XXXIV

Seokjin avait quitté précipitemment son appartement au-dessus de sa boutique et avait descendu à toute vitesse les escaliers menant à cette dernière. Il avait eu un mauvais pressentiment, ou plutôt une intuition soudaine qui l'avait poussé à vérifier quelque chose. Quoi donc ? Il ne le savait pas encore mais n'allait pas tarder à le découvrir. Lorsque son pied nu toucha le parquet du magasin d'antiquités, une ambiance lugubre l'accueillit. Les meubles ainsi plongés dans la pénombre avaient une allure fantômatique, on distinguait des formes saugrenues et terrifiantes qui s'apparentaient plus à des spectres qu'à des meubles antiques et d'une richesse historique.

Lentement, l'antiquaire s'avança vers cet endroit qu'il connaissait par coeur mais qu'il peinait à reconnaître ainsi dans le noir. Il n'osait pas allumer la lumière et pour une raison qui lui était inconnue, son coeur battait à toute allure et il pouvait sentir le sang bouillir dans ses veines. Ses doigts effleurèrent le comptoir en marbre pour se rassurer, il avait trouvé un repère et savait à présent où se diriger. Jin avança vers les étagères, touchant à tâtons les livres comme pour vérifier si ceux-ci étaient toujours là.
Mais ce n'était pas ce qu'il cherchait, ce n'était pas eux qui l'avaient poussé à descendre aussi vite, il le savait pertinemment.

Les rayons de la lune qui fusaient à travers la vitrine l'aidèrent à voir un peu mieux et il se dirigea vers le coin détente de sa boutique, coin aggrémenté de fauteuils colorés dans lesquels il aimait s'asseoir pour boire son thé, lire un livre ou converser avec ses clients. Il avait une bonne relation avec ces derniers, il les conseillait autour d'une boisson chaude et les aidait dans leurs fouilles car oui, dans le magasin de Seokjin, l'on venait non pas pour chercher un objet particulier mais pour fouiller dans tous les recoins à la recherche de la perle rare, de l'antiquité qui satisferait leur curiosité.

Le jeune homme s'installa sur un des fauteuils en soupirant tristement, puis il leva les yeux vers la petite fenêtre au plafond dans laquelle se reflétaient des étoiles par milliers. Il songea que son intuition lui avait probablement joué un tour, après tout c'était la nuit de Noël, nuit de tous les "miracles", il s'était probablement un peu trop emballé. L'antiquaire se releva, il était finalement descendu pour rien et cela le déprimait encore plus, mais alors qu'il s'apprêtait à remonter l'escalier menant à son appartement, un des rayons de lune lui indiqua un objet posé sur une étagère qui produisit une légère étincelle.

Intrigué, Seokjin se dirigea vers cet éclat particulier, se demandant s'il s'agissait là d'une autre hallucination mais il y avait bien quelque chose sous ses yeux. C'était un sablier, celui qu'il avait contemplé une fois lorsque les astres brillaient de mille feux. Il se souvint avoir observé le sable tomber avec beaucoup d'attention, et, nostalgique de cette nuit si féerique, il tendit le bras vers l'objet mesureur du temps pour le contempler. Or, cette fois-ci il n'y avait rien à contempler car le sable ne coulait plus. Le sablier s'était arrêté, il s'était figé dans une temporalité que l'antiquaire devina tout de suite.

- Namjoon, murmura-t-il alors qu'un fin sourire apparaîssait sur ses lèvres.

Alors ainsi un autre chibi était parvenu à briser la malédiction, leur malédiction, et était redevenu humain. Cette simple pensée réchauffait le coeur de Seokjin, il imaginait parfaitement le bonheur qu'avait dû ressentir l'ancien chibi aux cheveux violets en se voyant devenir un beau et grand jeune homme. Son humain devait être dans le même état de joie et l'antiquaire leur adressa une tendre pensée, il leur souhaitait beaucoup de bonheur.

Une seule chose cependant le taraudait légèrement, il pensait que le premier des deux à briser la malédiction serait Jimin. Premièrement car il était celui qui semblait y penser le plus souvent, étant venu lui demander plusieurs fois conseil, mais également car cette nuit là les étoiles avaient brillé pour le chibi aux cheveux roses et non pas pour celui aux cheveux violets. Même les astres pouvaient se tromper ? Le destin était vraiment imprévisible.

