Chapitre 13-2
— Stop ! Arrêtez-vous, criai-je à la seconde où l'information parvint à mon cerveau fatigué.
Dans un hoquet de surprise, Worth appuya violement sur le frein, faisant piler la voiture. L'arrêt brutal, nous secoua durement et je ne pus m'empêcher de gémir, lorsque ma main blessée heurta le tableau de bord, m'envoyant une décharge de douleur dans tout le corps. La guérison avait beau être amorcée et la plaie déjà bien refermé, ça me faisait quand même un mal de chien. D'ailleurs, je ne cicatrisai pas si vite d'habitude, réalisai-je soudain en regardant la boursouflure ronde et rose au milieu de ma main et qui normalement n'aurait pas dû avoir cet aspect-là...du moins pas si tôt.
— Non mais ça ne va pas ? Qu'est-ce-qui vous prend de crier comme ça ? dit Worth, d'une voix sourde tout en me lançant un regard noir.
— On ne doit pas partir...il ne faut pas laisser partir Jude, lui répondis-je dans un murmure précipité en descendant de la voiture.
J'étais tellement déboussolée par tout cet afflux de sensations et de sentiments contradictoires, que j'avais momentanément oublié que je me trouvais dans un 4X4 surélevé et faillis tomber. Me redressant maladroitement, je regardai alentours dans l'espoir d'apercevoir Féline, que je sentais toujours mais n'entendais plus.
« J'arrive », me dit-elle dans un murmure mental apaisant.
Je ne pouvais pas le traduire en mot, mais je comprenais qu'elle était trop loin de moi pour que l'on puisse communiquer correctement. Son premier message semblait lui avoir demandé beaucoup d'efforts et elle voulait garder ses forces. Elle se dépêchait donc de me rejoindre car...je lui avais manqué.
«Toi aussi tu m'as beaucoup manqué », lui répondis-je télépathiquement même si je savais qu'elle ne me répondrait pas.
Puis, sans perdre une seconde de plus, je commençai à suivre le chemin que Jude avait emprunté, bien qu'il ne soit déjà plus nulle-part en vue.
— Christina attendez ! Vous allez où comme ça ? Jude a dit...
— Peu importe ce qu'il a dit. Si on le laisse partir...il ne reviendra pas.
— C'est ridicule ! Que pourrait-il bien lui arriver de fâcheux au milieu des siens ?
— On voit que vous ne connaissez pas Charles, ne pus-je m'empêcher d'ironiser en m'arrêtant quelques secondes pour me tourner vers lui.
C'était évident que ce n'était vraiment pas le moment, mais...je n'avais pas pu m'en empêcher. Pour toute réponse, il se contenta de me lancer un regard perplexe, ne comprenant de toute évidence rien à ce que je lui racontais, ce qui était parfaitement normal d'ailleurs, vu qu'il ne pouvait pas savoir de quoi je parlais. Et j'espérais de tout cœur que cela resterait comme cela.
— Que se passe-t-il encore ? nous demanda Cassie, campée sur le bord du chemin, d'où nous n'étions pas si éloigné que cela finalement.
— Chuuuuut... ! ne pus-je m'empêcher de réagir à ces paroles semblant annoncer notre présence à des kilomètres à la ronde.
— Retournez dans la voiture, on arrive, lui intima Worth, d'une voix sûre et autoritaire. Christina, allez on...
Mais je n'avais pas attendu qu'il essaye une nouvelle fois de me raisonner et avais anticipé en tournant rapidement les talons. J'avais beau avancer vite, de mon point de vue, et scruter avec avidité les alentours...pas de Jude à l'horizon. Ça ne faisait pas dix minutes qu'ils étaient partis...ils n'avaient pas pu se volatiliser tout de même !
— « Je l'ai ! » Entendis-je soudain une voix de panthère jubilatoire, retentir dans mon esprit. « Dépêches toi de nous rejoindre, petite sœur. Il n'est pas si mal finalement...pour un emplumé ! Ce serait dommage qu'il lui arrive quelque chose... »
— Bien joué Féline, j'arrive...
— Féline ? s'exclama l'inspecteur d'un ton surpris.
Oups, sans m'en rendre compte j'avais répondu à mon amie à voix haute. C'était encore un réflexe, à mes yeux, cela rendait nos conversations plus réelles. C'est vrai que l'inspecteur n'était pas au courant de mon petit talent, ni de l'invitée poilue qui allait avec. Devais-je lui en parler ? ou cela allait-il être le truc bizarre de trop...même pour lui ?
Je préférai finalement opter pour l'improvisation et sans un mot supplémentaire, me dépêchai d'avancer vers un petit bosquet tout proche, où je savais qu'ils se trouvaient.
