Épreuve


Sans un mot, Masky referma la porte de l'appartement derrière lui. Avec un soupir las, il se dirigea droit vers le canapé et s'y effondra, épuisé et  perclu de douleur. Il fit remuer lentement ses articulations douloureuses, encore à peine remis de sa dérouillée de l'avant-veille. Il repensa un instant à la fureur de Slenderman quand il avait découvert ce qu'avait fait Alysse. Il était entré dans une colère insoutenable lorsque les garçons lui avaient rapporté sa fuite, et les avait aussitôt envoyé à sa recherche pour la retrouver coûte que coûte. Malheureusement au petit jour Alysse était restée introuvable et Slender n'avait rien trouvé de mieux à faire que de faire passer sa fureur sur ceux qu'il tenait responsables de cette "catastrophe" comme il le disait si bien.

Replongeant dans ses souvenirs, Masky revit la porte de la cave se refermer violemment juste derrière eux, Jeff et Jack se rapprocher de lui en regardant fixement l'endroit où se tenait Slender dont l'aura menaçante emplissait toute la pièce. Il se souvenait avoir été submergé par les tentacules noirs et sournois qui avaient fini par les attraper, et après ça la suite n'était plus que noir, douleur et chaos.

Ils s'étaient réveillés plusieurs heures plus tard, blessés et enfermés dans la cave jusqu'à ce que Laughing Jack entende leurs appels à l'aide et vienne les sortir de là. Depuis, Slender avait disparu et personne n'était en mesure de dire quand il reviendrait. C'était donc aux Proxys de veiller tant bien que mal sur la petite communauté, gérant comme ils le pouvaient les petites broutilles et maintenant une paix toute relative dans l'immeuble. Depuis toujours beaucoup de creepypastas étaient en concurrence voir en guerre ouverte, mais Slender étant le plus puissant, personne n'osait s'attaquer ouvertement à un autre de peur de ses représailles. Maintenant qu'il avait disparu, ses Proxys couraient partout pour empêcher les creepypastas de poignarder leurs camarades par-derrière, ou pour séparer ceux qui se battaient ouvertement les uns contre les autres. Les disputes étaient fréquentes, et sans quelqu'un d'assez puissant pour faire régner la loi, tout ces meurtriers risquaient bien de commettre un véritable génocide au sein de leurs propres rangs...

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Je suis docilement Jack Frost jusqu'à une grande salle vide, avec juste une cheminée dans un coin et quelques coussins disposés autour (ok du coup on peut pas dire que la salle soit tout à fait vide du coup ). Il m'invite à m'installer sur un coussin et fait de même en face de moi.

- Alors Alysse, à part grogner et changer la couleur de tes yeux, qu'est ce que tu sais faire avec tes pouvoirs ? Voler non ?

-Euh, oui, enfin on va dire que j'y arrive une fois sur deux...

J'entreprends alors de lui raconter l'épisode de la veille, lorsque je me suis enfuie en sautant par la fenêtre et que mes ailes se sont déployées peu avant que je ne touche le sol. Je lui parle aussi de la fois où l'on s'était perdu en ville et que j'ai voulu prendre mon envol pour retrouver mon chemin, mais où cette fois je n'avais pas réussi à me transformer. Il m'écoute sans rien dire, visiblement perplexe. Il sait déjà que je suis capable de me transformer entièrement, comme il en a eu la démonstration lors de ma dernière visite ici, mais je lui rapporte aussi la fois où j'ai pris mon apparence de dragon pendant la dispute avec Jane, lors d'un entraînement.
Tout en m'écoutant, il s'est levé et a ouvert une sorte de placard en partie dissimulé dans le mur et que je n'avais pas remarqué. Il semble chercher quelque chose de précis et sort bruyamment tout sortes d'objets bizarres qu'il éparpille par terre tout autour de lui.

- Ça y est je l'ai trouvé !!

Intriguée, j'attrappe la petite boîte de bois noir qu'il me lance et l'examine sous tous les angles pendant que Frost range un peu son bordel. La boîte est fermé avec un petit locquet et je la trouve plutôt lourde pour sa taille. Sur le dessus, des ailes argentées ont été finement gravées et sur les côtés des oiseaux décolorés sont encore visibles.
Une fois qu'il a fini son petit rangement, Jack me reprend la boîte des mains avec un grand sourire:

- J'imagine que tu dois te demander ce qu'il y a là-dedans ?

- Moui...

- Et bien tu ne vas pas tarder à le savoir ! Mais avant, sâche que cette salle a été conçu exprès pour que les Gardiens puissent utiliser librement leurs pouvoirs, donc tu peux y aller franco !

