Chapitre 19-1
Jude fut debout à peine une seconde après le début de l'alarme. Il avait bougé si vite, que le temps que je réalise qu'il n'était plus auprès de moi dans le lit, je le trouvai déjà en train d'enfiler son pantalon d'un geste précipité. J'avais beau savoir qu'il était rapide et avait des réflexes hors du commun, ces petits rappels inattendus me surprenaient toujours. J'étais sur le point de me lever pour l'imiter, quand la porte de la chambre s'ouvrit à la volée, me surprenant et m'obligeant à suspendre mon geste.
— Que ce passe-t-il ? Commença à demander l'inspecteur d'un ton hagard, tandis qu'il entrait en trombe dans la chambre.
Il stoppa net, quand il vit Jude torse nu et moi assise sur le bord du lit, essayant de rester décente en me couvrant maladroitement avec le drap. Le regard réprobateur qu'il posa sur moi semblait vouloir dire « non, mais vous croyez vraiment que c'est le moment ! » avant qu'il ne détourne les yeux, un peu gêné.
— Charles est revenu ? lui demanda Jude d'un ton qu'il essayait de garder neutre, tandis qu'il réenfilait son tee-shirt crasseux en grimaçant légèrement et en regardant Worth d'un regard...polaire.
Il avait employé un ton neutre et étudié pour faire croire à Worth que sa présence l'indifférait...même si moi je savais qu'il n'en était rien. Je ressentais ses émotions, bien plus fortement depuis que nous avions fait l'amour et je savais qu'il n'avait qu'une envie, fondre sur l'inspecteur pour l'éjecter de son territoire. Tout cela aurait dû m'alarmer ou m'inquiéter, mais ce n'était pas le cas. Car ce n'était pas de la jalousie mal placé de sa part, juste qu'il supportait difficilement qu'un autre homme me voit presque nue, surtout un homme qu'il considérait comme un rival.
Toutes ces constatations m'apparurent comme une évidence en une fraction de seconde, ce qui me donna presque le tournis. Ces derniers temps, depuis mon échange de sang avec Jude et ma rencontre avec Féline, mes perceptions extra-sensoriels allaient et venaient un peu comme bon leur semblait. Chose qui me perturbait, surtout lorsqu'elles s'invitaient brusquement à la fête comme maintenant, perturbant mes sens et la réalité des sentiments qui m'appartenaient ou non.
— Ça va ? me demanda gentiment Jude, qui avait de toute évidence remarqué mon trouble, tout en m'embrassant doucement les cheveux.
— Heu...oui je crois. J'ai...je m'interrompis ne sachant trop comment m'expliquer de manière claire et précise. Sans compter que j'étais gêné par la présence de l'inspecteur et par la sonnerie stridente et inquiétante, qui ne semblait pas vouloir s'arrêter.
— Je sais...c'est perturbant, me dit-il doucement à l'oreille. Mais ça va s'atténuer et...il va falloir que nous trouvions un moment pour que je t'explique deux ou trois petites choses...mais là, il faut que j'aille voir ce qu'il se passe, termina-t-il d'une voix préoccupée.
La sonnerie stridente et insistante qui résonnait toujours s'arrêta subitement, me laissant les oreilles bourdonnantes et la sensation désagréable que le silence était devenu solide. C'est alors que nous entendîmes des voix venant du salon. Jude se précipita à la porte et avant d'en franchir le seuil se retourna vers nous, un pli soucieux barrant son front.
— Ne sortez de cette pièce sous aucun prétexte tant que l'on ne sait pas ce qu'il se passe.
Puis sans attendre de réponse ou signe d'assentiment de notre part, il sortit en referment la porte derrière lui. Mon premier réflexe fut de vouloir m'habiller, mais le moindre faux mouvement risquait de faire glisser le drap de fort malencontreuse manière et je n'osais donc pas bouger, restant figée, empruntée et mal à l'aise sur le bord du lit. Worth qui ne semblait pas plus décontracté que moi, se dandinait d'un pied sur l'autre, visiblement très tenté de passer outre aux ordres de Jude.
— Retournez-vous ! me décidai-je finalement à lui ordonner, ne voulant pas rester dans cette situation ridicule et embarrassante plus longtemps que nécessaire.
Pas que j'ai honte de ce que nous venions de faire, loin de là même ! Mais franchement, cette situation était impossible ! Voir à la limite du risible, me dis-je tandis que Worth se tournait docilement en s'appliquant à fixer le mur, tandis que je m'empressai d'aller récupérer mes vêtements en tas sur le sol. Ces derniers étaient sales et déchirés, mais en cet instant, je m'en fichai pas mal. Une fois enfin décente, à défaut d'être propre, j'en informai l'inspecteur qui se retourna et commença à regarder partout sauf dans ma direction d'un air gêné.
Il faut dire que je n'étais pas très à l'aise non plus. La situation devait être vraiment inquiétante pour que Jude me laisse seule et à moitié-nue dans la même pièce que Worth. L'inquiétude et le stress montant crescendo et ne sachant pas quoi faire de moi, je commençai à faire les cents pas dans la petite chambre. Ce qui n'apaisa en rien mon angoisse bien au contraire. En passant devant la porte pour la troisième fois au moins, je me cognai la hanche dans le guéridon, manquant faire tomber le plateau posé dessus et que j'avais totalement oublié. La vue de la nourriture me donna l'eau à la bouche et me rappela que j'avais faim.
