Chapitre 11-2


— Et pourquoi seraient-ils allés dans le parc, alors que nous avions convenu de nous retrouver près de la voiture ?

— Sans doute un problème de timing ? Et peut-être parce qu'un aigle...ça ne sait pas ouvrir une portière tout seul, lui rétorquai-je sur un ton caustique, un tantinet agressif je dois bien l'avouer. Mais bon, à question idiote...

Il me lança un regard noir puis, semblant subitement réaliser quelque chose, stoppa net pour me fixer d'un regard étrange. Semblant subitement en proie à une intense réflexion.

— Comment se fait-il que la voiture soit verrouillée alors ? Soit ils sont déjà venus ici et repartis...où les clefs sont planquées quelque part, dit-il comme s'il se parlait à lui-même tandis qu'il faisait brusquement demi-tour pour retourner vers la voiture.

— Non...ils sont dans le parc, lui certifiai-je avec tellement d'aplomb que cela l'arrêta net dans son mouvement. Ils sont restés en vol plus longtemps que prévu et doivent être en pleine transformation inverse à présent. Il faut les retrouver...ils ont peut-être besoin d'aide, terminai-je d'une voix pressante tandis que la connexion entre Jude et moi se rétablissait subitement et qu'une vague de douleur sourde me submergeait me laissant pantelante.

— Peut-être, mais si nous pouvions déjà démarrer la voiture, nous gagnerions du temps au cas où ils arriveraient...

— C'est Jude qui a les clefs, m'énervai-je après Worth en me dirigeant obstinément bien que lentement, vers le terrain vague où j'avais à présent la certitude qu'ils se trouvaient...et où vraisemblablement, quelque chose se passait de travers.

— Ce n'est pas possible, il était en...

— Je sais...mais c'est possible ! l'interrompis-je d'un ton excédé, comprenant mieux certaines réactions excessive de Jude à certaines de mes questions (idiotes, je m'en rendais compte à présent) la semaine précédente.

— Les questions métaphysiques...ce sera pour plus tard ! Maintenant bougez-vous ! Les invectivai-je, inquiète et frustrée de ne pas pouvoir aller plus vite.

— Moi je reste là, nous sortit Cassie d'une voix fêlée et exagérément détachée, qui m'apprit qu'elle n'était pas loin du point de rupture.

Ce que je comprenais...nous avions tous besoin de sécurité, de repos et d'un paquet d'explication ! Mais franchement...c'était tout sauf le bon endroit.

— Personne ne reste seule...c'est trop risqué, lui rétorqua l'inspecteur de plus en plus sur le qui-vive, en me faisant signe de rester où j'étais d'un geste péremptoire de la main.

— Très bien, faites comme vous voulez, m'énervai-je soudain à bout de nerf. Vous voulez rester là, à attendre qu'ils nous retrouvent ? Parce que si c'est ça, ne changez rien...vous avez trouvé la bonne technique ! Moi je préfère rejoindre Jude et récupérer les clefs de la voiture, terminai-je en les plantant là.

J'en avais marre de me répéter, marre qu'on ne m'écoute pas, marre de cette situation pourrie...marre de tout ! C'est donc au bord de la crise de nerf et des larmes d'épuisement et de frustrations plein les yeux, que je repartis vers la friche en boitillant.

Je n'avais pas fait un pas entre les mauvaises herbes, que les ondes magiques d'une métamorphose en cours me frappèrent de plein fouet, me coupant la respiration et me faisant frissonner. Je m'arrêtai pour essayer de déterminer plus précisément d'où venais la sensation, quand j'entendis des bruits de pas derrière moi. Sachant que c'était Worth, je ne me retournai pas à son approche et une fois sûre de la direction à prendre, continuai mon chemin sans me soucier de lui.

Je marchai encore quelques mètres, contournai un bouquet d'arbustes épineux et débouchai sur un ancienne aire de jeu pour enfants. La cage à écureuil, à présent complétement rouillée, gisait tordue, faisant penser à la carcasse fossilisée d'un vieil animal disparu. Des balançoires, ne restaient plus que les portiques bancals, d'où pendait encore une chaîne, se balançant doucement avec un léger tintement dans la brise de l'aube. Bref...c'était lugubre !

