- Yoongi m'étonnera toujours ! exclama Taehyung en riant. Qui aurait cru qu'il se serait inscrit à un cours supplémentaire alors qu'il est en vacances ?

- Il avait totalement oublié, sourit Jimin, assis aux côtés de Namjoon sur la table du salon du petit appartement du brun. Si son professeur le lui aurait pas rappelé hier soir, il n'y serait pas allé.

- Ça m'étonne pas de lui... laissa échapper le chibi aux cheveux violets qui écoutait leur conversation à moitié, plongé dans un nouveau roman.

- Namjoon tu es encore en train de lire ? le gronda son humain. Alors qu'on a un invité de marque présent ?

- C'est que maintenant que tu t'en rends compte ?

Jimin laissa échapper un rire, l'ambiance était toujours aussi joyeuse dans l'appartement de Taehyung. Il n'était pas si mécontent d'avoir appris que son humain n'était pas là de la journée, ça lui laissait un peu de temps pour réfléchir à toute cette histoire entre les deux. Il s'était dit qu'il pourrait rester chez ses deux amis pour ne pas s'ennuyer et ces derniers avaient accepté avec joie. Le brun était venu le chercher en scooter et pour la première fois, Jimin avait senti ce que ça faisait d'aller très vite. Heureusement qu'ils étaient fermement enfermés dans une sacoche avec Namjoon, le chibi avait eu très peur de s'envoler !

- J'aurais aimé qu'on fasse un truc sympa tous les trois... commença le brun qui grimaça soudainement en remarquant qu'il avait loupé une maille sur l'écharpe qu'il tricotait. Mais je dois absolument finir ça pour ma grand-mère, je lui avais promis.

- Et après tu me dis que je ne dois pas lire ! pesta Namjoon qui avait jeté son roman à l'autre bout de la table, mécontent d'avoir été interrompu en pleine lecture.

- Oui Namjoonie mais c'est un cas de force majeure moi !

- Ne vous chamaillez pas ! exclama le chibi en essayant de calmer les deux garçons, mais il se doutait que ce genre de petites disputes était habituel entre eux. Finis ton écharpe Taehyung, on trouvera quelque chose à faire de notre côté.

- Ah merci beaucoup Jimin, en voilà un chibi gentil.

Namjoon leva les yeux au ciel et s'assit en croisant les bras, se retenant de retourner lire pour énerver son humain.

- Je suis vraiment impressionné, continua le rosé qui admirait le travail du brun. Tu sais vraiment tout faire Taehyung.

- Moi ? Mais non. Appart la poterie, le tricot, la cuisine et la couture je ne sais rien faire d'autre.

- Ça fait déjà beaucoup !

- Il veut que tu lui jette des fleurs, lui murmura le violet en lui donnant un petit coup de coude discret.

- Bah il a bien raison, lui chuchota Jimin en retour. Je sais rien faire de tout ça moi !

- Eh c'est quoi ces messes basses ? demanda Taehyung qui finit par remarquer leur cinéma.

- Rien ! exclamèrent-ils en choeur.

- Mouais je vais vous croire... Au fait, Jimin. Namjoon m'a parlé de ce qu'il s'est passé avec Yoongi, ça ne te dérange pas que je sois au courant ?

Le rosé sentit ses joues rougir et il adressa un regard à son compagnon de taille qui haussa les épaules en chuchotant un "désolé".

- N-Non pas particulièrement... Il se gratta la nuque, un peu gêné. En fait, c'est bien que tu sois au courant. J'aimerais bien avoir ton avis.

- Je vois.

Le brun sourit et posa son travail sur un panier contenant tout son matériel de tricot, puis il rapprocha sa chaise de la table où étaient assis les chibis pour mieux discuter.

- J'admire beaucoup Yoongi hyung, ça n'a pas dû être facile de te dire ce qu'il pensait avec autant d'honnêteté. Surtout quand je me dis, sans vouloir te vexer Jimin, qu'une relation entre vous deux serait... Particulière avec votre différence de taille.

- Les amours impossibles c'est ce qu'il y a de plus beau ! intervint Namjoon, les sourcils froncés.

- Mais qui a dit que c'était un amour impossible ? On est pas dans un de tes livres farfelus voyons.

Le chibi aux cheveux violets leva les yeux au ciel en marmonnant un "bande d'ignorants".

- Leur amour est tout à fait possible, je dis que c'est particulier parce que ça peut surprendre, c'est vrai, mais c'est ce qui fait leur relation est unique. Accepter que l'autre soit différent, c'est ça qui est beau.