Un bruit sourd ramena l'antiquaire à la réalité et il sursauta vivement en posant une main sur sa poitrine qui se soulevait plus rapidement qu'auparavant. Il se leva prudemment, inspectant les environs, et il rechercha rapidement à identifier la source de cette nuisance soudaine, était-ce un coup de vent ? Quelque chose qui était tombé ? Il ne semblait pas y avoir un quelconque problème, la porte de la boutique était bien fermée à clé et à vue d'oeil il n'y avait rien par terre. Avait-il halluciné ?

L'antiquaire resta quelques secondes immobile au beau milieu de la pièce, attendant qu'un autre bruit se manifeste mais il attendit plusieurs minutes sans résultat. Il souffla bruyamment, il devait être fatigué et son esprit peu conscient lui jouait des tours. Seokjin secoua sa chevelure en espérant que ça allait remettre ses idées en place et, presque déçu ne pas avoir trouvé quoi que ce soit d'intéressant pour égayer son Noël en solitaire, il se décida à remonter dans son appartement.

Mais soudain, un nouveau bruit vint l'interrompre dans son mouvement. Un bruit beaucoup plus distinct et qu'il avait cette fois parfaitement entendu. Son pied resta en suspens au-dessus de la marche en bois alors que son regard se baladait à nouveau dans la boutique.

- Il y a quelqu'un ? demanda-t-il dans un ton hésitant et inquiet.

Il descendit prudemment et attendit à nouveau, mais il semblait n'y avoir personne. L'antiquaire répéta sa question, d'une voix légèrement plus forte. Ça ne servait probablement à rien puisque personne ne risquait de lui répondre mais Seokjin avait besoin de se rassurer. Le jeune homme se dirigea vers la vitrine de sa boutique et sortit un trousseau de clés de sa poche, il était fort possible que le bruit vienne de l'extérieur et il voulait vérifier par lui-même que ce soit le cas.

Un vent frais l'accueillit et caressa sa chevelure, l'antiquaire serra un peu plus fort les pans de son gilet contre son torse afin de se réchauffer. Le paysage enneigé face à lui ne présageait aucune menace, au loin la lune le saluait presque avec ses rayons lumineux. Seokjin n'osa faire un pas en avant, à cause de la neige qui risquait de mouiller ses pieds et il recula finalement, se décidant à refermer la porte. Rien à signaler. Était-ce encore une hallucination ? Il ne le savait point, pourtant une partie de lui était consciente qu'il y avait bien quelque chose d'étrange qui se tramait.

Et là, il entendit à nouveau un son. Le son d'une voix. Une voix qui appelait son nom.

L'antiquaire releva les yeux vers la vitre, son coeur ayant soudain triplement augmenté ses battements. Il l'avait déjà entendue cette voix, dans ses rêves les plus beaux et il y a quelques années de cela. C'était la première fois qu'il l'entendait aussi clairement depuis, il se souvenait encore du sourire de celui qui parlait, ce sourire qui étirait ses jolies lèvres roses. Ce sourire qui l'avait tant rassuré une fois, qui suffisait à le rendre heureux, ce sourire qu'il aimait tant.

- Jungkook... murmura-t-il alors que des larmes se formaient dans ses yeux.

Dans le reflet de la vitrine, il y avait un jeune homme en uniforme militaire. Ses cheveux noirs rasés courts étaient décoiffés et il paraîssait épuisé, mais il gardait un sourire éblouissant malgré ses joues légèrement creuses et son teint pâle. Il tenait à peine debout et ses vêtements flottaient, symbole de sa maigreur suite à un rude entraînement. Mais ce que Seokjin voyait, c'était son regard fixé sur lui qui l'observait avec émotion et fierté, presque avec nostalgie et c'est là que le jeune homme comprit que cette fois ce n'était plus un rêve, ni une hallucination, mais la réalité.

La porte s'ouvrit à nouveau, l'antiquaire ne savait pas si c'était lui ou l'homme de l'autre côté qui avait fait le premier pas mais il n'y avait plus aucune frontière entre les deux, plus rien qui ne pouvait les séparer. Dans un geste commun, délicat et un peu timide, ils s'avancèrent l'un vers l'autre et s'étreignirent avec force afin de s'assurer que ce qu'ils vivaient en ce moment-même était bel et bien vrai.

Le militaire s'écarta après quelques minutes ponctuées de sanglots et il essuya les larmes qui mouillaient les joues tendres de l'antiquaire, il les pressa entre ses grandes mains et sourit tendrement à son compagnon de toujours avant de coller leurs fronts.

- Je suis de retour, mon chibi.

◇○◇○◇

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top