Chapitre 13-1


— Où allons-nous ? demanda l'inspecteur avant que je n'ai eu le temps de le faire moi-même.

Jude ne répondit pas immédiatement, son visage crispé tourné vers la route, il avait l'air de se concentrer sur sa conduite. Mais pour moi qui le connaissais bien, je savais qu'il était en plein tourment intérieur.

— On ramène Hannah chez elle, lâcha-t-il enfin d'un ton lourd, tout en me lançant un coup d'œil rapide dans le rétroviseur.

Le contact avait été fugace, mais j'avais cru voir passer comme une excuse muette dans son regard. Pourquoi avait-il l'air soudain si hagard et désemparé ? Après tout c'était notre idée première de ramener Hannah à son père...même si cette perspective ne m'enchantait guère.

— Le téléphone...c'était Charles, affirmai-je soudain d'une voix calme et résignée tandis que tous les morceaux s'assemblaient soudain, semblant faire comme un petit « ding » sonore dans mon esprit.

Comme à son habitude, il ne dit pas un mot, se contentant d'un autre regard explicite par miroir interposé, qui valait tous les discours. Durant quelques minutes, un silence pesant s'abattit sur l'habitacle seulement troublé par les bruits de roulement du 4x4 qui traversait justement une portion de bitume abimé

— C'est sur son ordre que tu étais là...comme Hannah ? lui demandai-je d'une voix maîtrisée pour ne pas que les autres entendent la peine que cette idée m'inspirait.

Cette hypothèse m'avait déjà traversé l'esprit, quand il nous était tombé dessus, fou de rage. Mais j'avais été presque immédiatement rassurée lorsqu'il s'était violemment opposé à ce que nous emmenions Hannah là-bas. Mais dans ce cas, pourquoi serait-il en contact avec Charles ? Et surtout, pourquoi aurait-il prit la peine de me le cacher ?

— Ce n'est pas aussi simple...Christina, il...

Le regard triste et blessé qu'il vit dans le rétroviseur, l'interrompit aussi efficacement que des mots. J'aurai pu crier, hurler, pleurer...mais à quoi bon...

— Bon sang, ce n'était pas censé se terminer comme ça, s'exclama-t-il d'une voix coléreuse et désemparée, tout en donnant un coup sur le volant, ce qui fit légèrement tanguer la voiture.

— Je ne vois pas bien quelle autre issue il y aurait pu avoir, lui rétorquai-je finalement. Ce que Charles veut...

— Quel autre choix avais-je ? Tu ne m'en a laissé aucun autre en t'enfuyant comme tu l'as fait ! s'écria-t-il d'une voix coléreuse mais qu'il tentait de maîtriser pour la rendre moins agressive. J'avais le choix entre défier Charles, ce que je n'étais pas en état de faire et il le savait très bien, ou jouer les hommes blessés et entrer dans son jeu en lui faisant croire que je te haïssais pour m'avoir quitté.

— Qui est ce Charles ? intervint l'inspecteur que j'avais presque oublié l'espace de quelques secondes, m'empêchant ainsi de répondre impulsivement sous le coup de la colère et de la surprise.

— Le chef de la communauté métamorphe à laquelle moi et Hannah appartenons, lui répondit Jude dans un soupir et d'un ton curieusement exempt de son agressivité habituelle, en se tournant brièvement vers lui.

— Ce n'est pas le fait que tu m'amènes à Charles qui me dérange, lui répondis-je enfin après avoir essayé d'analyser ce que je ressentais exactement. J'y serais retournée de toute façon. Ce qui me dérange...c'est que tu m'ais mentis. Pourquoi ne me l'as-tu pas dit ? Tu avais peur que je me sauve en courant ?

— Vu nos retrouvailles plus que mouvementées, je ne vois pas trop à quel moment j'aurai pu te le dire, me répondit-il de son ton sec et cassant habituel qui me rassura presque.

— Dis-lui, murmura soudain Hannah d'une voix rauque et sifflante qui nous fit tous sursauter.

Je vis les mains de Jude se crisper brièvement sur le volant à l'entente de cet ordre chuchoté.

— Dis-lui...ou je le fais, finit-elle dans une quinte de toux éprouvante, qui nous fit tous grimacer.

— Me dire quoi ? repris-je pour éviter qu'elle ne se fatigue plus que nécessaire à répéter quelque chose qu'il avait parfaitement entendu.

Alors que j'attendais une réponse qui ne venait pas, je sentis la voiture commencer à décélérer pour finalement finir par tourner dans un petit chemin de terre quasiment invisible de la route et s'arrêter en douceur en plein milieu du sentier.