- Mais je ne suis même pas certain de ce que je ressens pour Yoongi... bafouilla Jimin, confus.

- J'ai pas bien dû m'exprimer, reprit Taehyung en se grattant la nuque. Laissez-moi vous raconter une histoire qui vous permettra d'y voir plus clair, et ouvrez bien les oreilles parce que c'est pas tous les jours que je vais raconter ma vie hein !

Les deux chibis, obéissant, étaient toute ouïe.

- Quand j'étais plus jeune, il y avait cette fille dont j'étais amoureux...

- QUOI ? le coupa Namjoon en se levant subitement. Tu ne m'as jamais raconté ça !

- Argh mais j'avais dit d'écouter tranquillement ! le sermonna son humain, le forçant à se rasseoir en pressant son doigt sur la chevelure violette. Tu te plaindras après !

Jimin restait silencieux, Taehyung n'avait prononcé qu'une seule phrase et cela avait déjà suscité son intérêt. C'était bien la première fois qu'il entendait le jeune homme parler de lui.

- J'étais amoureux mais je ne m'en étais jamais rendu compte et encore aujourd'hui j'ai des regrets à ce sujet. Cette fille, elle n'était pas dans ma classe mais je la remarquais toujours car elle avait une particularité qui faisait qu'on la remarquait tout le temps... Elle était en fauteuil roulant.

Il avala sa salive, ses mains tremblaient légèrement.

- Malgré son handicap, elle avait une joie de vivre incroyable. Elle était toujours souriante, enjouée... Un véritable rayon de lumière. Et plus je la regardais, plus je voulais aller lui parler. Un jour j'ai passé le cap, on est devenus amis et on a commencé à beaucoup se voir. Je ne m'en rendais pas compte mais j'étais chaque jour un peu plus amoureux d'elle, j'étais juste un profond demeuré. Autour de nous, les gens nous regardaient avec beaucoup de mépris. Comme si nous n'avions pas le droit d'être ensemble, comme si le monde voulait m'interdire d'aimer quelqu'un de "différent".

- Taehyung... murmura Namjoon en voyant les yeux de son humain voilés de larmes.

- C'est rien Joonie, je suis juste un peu ému. Héhé... Le brun essuya ses larmes en riant. Ça fait longtemps que je n'avais pas évoqué cette histoire.

- Comment ça s'est terminé ? osa demander Jimin, sa main serrant sa poitrine.

- Je n'ai jamais pu lui confier mes sentiments, j'ai fini par me taire par la peur du regard des personnes et au cours de l'année elle a fini par quitter l'école pour aller dans un établissement spécialisé. C'est là que je me suis rendu compte de mon erreur.
Son handicap, c'est ce qui la rendait si spéciale à mes yeux et pas dans un sens négatif non. Je l'aimais car elle n'était pas comme les autres et elle l'assumait plus que quiconque, j'ai juste été trop stupide pour m'en rendre compte.

Son histoire finie, il observa la réaction de ses auditeurs et manqua de faire un bond en arrière en voyant leurs petits visages inondés par les larmes.

- Mais non il ne faut pas pleurer ! s'écria-t-il en courant chercher des mouchoirs. Je voulais pas plomber l'ambiance ! Zut alors !

- C-C'est beaucoup trop triste ! chouina Namjoon qui, une fois un tissu de papier en main, se moucha bruyamment. Ça ferait un superbe roman tragique.

- N-Namjoon arrête de plaisanter dans un moment pareil ! piailla Jimin entre deux sanglots.

- Si je savais que vous auriez pleuré je me serai abstenu de tout vous raconter. Taehyung fit une moue de désapprobation. De base je voulais juste donner un exemple, après j'ai pas choisi le meilleur mais bon...

Il s'accroupit pour être à la hauteur du visage du rosé et il posa un main sur sa petite tête larmoyante.

- Tout ça pour te dire Jimin, c'est que je n'ai pas dit ce que je ressentais à cette fille parce que j'avais peur du regard des autres. J'ai toujours pris son handicap au sérieux, je ne m'en moque pas du tout et je sais que cette situation n'est pas du tout comparable à celle entre toi et Yoongi. J'ai laissé ma propre peur me submerger parce que je n'avais pas assez confiance en moi et aujourd'hui j'ai des regrets. C'est pour ça que tu dois parler de tes sentiments à Yoongi, peu importe lesquels, dis-lui ce que tu ressens au plus profond de ton coeur. Il faut qu'il le sache, ou un jour tu le regretteras toi aussi.