Il pousse le loquet et ouvre la boîte, me dévoilant son contenu. À l'intérieur, posée dans un renfoncement de velours noir se trouve une petite sphère argentée, parcourue de rainures et finement gravée. Alors que j'approche la main pour la toucher, elle se met à trembler et un déclic se fait entendre. Je recule prudemment, méfiante, et observe les changements de la petite boule. Les différentes parties se séparent et se réassemblent, tournant dans tous les sens à une vitesse vertigineuse. Soudain, deux paires d'ailes diaphanes surgissent de part et d'autre de l'objet et se mettent à battre si vite que je ne distingue plus qu'une vague zone flou à leur emplacement initial. Prise d'un doute sur la nature de l'objet, je ne pus m'empêcher de demander à Jack Frost un peu plus de détails :

- Qu'est ce c'est que ça ? Ce n'est pas dangereux au moins ?

- Bien sûr que non ! Si tu as le don de voler, ça devrait pouvoir t'aider. On appelle ça une Balvive.

- Et en quoi ça pourrait m'aider à voler ?

Son sourire s'agrandit encore et il met un peu de temps à répondre, ce qui ne me rassure pas vraiment...

- Ton but, c'est de l'attraper, ok ? Et tu ne sortiras pas d'ici tant que tu n'ajras pas réussi !

- Quoi ? Mais...

Soudain, la Balvive se soulève délicatement de son reposoir, quittant sa boîte. L'espace d'un instant elle se met à tourner lentement sur elle-même, puis elle s'éloigne de nous, de plus en plus rapidement. Je la suis des yeux, incapable de détacher mon regard de ses reflets d'argent. Il faut que j'attrappe cette chose ? Curieusement ça me fait penser au Vif d'Or dans Harry Potter...

- Bon, et bien bonne chance et à toute à l'heure ! 

Brusquement tirée de ma contemplation, je me retourne juste à temps pour voir la porte se refermer derrière Jack Frost. Je me jette dessus et tente de l'ouvrir mais c'est trop tard, la porte s'est refermée ! Je tambourine sur le panneau de bois, vaguement inquiète à l'idée d'être enfermée sans moyen de sortir.

-Hé Jack attend ! Comment je suis censé faire ?? Et si je n'arrive pas à l'attraper ? Je vais rester là combien de temps ? Jack ? Jack !! JACK FROOOST !!!

Je donne un coup de pieds rageur dans la poignée et aussitôt mes yeux sont parcourus de picotement, signe que le dragon en moi s'énerve. Je tente de défoncer la porte, mon côté brutal animé par ma colère contre cet enfoiré de Jack Frost qui vient de m'abandonner dans cette prison géante ! Mais cette ordure avait raison, la porte résiste à mes violents assauts. J'imagine qu'il en ira de même pour les hautes fenêtres qui éclairent la salle. J'abandonne la porte, dépitée et cherche des yeux la Balvive. Elle file allègrement dans les airs à plusieurs mètres du sol, virevoltant de tous côtés, et visiblement sans suivre d'itinéraire précis. Profitant que mon côté dragon soit toujours éveillé, je me lance à la poursuite de ce petit globe, suivant de mon mieux ses brusques changements de trajectoires, sautant aussi haut que possible dès qu'il fait mine de perdre de la hauteur. Je lui court après pendant environ trois quart d'heure, puisant dans les réserves du dragon pour suivre de mon mieux son allure rapide et ses courbes imprévisibles.

Mais peu à peu, je sens mes forces diminuer, mon souffle s'amenuir et je suis obligée de m'arrêter pour reprendre ma respiration. J'ai les jambes en feu et la tête qui tourne, les murs, le plafond et le sol ne me paraissent plus si droits qu'avant...

Je me laisse tomber par terre et rampe jusqu'au mur le plus proche, contre lequel je vais m'adosser en priant pour que le monde cesse de tourner tout autour de moi. La Balvive passe près de moi mais je ne tente même pas de l'attraper, je sais d'avance que je n'y arriverai pas. Je replie mes jambes contre moi et mets ma tête dans mes bras, complètement vidée.

Qu'est ce qui m'a pris d'imaginer que tous mes problèmes seraient résolus en acceptant de suivre les Gardiens ?

Ce n'est pas exactement comme si on avait eu le choix, je doute que Slender et les autres t'auraient accueillis aussi chaleureusement après ce que tu as fait pour la petite Lily.

Oui, mais ils me manquent quand même...

Ta famille te manquait aussi parfois, mais pourtant tu étais heureuse quand même au milieu des creepypastas !