— Vous en voulez ? demandai-je à l'inspecteur qui me tournait le dos, en me saisissant d'une banane.
— Comment vont vos blessures ? me demanda-t-il pour toute réponse, me laissant perplexe.
— Ca va beaucoup mieux (heu...en fait je suis complètement guéri ! aurais-je dû lui dire. Mais je ne sais pas pourquoi, quelque chose me retint.) merci de vous en inquiétez, terminai-je maladroitement décontenancé par sa question.
— Alors d'où vient tous ce sang ? me demanda-t-il d'un ton suspicieux, en désignant le matelas d'un signe de tête.
Je m'avançais de quelques pas et vis les traînées écarlates qui défiguraient le drap immaculé.
— Ce n'est pas le mien, lui répondis-je d'une voix douloureuse, tout en croquant dans mon fruit d'un coup de dent rageur.
Ce que je venais de voir, et surtout ce que cela impliquait, m'avait coupé l'appétit. Mais il fallait que je me nourrisse et que j'accumule des calories pour ce qui risquait de nous attendre dans les heures à venir. Mais je ne décolérais pas ! Jude pouvait bien trouver toutes les excuses du monde, il y avait quelque chose qui clochait avec ses blessures et qu'il le veuille ou non, il faudrait bien que l'on en discute !
— Jude est blessé ?! C'est arrivé comment ? me demanda l'inspecteur, me sortant de mes ruminations.
— Écoutez ! Si cela vous intéresse tant que cela, vous n'aurez qu'à lui poser la question. Mais ça m'étonnerai qu'il vous réponde, lui assenai-je d'une voix agressive.
— C'est sûr ! Comme pour tout le reste, murmura-t-il comme pour lui-même d'un ton amer. Est-ce qu'une seule fois, je pourrai obtenir une réponse à l'une de mes questions ? Vous croyez que c'est possible ?
— Pas impossible, mais...compliqué ! En revanche, est-ce que c'est souhaitable pour vous ? Ça c'est une autre question ! Une chose reste sûre, c'est que vous ne demandez pas à la bonne personne ! Je crois que je suis encore plus dans le flou que vous...
Il s'apprêtait à me répondre, lorsque l'alarme se mit à retentir de nouveau, plus forte et plus insistante que la fois précédente (ce que franchement, je ne pensais pas possible !). Je ne savais pas ce qu'il se passait, mais il était hors de question que je me terre comme un lapin, me dis-je en me dirigeant vers la porte pour rejoindre Jude. Je n'eus même pas le temps de mettre la main sur la poignée que cette dernière s'ouvrait, me forçant à me reculer précipitamment pour ne pas me la prendre en pleine figure.
— Vite, il faut partir d'ici tout de suite...nous sommes encerclé. Nous dits Jude d'une voix pressante, que l'inquiétude rendait sourde et plus grave que d'ordinaire.
— Par qui ? Les hommes de Shaw ? demanda Worth en hurlant pour couvrir le bruit de la sirène.
— On le suppose, lui répondit-il avant de me saisir la main et de m'entraîner derrière lui jusque dans le salon. Venez...il n'y a pas de temps à perdre, invectiva-t-il Worth pour l'inciter à nous suivre.
— Et Hannah ? demanda ce dernier, déjà à mi-chemin de la chambre de la jeune femme.
— Son père s'en occupe. Dépêchez-vous...nous devons tenter notre chance avant qu'il ne revienne...
À peine avait-il prononcé ces mots, que Charles retraversa la barrière de protection magique, se matérialisant devant nous et nous bloquant toutes retraites.
— Je savais que je ne pouvais pas te faire confiance, accusa-t-il Jude d'une voix dure et furieuse. Tu ne seras jamais le leader que tu devrais être car tu ne sais pas prendre les décisions difficiles qui s'imposent pour le bien de tous.
— Il y a d'autres solutions et tu le sais très bien. Alors, ne me met pas ça sur le dos ! lui répondit Jude en me plaçant derrière lui dans un geste défensif. Maintenant...laisse-nous passer.
— Hors de question...Je vais la livrer à cet homme et sauver mon fils et les miens. Et tu ne m'en empêcheras pas, annonça Charles d'une voix menaçante et déterminée tout en s'avançant sur Jude, son bras droit partiellement transformé, levé comme une arme au-dessus de sa tête.
Le temps sembla se suspendre, à mesure que les pas calculés et déterminés de Charles le rapprochaient de nous et qu'il devenait évident...que ce n'était pas du bluff. Jude, quant à lui se préparait visiblement à l'affrontement, son corps tendu, près au combat. Mais quel chance avait-il contre un être comme Charles ? Il avait beau nous avoir aidé et avoir, selon Jude, des raisons valables pour justifier son comportement...cet homme était un despote sociopathe. Et ses raisons actuelles avaient beau être justifié et louable, cela n'excusait en rien son intention évidente d'en profiter pour régler ses comptes avec Jude.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top