Le chibi hocha frénétiquement la tête, essuyant ses larmes sans succès. Il n'aurait jamais imaginé entendre une histoire aussi triste, ça l'avait touché au plus profond de son coeur.

- Merci de m'avoir parlé de ton histoire Taehyung, je suis vraiment désolé.

- Ce n'est rien enfin ! Le brun se leva et se retourna pour s'étirer. C'est du passé maintenant, de toute façon elle ne se souvient sûrement plus de moi.

Les deux chibis lui firent un sourire compatissant et ne rajoutèrent rien d'autre, Taehyung avait certainement envie de changer de sujet.

- Bon, bon... fit Namjoon en toussotant. Je me remets de mes émotions pour confirmer les mots de mon cher humain. Petit Jimin il faut que tu mettes de l'ordre dans ta tête, ainsi tu y verras plus clair.

- Je sais bien, mais à chaque fois que j'essaye de parler à Yoongi je bafouille et je me confonds dans mes mots ! Pourtant à chaque fois je me prépare des dizaines de fois dans ma tête...

- Hm... Pertes de mémoire, bafouillements... murmura le chibi aux cheveux violets en ajoutant ces mots à son bloc-notes, sorti encore une fois d'on ne sait où.

- Et si tu lui écrivais une lettre ? proposa soudain Taehyung. Tu pourrais noter tout ce que tu veux lui dire tout en étant sûr de ne rien oublier.

- Oh c'est une bonne idée ! Tu sais écrire Jimin ?

- Oui.

- Alors c'est parfait ! exclama le brun, enthousiaste. Je vais te donner une feuille avec des mines de crayon, ça devrait être plus facile pour écrire qu'avec un crayon entier. Je reviens !

Il se précipita dans une autre pièce en manquant de trébucher sur une pelote de laine qui traînait par terre.

- Sacré Taehyung... J'avais jamais entendu cette histoire, avoua Namjoon en soupirant.

- Je n'aurais jamais imaginé ça non plus...

Jimin posa une main sur l'épaule de son ami chibi, ça avait dû lui causer une grande surprise d'apprendre cela.

- Bon... Le violet écarta ces pensées d'une main. Qu'est-ce que tu penses écrire à Yoongi ?

- Je verrais sur le moment, j'ai pas trop d'idées là... Oh je pourrais lui faire un joli dessin, ce serait bien comme cadeau de Noël non ? suggéra le rosé.

- Tu peux faire ça. Je comptais aussi faire un dessin à Taehyung, en même temps avec notre taille on est assez limités niveau cadeaux.

- On pourrait faire un dessin à Seokjin aussi. Ça devrait lui faire plaisir.

La mine du rosé s'assombrit, l'antiquaire n'avait plus son humain à ses côtés ce qui signifiait qu'il passerait ses fêtes tout seul. Le rosé ne pouvait pas s'empêcher de lui adresser une pensée particulière, priant pour son bonheur.

◇○◇○◇

Seokjin faisait remuer incessement la cuillère dans sa tasse de thé, tout en gardant les yeux rivés vers la petite fenêtre au plafond de sa boutique. Il n'avait pas remarqué que son breuvage avait refroidi tant son expression sérieuse détaillait les étoiles, ses sourcils froncés depuis plusieurs minutes étaient fixés sur un point invisible dans le ciel.

Une lettre était posée sur ses genoux, scellée dans une enveloppe jaunie, or l'antiquaire savait pertinemment quel était son contenu.

- Jungkook... murmura finalement l'homme, reprenant doucement ses esprits. Où es-tu donc maintenant ?

Il porta la tasse à ses lèvres qui frémirent au contact froid du thé. Il grimaça et la posa sur la table en se prenant la tête, ses pensées l'avaient à nouveau envahi et il avait perdu la notion du temps. Encore un thé de gâché, songeait-il tristement.

La période des fêtes le rendait toujours nostalgique, c'est à ce moment là que son humain l'avait quitté pour partir accomplir sa tâche de citoyen. Pour la première fois, il avait fêté Noël tout seul et depuis deux ans, cela avait toujours été le cas. Cette fête, pour Seokjin, était devenu un fardeau car il ne pouvait plus voir la personne la plus chère à son coeur. Sa seule façon de se sentir connecté à Jungkook était cette lettre qui lui avait été envoyée il y a deux ans, le dernier signe de vie qu'il avait reçu de son humain.

C'est ainsi qu'encore une fois, après avoir soupiré longuement pour se donner un peu de courage, Seokjin ouvrit l'enveloppe et commença à lire.

Cher Seokjin, comment vas-tu ?