C'est pas pareil ! Et puis là tout de suite je ne suis pas franchement heureuse...

Bien sûr que si c'est pareil ! D'une certaine façon, ils étaient ta deuxième famille d'adoption, et maintenant tu as choisi de partir pour une autre famille, les Légendes ! Et ne vient pas me dire que ce matin dans la bibliothèque tu n'étais pas heureuse d'entendre que tu avais peut-être encore des membres vivants de ta famille d'origine quelque part !

... J'imagine que tu as raison, comme d'habitude.

Je suis la voix de la raison,donc crois-moi, j'ai raison même quand j'ai tort !

Je relève la tête et cherche des yeux la Balvive. Il va bien falloir que je l'attrape un jour, même si Jack Frost est certainement à moitié fou, je ne pense pas qu'il m'aurait demandé de réaliser quelque chose d'impossible ! Je me relève, le sol a cessé de tanguer sous mes pieds. Je sais pertinemment que je n'arriverais à rien sans me servir de mon pouvoir donc je ferme les yeux pour me concentrer. Je tente d'abord d'appeler mon côté dragon, de lui ordonner de se manifester. Mais au bout de dix minutes rien ne s'est produit et je perds patience. Je rouvre les yeux et observe un moment la Balvive le temps de me calmer à nouveau, puis j'essaie une autre approche :
Je ferme de nouveau les yeux mais cette fois je fais le vide dans mon esprit, m'efforçant de chasser toutes pensées parasitaires. Peu à peu, je sens une force chaude et agréable aux portes de ma conscience. Très lentement, je viens l'effleurer doucement en esprit, cherchant à établir un contact avec l'esprit du dragon en moi. Il s'agite et se trouble lorsque je le touche, puis soudain il s'introduit dans mon propre esprit, s'y fondant à la perfection, sans heurts.

Aussitôt ma peau est parcourue de picotements et mes mains gelées se réchauffent sensiblement, une douce chaleur émane de mon corps et le froid humide de la salle ne me paraît bientôt plus qu'un lointain souvenir. Le dragon est là, il ne fait qu'un avec moi et il est prêt à m'écouter et à m'obéir ! Il me suffit de vouloir que mes ailes poussent pour qu'elle jaillissent sous mes épaules, mais cette fois je ne ressent aucune douleur, juste un picotement désagréable. Il me suffit de peu de temps pour que je comprennent comment battre des ailes et les incliner, ensuite je m'élance et repars à la poursuite de la Balvive, tentant de la bloquer dans un coin. Tout d'abord je n'y parviens pas, je ne suis pas encore assez rapide et j'ai beaucoup de mal à tourner, prendre de l'altitude ou encore accélerer et ralentir. Je continue malgré tout, ne tardant pas à comprendre les subtilités et les petits trucs pour réaliser les différentes manoeuvres. Je me désintéresse de la Balvive pendant un temps pour me concentrer sur mes techniques de vol, puis recommence la course-poursuite, pour de bon cette fois-ci !

Il me faut un bon moment pour réussir à la coincer en haut, dans un coin du plafond de la salle, elle essaie de m'échapper en passant en-dessous de moi mais je plonge et me laisse tomber en piqué juste à temps pour la ratrapper du bout des doigts. Je fait de mon mieux pour me redresser et gérer l'atterrissage, mais je heurtes tout de même le sol assez violemment, toutefois je ne lâche pas mon trophée et le tiens même fermement de peur qu'il ne s'échappe et ne reparte à nouveau. Mais petit à petit, la Balvive cesse de bouger, jusqu'à s'arrêter complètement. Ses ailes se replient et disparaissent, comme avalées par la balle. Je désserre le poing lentement et elle tombe par terre avec un petit bruit métallique. Je la regarde rouler sur un bon mètre avant de s'immobiliser pour de bon. Je me relève, complètement vidée, et prends soudain conscience que mes ailes ont déjà disparues, et que dehors derrière les grandes fenêtres de la salle la nuit commence à tomber.

Je me demande si mes amis vont bien... est-ce que je leur manque ou est-ce qu'ils m'en veulent ? Ils ne savent peut-être même pas que je suis ici...

Sûrement, mais ne t'inquiète pas pour eux ils sont certainement très occupés en ce moment et au final ils ne tarderont pas à t'oublier, un peu comme leurs victimes qui finissent toutes par se faire oublier un jour ou l'autre...

Mais moi j'étais leur amie, un ami ça ne s'oublie pas !

Si tu le dis... mais en es-tu bien sûre ? Ils restent des assassins sans pitié et endurcis, quoique tu en dises.

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