Mon instinct me poussa vers un petit bâtiment carré, situé à droite du terrain et qui jadis avait dû être des toilettes. Les portes fracassées gisaient de guingois, ne tenant plus pour certaine que par un ou deux gonds rouillés. Je m'approchai en silence, résistant à l'envie d'appeler Jude, ce qui aurait été tout sauf malin.

— Christina...ce n'est pas prudent, me murmura Worth d'un ton sifflant, signifiant combien ce commentaire aurait dû ètre une évidence absolue, même pour moi.

— Ils sont là, lui répondis-je sur le même mode, sans même me retourner.

Je ne savais si c'était l'excès d'adrénaline, la douleur, la fatigue extrême ou les trois cumulés mais...il commençait vraiment à me taper sur les nerfs ! C'est donc en faisant quand même preuve de prudence que je m'approchai du cabanon et passai subrepticement ma tête à l'intérieur.

D'abord je ne vis rien, puis constatant qu'à l'évidence il n'y avait pas de danger imminent, je repassai ma tête à l'intérieur et laissai mes yeux s'habituer à la pénombre. Une forme pour le moment indistincte gisait à terre devant moi, remuant faiblement. Quasiment sûre qu'il s'agissait de Jude, je m'approchai et fut presque immédiatement repoussé par les assauts et les cris furieux d'un rapace en colère. Ou plutôt d'une, rectifiai-je pour moi-même, lorsque le reflet brun de son plumage m'apparut, lorsqu'elle passa dans un rai de lumière. Elle alla ensuite se poser à côté de Jude, fixant sur moi son petit œil agressif.

— Hannah c'est moi ! lui dis-je, levant mes mains devant moi en signe d'apaisement, pour qu'elle comprenne que je ne lui voulais pas de mal.

Pour toute réponse, j'eu droit à un cri perçant assorti d'un battement d'aile des plus dissuasif. Eh bien, pour une métamorphe à l'agonie...elle avait l'air plutôt en forme ! Je ne m'étais pas plutôt fait cette réflexion, qu'une onde de magie émanant de Jude, traversa la pièce la calmant instantanément. Puis sans que mes yeux n'arrivent véritablement à comprendre ce qu'ils voyaient, Hannah réapparut et s'écroula sur le sol.

— Que ce passe-t-il ? me demanda Worth d'une voix étrange, en apparaissant dans l'encadrement de la porte, bloquant le peu de lumière extérieur qui me parvenait.

— La transformation vient de s'achever, mais...je ne sais pas...il y a quelque chose qui cloche, lui répondis-je honnêtement en essayant de distinguer l'état de Jude dans la pénombre.

Le fait qu'il ne bouge pas, m'inquiétait un peu et...je ne savais pas vraiment pourquoi, mais j'avais le sentiment qu'il n'apprécierait pas de trouver Worth près de lui quand il reprendrait conscience.

— Vous ne m'aidez pas là, vous me bouchez la vue, dis-je d'un ton mal aimable à l'inspecteur, espérant ainsi le faire retourner à l'extérieur.

Ce qu'il fit sans se faire prier, à mon grand soulagement.

— Attrapez ! me dit-il subitement en me lançant un petit objet, au moment où il allait franchir le pas de la porte.

Je n'essayai même pas de le rattraper, sachant que de toute manière je n'y arriverais pas. L'objet tomba donc au sol avec un bruit métallique et je m'empressai d'aller le ramasser. Il s'agissait d'une petite lampe torche, que je fis retomber deux fois, avant de réussir à la saisir correctement. J'espérai pour l'inspecteur qu'elle était solide ! Je l'allumai et m'approchai de Jude, m'agenouillant à côté de lui.

— Éteint ça ! se plaignit-il d'une voix grincheuse et enrouée, tandis qu'il se recroquevillait sur lui-même pour échapper au rayon, pourtant peu puissant, de la lampe.

— Dépêchez-vous ! Il m'a semblé entendre du bruit, nous alerta Worth depuis l'extérieur, arrachant un grognement d'ours des cavernes à Jude, qui commença à se redresser péniblement.