— Pourquoi tu t'arrêtes ? lui demandai-je un peu surprise.

— Parce que nous sommes arrivés, répondit-il laconiquement, son regard fixe semblant contempler la campagne morne s'étendant devant lui.

Nous étions déjà arrivés ? m'étonnai-je et m'inquiétai-je à la fois, pas du tout pressée de savoir ce que Charles me voulait exactement. Ce qui le connaissant, ne devait certainement pas être très bon pour ma santé. Pourtant je ne reconnaissais pas l'endroit et l'imposante maison n'était visible nulle part, quel que soit l'endroit où se porte mon regard.

— Laissez-moi là et partez, nous dit Hannah en essayant péniblement de se redresser.

Son mouvement réveilla Cassie, qui épuisée, s'était endormie pendant notre discussion et qui l'aida comme elle le put.

— Ne dis pas n'importe quoi, lui répondit Jude d'une voix douce et agacée à la fois, en descendant de la voiture.

Puis laissant sa portière ouverte, il ouvrit celle du côté où se trouvait Hannah et se penchant à l'intérieur de l'habitacle, entreprit de la prendre dans ses bras, avec une lenteur et une douceur extrême.

— Tu sais bien qu'il est hors de question que nous te laissions là, tu en mourrais, lui chuchota-t-il doucement à l'oreille tandis qu'il la déposait en douceur sur l'herbe recouvrant le bas-côté du chemin.

J'aurai pu être jalouse de la manière tendre dont il lui parlait et dont il avait rarement fait preuve à mon égard, mais curieusement non. Son comportement ne m'inspirait que du respect et ne faisait qu'accroitre les sentiments que j'éprouvais pour lui. Une fois qu'il se fut assuré qu'elle était relativement bien installée, il revint vers la voiture et nous fit signe d'en sortir.

— Vous vous souvenez de l'endroit où se trouve la maison en ruine où je vous avais emmené vous et Christina ? demanda-t-il à Worth en se tournant vers lui.

— Franchement, vous nous aviez fait faire tant de tours et de détours...que je ne suis sûr de rien, répondit ce dernier du ton neutre qu'ils avaient apparemment décidé d'utiliser l'un envers l'autre désormais.

— Si je vous donne quelques indications, vous pensez être capable d'y parvenir ?

— Avec quelques point de repères...oui, sans problème, répondit Worth visiblement sûr de lui à présent, ce qui sembla rassurer Jude.

— Très bien, prenez la voiture et emmener les filles là-bas. Vous pourrez vous soigner et reprendre les forces dont vous avez besoin. Je me charge de ramener Hannah et je vous rejoins après, nous dit-il d'un ton grave et calme.

Je cru entendre Hannah essayer de dire quelque chose, mais dans la brise matinal, ses frêles paroles ne parvinrent pas jusqu'à nous. Tandis que Cassie et Worth remontaient dans le 4x4, après que ce dernier ait pris les infos qu'il lui fallait auprès de Jude, je m'approchai de lui et stoppai son avancé d'une main sur l'épaule. Il se retourna et son regard se fit plus tendre lorsqu'il s'aperçut que c'était moi.

— Que devais-tu me dire ? lui demandai-je doucement, autant avec mon regard qu'avec ma voix.

— Rien qui ne puisse attendre que je ne vous ais rejoins, me dit-il tendrement et d'une voix rassurante, en repoussant une mèche rebelle de devant ma joue, d'un geste doux.

Puis il fit un pas en avant et prenant garde à ne pas me faire mal, me prit dans ses bras. Il me serra contre lui pendant un temps qui me parut bien trop court, puis m'écartant doucement de lui, m'embrassa tendrement.

— Allez...ils t'attendent, me dit-il avec un petit sourire, avant de me pousser doucement vers la portière passager.

Je montai à contrecœur, bien qu'un peu rassuré par sa brève étreinte. Je le regardai reprendre Hannah dans ses bras et commencer à s'éloigner d'un pas rapide à travers le champ voisin, tandis que Worth faisait demi-tour sur le chemin accidenté.

Alors que nous arrivions en vue de la route, une vague chaude et familière ma traversa soudain, semblant reprendre une place qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Puis une voix familière résonna à nouveau dans mon esprit, m'emplissant de joie et de crainte à la fois.

« Si tu le laisses partir...tu ne le reverras pas » m'avertit Féline de sa douce voix de panthère. 

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