, mais tout ce qui sortit de ma bouche fut un borborygme incompréhensible et bredouillant.
— Ça fait mal, parce que tu luttes, me dit-il répondant à ma question muette. Il faut que tu l'accepte, que tu te laisses aller, ajouta-t-il d'une voix apaisante et confiante qui me rasséréna légèrement.
J'essayai de faire ce qu'il me disait, mais entre ma position plus qu'inconfortable, la peur et le stress que je sentais partout dans la pièce, sans compter les cris inhumains d'agonie qui résonnait toujours par intermittence...ce n'était vraiment pas évident. Un rugissement de douleur éclata alors dans mon esprit, me projetant une nouvelle fois en arrière, alors que tous mes membres se tendaient à l'extrêmes, dans des angles qui ne me paraissaient pas naturel à mon corps meurtri. Mais curieusement c'était le cadet de mes soucis. Je n'étais obnubilée que par une chose...Féline était en danger, elle avait besoin de mon aide, et j'étais là, prisonnière de ce corps convulsé et inutile, sans la moindre capacité de communiquer.
— Fé...liiiii...
Essayai-je d'expliquer à Jude, mais les sons qui sortaient de ma bouche étaient étrangement déformés, comme si ma gorge n'était déjà plus faite pour parler.
— Christina écoute-moi ! m'admonesta Jude d'une voix urgente. Je sais que c'est tout sauf le bon moment, mais tu vas te transformer...maintenant ! Il faut que tu l'accepte sinon...
Une nouvelle convulsion particulièrement douloureuse me déchira et je sentis des larmes de douleurs et d'impuissances couler sur mes joues. J'étais perdue, mon corps de savait pas quoi faire et mon esprit était tétanisé par la peur et la douleur. Je n'arrivai pas à sentir la force brut et sauvage que j'avais déjà ressenti lors de mes précédentes pré-transformation. Là, un combat semblait se jouer à l'intérieur de moi, sans que j'en comprenne les règles.
— Christina regarde-moi ! m'appela Jude. Concentre-toi sur moi. Il faut que tu lâches prise.
Dans un effort qui me parut surhumain je tendis une main vers lui, dans un appel à l'aide désespéré. Lorsque nos deux mains se frôlèrent, je cru que l'on essayait de me couper en deux et un hurlement atroce sortit de ma bouche, alors que je sentais ma main comme éclater pour devenir une patte de panthère noire et luisante.
— Oh mon dieu, ce n'est pas possible, murmura Jude en se reculant les yeux écarquillés.
Mais ce n'était plus de l'admiration ou de la joie qui se lisaient dans son regard, mais de l'incompréhension et de la peur. Que se passait-il encore ?
— Que se passe-t-il, lui demanda soudain Hannah, désormais occupée à installer la perfusion entre elle et son frère.
— Elle...elle commençait à se transformer en rapace, mais à présent elle a une patte de panthère et ses yeux sont toujours ceux d'un aigle, c'est...c'est impossible !
— Jude ! Écarte-toi d'elle, tout de suite ! Lui ordonna soudain Hannah, d'une voix paniquée.
— Elle ne me fera pas de mal, elle...
— Pas pour toi...pour elle ! Tu ne comprends pas ? Tu perturbes le processus ! Son corps ne sait plus en quoi se transformer...tu es trop près d'elle !
— Oh mon dieu ! Tu crois ? lui répondit-il, en me jetant un regard à la fois désolé et hésitant.
— Et si je me rapprochais, au contraire ? Reprit-il après quelques instants de réflexion douloureuse. Cela devrait aider son corps à se décider et simplifier le processus ?!
— Non ! Si je ne me trompe pas, elle est connectée à Féline...Jude...laisse-la se transformer en panthère et écartes-toi, lui dit Hannah d'un ton raisonnable, mais ferme malgré sa peur que je sentais même de là où je me trouvais.
Je le vis hésiter quelques instants, alors que j'étais toujours en proie aux affres de ma transformation parasitée. Puis à contrecœur, il commença à s'éloigner pour rejoindre sa sœur et Worth, au chevet de Isaac. Je m'attendais, visiblement comme les autres, à un changement spectaculaire et radical, mais il n'en fut rien ! Au contraire, cela sembla empirer. Dès que Jude ne fut plus à proximité, la douleur s'amplifia jusqu'à m'amener au bord de l'évanouissement.