Je suis bien arrivé à destination, le trajet s'est passé sans encombres et ceux qui m'accompagnent sont, de ce que j'ai vu, des personnes très admirables. Mais pas autant que toi, mon magnifique chibi.
Les entraînements sont très rudes, j'ai eu beaucoup de peine à m'adapter. Si tu m'aurais vu, je suis certain que tu aurais beaucoup ris. Je commence petit à petit à prendre mes marques, heureusement que nos généraux sont sévères avec nous car à force de nous répéter les mêmes choses elles finissent par entrer et tu sais à quel point je suis tête en l'air. Ce soir d'ailleurs, ils nous ont prévu un petit festin pour Noël, n'est-ce pas formidable ? J'ai bien besoin d'un bon repas, ce qu'ils nous donnent habituellement n'est pas très bon honnêtement...

Je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour toi, mon chibi. Je sais que tu es quelqu'un de très autonome et on en a beaucoup parlé avant mon départ mais tu sais que je tiens vraiment à toi. Ça ne fait que deux semaines qu'on est séparés et pourtant j'ai l'impression que ça fait une éternité, allons-nous vraiment réussir à tenir deux ans ? Aujourd'hui est un jour censé être si beau, mais je ne peux pas me forcer à être heureux alors que tu n'es pas avec moi. Tu dois te sentir si seul dans notre appartement. Ai-je vraiment fait le bon choix de te laisser là-bas Seokjin ? On s'était promis de rester ensemble pour toujours.

Ah je devrais arrêter de dire ça, tu vas de nouveau me faire la morale je le sais. Tu me dirais "si tu n'y vas pas maintenant tu devras bien y aller un jour !" Je te vois bien faire ça, avec tes petites joues gonflées. Je garde confiance, ne t'en fais pas. Je suis certain que tu te portes bien, après tout je t'ai laissé tous les conforts possibles pour ta petite taille ! Tu peux grimper n'importe où et tu as un stock illimité de feuilles, comme ça on pourra s'envoyer autant de lettres qu'on voudra.

Je vais bientôt devoir y aller, je pourrais passer la soirée à t'écrire mais pour cela il faudrait que j'écrive un roman et ça c'est toi qui le fais, pas moi. D'ailleurs en parlant de ça, je relis sans cesse les livres que tu m'as donnés avant de partir. Tu as vraiment un talent fou Seokjin, tu devrais vraiment les publier. J'ai vraiment bien fait de t'offrir une machine à écrire, tu peux facilement donner vie à toutes les histoires incroyables qui te passent par la tête.

Tu sais, j'ai fini par comprendre en lisant tes oeuvres quelle était la solution pour briser la malédiction. Depuis le début tu l'avais écrit dans tes oeuvres, tu es vraiment un petit cachottier. Ça me donne encore plus hâte de rentrer à présent, tu auras sûrement repris ta taille normale et je pourrai enfin te serrer dans mes bras. Tu as intérêt à ne pas me dépasser par contre ! J'aime beaucoup trop te taquiner sur ta petite taille pour ça.
J'ai vraiment hâte de te revoir, je te promets de ne plus jamais te lâcher à l'avenir.

Avec toute mon affection, je te souhaite de très bonnes fêtes.

Ton Jungkook

L'antiquaire essuya les larmes qui coulaient le long de ses joues et reporta son regard vers le ciel, seul témoin de sa tristesse.

- Tu me l'as promis, dit-il d'une voix tremblante, alors encore ce Noël je t'attendrai.

Il eut besoin de quelques minutes pour se calmer, il laissait sa peine prendre le contrôle pour se libérer de toute la souffrance qu'il gardait en lui tout au long de l'année. L'antiquaire ne pleurait jamais, il ne se le permettait qu'en cette période si particulière pour rendre hommage à son humain si cher à ses yeux.

- Tu me manques tellement... Il serrait la lettre de toutes ses forces contre son torse. J'ai tellement envie de te montrer l'homme que je suis devenu...

La dernière fois qu'il l'avait vu, il n'était encore qu'un chibi si petit. Aujourd'hui, il avait accompli tous ses rêves les plus chers, il avait voyagé, couché sur le papier toutes ses aventures, rencontré tant de personnes... Mais sans l'humain qui lui avait tout donné, il se sentait comme une coquille vide.

La photo du jeune militaire posée sur la table, près de la tasse de thé, avait émis une lueur silencieuse que l'antiquaire recroquevillé sur lui-même ne remarqua pas ; un peu comme si le jeune homme voulait le consoler d'une manière ou d'une autre.

◇○◇○◇