— Il est encore là lui, commenta-t-il d'une voix grondante, tandis qu'il se penchait vers Hannah, sans doute pour vérifier son état.

— Où voudrais-tu qu'il soit...commençai-je avant de stopper net, pétrifiée par la vue de son dos.

Maintenant qu'il ne portait plus sa veste, sa chemise blanche partiellement déchirée laissait entrevoir une partie des vilaines cicatrices, que les coups de fouets de Charles lui avaient laissées et dont certaines saignaient encore ! À ça venait s'ajouter, une profonde entaille, certainement dû à un coup de couteau sur son bras droit, ainsi que diverses brulures, plus ou moins graves, sur tout le haut de son corps.

— Bor...Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu étais blessé ? l'accusai-je d'une voix trop aiguë à mon gout tandis, qu'il se tournait lentement vers moi.

— Parce que cela n'aurait rien changé et...pour éviter ce genre de réaction, me dit-il en essayant d'atténuer ses paroles par un petit sourire. C'est que je commence à te connaitre...

Il me regarda avec tendresse durant quelques secondes et même si ce n'était vraiment pas le bon moment, nos têtes s'inclinèrent spontanément l'une vers l'autre.

— Il faut y aller...maintenant ! nous interrompit Worth en déboulant à l'intérieur comme un char d'assaut.

Jude lui lança un regard à la fois hostile et réfrigérant, avant de se lever avec difficulté. Puis, sans prononcer un mot, il se pencha et prit Hannah dans ses bras.

— On vous suit, lui dit-il d'un ton péremptoire, tout en lui lançant un long regard suspicieux.

L'inspecteur paru surprit, mais ne releva pas et se contenta de nous conduire jusqu'à la voiture dans un silence quasi complet. Arrivés à l'orée du terrain vague, Worth nous fit stopper derrière un petit bouquet d'arbuste.

— On ne les voit pas, mais je suis sûr qu'ils sont là. Vous avez les clefs ? demanda-t-il à Jude en tendant une main vers lui.

— Dans ma poche, répondit-il tout en me jetant un petit coup d'œil explicite.

Je m'empressai donc d'aller les récupérer dans sa poche gauche et les tendis à Worth.

— La clef a assez de portée pour que je puisse ouvrir d'ici ?

— Normalement oui. Mais je ne vois pas à quoi cela va vous servir, à part à alerter toute la cavalerie alentours !

— Cassie est dissimulée juste à côté. Elle pourra ainsi se mettre à l'abri à l'intérieur, le temps que nous la rejoignons, lui expliqua-t-il d'un ton impatient.

Puis sans attendre, il passa à l'action. Le bip de déverrouillage des portières sembla résonner comme un coup de tonnerre, dans le silence ouaté de l'aube. Sans attendre nous nous précipitâmes vers la voiture qui heureusement pour nous n'était pas très loin, car les coups de feu débutèrent dès que nous fûmes à découvert. Worth nous couvrit en ripostant à l'aveuglette, mais cela nous permis d'attendre la voiture en un seul morceau. Cassie déjà à l'intérieur avait ouvert les portières de notre côté et nous nous engouffrâmes à l'intérieur.

Worth, prit le volant et démarra sur les chapeaux de roues, laissant certainement une magnifique trace noire sur le bitume ! Puis avec une conduite digne d'un pilote de rallye, nous fit sortir de la ville en un temps record.

— Arrêtez-vous ! lui ordonna Jude, alors que nous roulions à vive allure sur une petite route traversant un bois.

— Je ne vais pas m'arrêter ici c'est ridicu...

— Arrêtez-vous...maintenant ! gronda-t-il d'une voix puissante et maîtrisée, qui enlevait instantanément toute envie de lui désobéir.

Worth s'exécuta de mauvaise grâce, visiblement surprit et en colère, s'arrêtant brusquement sur l'accotement terreux bordant la route. Avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit, Jude était sorti de la voiture. Il la contourna en deux seconde, ouvrit la portière conducteur et arracha Worth de son siège en l'attrapant par le col de son tee-shirt, avant de le plaquer violemment contre un arbre.

— Je crois que nous avons des choses à nous dire tous les deux, gronda-t-il à quelques centimètres de son visage. 

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