— Mon dieu, ça n'a pas l'air de l'aider du tout, commenta Jude d'une voix stressée.
— C'est à cause de nous, lui répondit Soudain Hannah, d'une voix désolée. Nous sommes trois métamorphes blessés et à deux doigts de la transformation dans cette pièce ! C'est nous tous qui perturbons sa transformation. Le problème c'est que nous ne pouvons pas nous éloigner plus...
— Il faut que ce soit elle qui s'éloigne, dit Cassie avec raison.
— Dans l'état où elle est, elle est incapable de le faire seule et nous ne pouvons pas l'aider.
— Nous on peut, répondit Worth du tac au tac. Il y a quoi derrière cette porte, demanda-t-il en désignant le battant bloquée d'un signe de tête, tandis qu'il s'avançait vers moi.
— La salle de bain, lui répondit Hannah.
— Jude, dégages la porte ! Cassie, viens m'aider !
Son ton autoritaire et sûr de lui, sembla sortir les métamorphes de leur hébétude et tout le monde se mit en mouvement. Quant à moi j'avais toujours mal et je sentais toujours mon corps se convulser et se tordre de façon peu naturelle, mais j'étais curieusement comme détachée des évènements. Comme si mon esprit cherchait à me protéger de la douleur. Mais celle-ci revint en force quand l'inspecteur me ramena durement à la réalité, en me saisissant vivement sous les bras pour me redresser, sans aucun souci de douceur.
— Vite Christina, laissez-vous faire, me dit-il en me prenant dans ses bras, ses mouvements gênés par mon corps raide et récalcitrant.
Il finit par me balancer sur son épaule comme un vulgaire sac de pommes-de-terre et se rua vers la petite pièce désormais accessible. À peine entré, il referma la porte d'un coup de pied et me déposant sur le sol, s'écarta vivement de moi, se retrouvant bloqué entre le mur et la douche.
A l'instant où la porte fit barrage entre moi et les autres métamorphes, la douleur débilitante s'atténua et je sentis enfin une force douce et chaude m'envahir et, sans plus réfléchir, je l'accueillis à bras ouverts.
Je sentis d'abord mes mains et mes pieds se modifier, déchirant le cuir de mes chaussures comme si ce n'était que du vulgaire tissu. Puis ma vue se modifia à nouveau, mais différemment, juste avant que je ne sente mes pommettes éclater et ma poitrine s'ouvrir, pour me libérer enfin de ce corps qui n'était plus le mien. Et aussi vite que la vraie métamorphose s'était enfin enclenchée, elle cessa et je retombai sur mes...quatre pattes.
La sensation était curieuse et à la fois...puissante et grisante. J'étais toujours moi, Christina, avec mes réflexions humaines et ma personnalité, mais dans un corps complètement différent. Lorsque j'osai faire un premier pas et un reflet étrange attira mon regard. Je me contemplai dans le miroir à demi-brisé qui gisait au sol. Mon pelage noir, marbré de taches à peine un ton plus clair, était magnifique. Mes muscles bien dessinés se dessinant sous ma peau, me faisaient paraitre puissante et agile et mon regard était...bizarre ! Mes yeux n'étaient plus identiques. L'un était jaune orangé, barré de la pupille verticale des félins et l'autre jaune d'or, avec une pupille ronde de rapace ! C'est au moment où je constatai cette étrangeté, que ma vue se modifia encore, altérant les couleurs et me faisant tout percevoir de manière beaucoup plus claire, mais en vision monochrome.
C'est alors que je la sentis...la peur. Elle dégageait une odeur caractéristique, de proie et de nourriture et j'avais faim, rugit soudain en moi la personnalité animal, qui jusqu'à présent était resté en retrait. Mais à présent que la transformation était totalement achevée, elle me submergea complètement et prit le contrôle, tandis que je m'avançai à pas précis et calculés vers la proie tendre et terrifié, terrée dans le coin de la pièce.
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