La scène qui apparut devant mes yeux aurait pu me faire sourire, si la sensation d'urgence angoissante émanant de Féline, ne m'avait pas perturbé autant. Jude, l'air passablement énervé, essayait de communiquer avec la panthère, qui quel que soit le chemin qu'il tentait d'emprunter, s'évertuait à lui bloquer le passage.
« Ce n'est pas trop tôt ! », me dit-elle d'un ton exaspéré que je ne crus pas une seconde, tellement son bonheur de me retrouver était palpable.
— Qu'est-ce-que tu fais là ? gronda Jude dans un murmure sauvage en se retournant lentement vers moi.
— Je pourrai te poser la même question ? lui rétorquai-je avec tout l'aplomb que je pus rassembler. Quel est le plan exactement ?
— Il n'y a pas de plan ! m'assena-t-il de sa voix grondante de métamorphe pas content, en faisant un pas vers moi.
S'il pensait qu'il allait m'impressionner ou me faire peur...c'était raté ! Son petit numéro ne marchait plus avec moi désormais.
— Qu'est-ce-que tu me caches ? attaquai-que, en m'avançant à mon tour vers lui, afin de bien lui faire comprendre qu'il ne m'impressionnait pas.
— Rien d'important pour toi alors, retourne dans cette fichu voiture et barre-toi d'ici.
J'allais lui faire une réplique bien senti sur ce que je pensai de sa suggestion, lorsque l'explication me parvint par le biais de Féline. Je chancelai sous la force de la projection et surtout sur ce que cette dernière impliquait.
— Tu comptais m'en parler quand, au juste ? lui demandai-je d'une voix dangereusement calme, bien qu'assourdie par la colère que je sentais monter en moi. Quand tu serais mort ?
— Comment peux-tu savoir ça ? s'exclama-t-il d'une voix agressive, sans pour autant démentir mon affirmation. Ne me dis pas que tu...tu lis dans mes pensées ? s'exclama-t-il soudain d'un air horrifié.
— Non, mais heureusement que Féline est moins cachotière que toi ! lui criai-je d'une voix blessée, tandis que cette dernière descendait souplement de la branche sur laquelle elle était perchée et venait de sa démarche souple et gracieuse, frotter sa tête contre ma jambe dans un ronronnement possessif.
— Quoi ! Mais comment... ? Toi, la noiraude, sort de ma tête ! lui cria-t-il soudain visiblement fou de rage, en se tournant vers elle d'un air menaçant.
Il ne put s'empêcher de grimacer à ce mouvement brusque, montrant qu'il commençait à peiner debout sur le sol instable, avec le poids mort d'Hannah dans les bras.
— Je ne sais pas comment elle fait, mais...je m'occuperai de ça plus tard...
— Et comment ? Puisque si tu suis ton plan génial à la lettre, tu comptes de sacrifier comme le dernier des crétins !
— C'était une menace en l'air, il ne le fera pas. Pas avec sa fille dans cet état et les nouvelles inquiétantes que je lui apporte.
— Ça c'est ce que tu supposes, mais tu n'en es pas sûr du tout. Tu sais très bien qu'il cherche un prétexte pour se débarrasser de toi et toi tu le lui apportes sur un plateau ! Tu es suicidaire ou quoi ?
— Mais vous parlez de quoi à la fin ? nous interrompis soudain l'inspecteur, l'air pas plus surpris que ça par la présence d'une panthère noire enroulée autour de mes jambes.
— Oh vous, la ferme ! lui répondit Jude au comble de l'exaspération.
— Non je ne me tairais pas ! Vous comptez vous disputer jusqu'à ce qu'elle meure dans vos bras ? Si vous ne vous décidez pas...c'est moi qui l'emmènerai...
— Non ce sera moi, affirmai-je avec aplomb, tout en me dirigeant d'une démarche assurée vers Jude.
— Hors de questions. Tu ne dois pas retourner là-bas...et lui ne dois pas y aller non plus. Ce qui ne laisse donc que moi. Raison pour laquelle je ne t'ai rien dit, car je savais que c'était l'unique solution. Alors, retourne à la voiture, je m'en sortirai...je m'en sors toujours, me dit-il d'une voix douce tout en me fixant d'un regard qu'il voulait rassurant, mais qui à moi, me sembla juste...résigné.
Pendant un court instant, je faillis capituler devant son regard si persuasif. Puis un petit coup de tête de Féline me rappela à la réalité. S'il y allait seul, il avait au moins cinquante pourcents de chances de ne pas revenir. Des images ainsi qu'une idée, inondèrent soudain mon esprit, suivit de la douce voix mentale de mon amie.
« Il y a une autre solution ».
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top